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Date : 20210422


Dossier : IMM‑7119‑19

Référence : 2021 CF 351

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario) 22 avril 2021

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

AQDAS AHMED

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS ET JUGEMENT

[1] M. Aqdas Ahmed sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 30 octobre 2019 par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a rejeté son appel à l’encontre d’une mesure de renvoi prise contre lui le 18 décembre 2018. La SAI a conclu que les motifs d’ordre humanitaire soulevés par M. Ahmed n’étaient pas suffisants pour justifier la prise de mesures spéciales relativement à son défaut de se conformer aux obligations de résidence au Canada énoncées à l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] M. Ahmed n’a pas contesté le fait qu’il n’a été au Canada pendant aucun des 730 jours de résidence requis durant la période de cinq ans pertinente (18 décembre 2013 au 17 décembre 2018). Il a interjeté appel de la mesure de renvoi auprès de la SAI exclusivement pour des motifs d’ordre humanitaire liés à son désir de poursuivre ses études et de demeurer au Canada de façon permanente. M. Ahmed s’appuie aussi sur des difficultés alléguées au Pakistan, son pays d’origine.

[3] Pour les motifs énoncés dans le jugement, la demande de contrôle judiciaire de M. Ahmed sera rejetée. La SAI a examiné de façon raisonnable la longue absence de M. Ahmed du Canada et les motifs d’ordre humanitaire limités au regard de ses liens avec le Pakistan, conformément aux contraintes que la loi impose à son pouvoir discrétionnaire et à la jurisprudence. Selon la décision, la SAR a tenu compte des éléments de preuve et des observations dont elle disposait. La pondération par la SAI de la situation de M. Ahmed est logique, compte tenu des éléments de preuve.

[4] M. Ahmed n’a pas établi l’existence de la moindre erreur importante dans la décision qui justifierait l’intervention de la Cour dans l’analyse de la SAI ou dans sa conclusion ultime selon laquelle les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur le non‑respect considérable de M. Ahmed aux obligations de résidence au Canada.

I. Aperçu

[5] M. Ahmed est un citoyen du Pakistan. Il est arrivé au Canada en 2001 avec sa mère et son père à titre de résidents permanents. M. Ahmed avait alors 8 ans. Dans les deux semaines suivant son arrivée, la famille est retournée au Pakistan. M. Ahmed est revenu au Canada en 2003 avec sa mère et sa fratrie, pour une durée de quatre semaines. Il a effectué fréquemment des voyages aux États‑Unis au cours des années qui ont suivi pour visiter sa famille, mais il n’est pas revenu au Canada avant le 17 décembre 2018, après être resté six mois aux États‑Unis pour visiter sa grand‑mère.

[6] Au point d’entrée en 2018, M. Ahmed a affirmé qu’il n’avait pas l’intention de résider au Canada, mais qu’il retournerait au Pakistan le 22 décembre 2018 pour continuer ses études. Plus tard dans la même journée, il a changé d’idée, et a informé l’agent d’immigration qu’il souhaitait s’établir de nouveau au Canada.

[7] Le 18 décembre 2018, une mesure de renvoi a été prise contre lui suivant la préparation d’un rapport visé au paragraphe 44(1) de la LIPR par un agent d’immigration, et M. Ahmed a interjeté appel de la mesure de renvoi devant la SAI.

[8] Dans la décision, la SAI a conclu que le manquement de M. Ahmed aux obligations de résidence prévues à l’article 28 était important, et que les motifs d’ordre humanitaire qu’il avait relevés devaient être tout aussi importants pour justifier la prise de mesures spéciales au titre de l’alinéa 67(1)c) et du paragraphe 68(1) de la LIPR. Le tribunal a évalué le manquement à l’encontre de ses préoccupations à l’égard de la crédibilité de M. Ahmed et aux motifs d’ordre humanitaire pertinents à la lumière de la situation de M. Ahmed (citant Bufete Arce c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CanLII 54304 (CA CISR) au para 9, une décision de la SAI qui, quant à elle, s’appuyait sur la liste non exhaustive de facteurs énoncés dans Ribic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1985] DSAI n4 (QL) au para 14). La SAI a tenu compte de l’établissement initial et continu de M. Ahmed au Canada et de ses liens avec le pays, ainsi que des motifs pour lesquels il avait quitté le Canada et était resté à l’extérieur du pays, de son absence de tentatives raisonnables de revenir au Canada dès que possible et de la teneur des difficultés qu’il pourrait rencontrer au Pakistan.

