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Date : 20210407


Dossier : T-1376-19

Référence : 2021 CF 297

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2021

En présence de l'honorable monsieur le juge Pamel

ENTRE :

NORMAND PILOT ET ROLLAND THIRNISH

demandeurs

et

MIKE MCKENZIE, NORMAND AMBROISE, ANTOINE GRÉGOIRE, KENNY RÉGIS,

DAVE VOLLANT ET ZACHARIE VOLLANT

défendeurs

et

INNU TAKUAIKAN UASHAT MAK MANI-UTENAM

intervenant

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Il s’agit d’une requête en appel logé par les demandeurs à l’encontre d’une ordonnance rendue par Madame la protonotaire Tabib rejetant leur requête en provision pour frais [Requête Okanagan] par une ordonnance datée du 15 janvier 2021 [Ordonnance du 15 janvier 2021] conformément aux principes de l’arrêt Colombie Britannique (Ministre des forêts) c Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71 [Okanagan].

[2] Cette requête en provision pour frais est dirigée à l’encontre des défendeurs, Mike McKenzie, Normand Ambroise, Antoine Grégoire, Kenny Régis et Dave Vollant [défendeurs], de l’intervenante Conseil de bande Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam [ITUM], et à l’encontre du Procureur général du Canada [PGC] lequel n’est ni partie ni intervenant à la demande de contrôle judiciaire sous-jacente.

[3] La demande de contrôle judiciaire sous-jacente vise la décision du Comité d’appel du 25 juillet 2019 qui rejetait le grief des demandeurs à l’encontre de l’élection du Conseil de bande d’ITUM ayant eu lieu le 26 juin 2019. Les demandeurs souhaitent aussi obtenir la révision et l’annulation de l’élection elle-même, par voie de quo warranto.

[4] Pour les raisons qui suivent, je rejette l’appel.

II. Faits

[5] Les faits concernant la demande de contrôle judiciaire sous-jacente et une partie de l’historique procédurale relative au présent dossier sont relatés dans la décision que j’ai rendue à l’égard de l’appel logé à l’encontre de l’Ordonnance du 31 août 2020 de Madame la protonotaire Steele, Pilot et autre c McKenzie et autres, 2021 CF 296, appel que j’ai entendu conjointement avec le présent appel portant sur l’Ordonnance du 15 janvier 2021.

[6] La demande de contrôle judiciaire sous-jacente a été déposée le 23 août 2019. Près de quatorze mois plus tard, soit le 14 octobre 2020, les demandeurs ont déposé la Requête Okanagan faisant l’objet du présent appel.

[7] Le 28 octobre 2020, suite à l’audition de la requête d’intervention d’ITUM, la protonotaire Tabib a rendu une ordonnance fixant l’échéancier pour la Requête Okanagan et prévoyant ainsi l’audition sur ladite requête le 8 décembre 2020.

[8] Le 15 janvier 2021, suite à l’audition ayant eu lieu comme prévu, la protonotaire Tabib a rejeté la Requête Okanagan dans son entièreté, trouvant d’une part que les conclusions demandées à l’encontre du PGC n’étaient pas fondées, notamment parce que celui-ci n’était pas parti de près ou de loin à l’instance et que, d’autre part, les demandeurs ne rencontraient pas aucun des trois critères cumulatifs pour l’émission d’une telle ordonnance.

[9] La protonotaire Tabib n’a pas masqué son mécontentement à l’égard du comportement des demandeurs relativement à leur requête en soulignant que :

C’est une chose pour un procureur de se méprendre sur le droit applicable, sur le fardeau de la preuve, ou sur la suffisance de la preuve qu’il propose. C’est une tout autre chose pour une partie qui souscrit à un affidavit de démontrer une telle désinvolture quant à la représentation fidèle des faits. Les deux demandeurs ont souscrit à des affidavits qui attestent la véracité d’affirmations et de documents qui, pourtant, omettent des faits manifestement pertinents, au point de mener à la présentation trompeuse de la vérité. D’exempter les demandeurs du paiement des dépens dans les circonstances équivaudrait à les exonérer des conséquences de ce manque de rigueur, y compris la perte de temps et les coûts encourus pour effectuer les contre-interrogatoires que leur manque de transparence a rendus nécessaires.

[Je souligne.]

[10] Le 25 janvier 2021, les demandeurs ont déposé un avis de requête pour faire appel de l’Ordonnance du 15 janvier 2021.

