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Date : 20210427


Dossier : DES‑3‑21

Référence : 2021 CF 347

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2021

En présence de monsieur le juge O’Reilly

AFFAIRE INTÉRESSANT UNE DEMANDE PRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA EN VERTU DU PARAGRAPHE 38.04(1) DE LA LOI SUR LA PREUVE AU CANADA, LRC (1985), C C‑5

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le 16 juin 2020, j’ai rendu une décision relativement à une demande de mandats présentée en vertu de l’article 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C‑23 (voir Dans l’affaire d’une demande de mandats présentée par XXXXXXX en vertu des articles 16 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C‑23 et dans l’affaire visant un État étranger, une personne morale étrangère ou une personne étrangère, 2020 CF 697).

[2] Avant de diffuser une version publique de la décision, j’ai ordonné que l’avocat du procureur général du Canada et que l’ami de la Cour, M. Gordon Cameron, me fassent part de leurs suggestions à propos des renseignements à caviarder dans la décision. À une exception près, l’avocat du procureur général et M. Cameron ont proposé les mêmes suppressions. L’avocat du procureur général a proposé le caviardage d’un élément d’information supplémentaire, que M. Cameron n’a pas approuvé.

[3] Sans obtenir des éléments de preuve et sans observations à l’appui d’un éventuel caviardage de l’information demandé par l’avocat du procureur général, j’ai diffusé une version publique de la décision en caviardant l’élément d’information contesté. Ainsi, l’avocat du procureur général a pu se prévaloir d’une éventuelle réparation en vertu de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC (1985), c C‑5 [la LPC] pour empêcher la divulgation de l’information en question.

[4] À titre préliminaire, j’ai invité l’avocat du procureur général et l’ami de la Cour à me fournir des observations sur l’applicabilité du régime de la LPC aux nouvelles circonstances présentées en l’espèce soit la diffusion, dans une décision publique, d’une information liée à une demande de mandats en vertu de l’article 21 de la Loi sur le SCRS.

[5] Le procureur général est d’avis que l’article 38 de la LPC s’applique en l’espèce. En particulier, le paragraphe 38.02(1.1) exige que la Cour fédérale lui donne un avis d’intention de 10 jours avant de publier des renseignements de nature sensible ou potentiellement préjudiciables. En retour, un fonctionnaire pourra informer le procureur général des détails de la divulgation potentielle conformément à l’article 38.01. Si le procureur général juge que les renseignements ne devraient pas être divulgués, il peut demander une ordonnance de non‑divulgation en vertu de l’article 38.04. La Cour entendra alors les témoignages et les arguments à l’appui de la demande et décidera si la divulgation des renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale.

[6] Le procureur général souligne par ailleurs que l’application de l’article 38 est compatible avec le processus moins formel habituellement suivi par la Cour, en l’occurrence ici. Ce processus permet à l’avocat du procureur général et à un ami de la Cour de proposer les éléments à caviarder dans une décision de la Cour sans recourir à la procédure formelle prévue à l’article 38. Si le processus informel ne permet pas d’en arriver à un consensus sur la teneur du caviardage nécessaire, l’avocat du procureur général pourra alors invoquer l’article 38.

[7] L’ami de la Cour, M. Cameron, souscrit en grande partie à l’avis du procureur général. Il souligne qu’une difficulté pourrait éventuellement survenir si le processus informel susmentionné donnait lieu à une demande par le procureur général de caviarder des renseignements jugés non sensibles ni potentiellement préjudiciables par la Cour. Cette dernière pourrait alors choisir de divulguer l’information contestée avant que le procureur général puisse invoquer l’article 38. En effet, cela aurait pu se produire en l’espèce si je n’avais pas donné l’occasion au procureur général de se prévaloir d’une réparation en vertu de l’article 38 même après la publication de la décision.

[8] M. Cameron soulève un argument valable. Toutefois, les demandes de mandats contiennent souvent des renseignements sensibles ou potentiellement préjudiciables qui sont divulgués à la Cour lors d’audiences ex parte à huis clos. Dans les faits, par précaution, la Cour sera portée à donner l’occasion au procureur général d’invoquer l’article 38 pour la convaincre que certains renseignements contenus dans sa décision ne devraient pas être divulgués, et ce, même s’il semble à la Cour, à première vue, qu’une telle divulgation serait appropriée. Dans les circonstances de l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner plus longuement ce point.

[9] Dans l’ensemble, j’approuve les observations du procureur général. Le régime de la LPC prévoit un mécanisme approprié permettant d’obtenir la non‑divulgation de renseignements sensibles dans une décision relativement à une demande de mandats. Le procureur général peut maintenant saisir la Cour de sa demande en vertu de l’article 38.04.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER DES‑3‑21

LA COUR ORDONNE QUE le procureur général puisse solliciter une ordonnance en vertu de l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada visant à obtenir la non‑divulgation de renseignements sensibles dans une décision relative à une demande de mandats en vertu de l’article 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

« James W. O'Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

DES‑3‑21

INTITULÉ :

AFFAIRE INTÉRESSANT UNE DEMANDE PRÉSENTÉE PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA EN VERTU DU PARAGRAPHE 38.04(1) DE LA LOI SUR LA PREUVE AU CANADA, LRC (1985), C C‑5

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

DATE DES MOTIFS :

LE 27 AVRIL 2021


OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

MARIA BARRETT‑MORRIS

POUR LE DEMANDEUR

GORDON CAMERON

AMI DE LA COUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA

POUR LE DEMANDEUR

 

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