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Date : 20060707

Dossier : T-2153-04

Référence : 2006 FC 857

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2006

En présence de monsieur le juge Mosley    

 

ENTRE :

AMPARO TORRES VICTORIA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

 

[1]               Ces motifs abordent trois questions qui ont été traitées en une seule audience : une demande de contrôle judiciaire et une ordonnance de mandamus au sujet d’une demande de citoyenneté en suspens; une requête au nom de la demanderesse pour la production de certains documents détenus par le défendeur; une requête déposée par le défendeur visant le rejet de la demande sous-jacente au motif qu’elle est prescrite. Étant donné que j’ai conclu que la requête aux fins de production devait être rejetée et que la requête en rejet devait être accordée, la demande sous-jacente sera également rejetée.  

FAITS

[2]               La demanderesse, Amparo Torres Victoria, est une citoyenne de la Colombie venue au Canada en tant que réfugiée au sens de la Convention en décembre 1996, par le Mexique, qui a obtenu le statut de résidente permanente à son entrée. En juin 2000, elle a demandé la citoyenneté.

 

[3]               Le 12 janvier 2001, la demande a été acheminée à la Direction générale du règlement des cas (DGRC) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) aux fins d’examen et de surveillance jusqu’à la fin  d’une habilitation de sécurité par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). À sept occasions, entre février 2001 et juillet 2004, en réponse aux demandes de renseignements présentées par la DGRC, le SCRS a fait savoir que la question continuait à faire l’objet d’une étude. La DGRC a également consulté la Direction générale de l’examen de la sécurité de CIC qui fait dorénavant partie de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le 6 février 2003 en ce qui concerne la demande. La DGRC a demandé des mises à jour à la Direction générale de l’examen de la sécurité à cinq occasions entre le 26 janvier et le 6 décembre 2004. En 2004, la demanderesse, ses amis et un employeur de la demanderesse ont également été interrogés par des agents du SCRS. 

 

[4]               La demanderesse a déposé son avis de demande initial devant notre Cour le 2 décembre 2004 en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus pour que le défendeur accorde la citoyenneté à la demanderesse dans un délai de trente jours suivant l’ordonnance de la Cour, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.  

 

[5]               L’affidavit de Roger Payette, analyse des cas de citoyenneté à CIC, a été signifié et déposé par le défendeur le 21  février 2005. La demanderesse a contre-interrogé M. Payette le 18 mars 2005. Au cours du contre-interrogatoire, le défendeur s’est opposé aux demandes de production de certains documents au motif qu’ils contenaient des communications privilégiées. D’autres questions ont été prises en considération et l’avocat du défendeur a fourni des réponses le 23 mars 2005.

 

[6]               La demanderesse a déposé son dossier de demande le 30 mars 2005. Le défendeur a déposé son dossier le 18 avril 2005.

 

[7]               Le 13 avril 2005, un rapport a été présenté en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) par l’agent A. Jenkins de l’ASFC. Le Ministre a renvoyé le rapport à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour une audience le15 avril 2005. À la date de l’audience liée à ces questions, les procédures devant la Commission en étaient à l’étape des observations finales.   

 

[8]               Le rapport de l’agent Jenkin précise qu’à son avis, la demanderesse est interdite de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, car il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle est membre des Forces armées révolutionnaires de Colombie (« FARC »), qu’elle a fréquenté des organisations liées aux FARC, qu’elle a mené des activités à l’appui des FARC et qu’elle a fréquenté des membres des FARC.   

 

[9]               Les FARC ont été qualifié d’entité terroriste par le gouvernement du Canada en vertu du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, DORS/2001-360 et du Code criminel L.R.C, ch. C-34.

 

[10]           Dans son affidavit de février 2005, M. Payette a déclaré que son bureau avait reçu sept communications du SCRS au sujet de la demanderesse. Au cours du contre-interrogatoire, il a nié connaître les préoccupations que pouvait avoir le SCRS au sujet de la demanderesse. Le défendeur a divulgué quatre des sept communications. Aucune ne révèle des renseignements importants. Elles ne parlent que du « sujet sous examen » (13 février 2001); du « sujet qui fait l’objet d’une étude » (24 février 2001 et 20 juillet 2001); du « sujet qui fait toujours l’objet d’une étude » (4 octobre 2001).

