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     Date : 19971215

     Dossier : T-2871-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 DÉCEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE DUBÉ

Entre :

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     KWOK LEUNG HO,

     appelant.

     JUGEMENT

     L'appel est accueilli.

                             J.E. Dubé

                        

                         Juge

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL. L.

     Date : 19971215

     Dossier : T-2871-96

Entre :

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29,

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté,

     ET

     KWOK LEUNG HO,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

[1]          Il s'agit d'un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté en date du 13 novembre 1996, dans laquelle la demande de citoyenneté canadienne présentée par l'appelant a été refusée au motif qu'il ne respectait pas la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi). Cet alinéa exige qu'un requérant ait résidé au Canada pendant au moins trois des quatre années précédant immédiatement sa demande de citoyenneté.

[2]          L'appelant est né à Hong Kong en 1953. Il a été admis au Canada à titre de résident permanent avec son épouse et son fils le 6 février 1992. Par la suite, un deuxième enfant est né au Canada. En compagnie de son frère, il a acheté une maison à Markham (Ontario). Les deux familles vivent dans la même maison depuis 1992.

[3]          Après avoir obtenu son droit d'établissement au Canada, il a vendu son entreprise et son appartement à Hong Kong et a établi sa famille ici. Ses deux fils fréquentent des écoles canadiennes. Il a inscrit sa famille et lui-même au régime d'assurance-maladie de l'Ontario, a obtenu des cartes d'assurance sociale, un permis de conduire, a ouvert un compte dans une banque canadienne et s'est procuré des cartes de crédit canadiennes.

[4]          En compagnie de son frère, il exploite le restaurant City Garden à Niagara Falls, où travaillent 25 personnes. Les deux frères ont investi un million de dollars dans cette entreprise. Il produit ses déclarations d'impôt sur le revenu au Canada. Son père et sa mère, qui vivaient à Hong Kong, sont maintenant décédés et toute la famille de l'appelant est maintenant pleinement établie au Canada. Ils sont également citoyens canadiens.

[5]          Cependant, le restaurant de Niagara Falls faisait des pertes et l'appelant a dû chercher un revenu d'appoint. Il s'est donc engagé comme agent pour une usine de textiles à Hong Kong et il voyage partout dans le monde pour recruter de nouveaux clients à son employeur.

[6]          La juge de la citoyenneté a fondé sa décision sur le fait qu'au moment où la demande de citoyenneté a été déposée l'appelant n'avait été physiquement présent au Canada que 328 jours sur la période réglementaire de 1 461 jours, précédant immédiatement la date de sa demande.

[7]          Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, la résidence au Canada aux fins d'obtenir la citoyenneté n'implique pas la présence physique en tout temps. Le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais bien celui où elle retourne après avoir travaillé. Donc, un demandeur de la citoyenneté qui élit domicile de façon évidente et définitive au Canada, dans l'intention bien claire d'avoir des racines permanentes dans ce pays ne doit pas être privée de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en travaillant à l'étranger. Les indices les plus éloquents du maintien de la résidence sont l'établissement permanent d'une personne et de sa famille dans le pays.

[8]          Ce principe a été clairement établi par le juge en chef adjoint de cette Cour, le juge Thurlow (tel était alors son titre), dans l'arrêt bien connu Papadogiorgakis1, où il indique ceci à la page 214 :

     Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion s'y présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] "essentiellement du point de vue jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".         

[9]          Cet arrêt de principe a été rendu il y a plus de 18 ans, et le législateur n'a pas jugé bon de modifier la loi pour en circonscrire l'effet. La raison en est qu'une interprétation libérale de la Loi reflète les valeurs familiales généreuses que préconisent nos citoyens.

[10]          Par conséquent, l'appel est accueilli.

                             "J.E. Dubé"

                        

                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 15 décembre 1997

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :                  T-2871-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Loi sur la citoyenneté c.

                         Kwok Leung Ho

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 5 décembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT

PRONONCÉS PAR :              le juge Dubé

DATE :                      le 15 décembre 1997

ONT COMPARU :

Peter K. Large                  AMICUS CURIAE

Sheldon M. Robins                  POUR L'APPELANT

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter K. Large

Toronto (Ontario)                  AMICUS CURIAE

Sheldon M. Robins

Toronto (Ontario)                  POUR L'APPELANT

__________________

1          [1978] 2 C.F. 208, p. 214.

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