[9] Dès le début de son analyse, la SAI a jugé que M. Ahmed n’était pas crédible, car il avait fourni des informations contradictoires quant à l’endroit où il avait l’intention de résider à son arrivée au Canada en décembre 2018. Le tribunal n’a pas admis son explication selon laquelle il avait été victime d’un accident de voiture alors qu’il revenait à la frontière, et que cet accident avait eu une incidence sur sa mémoire.

[10] La SAI a reconnu que les motifs invoqués par M. Ahmed pour avoir quitté le Canada et pour être resté à l’extérieur du pays pendant une longue période n’étaient pas de son ressort lorsqu’il était mineur, mais elle a conclu que, au moment où il avait atteint 22 ans en 2015, il aurait pu étudier les différentes options qui s’offraient à lui pour revenir au Canada, ce qu’il n’a pas fait. Le tribunal a déclaré que l’argument de M. Ahmed selon lequel il était à la charge de ses parents jusqu’à l’âge de 25 ans n’était pas convaincant, en majeure partie parce que ses parents l’encourageaient activement à présenter une demande de candidature à une université canadienne. La SAI a jugé que M. Ahmed n’avait fait preuve d’aucun intérêt à visiter le Canada avant ou après l’âge de 22 ans. Pis encore, il n’a montré aucun intérêt à établir sa résidence au Canada avant que son visa de visiteur de six mois aux États‑Unis ne vienne à échéance.

[11] En ce qui concerne son établissement au Canada, la SAI a affirmé que M. Ahmed n’avait ni famille ni biens ici, avait un faible degré d’établissement, mis à part 24 heures de bénévolat et une visite rapide dans un collège à Brampton. Finalement, la SAI n’a pas souscrit aux prétentions de M. Ahmed selon lesquelles il serait exposé à des difficultés au Pakistan, où sa famille était établie et où il avait effectué toutes ses études.

[12] La SAI a estimé que les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur le manquement important de M. Ahmed à son obligation de résidence au Canada et elle a rejeté son appel.

II. Question en litige et norme de contrôle

[13] La seule question en litige dans le cadre de la présente demande est celle de savoir si la SAI a commis une erreur en rejetant l’appel interjeté par M. Ahmed à l’encontre de la mesure de renvoi le visant pour des motifs d’ordre humanitaire. Je suis d’accord avec les parties pour dire que la décision de la SAI doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (CanLII) au para 10 (Vavilov); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ndir, 2020 CF 673 (CanLII) au para 27 (Ndir)). Aucune des situations énumérées par la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov permettant de s’écarter de la norme de contrôle présumée ne s’applique en l’espèce.

[14] Dans l’arrêt Vavilov, les juges majoritaires ont donné des indications pour aider les cours de révision à appliquer la norme de la décision raisonnable, mettant l’accent sur l’importance de la décision prise, du processus de raisonnement du décideur, et du résultat pour la personne touchée par cette décision (Vavilov aux para 83, 86). La marque distinctive d’une décision raisonnable est l’existence d’« une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 (CanLII) au para 31). M. Ahmed fait valoir que les motifs donnés par la SAI pour rejeter son appel comportent des lacunes importantes et il souligne la déclaration de la Cour suprême au paragraphe 86 de l’arrêt Vavilov :

[86] [...] En somme, il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique. Si certains résultats peuvent se détacher du contexte juridique et factuel au point de ne jamais s’appuyer sur un raisonnement intelligible et rationnel, un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être non plus tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné.

III. Analyse

[15] Il est utile de commencer en exposant le contexte à la décision ainsi que les dispositions qui régissent l’appel de M. Ahmed devant la SAI. L’article 28 de la LIPR exige du résident permanent qu’il soit effectivement présent au Canada pendant au moins 730 jours pendant une période quinquennale. L’article énonce d’autres façons dont un résident permanent peut satisfaire à l’obligation de résidence, mais elles ne sont pas pertinentes compte tenu de la situation de M. Ahmed. Si l’exigence de 730 jours n’est pas respectée, un agent d’immigration peut décider que les motifs d’ordre humanitaire liés au résident permanent justifient le maintien du statut de résident permanent, en tenant compte de l’intérêt supérieur de tout enfant directement touché par la décision. Si l’agent ne tire pas de conclusion quant aux motifs d’ordre humanitaire, le résident permanent est déclaré interdit de territoire au titre de l’article 41 de la LIPR, il perd son statut de résident permanent, et il est frappé d’une mesure de renvoi.