[11] Suite au dépôt initial de l’avis de requête des demandeurs pour faire appel de l’Ordonnance du 15 janvier 2021, une tentative infructueuse de la part de l’intervenante de déposer une requête en rejet de la requête en appel des demandeurs, et une conférence de gestion avec protonotaire Tabib, enfin, le 11 mars 2021, les demandeurs signifient et déposent leur dossier de requête pour faire appel de l’Ordonnance du 15 janvier 2021. Le 12 mars 2021, les défendeurs et le PGC, ont signifié et déposé chacun leurs dossiers de réponse.

III. Questions en litige

[12] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. Est-ce que la requête en appel de l’Ordonnance devrait être rejetée à l’égard du PGC ?

  3. Est-ce que la protonotaire Tabib a commis une erreur révisable dans son Ordonnance du 15 janvier 2021 quant aux trois conditions cumulatives donnant ouverture à son pouvoir discrétionnaire d’octroyer la provision pour frais?

  4. Est-ce que la protonotaire Tabib a commis une erreur révisable en accordant les dépens en faveur des défendeurs (sauf Jonathan St-Onge)?

IV. Analyse

A. La norme de contrôle

[13] Le cadre juridique applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires a été récemment énoncé par le Juge Mosley dans Constantinescu c Canada (Procureur général), 2021 CF 213 :

[12] […] [L]a norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires est celle de la décision correcte en ce qui concerne les questions de droit, et celle de l’erreur manifeste et dominante relativement aux conclusions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit lorsqu’il n’existe aucune question de droit isolable : Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, aux paras 8, 10, 36 et 83 [Housen].

[13] Comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale dans Rodney Brass c Papequash, 2019 CAF 245, « l’erreur manifeste et dominante est une norme élevée et difficile à respecter ». Cela a été expliqué par la Cour dans Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au para 46 [South Yukon Forest Corporation] :

Par erreur “manifeste”, on entend une erreur évidente, et par erreur “dominante”, une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[14] De plus, pour déterminer la norme applicable aux questions de fait et de droit, il est nécessaire de déterminer si le principe juridique est isolable de la conclusion de fait ou s’il est lié à cette dernière (Arntsen c Canada, 2021 CF 51 aux paras 25-26).

[15] La protonotaire Tabib, pour rendre sa décision, s’est basée sur les critères de l’arrêt Okanagan (para 40) :

1. La partie qui demande une provision pour frais n’a véritablement pas les moyens de payer les frais occasionnés par le litige et ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal — bref, elle serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance.

2. La demande vaut prima facie d’être instruite, c’est‑à‑dire qu’elle paraît au moins suffisamment valable et, de ce fait, il serait contraire aux intérêts de la justice que le plaideur renonce à agir en justice parce qu’il n’en a pas les moyens financiers.

3. Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

[16] La protonotaire Tabib souligne que ce remède est exceptionnel, que le fardeau de preuve repose sur les requérants et que toutes les conditions doivent être remplies pour que l’ordonnance puisse être octroyée. En effet, même si les critères sont satisfaits, la décision d’accorder la requête ou pas demeure discrétionnaire.

[17] Les critères juridiques employés par la protonotaire Tabib de même que la norme de contrôle applicable à son ordonnance ne font pas l’objet de représentations de la part des demandeurs.

[18] En fait, les demandeurs ne soulèvent généralement pas d’erreur de fait ou de droit précise dans le raisonnement de la protonotaire Tabib et s’en tiennent principalement à argumenter de nouveau les arguments qui étaient devant celle-ci. Je vais donc revenir sur chacun des critères de l’arrêt Okanagan afin de suivre le raisonnement des demandeurs.

[19] Il faudra d’abord revenir sur la participation du PGC à la présente requête qui est pour le moins surprenante.

B. La participation du Procureur général du Canada

[20] Dans son Ordonnance du 15 janvier 2021, la protonotaire Tabib divise son analyse en deux parties. La première porte sur les conclusions demandées à l’encontre du PGC et la seconde porte sur celles demandées à l’encontre des autres parties à l’instance, soit les défendeurs et l’intervenante. Ceci s’explique par le fait que le PGC n’est pas parti à l’instance. De plus, comme l’a bien noté la protonotaire Tabib, « [a]ucune conclusion et aucun remède ne sont recherchés contre lui. L’élection s’étant déroulée en vertu d’un code électoral coutumier, indépendamment de la Loi sur les élections au sein des premières nations, le gouvernement fédéral n’a joué aucun rôle dans le processus électoral ni dans le processus d’appel ».

