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Date : 20060119

Dossier : T-903-04

Référence : 2006 CF 50

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

ENTRE :

SKANDER TOURKI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Skander Tourki est monté à bord du vol d'Air Canada Montréal-Paris, emportant avec lui une serviette contenant plusieurs liasses de billets. La serviette contenait 56 200 $US, 10 015 EUR, 80 MAD, 10 DEM et 11 830 $CAN. Ces billets représentaient, au taux de change du 5 juillet 2003, l'équivalent de 102 642,33 $CAN. La société privée qui était responsable du point de contrôle de sûreté avait avisé les douanes que M. Tourki avait dit que sa serviette contenait 25 000 $ en espèces


provenant de la vente d'une automobile. Douanes Canada a donné instructions à la police de Montréal de faire descendre M. Tourki de l'avion. Les valises qu'il avait enregistrées ont également été retirées. Il a été fouillé et l'argent que contenait sa serviette a été compté. Aucune autre somme d'argent n'a été trouvée. L'agente des douanes responsable a décidé que M. Tourki avait contrevenu à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et, soupçonnant qu'il s'agissait de produits de la criminalité, elle a saisi, à titre de confiscation, la totalité des espèces. Tant la décision selon laquelle il n'avait pas déclaré cette somme, contrairement à la Loi, que la décision de confisquer les espèces ont été confirmées pour le compte du ministre défendeur.

[2]                M. Tourki veut recouvrer son argent. Le ministre soutient que la Cour ne peut, en l'espèce, que déterminer si M. Tourki a, oui ou non, omis de déclarer l'argent comme il était tenu de le faire. Si la Cour conclut qu'il a déclaré la somme d'argent, celle-ci lui sera restituée. Toutefois, si la Cour conclut qu'il a omis de déclarer la somme, la Cour ne peut, ce jour, dans la présente action, examiner la décision du ministre de confirmer la confiscation de l'argent. Le ministre ne prétend pas que sa décision de confisquer échappe à l'examen judiciaire. Il soutient que sa décision pourrait, par la suite, faire l'objet d'un contrôle judiciaire, processus qui est bien différent d'un procès.

[3]                Pour sa part, M. Tourki conteste cette interprétation de la Loi. Les deux décisions du ministre doivent être traitées dans le cadre de la présente action. Dans la mesure où il existe une jurisprudence contraire, et il en existe une, la décision est erronée et n'est pas d'application obligatoire. En outre, les dispositions pertinentes de la Loi sont inconstitutionnelles puisqu'elles contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés.

[4]                Il y a donc lieu, pour mieux comprendre la portée et la nature de la présente action, d'examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

LOI SUR LE RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

[5]                La Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence a été sanctionnée le 29 juin 2000. Le titre abrégé de la Loi est Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Par souci d'économie et aussi parce que l'argent a été confisqué au motif qu'il pouvait s'agir de produits de la criminalité, la Loi sera appelée, dans la présente décision, Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. Le ministre reconnaît que la présente affaire n'a rien à voir avec le financement des activités terroristes.

[6]                La Loi comprend six parties :

            1.          Tenue de documents et déclaration des opérations douteuses

            2.          Déclaration des espèces et effets

            3.          Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (Canafe)

            4.          Règlements

            5.          Infractions et peines

            6.          Disposition transitoire

[7]                Canafe a été créé afin de diminuer le nombre de renseignements manquants dans les traces écrites des transactions suspectes. Des organismes, notamment les banques, sont donc tenus de signaler certaines transactions. La partie 5 de la Loi décrit les circonstances dans lesquelles une personne ou une entité pourrait être déclarée coupable d'une infraction, par procédure sommaire ou par mise en accusation, mais aucune accusation n'a été portée contre M. Tourki.

[8]                Il a enfreint les articles 12 à 30 de la partie 2 : « Déclaration des effets et espèces » , annexée aux présentes.

[9]                M. Tourki était libre d'exporter ou d'importer autant d'espèces qu'il voulait. Toutefois, conformément au paragraphe 12(1) et aux règlements pris en vertu de la Loi, il était tenu de déclarer à l'agent des douanes, par écrit, l'importation ou l'exportation d'espèces ou d'effets d'une valeur égale ou supérieure à 10 000 $. Ces déclarations sont transmises au Canafe et les renseignements sont consignés aux dossiers du Centre.

[10]            L'article 15 permet à un agent de fouiller toute personne sur le point de sortir du Canada s'il la « soupçonne, pour des motifs raisonnables » de dissimuler sur elle ou près d'elle des espèces ou des effets d'une valeur égale ou supérieure à 10 000 $ qu'elle n'a pas déclarés. Dans le cas de M. Tourki, les soupçons des agents étaient non seulement raisonnables mais également fondés.