[16] Un résident permanent peut porter en appel une mesure de renvoi devant la SAI en vertu du paragraphe 63(3). La SAI peut permettre qu’un appel soit interjeté à l’égard d’une mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire, ou surseoir à cette mesure, si elle est convaincue qu’il y a « des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales » (alinéa 67(1)c) et paragraphe 68(1) de la LIPR). Les pouvoirs de la SAI au moment d’un appel interjeté à l’égard d’une mesure de renvoi sont hautement discrétionnaire; ces pouvoirs sont aussi exceptionnels et ne doivent pas être exercés à la légère ou de manière routinière (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Abou Antoun, 2018 CF 540 (CanLII) au para 19).

[17] M. Ahmed a interjeté appel à l’encontre de la mesure de renvoi dont il était frappé devant la SAI, et sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI. Le principal argument soulevé par M. Ahmed pour contester le caractère raisonnable de la décision met l’accent sur l’analyse effectuée par la SAI relativement aux difficultés qu’il subirait selon ses dires s’il était forcé de retourner au Pakistan. M. Ahmed fait valoir que, compte tenu des conséquences immédiates et graves qu’entraîne la mesure de renvoi, puisqu’elles concernent des difficultés éventuelles, la SAI doit évaluer pleinement ces conséquences dans sa décision (Vavilov au para 134). Il soutient que la SAI ne l’a pas fait.

[18] M. Ahmed est d’avis que la SAI a fait fi d’éléments de preuve importants concernant les difficultés possibles auxquelles il ferait face au Pakistan. Il renvoie au bref examen que la SAI a effectué sur ses éléments de preuve et ses observations à l’égard des difficultés. La SAI a affirmé que M. Ahmed n’a ni famille, ni amis ni biens au Canada, et que sa famille est établie au Pakistan, endroit où il a fait toutes ses études. La SAI n’a pas abordé la preuve concernant une attaque menée, en décembre 2014, par des militants talibans contre l’école publique de l’armée à Peshawar, qui a entraîné la mort horrible de 149 personnes, y compris 132 élèves.

[19] M. Ahmed affirme que la SAI n’a renvoyé à aucun de ses éléments de preuve traitant de trouble de stress post‑traumatique (TSPT) persistant et de traumatisme en raison de l’attaque de talibans contre son école primaire; par conséquent, elle n’a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, ce qui va à l’encontre des contraintes juridiques énoncées par la LIPR et la jurisprudence (Senay c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 200 aux para 6 et 51 (Senay)). Il insiste sur le fait qu’il ne se sent plus en sécurité au Pakistan en raison de l’attaque. M. Ahmed fait valoir que la SAI n’a pas appliqué les directives établies par la Cour suprême et la « culture de la justification » qui sont fondamentales à une décision adaptée et raisonnable (Vavilov aux para 14 et 127).

[20] Je ne suis pas convaincu par les arguments de M. Ahmed, et je juge que la SAI n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle dans son analyse des difficultés auxquelles le demandeur serait exposé. M. Ahmed a quitté l’école publique de l’armée en 2006 et il a suivi des cours universitaires. Il n’existe peu de lien rationnel, voire même aucun, dans le dossier entre l’attaque des talibans contre l’école publique de l’armée en 2014 et toute difficulté à laquelle M. Ahmed pourrait être exposé à son retour au Pakistan.

[21] Les éléments de preuve contenus dans le dossier font état de l’attaque menée par les talibans en 2014, et il est évident que l’attaque a été terrible, ce qui aurait causé de la douleur à M. Ahmed, à la lumière du nombre important de décès et compte tenu du fait que des professeurs avec qui il entretenait des liens assez étroits en 2006 sont décédés. Le conseil de M. Ahmed, à l’audience de la SAI et l’avocat qui le représente dans le cadre de la présente demande ont mis l’accent sur l’importance des éléments de preuve relatifs au TSPT contenus dans le dossier. Cependant, ces éléments de preuve ne portaient pas précisément sur M. Ahmed et ils n’étaient pas pertinents quant à sa situation.

