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Date: 19980714


T-228-97

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 14 JUILLET 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED

E n t r e :

     HOECHST AKTIENGESELLSCHAFT,

     demanderesse

     (défenderesse reconventionnelle),

     - et -

     ADIR et

     SCHERING CORPORATION,

     défenderesses

     (demanderesses reconventionnelles).

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR l'avis de requête modifié déposé le 8 juin 1998 pour le compte des défenderesses (demanderesses reconventionnelles) en vue d'obtenir :

     a)      une ordonnance autorisant la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Adir à déposer et à signifier, dans les cinq jours du prononcé de l'ordonnance lui accordant cette autorisation, une nouvelle réponse et défense modifiée à la demande reconventionnelle de Hoechst Aktiengesellschaft et de Schering Corporation en la forme précisée à l'annexe 1 ci-jointe;
     b)      une ordonnance autorisant la demanderesse Hoechst Aktiengesellschaft (Hoechst) et la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Schering Corporation (Schering) à déposer et à signifier une réponse à la nouvelle réponse et défense modifiée à la demande reconventionnelle d'ADIR dans les 20 jours du dépôt par ADIR de sa nouvelle réponse et défense modifiée à la demande reconventionnelle;
     c)      une ordonnance autorisant toutes les parties, à savoir la demanderesse Hoechst, la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) ADIR et la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Schering, à déposer et à signifier un affidavit supplémentaire dans les deux semaines du dépôt par Hoechst et Schering de leur réponse à la nouvelle réponse et défense modifiée à la demande reconventionnelle;
     d)      toute autre réparation que la Cour jugera bon d'accorder;

     APRÈS AUDITION de la requête à Ottawa (Ontario) le mardi 30 juin 1998 et pour les motifs prononcés ce jour :

     ACCORDE les réparations demandées aux alinéas a), b) et c).

     DIT que les dépens suivront le sort du principal.

     B. Reed

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date: 19980714


T-228-97

E n t r e :

     HOECHST AKTIENGESELLSCHAFT,

     demanderesse

     (défenderesse reconventionnelle),

     - et -

     ADIR et

     SCHERING CORPORATION,

     défenderesses

     (demanderesses reconventionnelles).

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      La défenderesse ADIR présente une requête en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à modifier sa réponse à la défense que Hoechst Aktiengesellschaft (Hoechst) a produite en réponse à la demande reconventionnelle d'ADIR et l'autorisant à modifier sa défense à la demande de Schering Corporation (Schering). L'action à laquelle les actes de procédure se rapportent vise à obtenir la révision de diverses décisions rendues le 6 août 1996 par le commissaire aux brevets. Ces décisions ont été rendues en vertu du paragraphe 43(8) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, à l'issue de procédures de conflit de priorité.

[2]      Dans le cadre des procédures de conflit de priorité, le commissaire aux brevets a examiné plusieurs revendications de brevets opposées et a statué sur les droits des parties en rédigeant six décisions. Ces décisions ont toutes été portées en appel et les appels ont été réunis pour former la présente action. L'action est donc de type triangulaire, étant donné que chaque partie revendique le droit à un brevet couvrant soit les revendications de brevet initialement examinées par le commissaire aux brevets, soit des revendications subsidiaires de brevets.

[3]      La modification proposée se rapporte à des revendications de brevet qui englobent plusieurs composés (ceux qui sont constitués d'un même noyau mais de chaînes finales différentes sont qualifiés de sous-catégories dans les pièces versées au dossier). Le commissaire aux brevets s'est dit d'avis que, dans le cas des revendications qui lui étaient soumises, celui qui avait fabriqué le premier un des composés de la catégorie devait se voir octroyer un brevet pour la revendication globale. ADIR soutient, contrairement à la thèse défendue tant par Hoechst que par Schering à l'appui du point de vue du commissaire au brevets, que les diverses sous-catégories de la revendication globale sont manifestement distinctes et que le fait qu'une des parties a fabriqué une des sous-catégories ne lui donne pas droit à un brevet visant les autres sous-catégories.

[4]      ADIR désire modifier ses actes de procédure pour alléguer que : (1) dans d'autres instances (notamment dans une instance introduite aux États-Unis), Schering a défendu un point de vue qui est incompatible avec celui qu'elle fait valoir devant la Cour au sujet des revendications subsidiaires d'ADIR; (2) le dossier de la présente instance appuie la thèse d'ADIR suivant laquelle les sous-catégories distinctes sont manifestement distinctes et que celui qui fabrique un ou plusieurs des composés d'une sous-catégorie ne peut, par le biais de la prédiction des activités pharmacologiques, revendiquer les composés d'une autre sous-catégorie. ADIR désire également modifier ses actes de procédure afin d'ajouter à sa réponse à l'assertion de Hoechst suivant laquelle les revendications subsidiaires d'ADIR ne sont pas justifiables que Hoechst a elle-même présenté des revendications subsidiaires semblables.

