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Date : 20000224


Dossier : IMM-1844-99



ENTRE :

     HISANO ISHII

     demanderesse


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     (Prononcés à l"audience à Vancouver, le 23 février 2000)


LE JUGE LEMIEUX



[1]      Par cette demande de contrôle judiciaire, la demanderesse conteste une décision datée du 23 mars 1999, par laquelle Raymond Gabin (l"agent des visas) a rejeté sa demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie indépendante d"acheteuse des commerces de gros et de détail (CNP 6233.0).

[2]      Le paragraphe pertinent de la lettre de décision de l"agent des visas est rédigé comme suit :

         [traduction]

         J"ai examiné et évalué avec soin votre formation et votre expérience dans la profession susmentionnée en me fondant sur les renseignements contenus dans votre demande et j"ai conclu que vous n"êtes pas qualifiée pour travailler dans cette profession au Canada, puisque vous n"avez pas les qualifications minimales précisées dans la Classification nationale des professions. Un diplôme d"études collégiales et universitaires en gestion des affaires, en marketing ou dans une discipline connexe est exigé. Vous détenez un certificat du Kanda Institute of Foreign Languages. En conséquence, j"ai conclu que vous ne pouvez être choisie en tant qu"acheteuse des commerces de gros et de détail.

[3]      Le point de vue de la demanderesse est simple et direct, savoir que l"agent des visas a mal interprété les exigences de la Classification nationale des professions (CNP 6233.0). On n"y trouve pas qu"un diplôme d"études collégiales et universitaires en gestion des affaires, en marketing ou dans une discipline connexe " est exigé ", mais simplement qu"un tel diplôme " est habituellement exigé ".

[4]      Les expressions " est exigé " et " est habituellement exigé " sont expliquées de la façon suivante dans la CNP, sous l"intitulé " Conditions d"accès à la profession " :

Quelques professions ont des exigences bien définies. Pour d"autres, soit qu"il n"existe aucun consensus, soit qu"il puisse exister un éventail d"exigences acceptables. Afin de refléter ces variations du marché du travail, cette section décrit les conditions d"accès à la profession en utilisant la terminologie suivante :
     -      " ... est exigé " (pour indiquer une exigence précise);
     -      " ... est habituellement exigé " (pour indiquer que les employeurs exigent habituellement, mais pas nécessairement, que les candidats répondent aux exigences);
     -      " ... peut être exigé " (pour indiquer que certains employeurs peuvent exiger que les candidats répondent aux exigences, mais sur une base moins fréquente).

[5]      L"avocate du défendeur soutient que la décision de l"agent des visas n"est pas fondée sur le fait que la demanderesse n"avait pas un diplôme universitaire, mais sur une combinaison de facteurs tels que la formation et l"expérience, ainsi que sur le fait que les deux années d"études de la demanderesse au Kanda Institute for Foreign Languages ne comprenaient aucun cours dans le domaine des affaires. L"avocate du défendeur admet que l"agent des visas a mal décrit les exigences en matière d"études. L"avocate du défendeur soutient aussi qu"il n"y a rien dans la preuve qui démontre que la demanderesse rencontre une exigence obligatoire, savoir une expérience en tant que vendeuse ou surveillante de ventes. À ce sujet, elle a attiré mon attention sur les pages 21 et 23 du dossier certifié du tribunal, où l"on trouve les lettres de référence de la demanderesse qui ne font aucune mention d"une expérience dans le domaine des ventes.

[6]      Je constate que le refus de l"agent des visas a été prononcé sans que la demanderesse soit reçue en entrevue, nonobstant le fait qu"à la sélection administrative la demanderesse avait reçu 62 unités d"appréciation, y compris six unités pour l"expérience (poste 3) et une unité pour le facteur demande professionnelle (poste 4) (voir l"article 11.1 du Règlement sur l"immigration).

[7]      Ce n"est pas la première fois que la Cour doit se pencher sur l"application faite par un agent des visas des termes " est exigé " et " est habituellement exigé " que l"on trouve dans la CNP. On a attiré mon attention sur deux décisions récentes de la Cour : 1) Hara c. Canada (M.C.I.) (IMM-6307-98, le 26 août 1999, le juge Reed) et 2) Karathanos c. Canada (M.C.I.) (IMM-5011-98, le 5 octobre 1999, le juge Sharlow, alors juge en première instance).