[21] Comme l’a noté la protonotaire Tabib, il est d’ailleurs bien établi qu’une provision pour frais ne peut viser les tiers que dans des circonstances bien précises, circonstances qui ne sont évidemment pas présentes en l’espèce (Bellegarde c Poitras, 2009 FC 1212, Re Bodnarchuk, [1995] 3 FC 300; Lower Similkameen Indian Band c Allison (1995), 99 FTR 305 (Protonotaire); Barbosa v Canada (Minister of Employment and Immigration) (1987), 4 Imm LR (2d) 81 (CAF)).

[22] On peut donc légitimement se demander : mais qu’est-ce que le PGC vient faire ici?

[23] En appel, les demandeurs n’ont soumis aucun argument écrit à l’égard de la conclusion de la protonotaire Tabib sur cet enjeu. Lors de l’audience et seulement en réplique, le procureur des demandeurs, de son propre aveu, n’a fait que présenter les mêmes arguments qu’il avait présenté devant la protonotaire Tabib.

[24] Comme les demandeurs échouent lamentablement à identifier quelconque erreur (sans parler d’erreur révisable) de la protonotaire Tabib sur l’enjeu de la participation du PGC dans la Requête Okanagan et que de toute façon l’ordonnance est bien fondée en fait et en droit sur cette question, je ne peux venir déranger cette partie de l’Ordonnance. Le fait que les demandeurs n’aient pas abandonné leur appel à l’égard du PGC est tout de même déplorable vu la quasi-absence de représentations des demandeurs sur cette question.

C. Est-ce que la protonotaire Tabib a commis une erreur révisable dans son Ordonnance du 15 janvier 2021 quant aux trois conditions cumulatives donnant ouverture à son pouvoir discrétionnaire d’octroyer la provision pour frais?

(1) La partie qui demande l’ordonnance serait incapable d’agir en justice sans celle-ci

[25] La protonotaire Tabib a jugé que les demandeurs ne s’étaient pas déchargés de leur fardeau de preuve d’établir leur impécuniosité. Elle a attribué une faible valeur probante aux affidavits soutenant la prétendue insuffisance de ressources financières des demandeurs pour mener à bien la procédure sous-jacente, puisque les contre-interrogatoires sur affidavits auraient divulgué des sommes, des véhicules et au moins un compte bancaire qui n’avaient pas été mentionnés dans les affidavits. De plus, les demandeurs se seraient objectés sans droits aux questions visant leurs conjointes.

[26] Ainsi, les demandeurs ne se seraient pas déchargés de leur fardeau de mettre en preuve un tableau financier le plus complet possible démontrant notamment la situation financière de conjoints ou de membres de la famille élargie qui pourraient servir de sources de financement alternatives (Al Telbani c Canada (Procureur général), 2012 CAF 188 au para 10).

[27] Les demandeurs soutiennent que les sommes dévoilées dans les affidavits sont faibles et qu’elles ne sont pas de nature à les rendre financièrement apte pour mener à bien la demande sous-jacente. La protonotaire Tabib aurait donc erré en attribuant trop d’importance aux irrégularités contenues dans les affidavits, ce qui l’aurait empêchée de se poser la bonne question, soit celle de savoir si les demandeurs ont les moyens de payer pour le recours entrepris ou pas.

[28] Il s’agit ici d’une erreur alléguée de fait. Les demandeurs reprochent à la protonotaire Tabib d’avoir mal évalué la crédibilité des affidavits à la lumière des interrogatoires et d’avoir erré dans son appréciation de l’impécuniosité des demandeurs.

[29] Je ne peux voir un motif d’intervention ici. Les incongruités identifiées par la protonotaire Tabib ne sont pas mineures, contrairement à ce que peuvent en penser les demandeurs. Du moins, ce n’était pas une erreur manifeste et dominante de la part de la protonotaire Tabib de conclure que ces incongruités, en plus des objections des demandeurs quant au revenu de leurs conjointes, font en sorte que ceux-ci ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve d’établir leur impécuniosité. Ce n’est pas à la Cour de se montrer complaisante à l’égard d’une preuve bancale administrée par les demandeurs.

[30] Bien que cela ne soit pas nécessaire pour déterminer l’issue de la présente question, je tiens à souligner au passage que le délai de plus d’un an et demi encouru dans la présente instance, sans que la demande au fond ait progressé de quelconque manière, mine sérieusement les prétentions des demandeurs quant à leur impécuniosité.