[11]            Aux termes du paragraphe 18(1), l'agent peut, s'il a des a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), saisir à titre de confiscation les espèces. C'est ce qui a été fait. Puis, aux termes du paragraphe 18(2), la somme confisquée doit être restituée au propriétaire sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, laquelle pénalité, selon les circonstances établies par le règlement, sera de 250 $ à 5 000 $, quelle que soit la somme non déclarée.

[12]            Toutefois, l'agent ne doit pas restituer l'argent s'il « soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'il s'agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel [...] » . Le paragraphe 462.3(1) se trouve à la partie XX.2 du Code intitulée « Produits de la criminalité » . Pour l'essentiel, on entend par « produits de la criminalité » un bien, bénéfice ou avantage qui est obtenu ou qui provient, au Canada ou à l'extérieur du Canada, directement ou indirectement, soit de la perpétration au Canada d'une infraction punissable par mise en accusation, soit d'un acte ou d'une omission qui, au Canada, aurait constitué une infraction de ce genre.

[13]            Les décisions prises par l'agente des douanes, à savoir que M. Tourki avait omis de déclarer les espèces et qu'il fallait confisquer ces sommes, ne sont pas susceptibles de révision par la Cour, puisque l'article 24 de la Loi prévoit un autre recours. En vertu de l'article 25, M. Tourki pouvait demander au ministre de décider s'il y avait eu contravention au paragraphe 12(1). C'est ce qu'il a fait.

[14]            Le ministre prend une décision à cet égard en conformité avec l'article 27. S'il décide qu'il n'y a pas eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre restitue l'argent en conformité avec l'article 28. Toutefois, si, comme en l'espèce, il décide qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), il peut, en conformité avec l'article 29, soit décider de restituer l'argent sur réception de la pénalité ou sans pénalité, soit décider de restituer tout ou partie de la pénalité, soit confirmer la confiscation des espèces au profit de Sa Majesté du chef du Canada. Le ministre a décidé de confirmer la confiscation des espèces.

[15]            Nous en venons maintenant au coeur du débat concernant la portée de la présente action. Aux termes de l'article 30, « [l]a personne qui a présenté une demande en vertu de l'article 25 peut [...] en appeler [de la décision] par voie d'action devant la Cour fédérale [...] » . Toutefois, l'article 25 lu avec le paragraphe 12(1) et l'article 27 ne soulève que la question de savoir si M. Tourki a déclaré ou non les espèces. Les conséquences d'une infraction semblent faire l'objet d'une décision complètement distincte en vertu du paragraphe 29.

[16]            Ainsi, le ministre prétend que sa décision de confirmer la confiscation déborde le cadre de la présente action. Il reconnaît que l'article 24 n'écarte pas le pouvoir de la Cour et qu'une décision en vertu de l'article 29 peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire en conformité avec les articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Il existe d'importantes distinctions entre une action et un contrôle judiciaire par voie de demande. Une action telle qu'envisagée par l'article 30 de la Loi est un procès de novo. La Cour n'est tenue à aucune déférence à l'égard des soupçons de l'agente des douanes ni à l'égard de la décision du ministre. La décision de la Cour est fondée sur la preuve produite au procès. Cette preuve n'est peut-être pas celle dont le ministre disposait. Il peut y avoir une nouvelle preuve et certains documents dont disposait le ministre ne se retrouveront pas nécessairement devant la Cour.

[17]            Par contre, un contrôle judiciaire s'effectue habituellement en tenant compte des documents dont disposait la personne qui a pris la décision visée par le contrôle et la Cour doit faire preuve d'une certaine déférence, en conformité avec la méthode pragmatique et fonctionnelle telle que résumée dans une certaine jurisprudence, notamment Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 et Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

[18]            Conformément aux prétentions respectives des parties, M. Tourki voulait présenter non seulement une preuve relative aux circonstances qui permettraient à la Cour de décider s'il avait réellement omis de déclarer les espèces, mais aussi une preuve concernant la provenance et l'utilisation finale de ces mêmes espèces. Le ministre s'y est opposé en soutenant que la preuve ne devait porter que sur la question de savoir si M. Tourki avait ou non fait une déclaration. Puisqu'il n'y a qu'une seule décision récente sur cette question et aucun véritable procès en vertu des articles de la Loi qui soit pertinent en l'espèce, j'ai permis à M. Tourki de présenter toutes ses preuves, sous réserve de l'opposition générale formulée par le ministre. Par conséquent, le ministre, sous réserve de cette opposition, a également présenté une preuve étayant des soupçons à l'égard de la provenance des espèces de manière à justifier sa conclusion selon laquelle il s'agissait de produits de la criminalité.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]            La présente affaire soulève quatre questions :

A.        M. Tourki a-t-il omis de déclarer aux douanes l'exportation d'une somme supérieure à 10 000 $?

B.         La Cour a-t-elle compétence, en l'espèce, pour se prononcer sur la décision du ministre de confirmer la « confiscation » de l'argent?

