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Date : 19990217


T-2097-96

                                            

Ottawa (Ontario), le 17 février 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DENAULT

E n t r e :

     MAN AND HIS HOME LTD.,

     faisant affaire sous la raison sociale de

     Alarme Sentinelle / Sentinel Alarm,

     demanderesse,

     - et -

     MANSOOR ELECTRONICS LTD. et

     RENO-DÉPÔT INC.,

     défenderesses.

     JUGEMENT

     L'action de la demanderesse est rejetée avec dépens contre la défenderesse Mansoor Electronics Ltd. et sans frais pour la défenderesse Reno-Dépôt Inc.

     PIERRE DENAULT

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990217


T-2097-96

E n t r e :

     MAN AND HIS HOME LTD.,

     faisant affaire sous la raison sociale de

     Alarme Sentinelle / Sentinel Alarm,

     demanderesse,

     - et -

     MANSOOR ELECTRONICS LTD. et

     RENO-DÉPÔT INC.,

     défenderesses.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DENAULT

[1]      La demanderesse est la propriétaire de trois marques de commerce enregistrées, en l'occurrence les marques :

     a)      PROTÉGÉ PAR ALARME SENTINELLE & DESSIN, enregistrée sous le numéro 356 436 le 26 mai 1989 sur le fondement d'un emploi au Canada remontant au moins à juin 1980 ;
     b)      SENTINEL ALARM, enregistrée sous le numéro 367 309 le 30 mars 1990 sur le fondement d'un emploi au Canada remontant à juin 1980 ;
     b)      ALARME SENTINELLE, enregistrée sous le numéro 367 598 le 13 avril 1990 sur le fondement d'un emploi au Canada remontant à juin 1980 ;

[2]      Toutes les marques sont enregistrées en vue d'être utilisées en liaison avec [TRADUCTION] " l'exploitation d'une entreprise d'installation de systèmes de sécurité qui déclenche un signal de situation critique, l'entretien et la maintenance de ces systèmes et le contrôle et la surveillance de ces systèmes à partir d'un poste de contrôle central "1.

[3]      La demanderesse emploie également la marque non enregistrée ALARME SENTINELLE & DESSIN, pour laquelle elle a présenté une demande d'enregistrement en liaison avec ses services, sur le fondement d'un usage remontant au moins à janvier 19952.


[4]      Depuis 1979, la demanderesse exploite une entreprise sous la dénomination sociale enregistrée de SENTINEL ALARM CO. REG'D / CIE D'ALARME SENTINELLE ENRG.

[5]      La défenderesse Mansoor Electronics Ltd. emploie la marque de commerce HOME SENTINEL & DESIGN, qui a été enregistrée le 22 mars 1996 sous le numéro 455 972 en liaison avec des [TRADUCTION] " systèmes d'alarme résidentiels sans fil "3. Son dessin est reproduit ci-dessous :

[6]      Initialement, dans sa déclaration, la demanderesse poursuivait les défenderesses Mansoor Electronics Ltd. et Reno-Dépôt sous quatre chefs distincts: contrefaçon au sens de l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce4 (la Loi), dépréciation de l'achalandage au sens de l'article 22, imitation frauduleuse au sens des alinéas 7b) et 7c), et radiation de la marque de commerce de l'intimée en vertu de l'article 57. Les défenderesses ont présenté une demande reconventionnelle en vue d'obtenir la radiation de deux autres marques de commerce enregistrées de la demanderesse, qui ont portent les numéros 350 300 et 367 599.

[7]      Toutefois, à l'ouverture du procès, bon nombre des points litigieux qui avaient été soulevés dans les actes de procédure initiaux ont été abandonnés. En particulier, la défenderesse a choisi de ne pas donner suite à sa demande reconventionnelle. Les parties ont également convenu que l'action intentée contre la défenderesse Reno-Dépôt Inc. serait rejetée sans frais et que la demanderesse se désisterait de sa demande de dommages-intérêts punitifs. La demanderesse a en outre accepté de ne pas donner suite à ses réclamations fondées sur l'article 22 et l'alinéa 7c) de la Loi et de limiter sa contestation de la validité de la marque de commerce de la défenderesse à la question de la confusion.