 

[11]           M. Payette précise dans son affidavit qu’il a également demandé des mises à jour cinq fois à la Direction générale de l’examen de la sécurité de l’ASFC en 2004. Le défendeur avait divulgué l’une de ces demandes. Le défendeur a invoqué le privilège pour les quatre autres demandes, mais a divulgué des dossiers informatiques en soulignant que M. Payette avait bel bien fait les demandes.    Au cours du contre-interrogatoire, M. Payette n’était pas en mesure de dire s’il avait reçu une réponse à ses demandes en 2004, car il n’avait pas apporté le dossier au contre-interrogatoire. L’avocat du défendeur s’est opposé à la production des dossiers au motif que le contre‑interrogatoire n’était pas un interrogatoire préalable et que les dossiers pouvaient être privilégiés en vertu de l’article 37 ou 38 de la Loi sur la preuve au Canada L.R.C, ch. E-10. Par la suite, le défendeur a informé l’avocat de la demanderesse que la réponse à la question était négative, M. Payette n’avait pas reçu de réponse à ses demandes en 2004. M. Payette n’avait reçu aucune réponse de l’ASFC, ce qui a eu pour effet d’ajouter à la déclaration l’information selon laquelle ils avaient des « préoccupations ». 

 

[12]           M. Payette a déclaré qu’il ne pouvait pas traiter la demande de citoyenneté de la demanderesse parce qu’elle n’avait reçu aucune habilitation de sécurité du SCRS et parce qu’il attendait une réponse de l’ASFC. Il a également mentionné, dans le cadre du contre-interrogatoire, qu’il allait transmettre le dossier de la demanderesse à un bureau local pour que sa citoyenneté soit traitée une fois l’habilitation de sécurité reçue du SCRS.

 

Requête en production

 

[13]           La requête de la demanderesse déposée le 14 septembre 2005 fait référence aux règles 96, 97, 317, 318 et 359 des Règles des Cours fédérales, 1998, à l’appui d’une demande de directives de la Cour en ce qui concerne la production des communications non divulguées du SCRS dont il était question dans l’affidavit du 18 février 2005 de Roger Payette. Ces communications étaient énumérées dans l’assignation à comparaître pour le contre-interrogatoire remise au défendeur et ont fait l’objet de refus au motif qu’il s’agissait de renseignements privilégiés au cours du contre‑interrogatoire de M. Payette le 18 mars 2005.  

 

[14]           Les observations des parties portaient principalement sur la portée de la règle 317 au sujet des requêtes en production et sur la résolution des oppositions à de telles demandes en vertu de la règle 318. La règle 317(1) prévoit qu’une partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas, mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande. Cette demande peut être incluse dans l’avis de demande. Si cela n’est pas fait, comme dans ce cas-ci, la demande doit être signifiée aux autres parties. En vertu de la règle 318, le tribunal doit transmettre les documents demandés dans un délai de 20 jours, à moins que le tribunal ou une partie s’y oppose. La règle 318(4) prévoit que la Cour peut, après avoir entendu les observations, tenir compte de l’opposition et ordonner la production.

 

[15]           Étant donné qu’une partie peut uniquement demander les documents ou éléments matériels qui sont en la possession du tribunal dont l’ordonnance fait l’objet de la demande », les règles 317 et 318 ne peuvent être invoqué que si la décision ou l’ordonnance d’un tribunal fait l’objet d’un contrôle : Gaudes c. Canada (procureur général), 2005 CF 351, [2005] A.C.F. no 434 (QL). Lorsque l’objet de la demande sous-jacente est de contraindre l’exécution d’une obligation prévue par la loi, comme dans l’espèce, il n’est pas tout à fait clair que ces règles soient applicables.  