C.        Les dispositions de la Loi pertinentes en l'espèce sont-elles ultra vires parce que contraires à la Charte?

D.        Si la décision de confirmer la confiscation déborde du cadre de la présente action, la Cour doit-elle néanmoins donner son opinion sur la question de savoir si la preuve soulevait un doute raisonnable quant au fait de soupçonner que les espèces étaient des produits de la criminalité?

A.                  M. Tourki a-t-il omis de déclarer aux douanes l'exportation d'une somme supérieure à 10 000 $?

[20]            Il n'y a aucun doute que M. Tourki savait qu'il transportait plus de 10 000 $ en espèces. Il l'a dit d'emblée au deux agents des douanes qui l'ont interrogé, Marie-Josée Simard et son assistant, J. C. Premont. M. Premont a déclaré, à l'audience, qu'avant que M. Tourki ne quitte l'aéroport tôt le matin du 6 juillet 2003, il avait rempli le formulaire nécessaire et avait demandé à M. Tourki de le signer. Il n'a pas expliqué pourquoi le formulaire avait été signé sauf pour dire que le formulaire complété, ainsi que les reçus pour saisie, avaient été envoyés à Ottawa.

[21]            M. Tourki prétend que si la loi est aussi sévère que le défendeur le prétend, alors il faut l'appliquer à la lettre. Puisqu'il a rempli une déclaration et qu'il l'a remise à un agent des douanes avant de quitter le Canada, il a respecté les exigences de l'article 12.

[22]            Quelle que soit la raison pour laquelle M. Premont a demandé à M. Tourki de signer un formulaire de déclaration (peut-être pensait-il qu'il s'agissait d'une reconnaissance de l'exactitude du montant des espèces établi dans le reçu), il ne s'agit certainement pas d'une déclaration au sens de l'article 12 de la Loi. Il était bien trop tard pour que M. Tourki fasse une déclaration puisqu'il était installé dans un avion, au sol, dans un aéroport. Aux termes de l'article 15, un agent peut fouiller une personne « à tout moment avant son départ » . Il est donc dit clairement que le lieu où doit être faite la déclaration et le point de départ sont différents. Je n'hésite aucunement à conclure que le formulaire signé par M. Tourki ne constituait pas une déclaration pouvant satisfaire à l'obligation que lui imposait l'article 12.

[23]            M. Tourki soulève un autre argument, à savoir une application à facettes multiples du principe de préclusion. M. Tourki prétend qu'il ne savait pas que la Loi l'obligeait à déclarer les espèces. Il admet, à juste titre, que l'ignorance de la loi n'excuse personne, mais il soutient qu'il faut tenir compte de cette ignorance dans le contexte du fait que le ministre n'a pas suffisamment publicisé la Loi, que les agents des douanes ne sont pas facilement accessibles et que les agents de sécurité ne lui ont pas signalé son obligation alors même qu'ils informaient Douanes Canada qu'il transportait une importante somme d'argent. En réponse à la question théorique, il a dit, bien entendu, qu'il aurait déclaré cette somme s'il avait été mis au courant de son obligation.

[24]            Je rejette ce dernier point. Pendant son entrevue avec les agents Simard et Premont, ainsi qu'au procès, M. Tourki a reconnu que quand il était revenu au Canada après un voyage précédent, en 2003, il transportait plus de 10 000 $ et qu'il n'avait pas fait de déclaration. Il a même produit en preuve l'un des formulaires remis aux passagers qui reviennent au Canada et qu'ils doivent remplir avant de les présenter à Douanes Canada. Le formulaire dit clairement qu'il est obligatoire de déclarer les espèces excédentaires.

[25]            La partie 2 de la Loi avait été édictée par sa publication dans la Gazette du Canada en janvier 2003. Il s'agit de la seule publicité exigée par la loi. Les agents des douanes ont également déclaré au tribunal qu'il y avait eu une campagne de publicité dans les médias et que des dépliants étaient disponibles à l'aéroport. Plus particulièrement, il y avait un grand panneau à l'entrée de la zone de sécurité. M. Tourki affirme ne pas avoir vu ce panneau. Compte tenu du témoignage des agents Simard et Premont, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le panneau s'y trouvait le 5 juillet 2003, même si les agents ne l'ont vu qu'avant et qu'après. Quoi qu'il en soit, la loi n'oblige pas du tout l'installation du panneau.