[8]      Compte tenu de ce qui précède, il n'y a plus que trois points litigieux devant la Cour, à savoir :

     a)      La défenderesse est-elle réputée avoir violé les droits de la demanderesse en violation de l'article 20 de la Loi en utilisant une marque qui crée de la confusion avec les marques de la demanderesse ?
     b)      En raison de l'emploi qu'elle a fait de sa marque de commerce, la défenderesse a-t-elle agi contrairement à l'alinéa 7b) de la Loi en appelant l'attention du public sur ses marchandises de manière à causer vraisemblablement de la confusion ?
     c)      La marque de la défenderesse devrait-elle être radiée du registre au motif qu'elle n'était pas enregistrable à la date de l'enregistrement parce qu'elle était semblable aux marques de commerce enregistrées de la demanderesse au point de créer de la confusion ?

[9]      Ces questions distinctes mais connexes se ramènent toutes essentiellement à une seule et même question, celle de savoir si les marques de commerce créent de la confusion. En d'autres termes, la question à trancher sous le régime des paragraphes 6(2) et 6(3) de la Loi est celle de savoir s'il existe un " risque de confusion " entre les marques de commerce et le nom commercial que la demanderesse a employés en liaison avec ses services, et la marque de commerce de la défenderesse, que cette dernière a employée en liaison avec ses services.

6.(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark or trade-name if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6.(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and the trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6.(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6.(3) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque ou les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[10]      Le risque de confusion est établi en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris de celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi :

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including:

6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the lenght of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the tradel and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus ;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage ;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises ;

d) la nature du commerce :

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[11]      En plus de ces facteurs, les tribunaux ont élaboré plusieurs principes généraux qui sont utiles lorsqu'il s'agit d'examiner la question de la confusion. Il est de jurisprudence constante que le tribunal doit non seulement examiner la preuve, mais qu'il doit également faire appel à son propre bon sens et examiner les questions en litige en adoptant le regard du consommateur moyen5, en tenant compte du fait que le consommateur moyen n'aura pas le même comportement et n'agira pas avec autant de soin pour choisir, par exemple, des produits alimentaires que lorsqu'il sélectionne des produits ou des services de sécurité plus chers6. De plus, il faut se rappeler que, comme ils sont bombardés de messages publicitaires, les consommateurs d'aujourd'hui sont passablement avertis lorsqu'il s'agit de faire des achats et de comparer des noms de marques, de sorte qu'ils ne doivent pas être tenus pour " complètement dénués de mémoire " ou " totalement inconscients ou mal informés de ce qui se passe autour d'eux7.

[12]      Au procès, la demanderesse a insisté sur le chevauchement qui existait entre les champs d'activité des parties " elles exercent toutes les deux leurs activités dans le domaine de la sécurité résidentielle " pour appuyer sa conclusion de confusion entre les marques de commerce et le nom commercial. Pour sa part, la défenderesse fait ressortir les différences qui existent entre les marchandises, les services et le commerce des parties. Alors que la demanderesse exploite une entreprise de fourniture de services de sécurité haut de gamme coûteux, la défenderesse est simplement un distributeur de systèmes d'alarme sans fil qui sont destinés aux consommateurs bricoleurs. La défenderesse soutient également que les marques de commerce attaquées sont faibles, étant donné qu'elles utilisent le mot " sentinelle ", qui est tiré du vocabulaire commercial courant et que, par conséquent, elles ne méritent qu'une faible protection.

[13]      Seulement deux témoins ont été appelés à témoigner au procès : M. Yvan Spector, le président de la compagnie demanderesse, et M. Ken Aviss, le vice-président de la compagnie défenderesse. Après avoir examiné attentivement le témoignage qu'ils ont donné au sujet des critères énoncés au paragraphe 6(5), je conclus qu'il n'y a aucun risque de confusion pour les motifs qui suivent.

     A.      Caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[14]      Il est de jurisprudence constante que les marques de commerce qui contiennent des mots qui évoquent les marchandises ou les services qu'offre leur propriétaire sont considérées comme des marques faibles qui n'ont droit, par conséquent, qu'à une faible protection8. En pareil cas, même une légère différence entre les marques suffit pour réduire les risques de confusion9. En outre, lorsqu'une personne adopte un mot d'usage courant et cherche à empêcher ses concurrents de faire de même, les marques de commerce ont un caractère distinctif inhérent moindre et le degré de protection accordé par le tribunal est limité10. Finalement, lorsqu'une partie choisit d'employer un nom évocateur non distinctif indépendamment de tout caractère distinctif acquis, elle doit accepter une certaine confusion sans sanction11.