 

[16]           Toutefois, si l’on présume pour les besoins de la cause que la règle 317 ne s’applique pas aux documents en la possession du défendeur qui concernent la demande de citoyenneté non traitée, à mon avis, ils ne sont pas destinés à être utilisés pour obtenir des renseignements qu’une partie a refusé d’apporter à un contre-interrogatoire en réponse à une assignation à comparaître, ou pour obtenir des réponses à des questions concernant lesquelles le privilège a été invoqué au cours du contre-interrogatoire. 

 

[17]            La requête de la demanderesse a été déposée cinq mois après le contre-interrogatoire au cours duquel la requête en production initiale des documents a été faite et à laquelle le défendeur s’est opposé au motif qu’il s’agissait de renseignements privilégiés. Le plan d’action approprié qu’aurait dû suivre la demanderesse lorsque ces questions sont survenues au cours du contre-interrogatoire de M. Payette était d’ajourner pour obtenir une orientation de la cour, conformément à la règle 97 des Règles des Cours fédérales, 1998. La demanderesse ne l’a pas fait; elle a plutôt choisi de continuer à poser ses questions. Le défendeur a répondu aux questions prises en considération au cours du contre-interrogatoire le 23 mars 2005. Il semble qu’aucun autre effort n’ait été déployé pour obtenir les communications non divulguées, jusqu’au dépôt de la présente requête.

 

[18]           Je suis d’accord avec la demanderesse que les éléments de preuve présentés par M. Payette au cours du contre-interrogatoire au sujet de la nature des préoccupations que pouvait avoir le SCRS à propos de la demanderesse étaient extrêmement vagues. Il aurait été plus utile pour la Cour dans ces procédures que M. Payette se présente au contre-interrogatoire avec le dossier en sa possession et qu’il soit en mesure de fournir à l’avocat des réponses claires et précises, sous réserve de tout privilège invoqué. Le fait qu’il n’ait pas agi ainsi suggère une stratégie consciente visant à limiter la quantité de renseignements que pouvait obtenir la demanderesse au cours du contre-interrogatoire. Néanmoins, la réparation adéquate pour la demanderesse aurait été d’aborder la question à ce moment, et non près de six mois plus tard. 

 

[19]           Les procédures ont continué après le contre-interrogatoire sans que la demanderesse ne déploie d’effort apparent de faire intervenir la Cour concernant le fait que M. Payette se soit présenté sans le dossier et qu’il ait refusé de répondre aux questions au sujet desquelles une opposition a été soulevée. La demanderesse a déposé son dossier de demande le 30 mars 2005. Le défendeur a ensuite déposé son dossier de demande le 18 avril 2005. Il s’agit là de « nouvelles étapes » importantes entreprises dans les procédures qui vont à l’encontre de l’exercice de discrétion de la Cour en vue d’ordonner la production en vertu de la règle 318 (4).

 

[20]            La fameuse règle sur les nouvelles étapes a été décrite par notre Cour dans Vogo Inc. c. Acme Window Hardware Inc. (2004), 256 FTR 37, 2004 CF 851, au paragraphe 60, de la façon suivante :

Le but de la règle sur les « nouvelles étapes » permet d’éviter une partie d’agir de façon incohérente par rapport à sa conduite antérieure dans le cadre de la procédure. En plaidant en réponse à une déclaration, par exemple, un défendeur peut renoncer à son droit de porter plainte pour problèmes graves dans les allégations faites contre lui. La règle des nouvelles étapes vise à éviter un dommage à une partie s’étant représentée elle-même conformément aux mesures procédurales prises par la partie adverse, alors qu’il serait injuste de permettre le renversement au niveau de l’approche.

