Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050420

Dossier : T-604-04

Référence : 2005 CF 538

Ottawa (Ontario), le 20 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

MPL COMMUNICATIONS INC.

demanderesse

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d'une décision prise par le ministre du Patrimoine canadien (le ministre) et communiquée à la demanderesse par le biais de lettres reçues le 23 février 2004 (les lettres du 23 février 2004) refusant l'admissibilité de la demanderesse à des subventions du Programme d'aide aux publications (le PAP) pour la publication de certains bulletins commerciaux.


[2]         La demanderesse réclame une ordonnance qui :

1.          annule la décision du ministre d'exclure des subventions postales du PAP les périodiques suivants publiés par la demanderesse :

(i)          The Tax Letter;

(ii)         The Bluebook of CBS Stock Reports;

(iii)        The MoneyLetter;

(iv)        The FundLetter;

(v)         Money Reporter;

(vi)        The Investment Reporter;

(vii)       Canadian Health Care Management;

(viii)      The Dentaletter;

(ix)        Canadian Mutual Fund Adviser;

2.          contraint le ministre à rétablir immédiatement et rétroactivement les subventions pour tous les périodiques canadiens de la demanderesse susmentionnés;

3.          à titre subsidiaire, renvoie l'affaire au ministre pour réexamen conformément aux directives suivantes :

(i)          que le ministre offre la possibilité à la demanderesse de présenter des observations détaillées à propos de l'exclusion de ses périodiques canadiens;

(ii)         que le ministre limite ses décisions concernant l'admissibilité aux seuls facteurs pertinents établis dans le programme du PAP. De plus, qu'il soit ordonné spécifiquement au ministre de ne pas fonder ses décisions concernant l'admissibilité aux subventions du PAP sur des motifs, ou sur des motifs arbitraires, relatifs au format ou aux exigences en matière de publicité;

(iii)        qu'une ordonnance provisoire oblige le ministre à rétablir immédiatement et rétroactivement l'admissibilité des périodiques canadiens de la demanderesse au programme de subvention et fasse en sorte que les périodiques canadiens de la demanderesse demeurent visés par le programme de subvention du PAP en attendant l'issue de la décision en l'espèce;

4.          adjuge en sa faveur les dépens de la présente demande.

Contexte


[3]         Des publications canadiennes bénéficient de subventions postales depuis plus de 150 ans. L'objectif était d'encourager les publications canadiennes grâce à des tarifs postaux préférentiels. Depuis 1997, par l'intermédiaire du PAP et en partenariat avec la Société canadienne des postes, le ministère du Patrimoine canadien (le ministère) accorde des subventions postales aux publications canadiennes admissibles postées et livrées au Canada. Les éditeurs admissibles reçoivent les fonds dans leur « compte de dépôt de lditeur » (le compte) établi pour eux par Postes Canada. Celle-ci facture au compte le plein prix pour l'envoi des publications. Les subventions postales du PAP sont ensuite appliquées au compte pour compenser les frais postaux. Ainsi, les coûts de distribution des publications sont diminués.

[4]         Pour bénéficier des subventions postales, les publications à diffusion payées doivent être détenues par des Canadiens et sous contrôle canadien, être accessibles au grand public, être publiées et imprimées au Canada et satisfaire certaines exigences éditoriales et (maintenant) publicitaires.

[5]         Les bénéficiaires des fonds du PAP doivent remplir certains critères d'admissibilité énoncés dans le Guide d'enregistrement du candidat. Avant le 1er avril 2004, les périodiques, journaux et bulletins commerciaux canadiens étaient tous admissibles à recevoir des fonds du PAP à condition de remplir les exigences d'admissibilité.

[6]         La demanderesse est une société cotée en bourse qui publie des périodiques commerciaux en série, entre autres choses, et qui se spécialise dans les conseils en matière de placement, en gestion des soins de santé et en dentisterie. La demanderesse reçoit des subventions postales pour diverses publications depuis 1967. Jusqu'au 31 mars 2004 inclusivement, dix des publications de la demanderesse bénéficiaient de subventions postales.


[7]         En août 2001, le ministre a entrepris une révision du PAP. Dans une lettre datée du 23 septembre 2002, tous les éditeurs bénéficiant alors des subventions du PAP ont été avisés de la restructuration envisagée et ont été invités à soumettre leurs observations. Le site web du PAP faisait également mention de la restructuration prochaine du programme et invitait les intéressés à soumettre leurs observations avant que les changements ne soient effectués.