[15]      En l'espèce, aucune des trois marques de commerce de la demanderesse ne possède un caractère distinctif inhérent très marqué. De son propre aveu, la demanderesse a choisi le mot " sentinelle ", en consultant le dictionnaire, en raison de son sens de guetteur et du sentiment de sécurité qu'il évoque. En plus d'évoquer fortement les services spécifiques qu'offre la demanderesse, le mot " sentinelle " est employé dans le commerce pour dénoter la sécurité, la protection et la surveillance. La consultation du registre des marques de commerce cité par la demanderesse permet de constater que plusieurs marques ont une telle connotation. Ainsi, le mot sentinel est employé en liaison avec la sécurité de cheminées12 (enr. no 280 056), l'entreposage en lieu sûr13 (enr. no 342 618) et des dispositifs de commande de portes coupe-feu14 (enr. no 461 156), qui sont toutes des marchandises ou des services liés à la sécurité, à la protection et à la surveillance.

[16]      Qui plus est, il n'y a rien qui permet de conclure que les marques de commerce de la demanderesse ont acquis un degré de notoriété qui permette de penser qu'elles ont acquis un caractère distinctif. La commercialisation a été concentrée dans la région urbaine de Montréal et dans les environs et a été effectuée au moyen d'annonces publicitaires dans les annuaires locaux, des bulletins d'information envoyés aux clients et aux intervenants de l'industrie. C'est le bouche à oreille qui constitue l'outil de commercialisation le plus efficace de la demanderesse. En bref, il ressort de la preuve que la demanderesse est davantage intéressée à se faire connaître comme fournisseur de qualité qui fait l'installation et le contrôle des systèmes d'alarme de surveillance. Il s'agit donc d'un créneau commercial particulier de gens intéressés à se procurer des services de sécurité et de haute surveillance et à payer le prix nécessaire.

[17]      J'estime donc que les marques de commerce et le nom commercial de la demanderesse n'ont droit qu'à un degré minimal de protection, dans la mesure où ils évoquent ses services, à savoir l'installation, le contrôle et la surveillance de systèmes de sécurité.

     B.      Période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[18]      Étant donné qu'il ressort de la preuve que le nom commercial de la demanderesse est en usage depuis 1979 et ses marques, depuis 1980, alors que la défenderesse utilise sa marque depuis février 1996, la demanderesse peut bénéficier d'une période d'usage exclusif plus longue.

     C.      Nature des marchandises, des services ou de l'entreprise

[19]      Une grande partie de la preuve administrée au procès visait à établir les champs d'activité respectifs des parties. Bien qu'il y ait d'évidents chevauchements et de manifestes similitudes entre elles, il existe malgré tout d'importante différences qu'il convient de signaler.

[20]      Suivant sa propre description, la demanderesse est un fournisseur de services professionnels de sécurité de qualité, lesquels services comprennent l'installation de systèmes sur mesure et le surveillance de ces systèmes à partir d'un poste central de surveillance. Le degré élevé de perfectionnement des services de la demanderesse est censé attirer des " utilisateurs haut de gamme " tels que des constructeurs immobiliers, des architectes, des compagnies d'assurance et des agences de recouvrement, qui ont besoin de services de sécurité professionnels. Naturellement, ces services ne sont pas bon marché. Ainsi, le coût d'installation du système oscille entre 99 $ et 1 000 $ " pour une moyenne de 600 $ " selon le nombre d'appareils utilisés et la taille de l'immeuble. Il s'agit par ailleurs de frais récurrents : les frais de surveillance s'élèvent au moins à 19,95 $ par mois.

[21]      Par contraste, la défenderesse est un simple distributeur de systèmes d'alarme résidentiels sans fil15. Elle n'offre aucun service " installation ou surveillance " aux personnes qui achètent ses services. Les dispositifs qu'elle vend sont conçus de manière à permettre au consommateur de les installer rapidement et aisément. Tout au plus offre-t-elle en option à ses consommateurs un appareil de composition automatique16, qui ne s'applique qu'à une tranche de ses produits et dont le fonctionnement est laissé entre les mains du consommateur. Contrairement à la demanderesse, la défenderesse ne s'adresse pas à des utilisateurs haut de gamme, mais bien à des bricoleurs sensibles aux prix qui n'ont pas les moyens de se payer un service de sécurité professionnel. L'emballage des produits de la défenderesse, ainsi que ses étalages et brochures font nettement ressortir l'aspect bricolage de ses produits. Les produits ne sont pas conçus pour être utilisés par des fournisseurs de service professionnels haut de gamme. Leur coût est également relativement moins élevé que celui des services de la demanderesse. Non seulement s'agit-il d'un coût ponctuel (en raison de l'absence de frais de surveillance), mais encore les produits sont-ils offerts à des prix variant entre 99 $ et 299 $ pour un système complet, installation comprise.