[26]            Quant au rôle de l'agence privée de sécurité, elle était obligée, en vertu de la Loi sur l'aéronautique, de rechercher les biens qu'il est interdit d'apporter dans un avion. Elle n'avait aucune obligation à l'égard de Douanes Canada et aucune obligation à l'égard de M. Tourki. Même si M. Tourki peut se plaindre que la société n'aurait pas dû aviser les douanes sans l'aviser lui-même de son obligation, ce qui à mon avis est un peu exagéré, la Cour n'est pas saisie de cette question. Ce renseignement a certainement permis aux agents des douanes de soupçonner pour des motifs raisonnables que M. Tourki s'apprêtait à quitter le pays sans faire la déclaration nécessaire.

[27]            II incombe au voyageur de faire une déclaration. La Loi prévoit un système d'autodéclaration. Le voyageur doit rechercher et trouver le bureau de douane. M. Tourki affirme qu'il n'y avait pas de bureau de douane une fois passée la zone de sécurité de l'aéroport. Cela n'est que partiellement vrai. Il aurait pu quitter la zone de sécurité au niveau des départs pour se rendre au bureau de douane au niveau des arrivées, et revenir ensuite à la zone de sécurité. Il est vrai que ce serait plus facile, pour les utilisateurs, s'il y avait un kiosque de douane dans la zone des départs, mais la loi ne l'exige pas.

[28]            M. Tourki ne peut non plus s'appuyer sur le fait que les passagers qui arrivent en avion reçoivent une carte de débarquement qui mentionne l'obligation de déclarer les espèces excédentaires alors que les passagers qui quittent le pays ne reçoivent pas de carte. Il n'a présenté aucune preuve établissant que les mêmes mesures s'appliquent aux passagers qui quittent le Canada ou qui reviennent des États-Unis par automobile.

[29]            Je conclus que M. Tourki n'a pas déclaré qu'il s'apprêtait à exporter une somme égale ou supérieure à 10 000 $, en espèces, comme l'exige le paragraphe 12(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

B.        La Cour a-t-elle compétence, en l'espèce, pour se prononcer sur la décision du ministre de confirmer la « confiscation » de l'argent?

[30]            Tel que susmentionné dans les présents motifs, le ministre prétend qu'en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, la Cour n'a compétence que pour décider si M. Tourki a fait la déclaration obligatoire. Parce qu'il en a été ainsi décidé, la décision du ministre de confirmer la confiscation peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire, mais cette question déborde du cadre de la présente action. C'est l'argument qu'il a soulevé dans sa défense et qui a depuis été renforcé par la décision de la juge Layden-Stevenson dans Dokaj c. Canada (Ministre du Revenu national-MRN) 2005 CF 1437, [2005] A.C.F. no 1783 (QL).

[31]            Pour sa part, maître Choquette fait valoir, pour le compte de M. Tourki, qu'il est tellement illogique de séparer la contravention de ses conséquences que telle n'était certainement pas l'intention du législateur. Il s'ensuit, selon lui, que la décision Dokaj, précitée, est erronée et que, puisqu'il ne s'agit pas d'une décision d'une Cour supérieure, que je ne suis pas lié par celle-ci. Lorsque le ministre affirme qu'il y a eu violation du paragraphe 12(1), il doit décider ce qu'il y a lieu de faire, c'est-à-dire conserver ou restituer l'argent ou la pénalité, en tout ou en partie. Aux termes de l'article 30, M. Tourki a 90 jours pour faire appel par voie d'action de la décision, alors qu'aux termes de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours de la décision. Quelle serait l'utilité de demander le contrôle judiciaire d'une décision relative à une pénalité, alors qu'au moment opportun le fondement même de la pénalité, soit la violation de l'article 12 de la Loi, peut être écarté?

[32]            L'argument n'est pas dénué de valeur, au contraire. Par exemple, le juge Gonthier a dit au nom de la Cour suprême du Canada dans Nouvelle-Écosse(Workers' Compensation Board) c. Martin,[2003] 2 R.C.S. 504, au paragraphe 29 : « [...] les Canadiens doivent pouvoir faire valoir les droits et libertés que leur garantit la Constitution devant le tribunal le plus accessible, sans devoir engager des procédures judiciaires parallèles » . Plus récemment, dans Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, la Cour suprême, traitant de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, a conclu que les termes de ladite Loi ainsi que le contexte du différend n'écartaient pas explicitement la compétence de la Cour fédérale. Néanmoins, la Cour suprême a décidé que la Cour ne devait pas, pour des raisons de retenue, s'immiscer dans ce type d'affaire.

[33]            Peu importe qu'il soit logique et préférable que toutes les conséquences juridiques découlant d'un même incident soient décidées au même lieu et au même moment, le législateur peut faire ce qu'il veut dans ses domaines de compétence législative, sous réserve de la Charte.

