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Date : 20210520


Dossier : IMM‑7840‑19

Référence : 2021 CF 469

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2021

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

BEATRICE AMA AHIAWU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(prononcés oralement à l’audience tenue par vidéoconférence

à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2021)

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 12 novembre 2019, par laquelle la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté l’appel formé par la demanderesse contre le refus de sa demande de parrainage au titre de la catégorie des époux.

[2] La demanderesse est une citoyenne canadienne âgée de 33 ans. Elle est née au Ghana et a déménagé au Canada avec sa mère à l’âge de six ans. Entre 2001 et 2008, elle est retournée dans son pays d’origine pour ses études. Elle n’a pas d’enfant et travaille comme assistante dentaire.

[3] Parrainé à titre d’époux par la demanderesse, Wisdom Mawuko [M. Wisdom] est un citoyen ghanéen âgé de 35 ans. Il est pasteur à Accra. Il s’agit de son premier mariage, quoiqu’il ait vécu auparavant une longue relation amoureuse avec une femme nommée Princess Majid avec qui il a eu quatre enfants.

[4] La demanderesse et M Wisdom se sont rencontrés au Ghana en 2005 et ont entamé une relation amicale. Ils se sont cependant perdus de vue lorsque la demanderesse est retournée au Canada en 2008.

[5] M. Wisdom vivait en couple depuis 2005 avec Princess Majid lorsqu’il est devenu ami avec la demanderesse. Le couple a eu son premier enfant en 2006. La preuve ne permet pas de déterminer avec certitude le moment exact de leur vie commune ni celui où leur relation a pris fin. Leur quatrième enfant est né en 2012.

[6] La demanderesse a renoué avec M. Wisdom en 2013. Ils ont échangé leurs coordonnées et ont entrepris de communiquer régulièrement par l’intermédiaire des plateformes de réseaux sociaux et par téléphone. Il est difficile de déterminer le moment où leur relation est devenue romantique. Selon M. Wisdom, cela aurait eu lieu immédiatement, alors que pour la demanderesse c’était plutôt en 2014.

[7] M. Wisdom a invité la demanderesse au Ghana en 2014. Ils ne s’étaient pas revus depuis le départ de cette dernière en 2008. Il lui a demandé sa main à son arrivée, ce qu’elle lui a accordé. Ils se sont mariés le 20 janvier 2015 puis ont passé leur lune de miel au Ghana. La demanderesse est retournée au Canada peu après.

[8] La demanderesse a séjourné au Ghana à de nombreuses reprises par la suite pour environ un mois chaque fois. Elle a également envoyé des sommes considérables à M. Wisdom. Le couple a acquis deux terrains au Ghana en 2017 dans le but de les aménager et de détenir une propriété où résider lorsqu’il séjournerait au pays. M. Wisdom n’est jamais venu au Canada.

[9] Le couple avait prévu célébrer en 2016 à Cuba ce que la demanderesse qualifie d’anniversaire de lune de miel. Bien qu’il ait reçu un visa cubain, M. Wisdom ne s’est jamais rendu dans ce pays. Pourtant, la demanderesse y est allée et a tenté de le joindre afin de déterminer le moment de son arrivée. Celui‑ci est demeuré muet pendant plusieurs jours.

[10] La décision de la SAI révèle les lacunes de la preuve présentée par M. Wisdom quant aux éléments suivants :

  1. M. Wisdom a mentionné dans sa demande de résidence permanente qu’il n’avait jamais eu de conjointe de fait, et ce, même s’il avait vécu avec Mme Majid et avait eu quatre enfants d’elle.
  2. M. Wisdom a affirmé pendant un temps qu’il avait fait vie commune avec Mme Majid à partir de 2005, puis a précisé dans un second temps que c’était plutôt à compter de 2011.
  3. M. Wisdom a indiqué que sa relation avec Mme Majid était terminée; pourtant, cette dernière a utilisé le nom de famille de celui‑ci pour s’identifier lors de son témoignage devant la SPR.
  4. M. Wisdom a mentionné qu’il avait prévu se rendre à Cuba pour le travail et n’a rien dit au sujet d’une rencontre avec la demanderesse, alors que celle‑ci avait affirmé que ce voyage devait être leur seconde lune de miel.
  5. M. Wisdom a obtenu une lettre de son ancien propriétaire comme élément de preuve à présenter devant la SAI, mais a prétendu ne l’avoir jamais lue.
  6. M. Wisdom a dit qu’il ne savait pas pourquoi la demanderesse avait attendu plus de deux ans avant de présenter une demande de parrainage le concernant.

[11] Selon la SAI, la demanderesse et M. Wisdom manquaient de crédibilité. Par conséquent, le commissaire n’a pas été convaincu que leur mariage était authentique et qu’il n’avait pas été contracté principalement à des fins d’immigration.

[12] Pour parvenir à cette conclusion, la SAI a constaté que le conseil du ministre avait reconnu qu’il existait une documentation volumineuse étayant l’authenticité de leur relation. La documentation comprenait des lettres de soutien, l’historique de sessions de clavardage et d’entretiens téléphoniques, de l’information sur l’acquisition des terrains au Ghana, sur les traitements de fertilité de la demanderesse et sur l’argent et les cadeaux envoyés à M. Wisdom par la demanderesse.

[13] La question en litige est de savoir si, s’agissant de l’équité procédurale, la SAI était tenue d’examiner la documentation.

[14] La demanderesse affirme que, malgré ses constatations défavorables en matière de crédibilité, la SAI se devait d’examiner et de pondérer la documentation au regard de celles‑ci afin de satisfaire au critère de la décision raisonnable énoncé dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. Selon ce critère, une décision raisonnable doit être justifiée.

[15] Le défendeur prétend, quant à lui, que la SAI est présumée avoir examiné la documentation, particulièrement puisqu’elle fait mention de celle‑ci dans ses motifs. Il n’y avait pas lieu de pondérer la documentation ou de tirer des conclusions sur sa portée compte tenu des constatations défavorables en matière de crédibilité.

I. Conclusion

[16] Étant donné la reconnaissance faite par le conseil du ministre, je considère que la SAI se devait d’examiner la documentation et d’en tirer des conclusions.

[17] La SAI aurait pu justifier sa décision de multiples façons, notamment en constatant que les documents démontraient l’existence d’une relation sans qu’elle soit maritale ou en constatant que les préoccupations quant à la crédibilité étaient à ce point fondamentales qu’elles l’emportaient sur la documentation. La SAI aurait également pu établir que le mariage était authentique. Dans tous les cas, j’estime que la SAI était tenue d’examiner la documentation à la lumière des circonstances de l’espèce.

[18] Aucune question n’a été proposée pour certification en vue d’un appel.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7840‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la SAI pour nouvel examen conformément aux présents motifs.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM‑7840‑19

 

INTITULÉ :

BEATRICE AMA AHIAWU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE au moyen de ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 MAI 2021

 

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 mai 2021

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy King

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corp.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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