[8]         En date du 11 mars 2003, aucun éditeur de bulletin n'avait présenté d'observation au sujet de la restructuration du PAP.

[9]         Le 27 juin 2003, le ministre a émis un communiqué de presse annonçant que les changements portant sur l'admissibilité aux subventions du PAP se feraient entre juillet et août. Un communiqué de presse subséquent a été émis le 8 juillet 2003.

[10]       Dans une lettre datée du 8 août 2003 (la lettre du 8 août 2003), la demanderesse a été informée que dix de ses publications seraient exclues du PAP puisque le gouvernement procédait à la désinscription de tous les bulletins d'information. La demanderesse a déclaré qu'elle avait alors décidé d'attendre les nouveaux développements concernant le programme, car les publications ne seraient pas exclues du programme avant le 1er avril 2004. En outre, il ntait pas clair pour la demanderesse que les publications énumérées dans la lettre du 8 août 2003 seraient encore visées par l'exclusion en raison notamment de l'absence de définition du terme « bulletin d'information commercial » .


[11]       À maintes reprises entre la fin novembre 2003 et février 2004, la demanderesse s'est informée auprès du ministère, ou a discuté avec ses représentants, de l'exclusion des bulletins d'information du PAP.

[12]       Le ministère a conçu lchelle dvaluation pour les bulletins d'information qui devait servir à déterminer quelles publications constitueraient des bulletins d'information aux fins de l'admissibilité au PAP. En janvier 2004, lchelle dvaluation a été rendue publique sur le site web du PAP.

[13]       Le ministère a envoyé à la demanderesse les lettres du 23 février 2004 portant mention de l'exclusion des dix publications susmentionnées à compter du 1er avril 2004, ainsi qu'une copie de lchelle dvaluation. La demanderesse s'est fondée sur ces deux lettres pour conclure que le réexamen du ministère était terminé et que les périodiques en question seraient exclus.

[14]       À la suite d'une demande déposée par la demanderesse le 26 février 2004, le ministère a reclassifié une des publications de la demanderesse, « Investor's Digest of Canada » , celle-ci étant désormais considérée comme un périodique publié sous forme de journal et, de ce fait, admissible aux subventions postales.

[15]       L'avis de demande de contrôle judiciaire des lettres du 23 février 2004 a été déposé le 24 mars 2004. Un avis de demande modifié a été déposé le 25 mars 2004.


Questions en litige

[16]       La demanderesse formule la question en litige en ces termes :

1.          Le ministre a-t-il manqué à son obligation d'agir équitablement envers la demanderesse :

(i)          en n'avertissant pas la demanderesse qu'il envisageait d'exclure les bulletins d'information commerciaux des subventions du PAP;

(ii)         en ne donnant pas la possibilité à la demanderesse de soumettre ses observations au sujet du retrait de ses subventions du PAP;

(iii)        en omettant de communiquer à la demanderesse, avant la réception desdites observations, les motifs pour lesquels il exclut les bulletins d'information commerciaux des subventions du PAP.

[17]       Le défendeur formule les questions en litige en ces termes :

1.          Les lettres du 23 février 2004 constituent-elles des décisions susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée?

2.          Dans l'affirmative, le ministre a-t-il manqué aux exigences dquité procédurale comme le lui reproche la demanderesse?

Observations de la demanderesse

[18]       Selon la demanderesse, le fait que la décision soit de nature administrative et qu'elle touche les droits, les privilèges ou les intérêts d'une personne suffit pour mettre en cause l'obligation dquité. Le contenu de l'obligation dquité varie selon le contexte et svalue en fonction d'un contexte légal donné et des droits touchés.


[19]       Les valeurs qui sous-tendent l'obligation d'équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d'un processus équitable, impartial et transparent, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

[20]       S'appuyant sur la décision Brunico Communications Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 A.C.F. no 789, la demanderesse prétend que la décision prise par le ministre quant à l'admissibilité d'une publication aux subventions postales est de nature administrative et donne naissance à une obligation dquité. Dans Brunico, précitée, la Cour a conclu que l'obligation dquité procédurale du ministre envers la demanderesse était relativement faible. La demanderesse soutient qu'en l'espèce, l'obligation dquité procédurale exigeait à tout le moins que :

1.          la demanderesse soit avisée du fait que le ministère envisageait d'exclure les bulletins d'information commerciaux des subventions du PAP;

2.          la demanderesse soit invitée à formuler des observations au sujet du retrait de ses subventions du PAP;

3.          la demanderesse soit informée, avant de soumettre ses observations, des motifs pour lesquels le ministère exclut les bulletins d'information commerciaux des subventions du PAP.


