Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011025

Dossier : IMM-6503-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1159

ENTRE :

LYDIA ORITSEWEYINMI ADODO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé, en date du 5 décembre 2000, de reconnaître à la demanderesse le statut de réfugié au sens de la Convention.

[2]                 La question qui se pose est de savoir si la Commission a erronément interprété la preuve documentaire sur la mutilation génitale des femmes (MGF), le témoignage de la demanderesse quant à ses trois soeurs et la preuve concernant le président national de l'association de volley-ball.


[3]                 La Commission a déclaré ce qui suit concernant le président national :

Elle prétend qu'elle a pu participer à la compétition qui s'est déroulée au Canada parce que cet Alhaji entretenait des relations étroites avec le président national de l'association de volley-ball. Elle ne connaît pas le nom de famille du président national, quel emploi il occupe à temps plein ou son lieu de résidence, ce qui est étrange chez quelqu'un qui faisait partie de l'équipe nationale.

Il s'agit d'une erreur parce que la demanderesse a mentionné deux fois les nom et prénom du président national dans la transcription. Qui plus est, à mon avis, il n'est pas approprié de conclure qu'elle ne connaissait pas le président national, compte tenu du fait qu'elle faisait partie de l'équipe nationale de volley-ball du Nigéria qui a participé à la compétition de la Coupe du monde junior à Saskatoon, ni qu'elle ne savait pas non plus quel emploi il occupait ou quel était le lieu de sa résidence. Cette conclusion est manifestement déraisonnable, particulièrement si l'on considère le fait que la Commission n'a même pas pris acte qu'elle connaissait le prénom et le nom du président.


[4]                 Il était probablement loisible à la Commission de conclure que les trois soeurs de la demanderesse n'avaient pas été excisées. Dans son témoignage, la demanderesse a affirmé que ses deux soeurs plus âgées étaient mariées et que leur père était décédé après leur mariage. Cependant, la Commission n'avait pas besoin d'inférer que les soeurs de la demanderesse n'avaient pas été excisées parce que leur père s'y opposait. En ce qui a trait à la plus jeune soeur, âgée de 12 ans, il est peu probable que le fait qu'elle ne soit pas excisée soit pertinent quant à la crainte de la demanderesse de subir une mutilation génitale si elle devait retourner au Nigéria. Quoi qu'il en soit, la Commission n'a pas commis d'erreur donnant matière à révision en faisant allusion aux soeurs non excisées eu égard à la preuve qui lui a été présentée.

[5]                 La Commission a bel et bien commis une erreur en ce qui concerne la preuve documentaire présentée à l'égard de la mutilation génitale des femmes. La Commission a affirmé à la page 2 :

La preuve documentaire présentée au tribunal indique que [traduction] « les peuples Itsekiri ne pratiquent pas habituellement la mutilation génitale des femmes (MGF). »

La Commission a ensuite fait référence à une pièce particulière, la réponse à la demande de renseignement no NGA35426.E, en date du 3 novembre 2000, qui lui a été présentée. La preuve précitée se trouve dans ce document qui indique ce qui suit :

[traduction] Le document NGA34047.E du 20 avril 2000 mentionne que les peuples Itsekiri ne pratiquent pas habituellement la mutilation génitale des femmes (MGF).

[6]                 Même si la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a sans doute fait cette affirmation au regard du document NGA34047.E, celle-ci est manifestement erronée dans le contexte du document NGA35426.E. Le document NGA34047.E comporte l'information suivante :

[traduction] En règle général, cependant, environ 40 p. 100 des femmes des ethnies haoussa, yoruba et ibo, efik, shuwa et de la plupart des groupements de population, à l'exclusion des Itsekeri de la province de Cross Rivers, subissent une mutilation génitale (WHO 1998; FGM Network 1982). Par ailleurs, le Country Reports 1999 indique que, même si les estimations varient, entre 40 et 60 p. 100 des femmes du Nigéria subissent une mutilation génitale et que, selon les experts locaux, la prévalence réelle pourrait être aussi élevée que 90 p. 100. Néanmoins, la plupart d'entre eux s'entendent pour dire que le nombre de jeunes filles soumises à cette pratique diminue (février 2000, 333).


Il est établi que la demanderesse ne fait pas partie de l'ethnie des Itsekiri de la province de Cross Rivers, mais qu'elle habite plutôt dans la province du Delta, située à quelque 150 km de la province de Cross Rivers.

[7]                 Il faut se rappeler que la demanderesse a affirmé qu'il existait une possibilité sérieuse qu'elle soit persécutée au Nigéria pour deux raisons : son mariage forcé avec Alhaji, un musulman, et l'excision forcée. À mon avis, il se peut très bien que la Commission ait été accidentellement induite en erreur par le sommaire que la Direction des recherches a fait du document NGA34047.E, mais il s'agit d'une erreur manifeste. Ce document constitue le point déterminant de la revendication de la demanderesse. J'estime que cette erreur justifie l'annulation de la décision. Je ne refuse pas d'admettre que la décision est fondée sur plusieurs contradictions et incohérences relevées par la Commission. Toutefois, considérant les erreurs commises par rapport aux documents sur la mutilation génitale des femmes et concernant le président national de l'association de volley-ball, il m'est impossible de conclure qu'il n'y a pas eu mauvaise appréciation de la preuve par la Commission. J'accepte la partie du raisonnement de la Commission concernant le rejet de l'argument selon lequel la demanderesse serait obligée de se marier avec Alhaji, mais je rejette la conclusion suivante :

[¼] le tribunal en arrive à la conclusion que cette preuve n'est pas suffisamment fiable ni crédible pour donner raison à la revendicatrice qui affirme qu'il existe une possibilité sérieuse qu'elle soit persécutée au Nigéria, persécution qui prendrait la forme [¼] d'une excision par suite de pressions des membres de sa famille d'ethnie itsekiri.

J'estime qu'il ne m'appartient pas de formuler des hypothèses sur les conclusions que la Commission aurait pu tirer si elle n'avait pas pris en compte le document NGA35426.E.


[8]                 La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission en date du 5 décembre 2000 est annulée. L'affaire est renvoyée à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur celle-ci.

« W. P. McKeown »

                                                                                                                   

JUGE

TORONTO (ONTARIO)

Le 25 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                             IMM-6503-00

INTITULÉ :                                                           LYDIA ORITSEWEYINMI ADODO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE MERCREDI 10 OCTOBRE 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                   MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

DATE DE L'AUDIENCE :                                 LE JEUDI 25 OCTOBRE 2001

COMPARUTIONS :

Bola Adetunji                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Mary Matthews                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bola Adetunji                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Carlton on the Park

120, rue Carlton, bureau 313

Toronto (Ontario)

M5A 4K2

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               Date : 20011025

                                                                                       Dossier : IMM-6503-00

Entre :

LYDIA ORITSEWEYINMI ADODO                      

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                     

         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                      


Date : 20011025

Dossier : IMM-6503-00

TORONTO (ONTARIO), LE 25 OCTOBRE 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

LYDIA ORITSEWEYINMI ADODO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission en date du 5 décembre 2000 est annulée. L'affaire est renvoyée à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur celle-ci.

         « W. P. McKeown »        

JUGE

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.