[31] Je ne vois donc aucune raison d’intervenir sur cette question. Il serait en principe suffisant d’arrêter ici, puisque les trois conditions de l’arrêt Okanagan sont cumulatives. Or, considérant l’état du présent dossier, il convient d’adresser les prétentions des demandeurs sur les deux autres conditions, afin de bien mettre en lumière à quel point la présente procédure était superflue, voire frivoles.

(2) La demande vaut prima facie d’être instruite

[32] La protonotaire Tabib rappelle d’emblée que la demande de contrôle judiciaire semble plutôt viser la décision du Comité d’appel et non pas l’élection elle-même, telle qu’établie dans l’Ordonnance de la Cour du 30 octobre 2020, et que les demandeurs n’ont présenté aucun argument pour contredire cette conclusion. Elle ajoute que les demandeurs ont confondu l’importance des questions soulevées avec la question des chances de succès de leur recours. Or, seul le second facteur serait pertinent à cette étape du test de l’arrêt Okanagan.

[33] Enfin, la protonotaire Tabib juge que les demandeurs « n’ont pas étayé leurs prétentions à l’effet que la décision [du Comité d’appel] ait été entachée de manque de transparence et d’obstruction au processus ». Elle ajoute que selon elle, à la lecture de cette décision, il est difficile de « discerner des motifs de contestation particulièrement sérieux ».

[34] Les demandeurs soulignent encore devant moi à quel point leur recours est important en s’appuyant encore une fois sur les affidavits radiés par la protonotaire Steele.

[35] Les demandeurs ajoutent que la protonotaire Tabib aurait souligné dans son Ordonnance du 30 octobre 2020 que la demande soulevait des questions sérieuses. La position prise par la protonotaire Tabib dans cette Ordonnance serait contradictoire avec la position qu’elle a prise dans son Ordonnance du 15 janvier 2021 et seule la première position devrait tenir selon les demandeurs.

[36] Enfin, les demandeurs soulignent que la composition du Comité d’appel est un argument en lui seul présentant suffisamment de chances de succès pour leur permettre de franchir la présente étape du test de l’arrêt Okanagan.

[37] Encore une fois, les demandeurs s’entêtent à présenter devant moi les mêmes arguments, tout en s’appuyant encore sur des pièces radiées, qu’ils avaient présenté devant la protonotaire Tabib.

[38] Quant au changement de position allégué de la protonotaire Tabib entre son Ordonnance du 30 octobre 2020 et celle du 15 janvier 2021, ce changement s’explique facilement par le fait que pour cette dernière ordonnance, la protonotaire Tabib bénéficiait de la décision du Comité d’appel, qui a été produite de consentement lors de l’audience (un an et demi après le dépôt de l’avis de demande).

[39] Enfin, il est difficile de trouver une erreur dans l’omission (s’il en est) de la protonotaire Tabib d’avoir abordé la question de la composition du Comité d’appel, puisque cette question n’a pas été soulevée devant elle et ne se trouve pas dans l’avis de demande. À tout événement, considérant que cet argument n’a pas été soulevé à la première occasion, il est difficile de partager l’enthousiasme des demandeurs quant aux chances de succès de cet argument au fond (Transport Car-Fré Ltée c Lecours, 2018 CF 1133 aux paras 50-54).

[40] Il n’y a aucun motif d’intervention ici.

(3) Les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

[41] Les demandeurs s’en prennent à la conclusion de la protonotaire Tabib portant que ceux-ci n’ont pas identifié au moins une question soulevée par la demande qui n’a pas été tranchée par la jurisprudence et qui serait d’application générale. Les demandeurs suggèrent que de leur imposer de vérifier toutes les décisions rendues dans le passé pour distinguer leur situation de celles-ci serait un fardeau « nettement déraisonnable ».

[42] Les demandeurs mettent la charrue avant les bœufs. Avant même de se questionner si la question soulevée par la demande est spéciale au point qu’elle n’aurait jamais été tranchée auparavant, il faut de prime abord identifier une question spéciale soulevée par la demande. Or, comme pour les deux autres conditions mentionnées plus haut, les demandeurs échouent lamentablement à la tâche. Les demandeurs ne soulèvent aucune question moindrement spéciale qui permettrait à la Cour de vérifier si cette question a déjà été tranchée auparavant.