[21]       Selon la demanderesse, lquité procédurale exigeait à tout le moins qu'elle soit avisée de la possibilité d'une décision défavorable. L'avis émis par le ministre était insuffisant, vague et contrevenait à la règle audi alteram partem en matière dquité procédurale. Pour assurer un minimum dquité procédurale, il aurait fallu aviser la demanderesse, en tant que partie directement concernée, de la possibilité qu'on lui retire ses subventions postales et lui donner la possibilité de soumettre ses observations. Or, la demanderesse n'a jamais su que le ministre comptait la rendre non admissible aux subventions postales, ni les motifs justifiant cette exclusion, et elle n'a pas eu l'occasion de présenter des arguments en faveur du maintien de l'admissibilité des bulletins d'information commerciaux à l'aide financière.

[22]       Attente légitime

La demanderesse prétend que, dans une lettre du 2 mai 1996 (la lettre de 1996), le ministère l'a assurée qu'elle serait consultée advenant des modifications au PAP. Elle s'attendait donc légitimement à ce que la procédure soit suivie, ce qui n'a pas été le cas. La promesse faite par le ministère de consulter la demanderesse a aussi accru l'intensité de l'obligation dquité procédurale envers celle-ci.

Observations du défendeur

[23]       Selon le défendeur, les lettres du 23 février 2004 ne constituent pas des décisions susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Ce ne sont que de simples lettres de politesse confirmant la décision du 8 août 2003 d'exclure certaines publications de la demanderesse. Les lettres du 23 février 2004 comprenaient aussi une copie de lchelle dvaluation pour les bulletins d'information. En conséquence, seule la lettre du 8 août 2003 constitue une décision pouvant faire l'objet d'un contrôle judiciaire.


[24]       Le défendeur prétend que rien ne démontre que la demanderesse a cherché à faire réexaminer la décision du 8 août 2003 ou que le ministre a entrepris de réexaminer cette décision. La seule demande de réexamen de la demanderesse est consignée dans sa lettre du 26 février 2004 et elle ne concerne que la publication Investor's Digest of Canada. Le 17 mars 2004, le ministre a reclassifié cette plubication en tant que périodique, la rendant ainsi admissible aux subventions du PAP.

[25]       Selon le défendeur, la décision de la demanderesse d'attendre de nouveaux développements dans le programme parce que l'exclusion n'entrait en vigueur que le 1er avril 2004 ainsi que sa déclaration selon laquelle il ntait pas clair que les publications énumérées dans la lettre du 8 août 2003 seraient encore visées par l'exclusion ne sont pas raisonnables et ne peuvent justifier l'omission de la demanderesse de déposer une demande de contrôle judiciaire. La lettre du 8 août 2003 établit clairement que toutes les publications de type bulletin d'information, dont les publications énumérées, ne seraient plus admissibles au PAP dès le 1er avril 2004.

[26]       Le défendeur fait valoir qu'en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, une demande de contrôle judiciaire doit être déposée dans les 30 jours suivant la première communication de la décision au demandeur. La demanderesse accuse donc un retard de plus d'une année pour le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision du 8 août 2003. Elle n'a pas demandé une prolongation de délai ce faire et rien dans le dossier ne justifierait pareille procédure.


[27]       La demanderesse n'a pas expliqué de façon satisfaisante la raison pour laquelle elle a tardé à déposer une demande de contrôle judiciaire, ni n'a-t-elle manifesté une véritable intention d'agir entre le moment où elle a reçu communication de la décision et celui où elle a reçu les lettres de politesse. En conséquence, la Cour ne devrait pas lui accorder une prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision du 8 août 2003.

[28]       Nature de la décision et obligation dquité

Le défendeur a fait observer que la décision du ministre de restructurer le PAP, et d'exclure de ce fait les publications de la demanderesse, était de nature administrative et touchait les intérêts de la demanderesse. Ainsi, le défendeur convient qu'il existe une obligation dquité.