[22]      Bref, compte tenu de ces différences, la Cour estime que la nature des services fournis par la demanderesse et celle des marchandises distribuées par la défenderesse est fort différente et qu'il n'existe, par conséquent, aucun risque de confusion.

     D.      Nature du commerce

[23]      La preuve révèle par ailleurs des différences entre les marchés cibles, les canaux de distribution et la publicité des parties. Ainsi que la Cour l'a déjà fait remarquer, les parties visent des clientèles se situant à l'opposé l'une de l'autre. En effet, la demanderesse s'adresse à une clientèle " haut de gamme " privée ou commerciale qui est à la recherche de services d'installation et de surveillance de pointe, alors que la défenderesse vise le bricoleur " bas de gamme " sensible aux prix.

[24]      La demanderesse vend ses services directement à ses clients et les annonce directement par le truchement de bulletins d'information et d'articles rédigés par son président, qui est un membre actif de l'Association canadienne de systèmes d'alarme et de sécurité (CANASA), une association manufacturière qui oeuvre dans le domaine de la sécurité résidentielle et commerciale.

[25]      Pour leur part, les produits de la défenderesse sont vendus dans des points de vente au détail. La défenderesse ne fait aucune publicité directe pour vendre ses produits. Elle se contente de participer à des foires commerciales organisées à l'intention des distributeurs, comme le Consumer Electronics Show, qui a lieu à Las Vegas, où elle essaie de faire connaître ses produits à des distributeurs potentiels comme Costco, Home Depot, Reno-Dépôt, Rona, etc. Ce sont les distributeurs qui se chargent d'annoncer les produits de la défenderesses dans les journaux et dans des encarts publicitaires.

[26]      Finalement, il y a des différences géographiques. Le commerce de la demanderesse se limite à la région du Grand Montréal, tandis que les produits de la défenderesse sont distribués dans toutes les provinces canadiennes, aux États-Unis, au Mexique et, par l'intermédiaire de sous-distributeurs, dans des pays d'Amérique Centrale et d'Amérique du Sud, ainsi qu'en Europe de l'Est. Les ventes réalisées au Québec ne représentent qu'une petite fraction du chiffre total.

[27]      Dans la mesure où les deux parties cherchent à vendre des systèmes d'alarme sans fil à des consommateurs, on peut dire que, par sa nature, le commerce qu'elles exploitent entre dans la même catégorie générale. Toutefois, compte tenu des différences qui existent au sujet de la nature de leur marchandises et de leurs services, de leurs voies commerciales, de leurs canaux de distribution et de leur publicité, la Cour conclut qu'il n'y a aucun risque de confusion entre les marques de parties, à tout le moins en ce qui concerne la nature de leur commerce respectif.

     E.      Degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son ou dans les idées qu'elles suggèrent

[28]      Il est de jurisprudence constante que les marques de commerce doivent être examinées globalement et non en tant qu'entités distinctes. C'est dans leur ensemble qu'il faut comparer les marques17. En l'espèce, il est évident que les marques de deux parties, ALARME SENTINELLE / SENTINEL ALARM, d'une part, et HOME SENTINEL & DESIGN, d'autre part, renferment des éléments particuliers de confusion, en l'occurrence, le mot " sentinelle ". Il importe de signaler que les deux parties ont dû renoncer à une partie de leurs marques de commerce avant de pouvoir en obtenir l'enregistrement. Ainsi, la demanderesse a renoncé au mot " alarme "18, et la défenderesse, au mot " home "19. Le fait que les marques des parties renferment un élément semblable ne signifie pas en soi qu'elles créent de la confusion. Lorsqu'elle les examine dans leur ensemble, la Cour est forcée de conclure qu'à tout prendre, il n'y a pas de ressemblance et, partant, pas de risque de confusion entre les marques, compte tenu du fait, comme il a déjà été signalé, que rien ne permet de penser que les services de la demanderesse et les marchandises de la défenderesse sont vendus ou annoncés dans les mêmes magasins de vente au détail.