 

[21]           En février 2005, la demanderesse connaissait déjà l’existence des communications au sujet desquelles le défendeur invoquait le privilège. Ce n’est que près de six mois plus tard qu’elle a entrepris des démarches pour la production des communications et, entre-temps, elle a déposé son dossier de demande, tout comme le défendeur. Je remarque que dans les procédures d’admissibilité parallèles devant la Section de l’immigration, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile avait demandé et obtenu une ordonnance de protection de la confidentialité de certains renseignements. Peu importe si cela a donné lieu ou non à la présente requête, je conclus que la demanderesse a entrepris une nouvelle étape dans les procédures et que maintenant, elle ne peut pas demander la production.

 

[22]           Si je fais fausse route avec cette conclusion, j’ai également examiné si les documents demandés seraient applicables à la demande que j’ai devant moi, conformément à la règle 317 (1). La portée de la production en vertu de la règle 317 a été examinée par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455, 180 N.R. 152,  autorisation d’appel à la CSC refusé, [1995] S.C.C.A. no 306. Un tribunal est obligé de produire les documents pertinents seulement. Un document est pertinent pour une demande de contrôle judiciaire s’il peut avoir une incidence sur la décision que la Cour prendra. La pertinence est déterminée par la référence à des motifs de contrôle établis dans l’avis initial et l’affidavit à l’appui de la demanderesse.

 

[23]           Dans ce cas, la demanderesse demande des copies des communications entre CIC et le SCRS au sujet de sa demande de citoyenneté. La demande sous-jacente de mandamus est fondée sur un délai non raisonnable dans le traitement de la demande de citoyenneté. La demanderesse a laissé entendre que le contenu des documents en question pouvait peut-être confirmer que la raison pour laquelle le SCRS retardait l’habilitation de sécurité était qu’il espérait obtenir des renseignements de la demanderesse sur des membres des FARC qu’elle avait fréquentés auparavant.

 

[24]           La demanderesse déclare dans son affidavit déposé à l’appui de la requête qu’elle croit que le SCRS souhaite qu’elle devienne une délatrice. Si les communications contenaient de tels renseignements, la demanderesse soutient que cela établirait que M. Payette a trompé la Cour dans son affidavit et dans ses réponses au cours du contre-interrogatoire quant aux motifs du retard dans le traitement de la demande de citoyenneté et cela appuierait une constatation indiquant que le délai avait été déraisonnable. La demanderesse me demande de lire les communications afin de déterminer si elles sont pertinentes ou non. Le défendeur indique que cela invoquerait les exigences, en vertu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qu’un avis soit signifié au procureur général du Canada et qu’une audience se tienne en vue de déterminer si la divulgation des renseignements est dommageable pour les relations internationales, ou pour la défense nationale ou la sécurité nationale. 

 

[25]           S’il n’y avait pas eu de changement important concernant le statut de la demanderesse, j’aurais conclu que le contenu des documents en question pouvait être pertinent afin d’établir si le délai dans le traitement de la demande de citoyenneté était raisonnable et j’aurais ordonné leur production pour que la Cour les lise et traite de l’opposition du défendeur. Cependant, la question relative à l’admissibilité de la demanderesse à la citoyenneté est maintenant entre les mains d’une autre tribune, notamment l’audience d’admissibilité en vertu de l’article 44(2), et conformément à ce que je formulerai ci-dessous, il n’y a plus de raisons de continuer avec la demande de contrôle judiciaire et le mandamus.   

 

[26]           Aucun élément de preuve ne me permet de conclure que l’agent a trompé la Cour, simplement une hypothèse selon laquelle le contenu des communications protégées appuierait une constatation de mauvaise foi et d’abus de procédures. Cependant, même en présence d’un tel élément de preuve et même si je découvrais qu’il y a eu abus des procédures de la Cour, à la lumière des circonstances qui ont changé concernant la demande sous-jacente, une telle constatation n’aurait aucun effet pratique.

 

[27]           Puisque la demanderesse a demandé ses recours de façon tardive, les parties ont entrepris de nouvelles étapes dans les procédures et le contenu des documents n’aurait plus d’incidence sur la résolution de la demande de mandamus sous-jacente, je prends la décision de ne pas ordonner leur production.