[29]       La conduite du ministre envers la demanderesse devait être guidée par une obligation minimale dquité, c'est-à -dire aviser la demanderesse des critères à remplir et agir conformément aux lignes directrices publiées.

[30]       En l'espèce, le ministre a informé la demanderesse des changements imminents à l'admissibilité au PAP et lui a fourni une occasion valable de prendre part au processus de consultation. En ce sens, le ministère a rempli son obligation dquité.


[31]       Le dossier dont dispose la Cour établit que la demanderesse a été suffisamment avisée des modifications majeures que subirait prochainement le PAP et qu'elle a eu amplement le temps de participer utilement au processus de consultation. La demanderesse a été informée de la restructuration prochaine du PAP par lettre datée du 23 septembre 2002 et a été invitée à soumettre ses observations. La lettre indiquait clairement que les observations seraient prises en compte dans le processus décisionnel et fournissait une adresse Internet pour plus de précisions sur le processus de consultation.

[32]       Pour que les exigences minimales dquité en l'espèce soient respectées, la demanderesse n'a pas à être avisée de la possibilité que l'admissibilité des bulletins d'information commerciaux soit compromise par les changements éventuels au PAP. Le terme « restructuration » connote l'idée d'une révision complète du programme. La lettre du 23 septembre 2002 aurait dû faire comprendre à la demanderesse qu'elle pouvait être touchée par les changements apportés au PAP.

[33]       De plus, en octobre 2002, on trouvait sur le site web du PAP un avis public de la restructuration envisagée du programme et une nouvelle invitation lancée aux personnes intéressées à soumettre leurs observations avant toute prise de décision. La demanderesse avait en outre la possibilité de présenter des observations et de demander un réexamen même après la réception de la lettre du 8 août 2003.

[34]       La demanderesse reconnaît qu'après avoir reçu la lettre du 8 août 2003, elle a choisi de ne soumettre aucune observation ni de demander des précisions sur la restructuration en cours. C'est par sa propre inaction que la demanderesse n'a pu prendre part au processus de consultation, et elle ne peut donc aujourd'hui affirmer raisonnablement qu'on ne lui en a pas fourni l'occasion.


[35]       La demanderesse n'avait aucune expectative légitime

Selon le défendeur, la doctrine de l'expectative légitime ne crée aucun droit substantiel. En outre, pour qu'il y ait expectative légitime, l'intéressé doit avoir reçu des assurances claires, catégoriques et sans équivoque. La demanderesse se fonde sur la lettre de 1996 pour justifier l'existence d'une expectative légitime. Dans cette lettre, toute promesse selon laquelle la demanderesse serait consultée concernait les changements survenus quand l'administration du PAP est passée de la Société canadienne des postes au ministère du Patrimoine canadien en 1996-1997 et ne portait pas sur la restructuration du PAP en 2001.

[36]       Le défendeur fait observer subsidiairement que, même s'il était établi que la lettre de 1996 a donné lieu à une expectative légitime relativement aux changements de 2003-2004, le ministre a tenu sa promesse de faire en sorte que la demanderesse soit [traduction] « consultée en ce qui a trait aux discussions futures concernant le programme » .

[37]       Le défendeur réclame le rejet de la demande avec dépens.

Dispositions légales pertinentes

[38]       Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, prévoit :




18.1(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

18.1(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

[39]       Voici les articles pertinents de la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien, L.C. 1995, ch. 11 :

4(1) Les pouvoirs et fonctions du ministre s'étendent de façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d'autres ministères ou organismes fédéraux et liés à l'identité, aux valeurs, au développement culturel et au patrimoine canadiens et aux lieux naturels ou historiques d'importance pour la nation.

5. Dans le cadre de ses pouvoirs et fonctions, le ministre a pour tâche d'instaurer, de recommander, de coordonner et de mettre en oeuvre les objectifs, opérations et programmes nationaux en matière d'identité, de valeurs, de développement culturel et de patrimoine canadiens et pour ce qui a trait aux lieux naturels et historiques d'importance pour la nation et d'en faire la promotion.

7. Pour faciliter la mise en oeuvre des opérations ou programmes prévus par la présente loi, le ministre peut:

a) accorder une aide financière sous forme de subventions, contributions ou dotations;

4(1) The powers, duties and functions of the Minister extend to and include all matters over which Parliament has jurisdiction, not by law assigned to any other department, board or agency of the Government of Canada, relating to Canadian identity and values, cultural development, heritage and areas of natural or historical significance to the nation.