[34]            La Loi envisage diverses actions judiciaires, quelques-unes devant la Cour fédérale, d'autres devant le juge en chef ou les juges désignés par lui, certaines devant la Cour d'appel fédérale et d'autres encore devant des tribunaux administrés par les provinces. Rien n'a été fait pour limiter les instances à un tribunal en particulier. Force m'est de conclure que l'article 30 dit exactement ce qu'il veut dire. La présente action ne vise donc que la question de savoir si M. Tourki a oui ou non omis de faire sa déclaration aux douanes comme l'exige l'article 12.

[35]            Il ne m'est pas nécessaire d'examiner les circonstances dans lesquelles un juge n'est pas tenu d'appliquer la décision d'un autre juge de la même Cour. La juge Layden-Stevenson a effectué une analyse complète de la Loi, elle en a examiné l'objet, s'est penchée sur les principes d'interprétation judiciaire et a mis en parallèle la source et l'inspiration des dispositions de la Loi en matière de confiscation et qui se trouvent également dans la Loi sur les douanes. Elle s'est inspirée d'une abondante jurisprudence, y compris la décision du juge MacKay dans ACL Canada Inc. c. Canada (1993), 68 F.T.R. 180, (1993), 107 D.L.R. (4th) 736, [1993] A.C.F. no 1048 (QL). Voir les paragraphes 42 et 43 de ses motifs.

[36]            Je n'ai rien à ajouter sauf pour dire que j'appuie son analyse sans réserve.

C.        Les dispositions de la Loi pertinentes en l'espèce sont-elles ultra vires parce que contraires à la Charte?

[37]            La prémisse clé, c'est que le Parlement est souverain. Comme il est dit dans la dixième édition de Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, aux pages 39 et 40 [traduction] « le principe de la souveraineté du Parlement veut tout simplement dire que le Parlement, ainsi défini, a, en vertu de la constitution anglaise, le droit de faire ou d'abroger quelque loi que ce soit; de plus, le droit anglais ne permet à aucun individu ou organisme de déroger aux lois du Parlement ou de les annuler » .

[38]            Au Canada, la prémisse est assujettie à deux restrictions fondamentales. La première, c'est que le Canada est un État fédéral dont les pouvoirs législatifs sont répartis entre le Parlement du Canada et les législatures des provinces. La deuxième, c'est que toute loi adoptée par l'organe législatif compétent doit respecter la Charte canadienne des droits et libertés. Il appartient aux tribunaux de décider si une loi est ultra vires dans un cas comme dans l'autre.

[39]            M. Tourki ne prétend pas que la Loi soit inconstitutionnelle parce qu'elle a été adoptée par le Parlement plutôt que par une législature provinciale, mais il est néanmoins utile de situer, sur le plan constitutionnel, les dispositions de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité qui portent sur la confiscation, lesquelles dispositions il conteste.

[40]            Il y a lieu de faire remarquer qu'en adoptant la Loi, le Parlement a été beaucoup plus indulgent que les Parlements antérieurs ou que le Parlement du Royaume-Uni. Par le passé, si une Loi sur les douanes ou une Loi sur les taxes d'accise était violée, il y avait confiscation pure et simple. La confiscation, tout comme la saisie d'un bien maritime dans une action en matière d'amirauté ou de la détermination du statut d'une personne, est une action réelle. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu faute, complicité ou mens rea de la part du propriétaire du bien confisqué. La confiscation est un moyen de dissuader l'importation de biens interdits ou de biens dont les droits n'ont pas été payés qui est employé depuis des siècles. Par exemple, selon la Loi sur les douanes dont était saisie la Cour dans Croft c. Dunphy, [1933] A.C. 156 (CJCP), [1933] 1 D.L.R. 225, si des marchandises imposables ou des marchandises dont l'importation au Canada était interdite se trouvaient à bord d'un navire « rôdant dans les eaux territoriales du Canada [...] le navire [devait] être saisi et confisqué, avec tous ses apparaux, agrès, équipements, approvisionnements et sa cargaison » .

[41]            Ce qui distingue une action réelle, c'est que le propriétaire du bien n'est pas nécessairement blâmable à titre personnel. Il n'est pas nécessaire non plus qu'il ne se soit pas acquitté d'une obligation que lui impose la loi. L'action originale réelle contre un navire entraînait un privilège maritime, lequel privilège pouvait exister sans qu'il y ait eu faute de la part de l'armateur. Un navire peut être responsable d'une collision même si son propriétaire ne l'est pas. À l'époque, le navire avait peut-être été affrété coque nue, sa possession étant entre les mains d'un tiers. On retrouve toujours ce type de privilège maritime aux articles 22 et 43 de la Loi sur les Cours fédérales.