 

Requête en rejet

 

[28]           Une ordonnance de mandamus est un recours discrétionnaire équitable. Parmi les critères relatifs à son émission, il existe une obligation légale publique d’agir pour la demanderesse, un droit clair d’exercer cette obligation, et l’ordonnance demandée doit avoir des effets pratiques : Apotex c. Canada (procureur général), [1994] 1 C.F. 742, (1993) 162 N.R. 177 (F.C.A.).

 

[29]            Le défendeur tente d’obtenir le rejet sommaire de la demande sous-jacente pour le mandamus principalement au motif que la demanderesse n’a plus le droit d’exercer l’obligation du Ministre de traiter sa demande de citoyenneté et la procédure n’a aucune chance de réussite, puisqu’à l’heure actuelle, elle fait l’objet d’une procédure d’expulsion devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Ainsi, le mandamus est prescrit et irréalisable, compte tenu de l’article 14 (1.1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1974‑75‑76, ch. 108 (la « Loi »).

 

[30]           Le défendeur soutient également que le motif invoqué par la demanderesse visant le maintien de la procédure de mandamus, notamment son intention de demander de joindre cette demande avec sa contestation du rapport en vertu de l’article 44(1) dans la demande d’autorisation IMM-2710-05, en fonction d’un abus de procédures allégué, n’est plus valable, étant donné que la demande d’autorisation a été rejetée par la Cour le 6 octobre 2005. Puisque le dossier dans la demande de mandamus a été présenté à la Cour dans la demande d’autorisation, le défendeur soutient que les allégations d’abus de procédures ont déjà été considérées comme non fondées. 

 

[31]           Une requête interlocutoire sera envisagée avant une audience sur le bien-fondé lorsque la demande initiale n’a aucune chance de réussite.   Dans Labbeé c. Canada (Commission d’enquête sur le déploiement des forces canadiennes en Somalie - Commission Létourneau) (1997), 128 FTR 291, 146 D.L.R. (4th) 180, le juge Andrew Mackay a écrit ceci au paragraphe 25 :

En temps normal, une demande de contrôle judiciaire est prise en considération en fonction de son bien-fondé et dans le cadre d’un processus expéditif et il n’est pas courant de radier une requête initiale pour un tel contrôle sans avoir entendu le bien-fondé. Néanmoins, il est clair que la cour rejettera la requête initiale dans le cadre d’une procédure sommaire, alors que la requête n’a aucune chance de connaître du succès. (Voir :  David Bull Laboratories [Canada] Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 CF 588 at 600 [CAF]; Vancouver Island Peace Society c. Canada, [1994] 1 CF 102 à 121 [C.F. 1re inst.]; Robinson c. Canada, [1996] A.C.F. No. 1007, [C.F. 1re inst.]; Chandran et al. c. le ministre de l’Emploi et de l’Immigration Immigration et al., [1995], 91 F.T.R. 90.) [mis en évidence].

 

[32]           Étant donné que j’ai conclu que la demande de mandamus n’avait aucune chance de connaître du succès dans les circonstances actuelles, je n’ai pas besoin de déterminer si le bien‑fondé de la demande a été établi. J’examine s’il convient d’ajourner la demande jusqu’à ce que l’audience d’admissibilité et toute demande ou tout appel subséquent en vue d’un contrôle judiciaire a été traité, mais j’ai conclu que cela n’était pas souhaitable. 

 

[33]           Dans Karic c. le ministre de Citoyenneté et Immigration (26 mai 2005), Ottawa T-1840-04 (CF), le juge  Yves de Montigny a examiné la possibilité d’accorder la requête de la demanderesse pour un ajournement ou suspension des procédures concernant leur demande de mandamus en attendant la détermination de leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision afin de renvoyer la demanderesse pour une audience d’admissibilité fondée, comme dans ce cas-ci, sur une allégation d’abus de procédures.  