5. In exercising the powers and performing the duties and functions assigned to the Minister by section 4, the Minister shall initiate, recommend, coordinate, implement and promote national policies, projects and programs with respect to Canadian identity and values, cultural development, heritage and areas of natural or historical significance to the nation.

7. To facilitate the implementation of any program of the Minister under this Act, the Minister may

(a) provide financial assistance in the form of grants, contributions and endowments to any person;

Analyse et décision

[40]       Les lettres du 23 février 2004 constituent-elles des décisions susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, précitée?


Le défendeur fait valoir que la décision d'exclure les bulletins d'information de la demanderesse a étécommuniquée dans la lettre du 8 août 2003 et qu'aucune procédure de contrôle judiciaire concernant cette décision n'a étéengagée. Il prétend aussi que les lettres du 23 février 2004 ne constituaient qu'un rappel de la décision du 8 août 2003. J'ai examinéles lettres du 8 août 2003 et du 23 février 2004 et je remarque que celles du 23 février 2004 ne font aucune mention d'un rappel. En fait, on peut y lire notamment :

[TRADUCTION] Afin de nous assurer que les dispositions du Programme relativement aux critères d'admissibilitésoient pleinement respectées, nous joignons lchelle dvaluation pour les bulletins d'information qui a servi à déterminer la nature de votre publication pour le(s) titre(s) mentionné(s) ci-haut.

[41]       Lchelle n'est pas mentionnée dans la lettre du 8 août 2003, ce qui est compréhensible puisqu'il ressort de la preuve que lchelle n'a été rendue publique que vers décembre 2003. Pour ces motifs, je suis d'avis que les lettres du 23 février 2004 constituent des nouvelles décisions susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

[42]       Le défendeur avait-il une obligation dquitéprocédurale envers la demanderesse?

Les parties s'accordent pour dire que le défendeur avait une obligation minimale dquité à lgard de la demanderesse. Dans Brunico Communications Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 A.C.F. no 789, le juge von Finckenstein déclare ce qui suit :

13.         Ici, la décision était de nature administrative et touchait les privilèges et biens de la demanderesse. Par conséquent, le ministre avait l'obligation d'agir équitablement envers la demanderesse.

Quelle était la nature de cette obligation?

14.         Les éléments constitutifs du devoir d'équitévarient selon le contexte. Plusieurs facteurs ont étéretenus en raison de leur importance pour définir la nature de cette obligation dans une situation donnée (Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, aux pages 837-844). Ce sont:

1.    la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir;


2.    la nature du régime législatif et les termes de la loi sur laquelle s'appuie le décideur;

3.    l'importance de la décision pour la personne visée;

4.    les choix de procédure que l'organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

15.         Un autre élément touchant la nature du devoir d'équité est celui de l'expectative légitime de la personne visée par la décision (Baker, précité). Dans la causeCanada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Bendahmane, [1989] 2 C.F. 16 (C.A.F.), le juge Hugessen, dans une déclaration que plusieurs cours de justice ont depuis lors citée et approuvée, a évoqué en ces termes la doctrine de l'expectative légitime aux pages 31 et 32 de sa décision :

Le principe applicable est parfois énoncé sous la rubrique « expectative raisonnable » ou « expectative légitime » . Il a une importante histoire dans le droit administratif, et le Conseil privél'a énoncé avec fermeté dans l'affaire Attorney General of Hong Kong v. N Yen Shiu, [1983] 2 A.C. 629 (P.C.)... Lord Fraser on Tullybelton s'est exprimé en ces termes (à la page 638) :

... lorsqu'une autorité publique a promis de suivre une certaine procédure, l'intérêt d'une bonne administration exige qu'elle agisse équitablement et accomplisse sa promesse, pourvu que cet accomplissement n'empêche pas l'exercice de ses fonctions prévues par la loi. Le principe se trouve également justifiépar l'autre idée que, lorsque la promesse a été faite, l'autoritédoit avoir considéré que toutes observations de la part des parties intéressées l'aideraient à s'acquitter de ses fonctions équitablement et, règle générale, cela est exact.

16.         En règle générale, la Cour essaie de maintenir un juste équilibre entre des pratiques administratives efficientes d'une part et, d'autre part, la participation effective des parties (Brown et Evans, Judicial Review on Administrative Action in Canada (1998)).