[5]      Voici un extrait de l'avis de requête modifié d'ADIR en date du 8 juin 1998 :

     8.      Dans les cas où certaines revendications conflictuelles, comme les revendications C-21, C-26 et C-39, portaient sur un même noyau, tel un noyau perhydroindole avec trois ou quatre chaînes finales, ADIR a, dans sa défense et demande reconventionnelle modifiée, demandé que chacun des noyaux associés à une sous-catégorie fasse partie d'un groupe spécifique de revendications subsidiaires indépendantes.         
     9.      ADIR affirme que les sous-catégories distinctes dont il est question dans les revendications subsidiaires sont, ainsi qu'il est allégué aux paragraphes 116 à 119, manifestement distinctes des autres sous-catégories, et elle soutient également qu'un déposant ayant fabriqué un ou plusieurs composés appartenant à une sous-catégorie, comme celle des dérivés phénylalkyle, ne peut pas, d'après la prévision de l'activité pharmacologique, prétendre que des composés appartenant à une sous-catégorie différente, comme celle des dérivés alkyle, cycloalkyle et hétéroalkyle, ont la même activité pharmacologique.         
     10.      Schering prétend que les sous-catégories dont il est question dans les revendications subsidiaires d'ADIR ne sont pas des inventions manifestement distinctes, parce que toute les activités thérapeutiques ne sont pas suffisamment différentes pour constituer une amélioration non évidente par rapport à l'invention réalisée et divulguée dans la demande de Schering d'une part, et conteste l'allégation d'ADIR que les activités thérapeutiques n'étaient pas prévisibles pour les composés qui ne se distinguent que par la chaîne finale qui caractérise la sous-catégorie à laquelle ils appartiennent.         
     11.      Schering allègue que le commissaire a bien défini la portée des revendications opposées (sauf la revendication C26) et que, par conséquent, toutes les revendications larges et sous-catégories comme C-23, C-26 et C-39 devraient être accordées à la partie qui a fabriqué le premier composé faisant partie de la sous-catégorie en question.         
     12.      La demanderesse Hoechst conteste la pertinence des revendications subsidiaires d'ADIR, mais a elle-même présenté plusieurs revendications subsidiaires (les revendications SC20-H-1-3, SC21-H-1-2-, SC22-H-1-3 et SC23-H-1-2SC31H 1-10 et SC31 H-1), qui portent toutes sur des composés dont la chaîne finale appartient à la seule sous-catégorie éthylphényle.         
     Les revendications opposées en litige
     13.      Il y avait au moins quatre demandes de brevet différentes en instance devant l'examinateur entre 1980 et 1992, au moment où le conflit s'est déclaré. Il y avait quarante revendications opposées et les revendications C-17 à C-40 étaient partiellement opposées à une ou plusieurs des trois parties requérantes à la présente instance ainsi qu'à un autre requérant dont l'identité n'a pas été révélée en ce qui concerne les revendications C-37 et C-38 au sujet desquelles le requérant en question n'a pas contesté le conflit.         
     14.      Les revendications conflictuelles C-17 à C-40 constituent toutes des revendications indépendantes de portée variable, ainsi que le commissaire aux brevets l'a jugé en constatant l'existence du conflit et elles comprenaient des revendications visant un seul produit, telles que les revendications C-19, C-24, C-35 etc. et des revendications de plus grande portée sur le même noyau, comme le noyau perhydroindole avec une chaîne latérale appartenant à l'une des trois ou quatre sous-catégories suivantes : alkyle, cycloalkyle, phénylalkyle et hétéroalkyle.         
     15.      Schering a, dans les actes de procédure déposés dans la présente affaire, reconnu qu'en scindant le conflit en plusieurs revendications distinctes composées de revendications plus larges englobant des revendications plus étroites, le commissaire aux brevets n'a pas commis d'erreur et que, par conséquent, les revendications C-19 et C-5 qui font partie de la revendication C-39 peuvent être indépendantes l'une de l'autre.         
     Faits découverts depuis le dépôt de l'affidavit prévu à l'article 448         
     16.      Depuis que toutes les parties ont produit leur liste de documents le 8 décembre 1997, et, plus particulièrement, depuis la vérification du statut de la demande correspondante no 199 886 que Schering a présentée aux États-Unis (qui correspond à un des deux conflits de priorité au Canada), de nouveaux faits pertinents indiquent que Schering a scindé sa demande américaine correspondante en plusieurs demandes dans lesquelles les revendications portaient sur des composés ne différant que par le noyau de la molécule ou par l'extrémité d'une chaîne latérale, dont bon nombre sont similaires ou analogues aux revendications subsidiaires présentées par ADIR, comme les revendications contenues dans la demande no 117 008, qui a abouti au brevet no 4 818 749.         
     17.      La demande initiale de priorité visant le brevet américain 199 886 qui a été déposée le 23 octobre 1980 a été scindée en dix demandes distinctes de brevets qui se sont soldées par la délivrance de six brevets américains, par suite du désistement déposé au sujet de quatre de ces demandes de brevet.         
     18.      Les six brevets américains que Schering a obtenus grâce à la priorité qui lui a été reconnue à la suite de la demande de brevet américain no 199 886 sont le brevet américain no 4,587,258 (portant sur des composés de la famille du Ramipril), le brevet américain no 4,470,972 (portant sur des composés de la famille du Spirapril), le brevet américain no 4,808,573 (portant sur des composés contenant un noyau proline), le brevet américain no 4,818,749 (portant sur des composés contenant un noyau perhydroindole avec une chaîne terminée par un groupement phényle), le brevet américain no 4,831,157 (procédé de préparation des composés de la famille du Ramipril), le brevet américain no 5,348,944 (certains isomères du Ramipril).         
     19.      La défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Adir s'est renseignée auprès du commissaire aux brevets pour savoir s'il y avait des demandes correspondantes au Canada, ce que le commissaire lui a confirmé.         
     20.      ADIR ignore l'état d'avancement de ces demandes ou revendications correspondantes et ne sait pas si elles font partie de la procédure de conflit de priorité de Schering, si elles font partie d'autres demandes scindées confidentielles ou si elles ont fait l'objet d'un désistement.         
     21.      Il est de l'intérêt de tous de s'assurer que les revendications qui pourraient couvrir ou englober des composés visés par les revendications C-17 à C-40 en litige ne continuent pas à faire l'objet d'autres demandes ou que leur existence ne soit pas révélée dans les demandes donnant lieu aux revendication déclarées opposées.         
     22.      Bien qu'elle affirme que certaines inventions sont distinctes en raison de leurs chaînes finales différentes, ainsi qu'elle l'affirme aux paragraphes 116 à 119 de sa défense et demande reconventionnelle modifiée, ADIR a, dans la demande no 117 008 qu'elle a présentée aux États-Unis, demandé et obtenu, relativement au brevet américain no 4 818 749, 21 revendications portant sur un groupe de composés renfermant un noyau perhydroindole avec des chaînes terminées par un groupement phénylalkyle.         
             