[42]            Comme l'a dit lord Watson dans Henrich Björn (1886), 11 App. Cas. 270, aux pages 276 et 277 :

[traduction]

« Il s'agit d'une action réelle, c'est-à-dire, si j'ai bien compris, une procédure contre un navire ou un autre bien meuble par laquelle le demandeur tente d'obtenir que le bien lui soit adjugé en toute propriété ou qu'il en ait la possession, ou que le bien soit vendu, sous l'autorité de la Cour, et que les produits de la vente, ou une partie desdits produits, lui soient adjugés pour éteindre ses créances pécuniaires. »

[43]            La confiscation, tout comme l'action réelle, est une procédure par laquelle un bien lié à la commission d'une infraction, notamment un bien non déclaré, ou le transporteur du bien, sont dévolus à Sa Majesté par application de la loi sans qu'il soit nécessaire d'obtenir un jugement. L'article 23 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité prévoit que les espèces ou effets saisis sont confisqués à compter de la contravention et que la confiscation produit dès lors son plein effet et n'est assujettie à aucune autre formalité.

[44]            Que l'on qualifie la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité de loi pénale, de loi commerciale, de loi sur les douanes ou sur les espèces, ce sont toutes des catégories de sujets énumérés à l'article 91 de la Constitution qui relèvent du Parlement du Canada et qui sont des lois qui tombent sous la rubrique générale de « la paix, l'ordre et le bon gouvernement » .

[45]            Comme l'a dit le juge Newcombe dans Dunphy c. Croft, [1931] R.C.S. 531, à la page 540 :

[traduction]

« Quand donc un sujet britannique qui réside et se trouve au Canada décide de faire échec aux lois sur les douanes en trouvant des moyens d'en éviter l'application, de frauder le fisc et d'introduire illégalement au pays un bien interdit qui a été jugé menaçant pour la vie nationale ou susceptible de causer une catastrophe et lorsque le Parlement du Canada, qui a les pouvoirs que j'ai mentionnés, trouve un moyen d'y remédier dans les lois dont l'appelant se plaint, ces lois ne sont-elles pas des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada? »

[46]            Dans cette affaire qui se limitait à déterminer l'application extraterritoriale de la Loi sur les douanes du Canada, le juge Newcombe était dissident. Le Conseil privé a confirmé les motifs du juge (Croft c. Dunphy, précité). Lord MacMillan a passé en revue l'historique des Hovering Acts (lois de louvoiement) et il a affirmé que : [traduction] « les mesures prises contre le "louvoiement" ont sans doute été adoptées par le Parlement du Royaume-Uni qui les a jugées nécessaires pour rendre plus efficaces les lois contre la contrebande » .

[47]            La contrebande de stupéfiants et les activités terroristes sont un fléau, tant sur le plan national que sur le plan international. L'objet visé par la confiscation est tout aussi valable aujourd'hui qu'il l'était autrefois.

[48]            Traitons maintenant de la Charte. M. Tourki prétend que l'article 12 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité qui l'obligeait à faire une déclaration, ainsi que les dispositions d'application de la partie 2 de la Loi, soit les articles 15, 16, 18, 19 et 22 à 29, sont inconstitutionnels en ce qu'ils violent les articles 7 et 8, ainsi que l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés et que l'article premier ne s'applique pas puisque aucune limite raisonnable sur ces droits ne peut être démontrée.

[49]            Voici les dispositions pertinentes de la Charte :

   1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

...

   1. The Canadian Charter of Rights and Freedoms guarantees the rights and freedoms set out in it subject only to such reasonable limits prescribed by law as can be demonstrably justified in a free and democratic society.

(...)

   7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

...

   7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

(...)

   8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

...

   8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

(...)

11. Tout inculpé a le droit :

d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable;

11. Any person charged with an offence has the right (...)

d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public hearing by an independent and impartial tribunal;

[50]            M. Tourki invoque les arrêts R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103 et R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society, [1992] 2 R.C.S. 606. Oakes a entraîné l'abrogation de la partie de la Loi sur les stupéfiants qui prévoyait que la possession d'un stupéfiant était présumée une possession aux fins d'en faire le trafic. La Cour a affirmé que le fléau qu'était le trafic de stupéfiants ne justifiait pas la restriction des droits de M. Oakes en conformité avec l'article premier. Les dispositions contestées étaient plus qu'une « atteinte minimale » à sa liberté.

[51]            Dans l'arrêt Nova Scotia Pharmaceutical, précité, les juges ont affirmé qu'on pouvait soulever l'imprécision d'une disposition législative en se fondant sur l'article 7 de la Charte. Un principe de justice fondamentale exige que les lois ne soient pas trop imprécises. Une loi sera jugée inconstitutionnelle si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire.

