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Date : 20040827

Dossier : IMM-7228-03

Référence : 2004 CF 1180

Ottawa (Ontario), le 27 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                  MUSTANSIR ALI ET SAIMA ALI

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 26 août 2003 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs, Mustansir et Saima Ali, n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.


QUESTION LITIGIEUSE

[2]                La Commission a-t-elle commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que les demandeurs n'étaient pas suffisamment crédibles et en n'accordant aucune importance à certains éléments de preuve documentaire?

[3]                Pour les motifs qui suivent, je réponds à cette question par la négative et je vais donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

CONTEXTE   

[4]                Les demandeurs prétendent craindre avec raison d'être persécutés du fait de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social.

[5]                Les allégations ont été résumées comme suit dans les motifs du tribunal. Les demandeurs viennent du village de Jhandewali, district de Gujrat. Après avoir terminé sa dixième année, le demandeur principal (le demandeur) a travaillé à la ferme de sa famille.


[6]                Le demandeur et son épouse soutiennent qu'ils étaient membres de la Ligue musulmane du Pakistan/Nawaz (la LMP/N) [traduction] « depuis les années 90 » . Le demandeur avait aussi formé une association de fermiers pour protéger les droits des fermiers dans sa région. En 1998, il a mené une campagne contre Ch. Iqbal, le président local du Parti du peuple pakistanais (le PPP), et a gagné un siège aux élections du conseil de l'union. Pendant la campagne électorale, il a été victime de harcèlement et de menaces de la part des hommes de main du PPP.

[7]                Le demandeur et son épouse ont poursuivi leurs activités politiques après le renversement du gouvernement de la LMP en octobre 1999. En juillet 2000, ils ont participé à une marche contre la peine imposée à Nawaz Sharif. En mars 2001, ils ont participé à une manifestation tenue par l'Alliance pour le rétablissement de la démocratie. En raison de leurs activités politiques, ils ont été arrêtés et mis en détention par la police.

[8]                Le 21 mai 2001, les hommes de main ont tenté d'enlever l'épouse du demandeur parce qu'elle avait aidé une femme qui avait été victime de Ch. Iqbal, de la police, du gouvernement militaire et du colonel Iftikhar. Le même soir, le demandeur a aussi été attaqué par des hommes de main, mais il a réussi à s'enfuir. Craignant pour leur sécurité, le demandeur et son épouse ont quitté leur domicile. Le lendemain, les policiers étaient à leur recherche parce qu'ils les accusaient d'avoir participé à des activités contre le gouvernement.

[9]                Quand ils ont appris cela, les demandeurs sont allés à Lahore d'où ils ont quitté le Pakistan. Ils sont arrivés au Canada le 24 juin 2001 et ont demandé l'asile deux jours après.

[10]            Selon le demandeur, les autorités pakistanaises ont délivré des Premiers rapports d'information et des mandats d'arrêt contre lui et son épouse depuis qu'ils ont quitté le pays.


[11]            Dans sa décision, le tribunal a conclu que les demandeurs ne s'étaient pas acquittés du fardeau qui leur incombait d'établir le bien-fondé de leur demande d'asile au moyen d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi.

ANALYSE

[12]            Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable dans les affaires mettant en cause des conclusions relatives à la crédibilité est la décision manifestement déraisonnable.

[13]            La Commission a fourni des motifs détaillés à l'appui de sa conclusion suivant laquelle les demandeurs n'étaient pas crédibles, citant plusieurs éléments contradictoires et non plausibles dans le témoignage des demandeurs, lesquels avaient trait à des composantes centrales de leur demande d'asile, ainsi que le comportement du demandeur durant son témoignage.

[14]            Contrairement à ce que prétend le demandeur, la Commission peut de fait fonder sa décision relative à la crédibilité du demandeur sur le comportement du demandeur à l'audience, sur sa capacité de répondre clairement et honnêtement aux questions posées et sur la cohérence et l'uniformité des réponses qu'il donne.