     23.      Par conséquent, la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) ADIR souhaite alléguer les faits pertinents articulés à l'alinéa 18a) de sa défense et demande reconventionnelle modifiée de nouveau.         
     24.      Pour les mêmes raisons, la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) ADIR désire obtenir l'autorisation de déposer un affidavit complémentaire dans lequel elle énumérerait les demandes étrangères en question de Schering et de Hoechst.         
     25.      Ces modifications permettraient : 1) de mieux cerner la question de l'admissibilité des revendications subsidiaires et de leur brevetabilité; 2) de mieux cerner la nature et la portée de la prévisibilité des propriétés pharmacologiques relatives à certains noyaux ou chaînes finales d'un composé donné; 3) d'inventorier plus facilement les documents pertinents que les parties doivent produire relativement à leur liste respective présentée conformément à l'article 448 des Règles, ainsi que la portée de l'enquête préalable et de lever certains ambiguïtés et de corriger certains vices qui pourraient entacher les actes de procédure et la liste de documents; 4) de mieux cerner la portée des brevets et revendications revendiqués par chacune des parties dans leurs conclusions.         
     26.      Ni la demanderesse ni la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Schering ne subira de préjudice, car les modifications demandées relatent des faits pertinents provenant de la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Schering que, de toute évidence, ils connaissent déjà.         
     27.      En revanche, le refus d'autoriser les modifications demandées causera un préjudice à la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) ADIR ainsi qu'à la Cour, dans la mesure où il est dans l'intérêt de la justice que les faits pertinents et les questions en litige fondés sur les éléments de preuve les plus récents et les plus pertinents soient portés à la connaissance de la Cour. [Les erreurs et le soulignement se trouvent dans l'original.]         