17.         Partant de ce qui précède, le devoir d'équité procédurale du ministre envers la demanderesse était en l'occurrence relativement faible. La décision était avant tout de nature administrative et elle a été prise en vertu du large pouvoir discrétionnaire que la Loi reconnaît au ministre. Elle l'a été également dans un contexte non contradictoire (Jada Fishing c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2002), 41 Admin. L.R. (3d) 281 (C.A.F.)). Bien que la décision ministérielle n'ait pas été portée en appel, il était loisible à la demanderesse de présenter, l'année suivante, une demande de financement, ce qu'elle a fait avec succès en l'espèce.

Je suis d'avis que nous sommes en présence du même degré dquitéprocédurale en l'espèce.

[43]       Le défendeur a-t-il manquéà l'obligation dquitéprocédurale à laquelle il était tenu envers la demanderesse?


La demanderesse reçoit des subventions postales depuis environ 1967, sans lesquelles elle verrait ses frais postaux augmenter d'environ 316 360 $ par année. La demanderesse prétend qu'elle n'a pas été intégrée au processus consultatif menant à llimination des subventions postales pour ses publications. Selon elle, il s'agit là d'un manquement à l'obligation dquité procédurale qui lui est due. Le défendeur affirme qu'il lui a donné l'occasion de s'exprimer puisque le ministère a émis un avis le 23 septembre 2002 annonçant la création d'un site web consacré à la restructuration du PAP où, en octobre 2002, le public a été avisé de la restructuration envisagée et invité à soumettre des observations avant toute prise de décision.

[44]       La demanderesse souligne que le défendeur a émis un communiqué de presse du ministère le 27 juin 2003, dans lequel des changements au PAP sont annoncés. Voici un extrait du communiqué :

[Traduction] Les changements apportés au PAP touchent principalement les critères d'admissibilité. Par la modification de ces critères, le programme deviendra accessible à une centaine de journaux communautaires additionnels, y compris des journaux de langue française, et à environ 150 périodiques ethnoculturels, de langue officielle minoritaire et autochtones.

(dossier de la demanderesse, volume II, page 455).

[45]       Je suis d'avis qu'on ne peut s'attendre à ce que la demanderesse, après avoir lu l'avis du 23 septembre 2002 ou consulté le site web, conclue que la restriction au droit à l'admissibilité entraînerait la perte de ses subventions postales pour certaines de ses publications. Dans Gallant c. Canada, [1989] 3 C.F. 329 (C.A.F.), le juge Marceau a déclaré à la page 341 :

Le principe audi alteram partem qui porte tout simplement que la personne dont les droits ou intérêts peuvent être touchés doit pouvoir participer au processus décisionnel, est fondé sur la prémisse suivante : la personne doit toujours avoir la possibilité de soumettre de l'information, sous forme de faits ou d'arguments, afin de permettre à l'instance décisionnelle de rendre une décision équitable et raisonnable.


[46]       Pour respecter le niveau dquité procédurale requis en l'espèce, l'avis donné à la demanderesse le 23 septembre 2002 aurait dû contenir suffisamment de renseignements pour lui permettre de se rendre compte de la possibilité que la subvention postale soit éliminée pour certaines de ses publications et ensuite lui permettre de soumettre des observations à cet égard. Ce n'est pas ce qui est arrivé. Je conclus donc qu'il y a eu manquement à l'obligation dquité procédurale due à la demanderesse.

[47]       La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision d'exclure les neuf publications nommées des subventions postales du PAP est annulée. L'affaire est renvoyée au ministre pour réexamen.

[48]       Les dépens sont adjugés en faveur de la demanderesse.

[49]       Compte tenu des conclusions que j'ai tirées, je n'ai pas à me pencher sur les autres questions.


ORDONNANCE

[50]       LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision d'exclure les neuf publications nommées des subventions postales du PAP est annulée. L'affaire est renvoyée au ministre pour réexamen.

2.          Les dépens sont adjugés en faveur de la demanderesse.

                « John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 20 avril 2005

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-604-04

INTITULÉ :                                         MPL COMMUNICATIONS INC.

-      et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 1er novembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 avril 2005

COMPARUTIONS :

J. Bruce Carr-Harris

POUR LA DEMANDERESSE

Susanne Pereira

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.