[15]            Le demandeur soutient également que le fait qu'il n'ait pas mentionné dans son témoignage certains éléments contenus dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) ne devrait pas être retenu contre lui. Je suis d'accord avec le défendeur pour dire qu'il était loisible à la Commission de conclure que le fait que le demandeur n'ait pas mentionné durant son témoignage des faits importants figurant dans son FRP minait sa crédibilité. Le demandeur affirme aussi que le FRP devrait servir à fournir une description d'ensemble de sa version des faits et non pas les détails de celle-ci. Je répondrais que le FRP doit contenir tous les faits importants et que l'omission d'inclure de tels faits peut conduire à une conclusion défavorable quant à la crédibilité (Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (1re inst.) (QL), au paragraphe 33).

[16]            Selon le demandeur, la Commission n'était pas autorisée à juger qu'il n'était pas plausible que Ch. Iqbal, qui était président du PPP, ait le type de pouvoir que sa femme et lui prétendaient qu'il avait. Les demandeurs soutiennent que la Commission n'a pas examiné les rapports sur le Pakistan qui montrent que les personnes qui détiennent une certaine influence, en particulier dans les petites villes, contrôlent la police et d'autres autorités. Je ne puis accepter que la Commission a commis une erreur sur ce point parce que l'influence de Ch. Iqbal ne trouve absolument aucun fondement dans le présent dossier, lequel ne comporte aucune preuve précise ni aucune preuve documentaire à cet égard.


[17]            En ce qui a trait à l'argument du demandeur que la Commission a omis d'une façon déraisonnable de tenir compte des pièces P-9 à P-17, il convient de noter que la Commission a expressément expliqué dans sa décision les motifs pour lesquels elle doutait de l'authenticité des pièces P-9, P-10, P-16 et P-17. Pour ce qui est des autres pièces, la Commission ne leur a accordé aucune valeur probante non seulement parce qu'elles venaient d'un pays où il était facile d'obtenir des documents fabriqués ou faux, mais, chose plus importante encore, parce qu'un grand nombre de conclusions de non-crédibilité avaient été tirées relativement au témoignage du demandeur. À la page 5 de ses motifs, la Commission a dit :

D'après la preuve documentaire, il est facile d'obtenir au Pakistan des documents fabriqués ou faux, y compris des cartes de membre de parti, des lettres et des documents juridiques. Après avoir apprécié cette preuve et les nombreuses conclusions en matière de non-crédibilité concernant le témoignage du demandeur d'asile, le tribunal n'a accordé aucune valeur probante aux pièces P-9 à P-17. [Non souligné dans l'original.]

[18]            Il est également bien établi dans la jurisprudence que la Commission n'est pas tenue d'accorder de l'importance à une preuve documentaire soumise par le demandeur si elle ne croit pas les faits exposés dans le témoignage. Dans la décision Hamid c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 1293 (1re inst.) (QL), au paragraphe 22, le juge Nadon a dit :

[...] lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.


[19]            Le même principe a été énoncé notamment dans la décision Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 471, [2003] A.C.F. no 636 (1re inst.) (QL). Toujours sur la question de la preuve documentaire, je suis d'accord avec le défendeur pour dire que, contrairement à ce que prétend le demandeur, la Commission n'est pas tenue de faire évaluer les documents par un expert (Akindele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 37, [2002] A.C.F. no 68 (1re inst.) (QL), au paragraphe 5).

[20]            La Commission a également ajourné la première audience parce que le conseil des demandeurs avait certains doutes quant à la qualité des services de l'interprète. Plus tard, une attestation a été établie et le travail de l'interprète a été jugé correct dans l'ensemble. À la deuxième audience, on a nommé un autre interprète.

[21]            Pour les motifs qui précèdent, je ne puis conclure que la Commission a commis une erreur manifestement déraisonnable. En conséquence, la présente demande est rejetée.

[22]            Ni l'un ni l'autre des avocats n'a recommandé la certification d'une question grave de portée générale. Je suis convaincu qu'aucune question de ce type ne se pose en l'espèce. Aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-7228-03

INTITULÉ :                                        MUSTANSIR ALI ET

SAIMA ALI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 25 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 27 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Harry Blank                                           POUR LES DEMANDEURS

Evan Liosis                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harry Blank                                           POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)                               

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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