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Date : 20000915

Dossier : IMM-5756-99

IMM-5757-99

ENTRE :

MASOOD JAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN :


[1] Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision, en date du 2 septembre 1999, par laquelle W.A. Sheppit, représentant du ministre, a conclu que le demandeur constituait un danger pour le public aux termes de l'alinéa 53(1)d) et du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. En raison d'une ordonnance de la Cour, les dossiers de la Cour numéro IMM-5757-99 et IMM-5756-99 ont été entendus ensemble et je signale que les présents motifs s'appliquent à ces deux dossiers.

[2] Le demandeur invoque trois manquements aux règles de justice naturelle. Premièrement, il allègue qu'il a été mal renseigné en ce qui concerne le délai à l'intérieur duquel il était tenu de répondre à la demande d'observations du ministre. Deuxièmement, il conteste le bien-fondé des motifs. Troisièmement, il allègue que les documents récapitulatifs auraient dû lui être divulgués avant que la décision ne soit rendue.

[3] Le demandeur soutient qu'il y a eu manquement aux règles de justice naturelle à son égard quand un agent d'immigration lui aurait censément dit qu'il n'y avait pas de souplesse relativement à l'exigence de répondre à la demande d'observations du ministre dans les 15 jours. Toutefois, la déclaration dans l'affidavit du demandeur n'est pas suffisamment claire pour justifier une conclusion qu'il y a eu manquement aux règles de justice naturelle. Le demandeur a reçu signification d'une lettre, datée du 17 mai 1999, l'informant que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration solliciterait l'avis du ministre à savoir si M. Jan constitue un danger pour le public canadien. Le demandeur déclare que la personne qui lui a livré cet avis lui a dit qu'il ne pouvait pas obtenir une prolongation du délai de 15 jours. Le demandeur décrit la personne comme un agent d'immigration et déclare au paragraphe 3 de son affidavit :


[TRADUCTION] On m'a dit que je pourrais demander une prolongation de délai seulement si j'étais à l'hôpital ou s'il y avait une urgence. J'ai dit à l'agent (quand il m'a remis les documents) que je ne savais pas ce qui se passait, que je n'étais pas certain de pouvoir comprendre les documents parce que je ne pouvais pas lire l'anglais aussi bien et que je devrais avoir au moins environ un mois pour engager un avocat. L'agent m'a dit que je n'avais que ce délai (c'est-à-dire : 8 jours ouvrables) et que c'était comme ça que ça fonctionnait.

Il s'agit du seul élément de preuve dont je dispose à cet égard.

[4]         Le demandeur continue en décrivant comment il est difficile d'engager un avocat en prison. Toutefois, le fait est qu'il n'a pas demandé une prolongation de délai. Il a plutôt fait des observations le 31 mai 1999, 14 jours après avoir reçu l'avis de Citoyenneté et Immigration. À cette date, le demandeur aurait pu tenter d'entrer en contact avec un avocat et de poursuivre, mais il n'a pas pris de nouvelle initiative. La décision du ministre a été rendue trois mois et demi plus tard, le 2 septembre 1999. Compte tenu des circonstances de l'espèce, je ne considère pas qu'il y a eu manquement aux règles de justice naturelle. Le demandeur avait la responsabilité de prendre les moyens d'obtenir un avocat ou une autre aide dans ce type d'affaire.

[5]         Dans des circonstances normales, un délai de 15 jours est suffisant pour permettre à une personne de répondre à un avis comme celui que M. Jan a reçu le 17 mai 1999. Cependant, il faudrait envisager la possibilité de fournir un temps de réponse plus long aux détenus. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis qu'il n'y a pas eu manquement aux règles de justice naturelle vu les faits de l'espèce.


[6]         Le demandeur soutient que le défendeur aurait du lui fournir les documents récapitulatifs qui avaient été présentés au ministre avant que la décision ne soit rendue. La Cour est divisée sur cette question depuis l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans Bhagwandass c. Canada (M.C.I.), [2000] 1 C.F. 619 (1re inst.), le juge Gibson décrit de tels documents comme des documents récapitulatifs quand il affirme au paragraphe 29 :

[29] Comme dans l'affaire Baker, l'avis ou la décision faisant l'objet du présent contrôle n'était pas étayé par des motifs. En outre, comme dans cette affaire, il ressort des documents qui ont été soumis à la Cour en l'espèce que le représentant du défendeur disposait de "notes" qui prenaient la forme de deux documents : premièrement, un formulaire de demande de l'avis du ministre comprenant un résumé sur le danger que le demandeur était susceptible de constituer et les considérations sur le risque auquel ce dernier serait exposé s'il était renvoyé, résumé qui contenait également les remarques et recommandations de l'agent qui a examiné le cas et qui faisait état non seulement des recommandations de l'agent mais également de l'avis concordant d'un analyste principal de l'examen des cas rattaché à la Direction générale du règlement des cas; deuxièmement, un rapport faisant état de l'avis du ministre selon lequel le demandeur constituait un danger pour le public. Ces deux documents paraissent ensemble résumer les documents qui, selon ce qu'on a dit au demandeur, auraient servi au défendeur pour déterminer s'il devait ou non formuler un avis selon lequel le demandeur constituait un danger pour le public, de même que la réponse du demandeur face à ces documents. Le demandeur a eu l'occasion de faire des observations et de fournir des documents concernant tous les autres documents dont le représentant du défendeur a été saisi, mais il n'a pu consulter ces deux documents "récapitulatifs" et n'a pas eu l'occasion d'y répondre. On pourrait soutenir à tout le moins, ce que l'avocat du demandeur a d'ailleurs fait devant moi, que ces documents ne constituaient pas un résumé équilibré.