[8]      Dans Hara, le juge Reed mentionne une note de service adressée par le ministère de la Citoyenneté et de l"Immigration à tous les agents des visas, les avisant que l"expression " est habituellement exigé " devait être interprété comme signifiant que " le demandeur doit satisfaire à cette exigence, à moins qu"il n"existe d"importants facteurs qui, de l"avis de l"agent des visas, font en sorte que le demandeur surmontera probablement une telle exigence ".

[9]      Dans Hara, le juge Reed a déclaré qu"il se peut que l"interprétation qu"on trouve à la note de service " soit trop stricte ", mais elle a conclu que " néanmoins, il doit y avoir une quelconque raison convaincante que permette de penser que le demandeur sera capable de se trouver un emploi dans le domaine qu"il entend intégrer, malgré le fait qu"il ne possède pas les compétences "habituelles" en matière d"éducation " (voir le paragraphe 6).

[10]      Dans Karathanos, précité, le juge Sharlow a suivi Hara, précité, et ajouté, au paragraphe 25 :

En l"espèce, l"agent des visas se trouvait être en face d"une requérante qui n"avait pas le niveau de scolarité qui est " habituellement exigé " pour la profession choisie. Il aurait dû tenir compte de ses études, de sa formation et de son expérience en entier afin de déterminer si cela correspondait approximativement à l"équivalent d"une maîtrise en archivistique, en bibliothéconomie ou en histoire. Après avoir examiné le dossier, je suis loin d"être convaincue que l"agent des visas a fait une évaluation raisonnable de l"expérience de travail de Mme Karathanos à l"égard de cette question.

[11]      Dans Hara et Karathanos, l"erreur d"interprétation des conditions d"accès à la profession prévues dans la CNP n"était pas aussi claire qu"en l"instance. En l"instance, l"agent des visas a clairement dit qu"un diplôme universitaire est exigé, c"est-à-dire qu"il s"agit d"une exigence impérative. Il s"est trompé. De plus, cette mauvaise interprétation est le fondement principal de la conclusion de l"agent des visas que la demanderesse n"était pas qualifiée comme acheteuse des commerces de gros et de détail. Il a dit qu"un diplôme universitaire en gestion des affaires ... est exigé et il a conclu qu"elle n"avait qu"un certificat en langues étrangères. La décision de l"agent des visas ne laisse donc aucune place à l"expression " est habituellement exigé " et aux facteurs qui doivent être examinés afin de déterminer si le profil de la demanderesse peut compenser le fait qu"elle ne satisfait pas aux " exigences habituelles ". Dans les circonstances, je considère que cette mauvaise interprétation a mené l"agent des visas à ne pas tenir compte de facteurs pertinents dans l"exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[12]      Même si j"acceptais l"interprétation du défendeur que la mauvaise interprétation de l"agent des visas ne l"a pas empêché de faire l"examen requis des facteurs " formation et expérience ", je ne suis pas convaincu que l"examen de l"agent des visas correspond à ce qui est requis par la Loi sur l"immigration. Au mieux, il s"agissait d"une évaluation pro forma de ces facteurs. Ceci est amplement démontré par un examen de ses notes au STIDI, où l"on ne trouve aucune analyse de l"expérience de la demanderesse non plus que de la formation qu"elle a pu recevoir, bien qu"elle n"a pas mentionné sa formation dans sa demande alors qu"elle a la responsabilité de présenter un dossier complet (Re Lam c. Canada (M.C.I.) (1998), 152 F.T.R. 316).

[13]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la question est renvoyée pour nouvel examen par un agent des visas différent. Aucune question certifiée n"a été soumise.


                             F. Lemieux

                                 Juge


Le 24 février 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :      IMM-1844-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      HISANO ISHII

     c.

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION


LIEU DE L"AUDIENCE :      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L"AUDIENCE :      Le 23 février 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE :      M. LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :      24 février 2000



ONT COMPARU

M. Dennis Tanack      pour la demanderesse
Mme Emilia Pech      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dennis Tannack

Barrister & Solicitor

Vancouver (C.-B.)      pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada      pour le défendeur
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