[52]            M. Tourki regroupe l'obligation de déclarer et les mesures visant à assurer le respect de l'obligation pour faire valoir que la loi présume qu'il est coupable d'une infraction et qu'elle est trop imprécise puisque son application est fondée sur de simples soupçons. Je ne saurais être d'accord.

[53]            Seules les personnes accusées d'avoir perpétré une infraction peuvent invoquer la présomption d'innocence, laquelle existait bien avant la Charte. L'article 11 n'a aucune application puisque aucune accusation n'a été portée contre M. Tourki. Même si la partie 5 de la Loi est intitulée « Infractions et peines » , la procédure de confiscation dont la Cour est saisie n'est mentionnée qu'à la partie 2.

[54]            Tel que susmentionné, une procédure de confiscation vise un objet et non une personne. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur l'application de la Charte dans une action réelle dans l'arrêt Martineau c. Canada (Ministre du Revenu national-MNR), [2004] 3 R.C.S. 737. Cette affaire concernait une confiscation « compensatoire » , à savoir une procédure dirigée contre une chose substituée. La Cour a déclaré que les dispositions pertinentes de la Loi sur les douanes, très semblables à celle de la Loi en cause, n'étaient pas de nature pénale. Cette loi, tout comme la Loi en cause, comporte des mécanismes tant civils que pénaux pour assurer le respect du régime d'autodéclaration.

[55]            Les dispositions en matière de fouille et de confiscation de la Loi ne sont pas déraisonnables. Non seulement elles existent depuis des siècles, comme en fait foi Croft c. Dunphy, précité, mais elles font partie des mécanismes de contrôle de nos frontières et sont nécessaires afin de protéger la souveraineté du Canada. Comme l'a dit le professeur Hogg dans Constitutional Law of Canada, 4e édition, au paragraphe 45.4, la notion de fouille, perquisition ou saisie abusives qui s'appliquait jadis à la propriété s'applique aujourd'hui à la vie privée. Dans R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, l'appelante avait été obligée de subir une fouille à nu aux douanes. La Cour suprême du Canada a dit que les atteintes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans d'autres situations. Les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire. Par conséquent, les voyageurs qui cherchent à traverser des frontières internationales s'attendent parfaitement à faire l'objet d'un processus d'examen. L'examen des bagages et des personnes est un aspect accepté du processus de fouille lorsqu'il existe des motifs de soupçonner qu'une personne a fait une fausse déclaration ou transporte avec elle des effets prohibés.

[56]            Enfin, quant à « l'imprécision » de la Loi, celle-ci est tout à fait claire. Si le voyageur ne fait pas de déclaration, l'agent des douanes peut confisquer ce qui aurait dû être déclaré. C'est aussi simple que cela.

[57]            Pour conclure sur ce point, la Loi est constitutionnelle et ne viole pas la Charte.

D.        Si la décision de confirmer la confiscation déborde du cadre de la présente action, la Cour doit-elle néanmoins donner son opinion sur la question de savoir si la preuve soulevait un doute raisonnable quant au fait de soupçonner que les espèces étaient des produits de la criminalité?

[58]            Puisque j'ai dit que la décision du ministre de confirmer la confiscation déborde du cadre de la présente action, il s'ensuit que je dois maintenir l'opposition soulevée par le ministre relativement à une grande partie de la preuve déposée pour le compte de M. Tourki, pour des motifs de pertinence. Aucune des preuves d'Abdel Kader Hassouna et de Cherikan Tourki, les frères du demandeur, ne sont pertinentes puisqu'elles visent la provenance de l'argent et l'utilisation finale prévue. En outre, les pièces relatives au domaine familial en Tunisie ne sont pas non plus pertinentes.

[59]            Cela dit, s'il advenait que j'aie tort et que la décision du ministre de confirmer la confiscation fasse également l'objet du présent appel, je suis d'avis, compte tenu de la preuve produite au procès, qu'il n'y a aucun motif raisonnable de soupçonner que la somme de 102 642,33 $ était, en tout ou en partie, des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel. En formulant cette opinion, je n'ai examiné ni le fardeau de la preuve, ni la valeur probante que doit avoir une telle preuve pour qu'on puisse dire que les soupçons sont fondés sur des motifs raisonnables.

[60]            L'argent provenait de quatre sources. Abdel Kader Hassouna avait fourni quelque 52 000 $US, et Cherikan Tourki, 12 000 $CAN. Le reste de la somme provenait du demandeur et de sa mère qui vit en Tunisie. Ces quatre personnes, ainsi que d'autres membres de leur famille, possèdent, en Tunisie, un immeuble en propriété indivise. Il était question de racheter la part des autres membres de la famille. La transcription du registre foncier indique que certaines mesures avaient déjà été prises avant juillet 2003 pour restreindre le nombre de propriétaires.

