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Date : 19990219


Dossier : IMM-2635-98

Entre :

     ESMERALDA CRUZ HERNANDEZ

     Demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE

     Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER :

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, rendue le 2 avril 1998, qui concluait que la demanderesse et son époux ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      La présente demande de contrôle judiciaire ne vise que la portion de la décision du tribunal touchant la demande de statut effectuée par la demanderesse.

[3]      La demanderesse est citoyenne du Salvador. Elle allègue que suite aux menaces perpétrées par des membres de la guérilla, son père a quitté seul Le Salvador pour les États-Unis le 2 mars 1985 laissant derrière lui sa femme et ses enfants.

[4]      En août 1987, les frères de la demanderesse quittent également Le Salvador parce qu"ils étaient constamment menacés par les membres de la guérilla qui voulait les forcer à adhérer à leur organisation.

[5]      La demanderesse rapporte qu'en 1989, alors qu'elle était à la maison de ses parents en compagnie de sa mère et de son cousin, des guérilleros se seraient introduits dans la résidence afin d'en faire un quartier général. Les guérilleros auraient assassiné son cousin suite au refus de ce dernier de se joindre à eux. Ils auraient menacé la demanderesse et sa mère de les tuer si elles rapportaient ce qu"elles ont vu. Après le départ des guérilleros, elles auraient fui la résidence familiale pour aller se cacher chez la soeur de la demanderesse. Celle-ci alors âgée de 13 ans a poursuivi ses études jusqu"en 1992 où elle décide de quitter le pays en compagnie de sa mère, pour les États-Unis afin d'aller y rejoindre son père habitant New York. Aux États-Unis, elle aurait effectué une demande de statut de réfugié en 1995 qui lui aurait été refusée. Elle aurait reçu un visa de travail expirant en 1996. En 1997, elle reçut un avis de déportation pour le mois d'avril de cette même année ; c'est alors qu'elle aurait quitté les États-Unis en compagnie de son mari, pour le Canada.

[6]      La Section du statut ne met pas en doute la crédibilité de la demanderesse eu égard aux faits rapportés mais elle ne croît pas qu'aujourd'hui, la demanderesse ait des motifs sérieux de craindre pour sa sécurité si elle devait retourner dans son pays et qu'il existe une possibilité sérieuse de persécution.

[7]      Le tribunal indique qu'il n'y a aucune preuve à l'effet que la demanderesse représente un intérêt sérieux pour les guérilleros et ce malgré le fait qu'elle ait été témoin de l'assassinat de son cousin puisque celle-ci est demeurée au Salvador pendant trois ans jusqu"à son départ pour les États-Unis. À mon avis, cette inférence est raisonnable d"autant plus qu"au moment de l"assassinat de son cousin, les guérilleros ne l"avait pas incommodée ni sa mère.

[8]      Le tribunal se fonde également sur la preuve documentaire pour affirmer que la situation actuelle au Salvador a changé depuis 1992 et qu'en ces circonstances, la demanderesse ne fait plus face à une possibilité sérieuse de persécution.

[9]      La demanderesse soutient principalement que le tribunal a omis de considérer les éléments de preuve documentaire qui étaient contradictoires. Elle affirme que bien qu'il y ait eu des changements au Salvador à partir de 1992, cela ne permettait pas au tribunal d'affirmer qu"elle ne courait plus aucun danger.

[10]      La Cour fédérale d'appel indique le test applicable dans le cas de l'analyse de changements de circonstances dansYusuf v. Canada (M.E.I.) 1, :

             Nous ajouterions que la question du " changement de situation " risque, semble-t-il, d"être élevée, erronément à notre avis, au rang de question de droit, alors qu"elle est, au fond, simplement une question de fait. Un changement dans la situation politique du pays d"origine du demandeur n"est pertinent que dans la mesure où il peut aider à déterminer s"il y a, au moment de l"audience, une possibilité raisonnable et objectivement prévisible que le demandeur soit persécuté dans l"éventualité de son retour au pays. Il s"agit donc d"établir les faits, et il n"existe aucun " critère " juridique distinct permettant de jauger les allégations de changement de situation. L"emploi de termes comme " important ", " réel " et " durable " n"est utile que si l"on garde bien à l"esprit que la seule question à résoudre, et par conséquent le seul critère à appliquer, est celle qui découle de la définition de réfugié au sens de la Convention donnée par l"art. 2 de la Loi : le demandeur du statut a-t-il actuellement raison de craindre d"être persécuté ? Étant donné qu"en l"espèce il existe des éléments de preuve appuyant la décision défavorable de la Commission, nous n"interviendrons pas.             

[11]      Ainsi, le changement dans la situation politique d"un pays d"origine sera pertinent s"il vient en aide pour évaluer objectivement la possibilité pour le revendicateur d"être persécuté lors d"un retour. Il s"agit d"une question de fait laissée à l"appréciation du tribunal. Dans le présent dossier le tribunal a retenu les accords de paix de janvier 1992, la création de la police nationale sous contrôle civil, le FMLN devenu un parti politique et la distribution des terres entre les ex-combattants des forces armées et du FMLN comme éléments de preuve pertinents lui permettant d"établir que la demanderesse n"avait plus de fondement objectif à sa crainte.

[12]      Bien sûr, il y a au dossier de la preuve documentaire qui met en doute l"efficacité de la police nationale et qui relate les difficultés sur lesquelles se bute le Salvador quant au respect des droits de la personne, mais compte tenu des éléments de preuve énumérés précédemment, il n"était pas déraisonnable de conclure que la demanderesse n"avait pas de possibilité raisonnable d"être persécutée advenant son retour au Salvador. Il n"y a donc aucun motif justifiant l"intervention de cette Cour. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.



[13]      Aucun procureur n"a soumis une question à certifier.

     Danièle Tremblay-Lamer

                                     JUGE

MONTRÉAL, (QUÉBEC)

Le 19 février 1999.


[14]     

     Section de première instance de

     la Cour fédérale du Canada


Date : 19990219


Dossier : IMM-2635-98

Entre :

     ESMERALDA CRUZ HERNANDEZ

     Demanderesse

     -ET-

     LE MINISTRE

     Défendeur

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    


[15]     

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DE LA COUR :      IMM-2635-98

INTITULÉ :      ESMERALDA CRUZ HERNANDEZ

     Demanderesse

     ET
     LE MINISTRE

     Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 18 février 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER

EN DATE DU      19 février 1999

COMPARUTIONS :

Me Brigitte Poirier      pour la demanderesse

Me Thi My Dung Tran      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brigitte Poirier, avocat

St-Hubert, Québec      pour la demanderesse

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour le défendeur

__________________

1      (Le 9 janvier 1995), A-130-92 (C.A.F.).

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