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Date : 20000912

Dossier : IMM-4446-99

OTTAWA (Ontario), le 12 septembre 2000

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :

ALEXANDRE PLATONOV

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

VU la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir un contrôle judiciaire et un bref de mandamus contre le ministre défendeur enjoignant à un agent des visas à l'ambassade du Canada à Varsovie (Pologne) de terminer le traitement de la demande de résidence permanente du demandeur conformément à la Loi sur l'immigration et au Règlement, dans un délai de quatre-vingt-dix jours;

APRÈS que les avocats des parties furent entendus à Toronto le 22 août 2000, ces derniers furent invités à envisager s'ils pouvaient s'entendre sur un délai raisonnable à l'intérieur duquel une décision pourrait être rendue dans le cadre de la demande en instance du demandeur, et sur d'autres mesures de redressement sollicitées par le demandeur lorsque l'affaire a été entendue;

APRÈS que les avocats eurent subséquemment dit qu'ils avaient convenu des modalités d'un projet d'ordonnance figurant à la clause 1 de l'ordonnance qui suit, relativement au délai pour statuer sur la demande de résidence permanente, mais après qu'ils eurent dit qu'ils ne s'étaient pas entendus quant aux dépens ni quant aux mesures de redressement sollicitées par le demandeur;


APRÈS que la Cour eut statué sur les questions en litige non résolues;

                                                            O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE :

1.          Il est ordonné au défendeur de traiter la demande de résidence permanente du demandeur au Canada conformément à la loi et à la Loi sur immigration, et selon les modalités qui suivent :

i)           le demandeur et son épouse devront rencontrer un médecin désigné (MD) au plus tard dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date de la présente ordonnance;

ii)          le demandeur devra traiter la demande de résidence permanente au Canada du demandeur et lui fournir une décision relativement à l'octroi du statut de résident permanent au plus tard le 8 décembre 2000, sous réserve de la clause iii) ci-après;

iii)          dans le cas où le MD aurait besoin d'effectuer d'autres examens pour compléter l'évaluation médicale du demandeur, le temps alloué pour terminer le traitement de la demande de résidence permanente au Canada du demandeur, s'il s'avère nécessaire de compléter des examens médicaux, sera prorogé à une date ultérieure au 8 décembre 2000, mais le délai pour le traitement de la demande ne devra pas excéder vingt-et-un jours à compter de la réception d'un certificat de santé final, le 8 décembre 2000 ou après cette date, par les services de santé d'immigration de l'ambassade du Canada à Varsovie.

2.          Le demandeur aura droit aux dépens sur la base entre parties, selon ce que les avocats pourront convenir, ou selon ce qui pourra être déterminé conformément à la colonne III du tarif b en vertu des Règles de la Cour.

« W. Andrew MacKay »

                                                                                                                                                           

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


Date : 20000912

Dossier : IMM-4446-99

ENTRE :

ALEXANDRE PLATONOV

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                Il s'agit d'une demande en vue d'obtenir un bref de mandamus et les déclarations y afférant, enjoignant à l'agent des visas de l'ambassade du Canada à Varsovie (Pologne) de terminer le traitement de la demande de résidence permanente du demandeur conformément à la Loi sur l'immigration et au Règlement, dans un délai de 90 jours. Le demandeur sollicite également les dépens relatifs à la présente instance, et selon l'issue du litige, le remboursement de certains frais engagés par le demandeur par suite du retard dans le traitement de sa demande.


[2]                Les faits sont relativement simples. Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada aux termes du Programme d'immigration des investisseurs. La demande a été présentée au consulat de Buffalo (États-Unis) et a été envoyée à l'ambassade à Varsovie au printemps 1997, à la requête du demandeur. Un accusé de réception était joint à une lettre, datée du 9 avril 1997, qui avisait également le demandeur que les demandes dans la catégorie aux termes de laquelle il cherchait à entrer au pays, soit à titre de membre de la catégorie des investisseurs immigrants, prenaient en moyenne onze mois pour être traitées au bureau de Varsovie, et qu'il était possible que ce délai soit plus long si le demandeur et sa famille n'étaient pas des résidents de la région normalement desservie par Varsovie.