[6]      Schering et Hoechst s'opposent à la modification au motif que : (1) le point de vue adopté dans d'autres instances n'est pas pertinent parce que les composés sont différents de ceux qui étaient soumis au commissaire aux brevets (les revendications formulées dans d'autres instances se rapportent à des noyaux qui sont composés de deux cycles hexagonaux); (2) il n'y a de toute façon pas d'irrecevabilité parce qu'ADIR n'est pas en mesure de démontrer qu'elle s'est fiée à son détriment au point de vue adopté par Schering dans l'instance introduite aux États-Unis; (3) l'irrecevabilité fondée sur le dossier de la demande de brevet (le " file wrapper estoppel ") n'est pas reconnue en droit canadien. Hoechst ajoute que : (4) la modification demandée par ADIR contredit ses autres conclusions; (5) ADIR a mal compris le point de vue adopté par Hoechst au sujet des revendications subsidiaires d'ADIR.

[7]      Le point de départ de toute analyse en la matière se trouve dans des décisions comme Francoeur c. Canada, [1992] 2 F.C. 333 (C.A.F.), Beattie c. Canada (1995), 89 F.T.R. 121 (prot. féd.), et Bande Enoch des Indiens de Stony Plain c. Canada (18 novembre 1993, A-294-77, A-52-92). Dans l'arrêt Bande Enoch des Indiens de Stony Plain, la Cour d'appel fédérale a déclaré dans les termes les plus nets que la Cour " ne refuse les modifications que dans les cas clairs et évidents où il n'existe aucun doute ". La Cour a jugé que les modifications demandées ne devaient pas être refusées lorsqu'il s'agit d'un domaine du droit qui demeure flou.

[8]      Je passe donc aux arguments avancés pour motiver le refus d'accorder les modifications proposées. En ce qui concerne le premier argument, je suis d'accord avec la réponse d'ADIR selon laquelle cet argument est axé sur la mauvaise question. La question qui se pose n'est pas celle de savoir si les deux structures chimiques sont identiques, mais plutôt celle de savoir, lorsque les chaînes finales des sous-catégories sont différentes, si les principes de l'effet pharmacologique et de la prévisibilité s'appliquent pour justifier d'accorder toutes les sous-catégories à celui qui a fabriqué la première sous-catégorie. C'est la similitude des points de vue adoptés, et non le fait de ne pouvoir différencier les composés qui importe.

[9]      En ce qui concerne le fait de se fier à son détriment à certaines déclarations, ADIR soutient qu'il y a plusieurs genres d'irrecevabilité et qu'elles n'exigent pas toutes un élément de confiance. ADIR cite à cet égard Halsbury's Laws of England (1992), v. 16, par. 957. En l'espèce, l'argument d'ADIR me fait penser à l'expression familière " on ne saurait vouloir les choses et leur contraire ". Voici un extrait de l'ouvrage de Halsbury's :

     [TRADUCTION]         
     Suivant le principe qu'une personne ne peut à la fois approuver et désapprouver quelque chose, un type d'irrecevabilité est né qui semble se situer entre l'irrecevabilité pour cause de chose jugée (estoppel by record) et l'irrecevabilité en raison de la conduite (estoppel in pais). Le principe suivant lequel une personne ne peut à la fois approuver et désapprouver quelque chose sous-tend deux autres principes :         
         (1)      comme il a le choix entre deux partis différents, l'intéressé doit être présumé avoir fait un choix sur lequel il ne peut revenir par la suite;         
         (2)      l'intéressé ne sera considéré, du moins en règle générale, avoir fait ce choix que lorsqu'il a retiré un avantage du premier choix qu'il a fait et lorsque sa conduite ultérieure contredit ce choix. [Renvois omis.]         

[10]      En ce qui concerne l'utilisation des pièces versées au dossier (ce qu'on appelle parfois l'irrecevabilité fondée sur le dossier de la demande de brevet ou " file wrapper estoppel "), Schering et Hoechst citent les décisions Amfac Foods Inc. c. Irving Pulp & Paper Ltd. (1984), 2 C.I.P.R. 115 (C.F. 1re inst.)1 et P.L.G. Research Ltd. et al. c. Jamoch Steel Fabricating Co. (1991), 35 C.P.R. (3d) 346 (C.F. 1re inst.)2, conf. à (1992), 41 C.P.R. (3d) 492 (C.A.F.), à la page 492, à l'appui de la proposition que les dossiers de demandes de brevets ne sont pas admissibles.