[22] La SAI a compris l’argument de M. Ahmed concernant les répercussions de l’attaque. Le tribunal a questionné M. Ahmed au sujet de l’attaque durant l’audience, et ce dernier a répondu qu’il [traduction] « avait ressenti un grand malaise après [l’attaque], parce que, à l’époque, en 2016, après l’incident, j’étais près de Peshawar, et aussi parce que j’étais à l’université : l’alerte maximale a été sonnée et [c’est] comme si une impression de sécurité avait disparu ». M. Ahmed a affirmé qu’il avait composé avec la tragédie en discutant de celle‑ci avec d’autres étudiants et que les conseils de son père lui ont donné de la force.

[23] La preuve produite par M. Ahmed n’établit pas qu’il a souffert de TSPT, et les éléments de preuve documentaire ne laissent pas non plus entendre que les anciens étudiants dans la même situation que lui ont souffert de TSPT en raison de l’attaque. M. Ahmed est resté au Pakistan longtemps après qu’il eut pris connaissance de l’attaque. Aucun élément de preuve contenu dans le dossier n’atteste qu’il a vécu lui‑même une dépression continue ou un TSPT, ni qu’il a demandé à suivre un traitement médical ou des services de consultation. Malgré les nombreuses observations du conseil devant la SAI, je suis d’avis que le fait que la SAI ait omis de mentionner l’attaque dans ses motifs n’est pas une erreur importante qui ferait en sorte que la décision est déraisonnable à la lumière de la preuve produite par M. Ahmed (Vavilov au para 100).

[24] M. Ahmed a aussi fait valoir que la SAI a commis une erreur en remettant en question sa crédibilité en raison des incohérences contenues dans sa preuve concernant son intention de demeurer au Canada à son arrivée en décembre 2018. M. Ahmed soutient avoir corrigé sa déclaration initiale, plus tard dans la même journée, au moment où il a informé un agent d’immigration qu’il souhaitait s’établir de nouveau au Canada.

[25] Dans la décision, la SAI a conclu que M. Ahmed avait fait de fausses déclarations quant à ses intentions à l’agent d’immigration à son arrivée au Canada au sujet de son plan de retourner au Pakistan le 22 décembre 2018 afin de commencer ses études universitaires de deuxième cycle. La SAI a conclu que M. Ahmed avait mentionné avoir subi un accident pendant qu’il retournait à la frontière uniquement afin d’expliquer ses trous de mémoire au moment où on l’avait questionné sur ses fausses déclarations à l’audience. La SAI n’a pas souscrit à l’explication de M. Ahmed selon laquelle ses déclarations contradictoires étaient dues à son accident.

[26] Les conclusions tirées liées à la crédibilité tiennent à « l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits », de sorte qu’il faut faire preuve d’une grande retenue envers celles‑ci dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Elles ne devraient pas être annulées, sauf si elles ont été tirées de façon abusive et arbitraire et sans égard aux éléments de preuve (Siad c Canada (Secrétaire d’État), 1996 CanLII 4099 (CAF), [1997] 1 CF 608 (CA); Ndir au para 32).

[27] L’appréciation de la SAI concernant les fausses déclarations de M. Ahmed au moment où il est arrivé au Canada en décembre 2018 était cohérente au regard des éléments de preuve, et son raisonnement appuyant sa conclusion défavorable quant à la crédibilité était intelligible et justifié. La preuve produite par M. Ahmed quant au fait qu’il avait l’intention de demeurer de façon permanente au Canada n’était pas cohérente. Il a d’abord déclaré qu’il avait l’intention d’obtenir un diplôme d’études de deuxième cycle soit au Pakistan soit au Canada, mais qu’il n’avait pas encore décidé où. Peu de temps après, comme l’a fait remarquer l’agent d’immigration, M. Ahmed a modifié sa déclaration, et a dit souhaiter s’établir de nouveau au Canada. La SAI a questionné M. Ahmed au sujet de l’incohérence, et a tiré sa conclusion après avoir écouté son explication des effets d’un accident de voiture dont il n’avait pas fait mention précédemment. Rien ne permet à la Cour d’enjoindre à la SAI de revoir son examen à l’égard de la crédibilité.