[3]                En juillet 1997, le demandeur a passé une entrevue à Varsovie, et le 28 juillet 1997, l'ambassade lui a écrit pour l'informer de ce qui suit :

[TRADUCTION] Il me fait plaisir de vous informer que votre dossier a été provisoirement approuvé. Par conséquent, vous et votre épouse devez maintenant vous soumettre à des examens médicaux auprès d'un médecin désigné par notre bureau. [...] Il est possible que nous fixions une autre entrevue pour que vous puissiez clarifier certains aspects de vos antécédents. Dans l'intervalle, vous devriez fournir une copie de votre accord avec le fonds d'investissement spécifique en Ontario que votre représentant légal recommande. Pour que nous puissions vous délivrer des visas, vous devrez également prouver que vous avez déposé le montant total d'argent qui est prévu dans votre accord dans ce fonds.


Des examens médicaux ont été effectués, et une copie de l'accord d'investissement a été envoyé tel que requis. En décembre 1997, le demandeur avait déposé 79 000 $ dans un fonds d'investisseur, à titre d'acompte en garantie de la somme de 350 000 $, qu'il s'était engagé à investir s'il était admis au Canada comme résident permanent.

[4]                En septembre 1997, l'ambassade à Varsovie a informé l'avocat du demandeur que les rapports médicaux qui avaient trait aux demandeurs et à son épouse avaient été reçus. En mars 1998, le demandeur a été convoqué à une seconde entrevue fixée au 23 avril 1998 et à laquelle il était présent. En juillet 1998, l'ambassade à Varsovie a demandé des renseignements précis à l'avocat du demandeur relativement à certaines relations d'affaires de ce dernier. Ces renseignements ont été fournis dans une lettre, datée du 20 juillet 1998. En septembre et en octobre 1998, l'avocat du demandeur a avisé l'ambassade que le demandeur était prêt à passer une troisième entrevue si cela pouvait aider, mais cette suggestion a été rejetée, en attendant la vérification des antécédents du demandeur, que l'on disait être en cours.

[5]                En décembre 1998, les autorités de l'Immigration ont avisé l'avocat qu'ils recueillaient toujours de l'information sur le demandeur. En mars et en juin 1999, l'avocat a cherché à obtenir plus de renseignements auprès de l'ambassade à Varsovie qui l'a averti que les agents ne pouvaient pas indiquer quant ils seraient en mesure de statuer sur la demande du demandeur.


[6]                En septembre 1999, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire, sollicitant un bref de mandamus, et il a déposé avec sa demande un affidavit qui faisait état des faits essentiels. Plus de onze mois se sont écoulés depuis le dépôt de la demande et le demandeur n'a reçu aucune autre indication quant au moment où une décision serait prise. Le seul renseignement obtenu a été que les vérifications de sécurité n'étaient pas terminées.


[7]                L'avocat du demandeur a invoqué la décision Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et autres, [1985] 2 C.F. 315 (1re inst.); Dee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1767 (1re inst.) et Conille c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.). Dans Bhatnager, le juge Strayer, maintenant juge à la Cour d'appel fédérale, a ordonné qu'une décision soit prise, dans un délai de 2 mois et demi à compter de la date de l'ordonnance, dans le cas d'une demande de parrainage du mari de la demanderesse pour qu'il soit admis au Canada à titre de résident permanent, dans lequel le délai pour le traitement de la demande était de 4 ans et demi sans explication valable. Dans Dee, le juge Muldoon a ordonné qu'une décision soit prise, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'ordonnance, relativement à une demande d'établissement pour laquelle aucune décision n'avait été rendue depuis plus de quatre ans, sans explication valable, et malgré les nombreuses assurances qu'une décision serait prise dans un proche avenir. Dans Conille, le juge Tremblay-Lamer a statué sur une demande qui visait l'obtention d'un mandamus pour qu'une décision soit prise relativement à une demande de citoyenneté faite plus de quatre années avant l'audience, un délai qu'auraient apparemment nécessité les vérifications de sécurité effectuées par le SCRS. Elle a ordonné que le greffier de la citoyenneté informe le SCRS qu'à moins qu'il ne justifie, dans un délai fixé par le greffier, pourquoi son enquête devrait se poursuivre, cette enquête serait considérée comme terminée et la demande devrait être envoyée à un juge de la citoyenneté pour réexamen.

