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Date : 20030404

Dossier : T-2190-01

Référence neutre : 2003 CFPI 402

ENTRE :

                                                                     SAM MANDEL

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                             (Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario), le 19 mars 2003)

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                 Le demandeur, M. Mandel, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) représenté par le gestionnaire, Division des recouvrements des recettes de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), North York (Ontario) en date du 3 décembre 2001. La décision avait décliné l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi)ainsi que l'annulation des intérêts courus sur la dette fiscale du demandeur pour les années d'imposition 1995 à 1999 et la renonciation audits intérêts.

[2]                 Le paragraphe 220(3.1) de la Loi, souvent décrit comme l'une des dispositions d'équité, prévoit ce qui suit :

... Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation...

[3]                 Le demandeur a une dette envers le défendeur s'élevant à 38 837,32 $ au 3 décembre 2001 pour les années d'imposition 1995 à 1999. La dette découle principalement d'une nouvelle cotisation calculée en 1996 qui refusait une perte au titre d'un placement d'entreprise pour l'année d'imposition 1995. En 1994, M. Mandel a cosigné un prêt s'élevant à 60 000 $ à la Banque Toronto-Dominion pour aider son fils à ouvrir une clinique de physiothérapie à Toronto.

[4]                 L'entreprise n'a pas prospéré et est tombée en faillite au milieu de 1995, moment où la banque a rappelé le prêt et a exigé de M. Mandel qu'il en rembourse la totalité. Ce dernier a liquidé ses REER et a emprunté 16 000 $ à la Banque royale du Canada pour rembourser le prêt accordé par la Banque Toronto-Dominion.

[5]                 Sa tentative de description du paiement comme une perte au titre d'un placement d'entreprise pour l'année d'imposition 1995 a totalement échoué. Dans une lettre datée du 19 mai 2000, M. Mandel a d'abord demandé une renonciation aux intérêts en vertu de la disposition d'équité. Le 26 mars 2001, une lettre a été envoyée au demandeur au nom du comité de l'équité, accordant une exemption d'intérêts entre le 23 mai 2000, date de réception de la demande d'équité par l'ADRC, et le 28 février 2001 sur la base du retard accusé par l'examen de la demande du demandeur pour cette période.

[6]                 Le 13 juin 2001, M. Mandel a demandé un examen administratif de la décision de l'ADRC en date du 26 mars 2001 en raison de difficultés financières. La décision initiale du 26 mars a été confirmée et une lettre portant la date du 10 juillet 2001 a été envoyée au demandeur rejetant sa demande d'une exemption supplémentaire des intérêts.

[7]                 Le demandeur a sollicité un contrôle judiciaire de la décision de l'ADRC en soumettant une demande en date du 9 août 2001. L'ADRC a fait droit à la demande en se fondant sur le fait que des erreurs de procédure avaient peut-être été commises dans le cadre du processus d'examen et a accepté de renvoyer la question pour nouvel examen.

[8]                 La Section de première instance de la Cour fédérale a rendu une ordonnance le 5 novembre 2001 accueillant la demande de contrôle judiciaire et la question a été renvoyée pour nouvel examen.


[9]                 Des agents de l'examen de l'équité autres que ceux qui avaient participé à la première demande ont alors été affectés à l'examen de la demande du demandeur. Il a été décidé qu'il n'avait pas connu de difficultés financières. Le demandeur a été informé, par correspondance envoyée par le gestionnaire de la Division des recouvrements des recettes le 3 décembre 2001, du fait qu'aucune exemption supplémentaire des intérêts n'allait être accordée.

[10]            Le demandeur a sollicité un contrôle judiciaire de la décision susmentionnée par avis de requête portant la date du 14 décembre 2001 et a demandé que la décision en date du 3 décembre 2001 soit infirmée et que l'on enjoigne à l'ADRC de renoncer aux intérêts et aux pénalités chargés.

[11]            Au fond, le demandeur présente deux motifs pour le contrôle. Selon le premier, il a conclu une entente avec l'ADRC au milieu des années 80 aux termes de laquelle cette dernière ne recouvrait pas sa créance et qu'aucun intérêt ne serait couru.