[29]      Comme autre preuve du risque de confusion, la demanderesse a signalé à la Cour trois incidents qui, à son avis, permettent de conclure qu'il existe de la confusion au sein du public en ce qui concerne les marques des parties. Ainsi, M. Spector a témoigné qu'en 1996, un client de sa compagnie, un installateur de systèmes d'alarme qui avait vu un des produits de la défenderesse chez Reno-Dépôt Inc., à Montréal, l'a félicité de son nouveau programme de vente. Le président de la demanderesse a nié ce fait, puis s'est rendu compte que son client avait vu un des produits de la défenderesse sur ses rayons. Comme cet incident, qui concerne une personne avec laquelle la demanderesse faisait affaire, a été rapporté exclusivement par la bouche de la demanderesse, sans que l'intéressé soit appelé à la barre, la Cour ne peut accorder que peu de valeur à cet élément de preuve. En ce qui concerne les deux messages électroniques que la demanderesse prétend avoir reçus, le premier en janvier 1998, en provenance de Mississauga (Ontario), et le second, en janvier 1999, au sujet d'un des produits de la défenderesse achetés dans un magasin de détail de Colombie-Britannique, produit que la défenderesse nie avoir jamais vendu, on ne peut pas accorder une grande valeur à ces éléments de preuve qui, de toute façon, ne renferment pas suffisamment d'éléments d'information pour appuyer une conclusion de confusion ou de risque de confusion.

[30]      En conclusion, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il m'est impossible de croire que la coexistence de la marque de commerce de la défenderesse et des marques de commerce ou du nom commercial de la demanderesse crée de la confusion dans l'esprit du consommateur ordinaire, même s'il a un souvenir imparfait des marques.

[31]      Par ces motifs, l'action de la demanderesse est rejetée avec dépens.

     PIERRE DENAULT

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 17 février 1999.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2097-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MAN AND HIS HOME LTD., faisant affaire sous la raison sociale de Alarme Sentinelle / Sentinel Alarm et MANSOOR ELECTRONICS LTD. et RENO-DÉPÔT INC.
LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATES DE L'AUDIENCE :      26, 27 et 28 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT prononcés par le juge Denault le 17 février 1999

ONT COMPARU :

Me Bob H. Sotiriadis                  pour la demanderesse
Me R. Aaron Rubinoff                  pour la défenderesse

Me L. Frances Fitzgerald

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Léger Robic Richard                      pour la demanderesse

Montréal (Québec)

Perley-Robertson,                      pour la défenderesse

Hill & McDougall

Ottawa (Ontario)

__________________

     1      Pièces 76, 77 et 78.

     2      Pièce 80.

     3      Pièce 83.

     4      L.R.C. (1985), ch. T-13.

     5      Miss Universe Inc. v. Bohna, [1995] 1 C.F. 614, aux pages 621 et 622 (C.A.F.).

     6      General Motors Corporation v. Bellows, [1949] R.C.S. 678, à la page 692 et Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, aux pages 134 à 138.

     7      Monsport Inc. c. Les Vêtements de Sport Bonnie (1978) Ltée, (1989), 22 C.P.R. (3d) 356, à la page 360 (C.F. 1re inst.).

     8      Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd., (1995), 58 C.P.R. (3d) 527, aux pages 529 et 530 (C.A.F.) et Skydome Corp. c. Toronto Heart Industries Ltd., (1997), 72 C.P.R. (3d) 546, à la page 550 (C.F. 1re inst.).

     9      Idem.

     10      General Motors Corporation c. Bellows, précité, note 6, à la page 691 et Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd., idem.

     11      Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd., ibid.

     12      Pièce 97.

     13      Pièce 106.

     14      Pièce 121.

     15      La défenderesse distribue trois systèmes d'alarme sans fil (les modèles WA100, WA200 et WA300), ainsi qu'un système d'alarme anti-effraction par caméra (VI400). Elle distribue également un système de sécurité à télécommande pour automobiles (S19), ainsi qu'un système d'alarme Sentinel pour automobiles (S26).

     16      Pièce 70.

     17      Sealy Sleep Products Ltd. c. Simpson's-Sears Ltd., (1960), 33 C.P.R. 129, aux pages 135 et 136 (C. de l'Éch.).

     18      Pièces 76, 77, 78 et 80.

     19      Pièce 83.

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