[43] La Cour suprême du Canada est claire que seules les affaires « rares et exceptionnelles » peuvent justifier une provision pour frais (Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5 au para 140) :

Premièrement, l’affaire doit porter sur des questions d’intérêt public véritablement exceptionnelles. Il ne suffit pas que les questions soulevées n’aient pas encore été tranchées ou qu’elles dépassent le cadre des intérêts du plaideur qui a gain de cause : elles doivent aussi avoir une incidence importante et généralisée sur la société. Deuxièmement, en plus de démontrer qu’ils n’ont dans le litige aucun intérêt personnel, propriétal ou pécuniaire qui justifierait l’instance pour des raisons d’ordre économique, les demandeurs doivent démontrer qu’il n’aurait pas été possible de poursuivre l’instance en question avec une aide financière privée. Dans ces rares cas, il est contraire à l’intérêt de la justice de demander aux plaideurs individuels (ou, ce qui est plus probable, aux avocats bénévoles) de supporter la majeure partie du fardeau financier associé à la poursuite de la demande.

[44] Ici, les demandeurs n’ont aucunement démontré que leur demande soulevait des questions nouvelles. Ils ont encore moins démontré une erreur révisable dans le raisonnement de la protonotaire Tabib.

V. Les dépens

[45] Enfin, les demandeurs contestent avec véhémence l’Ordonnance de la protonotaire Tabib quant aux dépens. Selon eux, la protonotaire Tabib, en rendant cette Ordonnance, accorde une importance injustifiée aux informations qui seraient sorties lors des contre-interrogatoires. Cette information ne ferait pas preuve de mauvaise foi de la part des demandeurs.

[46] Encore une fois, les demandeurs n’identifient aucune erreur dans le raisonnement de la protonotaire Tabib sur la question des dépens. Ils n’adressent même pas la question de savoir pourquoi la protonotaire Tabib aurait dû dévier de la pratique habituelle d’octroyer les dépens à la partie ayant gain de cause. Sa détermination doit donc être maintenue.

[47] Quant aux dépens pour la présente requête en appel, ils seront traités dans mon jugement sur la requête en rejet des défendeurs.

VI. Conclusion

[48] Je rejetterais la requête en appel.

[49] De plus, j’ai demandé aux parties de présenter des soumissions sur les dépens. Dans les circonstances, un montant de 2 500 $ sera accordé en faveur des défendeurs. Des dépens de 2 500 $ seront accordés à l’intervenante ITUM et le même montant sera accordé au PGC.

[50] De plus, le PGC a demandé d’être retiré de l’intitulé de la cause, car il n’est pas impliqué dans cette procédure. Je suis d’accord, par conséquent, l’intitulé de la cause sera modifié afin de retirer le PGC comme mis-en-cause.

 


ORDONNANCE au dossier T-1376-19

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête en appel est rejetée.

  2. Un montant de 2 500 $ est accordé en faveur des défendeurs.

  3. Un montant de 2 500 $ est accordé en faveur de l’intervenante Innu Takuaikan Uashat mak Mani-Utenam.

  4. Un montant de 2 500 $ est accordé en faveur du Procureur général du Canada.

  5. L’intitulé de la cause est modifié afin de retirer le Procureur général du Canada comme mis-en-cause.

« Peter G. Pamel »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1376-19

 

INTITULÉ :

NORMAND PILOT ET ROLLAND THIRNISH c MIKE MCKENZIE, NORMAND AMBROISE, ANTOINE GRÉGOIRE, KENNY RÉGIS, DAVE VOLLANT ET ZACHARIE VOLLANT ET INNU TAKUAIKAN UASHAT MAK MANI-UTENAM

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE entre MONTRÉAL (QUÉBEC), québec (québec) et ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 mars 2021

 

ORDONNANCE ET motifs :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 avril 2021

 

COMPARUTIONS :

Me Patrick Lamarre

 

Pour les demandeurs

 

Me Robert Gagné

Me Coralie Martineau

 

Pour les défendeurs

 

Me Denis Cloutier

Me Thomas Dougherty

 

Pour l'intervenant

 

Me Éric Gingras

 

Pour le mis en cause

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jalbert Lamarre Avocats

Québec (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Gravel Bernier Vaillancourt

Québec (Québec)

 

Pour les défendeurs

 

Cain Lamarre

Montréal (Québec)

 

Pour l'intervenant

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le mis en cause

 

 

 

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