 

[34]           Le juge de Montigny a soutenu qu’il n’était pas dans l'intérêt supérieur de la justice d’avoir un recours discrétionnaire extraordinaire comme le mandamus en suspens pendant une période indéterminée. Il a également indiqué que s’il était déterminé que le renvoi constituait un abus de procédures, une autre demande de mandamus pourrait être déposée. Par la suite, la demande de mandamus a été retirée, puisqu’il était inutile de procéder à la lumière du renvoi à la Section de l’immigration et de l’énoncé clairement formulé au paragraphe 14(1.1) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[35]           Le paragraphe 14 (1.1) de la Loi sur la citoyenneté prévoit ce qui suit :

Le juge de la citoyenneté ne peut toutefois statuer sur la demande émanant d’un résident permanent qui fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés tant qu’il n’a pas été décidé en dernier ressort si une mesure de renvoi devait être prise contre lui.

Where an applicant is a permanent resident who is the subject of an admissibility hearing under the Immigration and Refugee Protection Act, the citizenship judge may not make a determination under subsection (1) until there has been a final determination whether, for the purposes of that Act, a removal order shall be made against that applicant.

 

[36]            Bien que le pouvoir d’accorder la citoyenneté revient au ministre, la Loi exige que l’observation des mesures législatives et des règlements soit d’abord déterminée par un juge de la citoyenneté. Lorsqu’une demande de citoyenneté est déposée, l’article 11 du Le Règlement sur la citoyenneté, 1993 DORS/93-246 (le « Règlement ») prévoit que le greffier, un représentant au ministère du défendeur, est responsable de présenter les demandes de renseignements nécessaires pour déterminer si la demanderesse satisfait aux exigences de la Loi. Une fois les demandes de renseignements achevées, le greffier achemine la demande à un juge de la citoyenneté aux fins de prise en considération. Le juge de la citoyenneté tient compte de la demande en vertu de l’article 14(1) de la Loi, détermine si les exigences ont été satisfaites et informe le Ministre de l’approbation ou du rejet de la demande.  

 

[37]           Le mandamus peut être présenté dans le cas d’un délai déraisonnable dans le traitement d’une demande et le renvoi de la question au juge de la citoyenneté, y compris un délai déraisonnable pour le traitement des demandes de renseignements du SCRS. Voir par exemple : Conille c. Canada (ministre de Citoyenneté et Immigration) [1999] 2 CF 33, (1998) 159 FTR 215; Latrache c. Canada (ministre de Citoyenneté et Immigration) (2001) 201 FTR 234, [2001] A.C.F. no 154 (C.F. 1re inst.) (QL). Cependant, le ministre doit se voir accorder le temps requis pour enquêter et le mandamus ne sera pas émis en présence d’une indication préliminaire selon laquelle la longue période e traitement est attribuable à des circonstances particulières : Khalil c. Canada (Secrétariat d’État), [1999] 4 F.C. 661, 176 D.L.R. (4th) 191 (C.A.); Lee c. Canada (Secrétariat d’État) (1987), 16 FTR. 314, 4 Imm. L.R. (2d) 97 (C.F. 1re inst.).

 

[38]           Dans Rousseau c. Canada (ministre de Citoyenneté et Immigration) (2004), 252 FTR 309, 2004 CF 602, le juge Michael Kelen a composé avec une demande de bref de mandamus visant à obliger le ministre à traiter la demande de citoyenneté de la demanderesse dans un délai de 30 jours. La demanderesse avait fait face à un délai de cinq ans dans le traitement de sa demande. Le juge Kelen a estimé que le délai n’était pas raisonnable, mais a conclu qu’il n’était pas nécessaire de présenter le bref, puisque le Ministre avait pris des mesures après le dépôt de la demande, sous la forme d’un rapport en vertu de l’article 44 (1) de la LIPR, qui pourrait mener à une résolution de la demande. Il a ajourné la demande pour trois mois afin de déterminer si le rapport était renvoyé aux fins d’une audience d’admissibilité en vertu de l’article 44(2) de la LIPR. En conséquence, la demande a été rejetée.