[7]         Je suis du même avis que le juge Gibson que ces deux documents comprennent ce qui était appelé des « documents récapitulatifs » . Toutefois, comme je l'ai dit dans Siavashi c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 1132 (1re inst.), par suite de la décision du juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Baker, précité, ces documents constituent à présent les motifs de décision dans des affaires comme celle dont je suis saisi.


[8]         Le juge Gibson et d'autres juges de la Cour ont déclaré que ces documents sont des résumés qui devraient donc être envoyés au demandeur. Je ne peux pas être d'accord. Si ces résumés devaient être envoyés au demandeur, il s'ensuit que celui-ci serait alors autorisé à présenter de nouvelles observations en réponse aux documents récapitulatifs. Il y aurait alors un autre résumé, ce qui donnerait lieu à une série sans fin de résumés et de réponses. Comme je l'ai dit dans Siavashi, précité, au paragraphe 10 :

Le défaut de divulguer le rapport récapitulatif causerait un problème uniquement si le sommaire comprenait des faits nouveaux qu'ignorait le demandeur. Il ne s'agit pas de la situation en l'espèce.

[9]         Le demandeur soutient également qu'il aurait dû y avoir un équilibre entre le danger pour le public et le danger pour le demandeur. À mon avis, compte tenu des circonstances de l'espèce, il y avait un équilibre approprié dans le rapport récapitulatif ou les motifs. La Cour d'appel fédérale, dans Suresh c. Canada (M.C.I.), [2000] 2 C.F. 592 (C.A.), a établi qu'un rapport ministériel fournissait des motifs appropriés parce qu'il traitait des trois principaux points dont le ministre devait tenir compte pour décider si le demandeur dans cette affaire constituait un danger pour le public canadien. En l'espèce, le rapport évalue si les condamnations criminelles du demandeur au Canada justifient qu'il soit considéré comme un danger pour le public canadien. Il évalue également si le renvoi du demandeur en Afghanistan présenterait un risque pour ce dernier. Enfin, le rapport évalue si le danger pour le Canada l'emporte sur l'intérêt du demandeur. Le rapport conclut de la façon suivante :


[TRADUCTION] Compte tenu de ce qui précède, il peut être risqué pour le sujet de retourner en Afghanistan; cependant, le danger pour le public canadien l'emporte sur le risque auquel le sujet peut être confronté.

À mon avis, il s'agit d'un équilibre approprié dans le cadre des faits de l'espèce.

[10]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[11]       Je suis disposé à certifier la question proposée par le demandeur comme une question de portée générale. La question est la suivante :

Les deux rapports constituent-ils des motifs qui n'ont pas à être partagés avec le sujet d'un avis de danger, ou sont-ils considérés comme des résumés qui doivent être divulgués au sujet d'un avis de danger avant qu'une décision ne soit rendue aux termes du paragraphe 70(5) et de l'article 53, en prenant pour acquis que des motifs sont nécessaires?

                                                                             « W.P. McKeown »

                                                                                                   JUGE

Ottawa (Ontario)

le 15 septembre 2000

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                            Avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-5756-99

INTITULÉ DE LA CAUSE : MASOOD JAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE JEUDI 17 AOÛT 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU :                                   15 SEPTEMBRE 2000

ONT COMPARU :                                        M. Michael Crane

pour le demandeur

M. Ian Hicks

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     Jackman, Waldman & Associates

Avocats

166, rue Pearl, bureau 200

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Date : 20000915

                                                           Dossier : IMM-5756-99

ENTRE :

MASOOD JAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                           


Date : 20000915

Dossier : IMM-5756-99

Ottawa (Ontario), le vendredi 15 septembre 2000

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge McKeown

ENTRE :

MASOOD JAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La question suivante est certifiée :

Les deux rapports constituent-ils des motifs qui n'ont pas à être partagés avec le sujet d'un avis de danger, ou sont-ils considérés comme des résumés qui doivent être divulgués au sujet d'un avis de danger avant qu'une décision ne soit rendue aux termes du paragraphe 70(5) et de l'article 53, en prenant pour acquis que des motifs sont nécessaires?

                                                                             « W.P. McKeown »

                                                                                                   JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


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