[12]            Selon le second, en raison de sa mauvaise santé, le demandeur se trouve dans l'incapacité de gagner un revenu et le délégué ministériel a erré lorsqu'il n'a pas renoncé aux intérêts au motif des difficultés financières.

[13]            Pour les motifs qui suivent, j'ai conclu que la demande doit être rejetée. En ce qui concerne la prétendue entente, selon l'argument du demandeur, à proprement parler, le ministre ne peut ajouter des intérêts à la dette en raison de l'entente conclue entre M. Mandel et un agent des contacts pour les recouvrements de l'ADRC.

[14]            Le demandeur ne peut avoir gain de cause sur la base de ces motifs pour deux raisons. D'abord, la préclusion n'est pas recevable contre la Couronne pour éliminer une responsabilité imposée par la loi en matière fiscale. La raison justifiant cette proposition consiste dans l'idée que le ministre ne peut contracter en dehors de la Loi.

[15]            Ce principe est discuté en détail dans l'arrêt Taylor c. Sa Majesté la Reine, [1995] 95 D.T.C. 591 (C.C.I.), confirmé par [1997] D.T.C. (C.A.F.).

[16]            Ensuite, sa demande est liée à la renonciation aux intérêts. Il n'existe aucune preuve que l'agent des contacts pour les recouvrements de l'ADRC a convenu de renoncer aux intérêts.


[17]            En ce qui concerne l'argument selon lequel M. Mandel n'est pas en bonne santé et se trouve dans l'incapacité de gagner un revenu et que le délégué ministériel a commis une erreur lorsqu'il a conclu qu'il n'existait aucune difficulté financière, je comprends le raisonnement qui sous-tend l'argument de M. Mandel. L'obstacle auquel il doit faire face en la matière consiste dans le fait que la norme de contrôle judiciaire est le caractère déraisonnable manifeste : Sharma c. Canada (Minister of National Revenue) (2001), 206 F.T.R. 40 et Cheng c. Canada (Minister of National Revenue) (2001), 213 F.T.R. 85.

[18]            En l'espèce, le délégué ministériel a tenu compte du fait que le revenu brut du demandeur pour l'année 1996 et les années suivantes excédait 30 000 $, qu'il était en mesure de faire face à ses dépenses mensuelles sans se trouver en position de déficit, qu'il avait des dettes mineures et un actif considérable et a conclu, sur la base de ces observations, que le demandeur n'avait pas prouvé de difficultés financières.

[19]            Je ne suis pas en mesure de conclure que cette conclusion ne se présentait pas raisonnablement à lui. Je ne suis pas non plus en mesure de conclure que la décision n'a pas été prise de bonne foi, qu'elle avait été prise compte tenu de facteurs extérieurs ou qu'il y avait une violation de l'équité procédurale.

[20]            Alors que je sympathise avec le demandeur qui, depuis son adolescence, a payé ses impôts régulièrement et à temps jusqu'à ce qu'il se trouve face au problème en l'espèce, à la lumière de la norme de contrôle judiciaire, je n'ai pas la possibilité de m'ingérer dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du délégué ministériel simplement parce que je l'aurais sans doute utilisé autrement si j'en avait été la détentrice.

[21]            Par conséquent, il n'existe aucune base sur laquelle fonder une intervention de la Cour et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Une ordonnance le prévoira. Étant donné les circonstances, aucun dépens ne sera accordé.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

        Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20030404

Dossier : T-2190-01

Référence neutre : 2003 CFPI 402

ENTRE :

                                           SAM MANDEL

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

                 LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                  défendeur

Que la transcription révisée ci-jointe des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Toronto (Ontario), le 19 mars 2003, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                                             « Carolyn A. Layden-Stevenson »

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :     T-2190-01

INTITULÉ :    SAM MANDEL c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le mercredi 19 mars 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                     Le mercredi 19 mars 2003

COMPARUTIONS:

Sam Mandel                                                          POUR LE DEMANDEUR

Surksha Nayar                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DÉFENDEUR

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