 

[39]           Conformément à ce qui figure ci-haut, le 13 avril 2005, l’agent A. Jenkins a fourni un rapport en vertu de l’article 44(1) de la LIPR stipulant qu’à son avis, Mme Torres n’était pas admissible au Canada en vertu de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR, étant donné qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’elle fait partie des FARC, qu’elle a fréquenté des organisations liées aux FARC, qu’elle a mené des activités à l’appui des FARC et qu’elle a fréquenté des membres des FARC. Le rapport a été acheminé par le ministre à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour la tenue d’une audience d’admissibilité le 15 avril 2005.   En date de l’audience sur cette affaire, l’avocat de la demanderesse devait présenter ses plaidoiries finales au cours des jours suivants.

 

[40]           Par conséquent, dans cette cause, le renvoi en vertu de l’article 44(2) à la Section de l’immigration avait été fait et, en vertu de l’article 14(1.1) de la Loi sur la citoyenneté, fonctionne comme un obstacle total à une demande de mandamus sur la base du délai déraisonnable jusqu’à ce qu’il soit déterminé si une ordonnance d’expulsion doit être formulée contre la demanderesse.

 

[41]           Il est peut-être utile de faire remarquer que, si la demande de mandamus avait été favorable à la demanderesse, la Cour n’aurait pas ordonné au ministre défendeur de lui accorder immédiatement sa citoyenneté, puisque cela nécessite une détermination par un juge de la citoyenneté selon laquelle les exigences de la Loi et du Règlement ont été satisfaites. Au mieux, une ordonnance aurait été imposée pour que le défendeur renvoie la demande de citoyenneté devant un juge de la citoyenneté pour que cette détermination soit faite. Cela n’aurait pas empêché le ministre, à la réception d’un rapport en vertu de l’article 44(1) de la LIPR, de renvoyer la question en vue d’une audience d’admissibilité en vertu de l’article 44(2) de la LIPRA et de bloquer la décision d’un juge de la citoyenneté jusqu’à ce que le résultat soit connu. Par conséquent, en quelque sorte, le dépôt de la demande de mandamus dans ce cas a bel et bien déclenché une action, puisque le Ministre avait demandé de renvoyer le bien-fondé des préoccupations que semblent bien avoir le SCRS et l’ASFC en vue d’une audience dans la tribune de l’immigration. Si cette audience entraîne une ordonnance d’expulsion, la décision ne peut pas faire l’objet d’un appel, car l’article 64(1) de la LIPR interdit aux résidents permanents d’interjeter appel des décisions d’inadmissibilité prises pour des motifs de sécurité. Cependant, la décision peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire si une autorisation est accordée. Si aucune ordonnance d’expulsion n’est prise, la demanderesse peut renouveler sa demande de mandamus.

 

[42]           Par conséquent, je conclus que, bien que le délai de cinq ans dans le traitement de la demande de citoyenneté puisse avoir été déraisonnable et que le ministre puisse avoir été poussé à agir en raison du dépôt de la demande devant notre Cour, la procédure liée à la demande de mandamus dans les circonstances actuelles est inutile, alors qu’aucune réparation efficace ne peut être accordée. En conséquence, j’accueille la requête en rejet sans préjudice au renouvellement de la demande à une date ultérieure, le cas échéant.   

 

[43]           Dans les circonstances de l’espèce, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de refuser au défendeur le remboursement l’adjudication des dépens.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête de la demanderesse aux fins de production soit rejetée et que la requête du défendeur pour jugement sommaire soit accordée. La demande de contrôle judiciaire et de mandamus est donc rejetée. Aucune adjudication des dépens n’est accordée.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2153-04

 

INTITULÉ :                                       AMPARO TORRES VICTORIA

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 juin 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            MOSLEY J.

 

DATE DES MOTIFS :                      7 juillet 2006

 

 

 

COMPARUTIONS:

 

Me Raoul Boulakia

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Stephen H. Gold

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

RAOUL BOULAKIA

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, Q.C.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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