[8]                L'avocat du défendeur a cherché à distinguer ces causes d'avec la présente affaire au motif que les enquêtes dans chacune des causes avaient trait aux antécédents des personnes concernées, tandis qu'en l'espèce l'enquête nécessitait l'examen des antécédents de certaines entreprises et de certaines personnes avec lesquelles le demandeur avait entretenu des relations d'affaires dans le passé. On a insisté sur le fait que le demandeur en l'espèce a été mis au courant de la nature de l'enquête dès sa première entrevue à Varsovie, lorsque des questions ont été soulevées relativement à ses relations d'affaires après qu'il les eut révélées. On a dit que de la nature de cette enquête a été davantage confirmée par des questions qui ont été posées en juillet 1998 et pour lesquelles, je le constate de nouveau, le demandeur a par la suite fourni des réponses.


[9]                Je ne suis pas convaincu qu'il faille établir une distinction d'avec les causes sur lesquelles le demandeur fonde sa demande uniquement pour le motif suggéré par l'avocat du défendeur, et je ne suis pas non plus convaincu que la décision du juge en chef adjoint Jerome (tel était alors son titre) dans Lee c. Canada (Secrétaire d'État), (1987), 4 Imm. L.R. (2d) 97, 16 F.T.R. 314 (C.F.1re inst.) devrait être suivie en l'espèce. Dans cette affaire, la Cour a refusé de rendre une ordonnance de mandamus relativement à une demande de citoyenneté qui était en instance depuis un an et demi en attendant que les vérifications de sécurité soient terminées. Dans ces circonstances, compte tenu des circonstances, le juge en chef adjoint Jerome a conclu que le greffier de la citoyenneté agissait, à cette étape, conformément au devoir qui lui incombe selon la Loi.

[10]            Chaque cas est un cas d'espèce, et je ne crois pas que la jurisprudence relative à la présente affaire soit particulièrement utile, sauf pour indiquer certains paramètres à l'intérieur desquels la Cour a rendu une ordonnance de mandamus lorsqu'elle a conclu à un retard inhabituel qui n'est pas raisonnablement expliqué. En l'espèce, les avocats conviennent que le ministre a l'obligation de rendre une décision en ce qui a trait à la demande de résidence permanente du demandeur. La seule question en litige est de savoir si cette décision peut être retardée davantage sans plus d'explication que celles qui ont été fournies jusqu'à maintenant, c'est-à-dire, que des vérifications de sécurité nécessaires sont en cours. Dans le cas du demandeur, c'est la seule explication qui a été fournie depuis son entrevue qui date de plus de trois ans et depuis que sa demande a été provisoirement approuvée par l'ambassade à Varsovie.

[11]            À la fin de l'audience, j'ai demandé aux avocats de se consulter pour déterminer s'ils pourraient ou non s'entendre sur un délai raisonnable à l'intérieur duquel une décision pourrait être rendue, un délai qui pourrait être inclus dans une ordonnance, si cela s'avérait approprié, et sur d'autres questions relatives aux mesures de redressement et aux dépens relatifs à la présente audience qui ont été soulevées par le demandeur pour examen.


[12]            Les avocats ont par la suite avisé la Cour qu'ils s'étaient entendus sur les modalités d'une ordonnance qui allait prévoir que le traitement de la demande de résidence permanente du demandeur qui était en instance soit terminé dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date d'une ordonnance rendue conformément à la loi et à la Loi sur l'immigration, y compris sur une disposition pour tout examen médical additionnel auquel le demandeur devrait se soumettre, susceptible d'être prorogée uniquement si d'autres examens médicaux n'étaient pas terminés le 8 décembre 2000. Dans ce dernier cas, la décision devra être rendue dans un délai de 21 jours à compter de la réception à l'ambassade à Varsovie des rapports médicaux complets qui auront été soumis au plus tard le 8 décembre 2000.