[11]      L'avocat d'ADIR cite pour sa part les décisions Laboratoire Pentagone Limitée c. Parke, Davis & Company, [1968] R.C.S. 307, Beatty Bros. Limited v. Lovell Manufacturing Company, [1959] S.C.R. 245, Foseco Trading A.G. c. Canadian Ferro Hot Metal Specialities (1991), 36 C.P.R. (3d) 35 (C.F. 1re inst.), Crilla Plastics Industries Ltd. c. Ninety-Eight Plastic Trim Ltd. (1985), 6 C.P.R. (3d) 137 (C.F. 1re inst.), Heffco Inc. v. Dreco Energy Services Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 81 (Prot. féd.), Cochlear Corp. c. Cosem Neurostim Ltée. (1995), 64 C.P.R. (3d) 10 (C.F. 1re inst.), Montreal Fast Print (1975) Ltd. c. Polylok Corporation (1983), 75 C.P.R. (2d) 95 (C.F. 1re inst.) et Carnation Foods Co. Ltd. c. Amfac Foods Inc. et al. (1982), 63 C.P.R. (2d) 203 (C.A.F.). Il tire de cette jurisprudence la conclusion que les pièces versées au dossier peuvent, dans certaines circonstances, être admissibles et que l'admissibilité et la pertinence de ces pièces est souvent une question qu'il vaut mieux laisser le juge du procès trancher. Il soutient que l'affaire Laboratoire Pentagone est particulièrement pertinente. Il fait en outre remarquer qu'il ne cherche pas à utiliser les pièces qui se trouvent dans le dossier des États-Unis pour interpréter la portée des revendications du brevet, pièces dont l'objet a été jugé inadmissible dans le jugement Amfac (précité). L'avocat cherche à produire ces éléments de preuve au motif qu'ils sont pertinents à la question de la prévisibilité des effets pharmacologiques et du caractère distinctif brevetable. Il s'agit de questions de fait qui se rapportent à la validité.

[12]      Les arguments de l'avocat d'ADIR m'ont convaincu. Je ne suis pas persuadée que, dans le cas qui nous occupe, une requête interlocutoire visant les actes de procédure soit un cadre de discussion approprié pour se prononcer sur la question de l'admissibilité ou de la pertinence des pièces versées au dossier en cause. Je ne puis conclure qu'elles sont manifestement inadmissibles ou non pertinentes. Je ne suis pas persuadée non plus que toutes les pièces versées au dossier sont automatiquement inadmissibles dans tous les cas. Il est préférable de laisser le juge du fond décider quelles sont les pièces du dossier qui sont pertinentes et admissibles et préciser l'objet pour lequel elles sont pertinentes. Je ne crois pas que cette question puisse utilement être tranchée à l'étape des plaidoiries.

[13]      En ce qui concerne l'opposition de Hoechst à la modification qu'ADIR souhaite apporter au motif que cette modification contredit les actes de procédure d'ADIR elle-même, l'avocat d'ADIR fait remarquer que cela n'est pas exact. Dans ses actes de procédure, ADIR nie qu'on soit en présence d'inventions distinctes, non pas parce que les chaînes finales sont différentes, mais parce que les isomères sont distincts. En ce qui concerne l'argument que, par la modification qu'elle veut apporter à sa réponse à la défense de Hoechst, ADIR interprète de façon erronée la position de Hoechst au sujet des revendications subsidiaires d'ADIR, la réponse de l'avocat d'ADIR est, sauf erreur, que toutes les revendications que Hoechst réclame comportent des chaînes finales éthylphényles et, par conséquent, que les éléments de preuve se rapportant à la prévisibilité des effets pharmaceutiques relatifs à cette sous-catégorie sont pertinents à la revendication de Hoechst. Je souscris au raisonnement de l'avocat d'ADIR. Je suis persuadée qu'il est préférable de laisser au juge du procès le soin de se prononcer sur le bien-fondé des arguments de Hoechst.


[14]      Par ces motifs, l'autorisation de modifier l'acte de procédure est accordée.

    

                                 Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 juillet 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-228-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      HOECHST AKTIENGESELLSCHAFT c. ADIR et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      30 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge Reed le 14 juillet 1998

ONT COMPARU :

Mes Landry et Robinson          pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) (ADIR ET CIE)
Me Creber                  pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) (SCHERING CORPORATION)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Ogilvy, Renault              pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle)
Montréal (Québec)              ET CIE)
Gowling, Strathy & Henderson      pour la défenderesse (demanderesse reconventionnelle)
Ottawa (Ontario)              (SCHERING CORPORATION)

__________________

     1      Aux pages 143 et 144.

     2      Aux pages 349 et 350.

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