[28] En ce qui concerne les efforts déployés par M. Ahmed afin de revenir au Canada dès que possible, la SAI a reconnu qu’il était mineur durant la majeure partie de son absence du Canada. Malgré tout, la SAI a remarqué que M. Ahmed n’avait fait aucune recherche lui‑même afin d’évaluer les options qui s’offraient à lui pour revenir au Canada et de renouveler son statut de résident permanent avant 2018, au moment où son visa des États‑Unis venait à échéance. D’ailleurs, M. Ahmed n’avait jamais visité le Canada, et n’avait manifesté aucun intérêt à le visiter ni ne semblait envisager la possibilité d’établir sa résidence au Canada à l’âge adulte, que ce soit à 22 ans ou à 25 ans. De plus, même s’il a présenté une demande d’admission à l’Université de Calgary en 2017, M. Ahmed n’a pas donné suite à la demande, car il devait venir au Canada pour passer un examen d’admission. L’analyse de la SAI et sa conclusion selon laquelle M. Ahmed n’a déployé aucun effort pour revenir au Canada lorsqu’il était en mesure de le faire sont compatibles avec la preuve au dossier, et je suis d’avis que la décision n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[29] Dans l’ensemble, M. Ahmed soutient que rien dans la décision ne laisse entendre que la SAI a appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, ni l’approche adoptée par la Cour suprême relativement aux motifs d’ordre humanitaire dans l’arrêt Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 338 (Chirwa). Il affirme que l’examen de la SAI dans le cadre du présent appel manque de sensibilité et de compassion. M. Ahmed laisse entendre que la SAI a tenu compte des motifs d’ordre humanitaire pertinents en vase clos et qu’elle n’a fourni aucun détail quant à sa pondération des différents facteurs favorables ou défavorables en l’espèce (Senay aux para 34, 54).

[30] Je ne suis pas convaincu par les observations de M. Ahmed. Même si la SAI ne cite pas l’approche dégagée dans l’arrêt Chirwa dans sa décision, la SAI a tenu compte des motifs d’ordre humanitaire pertinents et bien établis dans la jurisprudence au moment d’examiner l’appel de M. Ahmed au titre de l’alinéa 67(1)c) et du paragraphe 68(1) de la LIPR. Le tribunal a tenu compte de chaque facteur cerné par M. Ahmed, et a expliqué l’importance cumulative des divers facteurs par rapport au manquement de M. Ahmed à ses obligations en matière de résidence au Canada. La décision est bien différente de celle dont j’étais saisi dans l’affaire Senay.

[31] Je ne remets pas en question le fait que M. Ahmed souhaite revenir au Canada, mais sa preuve fait état de très peu de motifs d’ordre humanitaire appuyant son appel devant la SAI et la présente demande. Le fait qu’il ne s’est conformé à aucune des conditions de résidence visées à l’article 28, plus particulièrement durant la période qui a suivi la fin de ses études universitaires au Pakistan, est un facteur très défavorable. La SAI a conclu de façon raisonnable que le degré d’établissement de M. Ahmed durant la période de neuf mois s’étant écoulée depuis son retour au Canada en 2018 était très limité comparativement à ses liens existants et à sa vie au Pakistan. M. Ahmed a fait remarquer que la SAI s’est concentrée sur le fait qu’il avait seulement effectué 24 heures de bénévolat, alors que son témoignage laissait entendre qu’il en avait fait davantage ou qu’il avait l’intention d’en faire plus; or, le seul élément de preuve au dossier était une lettre d’une organisation bénévole confirmant son travail de bénévole pour une durée de 24 heures.

[32] En résumé, la conclusion de la SAI concernant l’absence de tout établissement important au Canada et son analyse des difficultés étaient intelligibles et justifiées au regard des contraintes imposées par la LIPR et par la jurisprudence, par la preuve de M. Ahmed et par les observations de son conseil (Vavilov aux para 126‑128). Il n’existe aucun fondement qui justifierait que la Cour intervienne dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la SAI.

[33] Enfin, je remarque que M. Ahmed a souligné des erreurs factuelles mineures dans la décision, mais je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les erreurs ne sont pas importantes, et qu’elles n’ont aucune incidence importante sur l’évaluation de l’appel de la SAI.

IV. Conclusion

[34] La demande est rejetée.

[35] Avec l’accord des parties, l’intitulé de la présente demande est modifié afin de supprimer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur, de manière à ce que seul le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration soit désigné à titre de défendeur.

[36] Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑7119‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié afin de supprimer le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

  3. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7119‑19

 

INTITULÉ :

AQDAS AHMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE:

ENTENDU PAR VIDÉOCONFÉRENCE À Ottawa (Ontario) (LA COUR) ET toronto (ontario) (LES PARTIeS)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

6 AVRIL 2021

 

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

21 AVRIL 2021

 

COMPARUTIONS :

Nasir Maqsood

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nasir Law Office

Avocats

Mississauga (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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