[13]            Les avocats n'ont pas été en mesure de s'entendre relativement aux dépens ni aux mesures de redressement sollicitées par le demandeur à l'audience. L'avocat du demandeur réclame des dépens s'élevant à 5 500 $. L'avocat du défendeur a formulé une objection en ce qui a trait à l'adjudication des dépens et suggère que si la Cour devait en adjuger, la somme de 500 $ serait plus appropriée, étant donné qu'en l'espèce le retard était uniquement attribuable à la nécessité de terminer des vérifications de sécurité relatives au demandeur. De plus, on a insisté sur le fait que la demande n'est pas d'une grande complexité et que l'affaire a finalement été résolue.

[14]            Dans le cadre d'un contrôle judiciaire en matière d'immigration, la Cour n'adjuge pas de dépens sauf ordonnance contraire rendue par la Cour pour des raisons spéciales (Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d'immigration, règle 22). Il y a, à mon avis, en l'espèce des raisons spéciales pour adjuger des dépens. Elles sont le long délai, sans explication raisonnable à l'exception des vérifications de sécurité qui étaient en cours, longtemps après que le demandeur eut été avisé que sa demande de résidence permanente avait été provisoirement acceptée. Heureusement les parties ont convenu d'un délai raisonnable à l'intérieur duquel la présente affaire sera tranchée par le défendeur mais, à mon avis, cela aurait dû être possible sans la présente instance. Dans les circonstances, je suis disposé à adjuger des dépens au demandeur, mais je crois qu'ils devraient l'être sur la base entre parties. Si les parties ne peuvent pas s'entendre sur un montant raisonnable relativement aux dépens, ils seront adjugés conformément à la colonne III du tarif B des Règles de la Cour.

[15]            Le demandeur sollicite également le remboursement de certains frais qu'il a engagés par suite du retard dans le traitement de sa demande. Il s'agit dans un premier temps d'une demande, dans le cas où la demande serait ultimement rejetée, selon laquelle la Cour ordonnerait que 23 266 $ (CAN), somme qui aurait été perdue par suite de l'investissement de 79 000 $ (CAN) dans le fonds d'immigration des investisseurs, soit payée par le défendeur. Dans un deuxième temps, il réclame 620 $ (CAN), le coût d'examens médicaux additionnels pour le demandeur et son épouse, qui seront probablement nécessaires étant donné que la période pour laquelle les rapports médicaux de 1997 sont valides est expirée, qui ont été faits après l'acceptation provisoire de sa demande sur avis du bureau des visas à Varsovie.


[16]            L'avocat du défendeur conteste l'ordonnance prévoyant le paiement de l'un ou l'autre de ces montants qui, prétend-il, sont assimilables à des dommages-intérêts présumés et non à des dépens relatifs à la présente instance. Je suis convaincu que c'est ce à quoi ces demandes correspondent. La Cour n'adjugera pas, à titre d'article de dépens, ni l'une ni l'autre des sommes demandées. Il ne s'agit pas en l'espèce d'une action en dommages-intérêts.

[17]            Néanmoins, si la demande de résidence permanente est finalement rejetée, la Cour encourage le défendeur à envisager la question du remboursement des sommes que le demandeur a déposées dans le fonds d'immigration des investisseurs, comme le préconise le ministère du défendeur, ainsi qu'un montant aux lieu et place de l'intérêt qu'auraient généré les sommes déposées. À mon avis, les modalités proposées seraient justes en l'espèce.


Conclusion

[18]            Une ordonnance est rendue en vue d'enjoindre le défendeur à traiter la demande de résidence permanente du demandeur au Canada conformément à la loi et à la Loi sur immigration et selon les modalités dont ont convenu les parties et qui sont prévues dans l'ordonnance. L'ordonnance prévoit également que les dépens sont adjugés au demandeur sur la base entre parties, selon ce que les avocats des parties pourront convenir, ou à défaut de parvenir à un accord, selon ce qui pourra être déterminé conformément à la colonne III du tarif b en vertu des Règles de la Cour.

               « W. Andrew MacKay »

                                                  _____________________________

J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 12 septembre 2000

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                             IMM-4446-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                ALEXANDRE PLATONOV

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge MacKay

EN DATE DU :                                                 12 septembre 2000

ONT COMPARU :

Stephen W. Green                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Jeremiah A. Eastmen                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DÉFENDEUR        

Sous-procureur général du Canada

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