[61]            Abdel Kader Hassouna exploite un garage à Montréal. Les transactions se font principalement en argent comptant. Plusieurs de ses clients, surtout des chauffeurs de taxi haïtiens, payent souvent en billets américains. La somme de 52 000 $US représente des économies de trois ans. Il n'est pas interdit de faire des affaires en dollars américains. Le défendeur n'a même pas suggéré la possibilité que l'argent n'ait pas été déclaré aux fins de l'impôt.

[62]            Cherikan Tourki exploite un bar. La somme de 12 000 $CAN représentait ses économies. En 1999, il a plaidé coupable à une accusation de possession et de trafic de stupéfiants et une amende lui a été imposée. Il prétend n'avoir plaidé coupable que parce que les stupéfiants se trouvaient dans son établissement. Il ne s'agit pas d'une personne tout à fait sincère puisqu'il a menti dans au moins un des deux affidavits déposés devant la Cour. Néanmoins, la Cour n'est saisie d'aucune preuve permettant de dire que les 12 000 $CAN en espèces étaient des produits de la criminalité.

[63]            Skander Tourki, tout comme ses deux frères, est un citoyen canadien. Il a immigré au pays en 1982. Il ne s'agit pas d'un citoyen idéal. Il a très peu travaillé et il profite frauduleusement du bien-être social. C'est également un vantard qui use de parcimonie lorsqu'il s'agit de dire la vérité. Il est bénéficiaire du bien-être social tout en prétendant être riche. Cependant, ce n'est pas sa réputation qui fait l'objet d'un procès, c'est l'argent qu'il avait en sa possession.

[64]            Une certaine partie de son argent provenait d'une entreprise de change non officielle qu'il exploitait avec sa mère. L'entreprise fonctionnait comme suit. Plusieurs étudiants tunisiens de familles très aisées étudient à Montréal. Les restrictions monétaires qu'impose le gouvernement tunisien sont telles que les parents ne peuvent faire parvenir suffisamment d'argent à leurs enfants pour qu'ils mènent le train de vie auquel ils ont été habitués. Si, par exemple, un étudiant avait besoin de 10 000 $, ses parents remettaient à la mère de M. Tourki l'équivalent local de 10 500 $. M. Tourki remettait alors 9 500 $CAN à l'étudiant ou encore une partie de cette somme, le reste servant à l'achat de vêtements par carte de crédit.

[65]            M. Tourki a mentionné un profit de l'ordre de 10 à 15 p. 100. Toutefois, aucune preuve n'a été produite sur la question de savoir s'il s'agissait du taux officiel ou du taux sur le marché noir. S'il est possible d'avoir des motifs raisonnables relativement à certains faits, il est par contre impossible d'avoir des motifs raisonnables au sujet de l'état du droit. La définition d'un crime est une question de droit. La Cour suprême a récemment examiné la question des « motifs raisonnables de penser » qu'un crime contre l'humanité avait été commis. Voir Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CSC 40, [2005] S.C.J. no 39 (QL), particulièrement aux paragraphes 114 à 117. Compte tenu de la preuve dont je suis saisi, il n'est pas nécessaire de comparer des « motifs raisonnables de penser » et des « motifs raisonnables de soupçonner » . Dans les deux cas, les « motifs raisonnables » doivent avoir un quelconque fondement objectif.

[66]            La Cour a entendu trois témoins concernant les événements du 5 juillet 2003, Skander Tourki ainsi que les agents des douanes Simard et Premont. Dans la mesure où leurs témoignages sont contradictoires, la Cour préfère le témoignage des agents Simard et Premont qui ont également préparé des rapports contemporains, lesquels rapports ont été déposés. En outre, les notes relatives à une entrevue que M. Tourki a eue avec d'autres agents des douanes quelques jours plus tard ont été déposées par consentement, ainsi que son interrogatoire préalable. Les détails diffèrent quelque peu mais ce n'est peut-être dû qu'au fait que divers interlocuteurs ont posé différentes questions à différents moments. L'explication essentielle donnée par M. Tourki concernant la provenance de l'argent ainsi que son utilisation finale prévue était relativement cohérente.

[67]            En Tunisie, il était préférable d'avoir de l'argent comptant, et surtout des dollars américains. Le taux de change était meilleur et M. Tourki a été assez franc pour dire qu'il espérait récolter quelques milliers de dollars sur le marché noir. Il a déclaré que même si l'État tunisien impose d'importantes restrictions sur les espèces qu'il est permis d'exporter ou d'importer, il n'avait personnellement jamais eu de difficulté à ce chapitre. Peut-être était-il trop pudique pour expliquer exactement pourquoi il lui était facile de passer de l'argent comptant devant les agents des douanes de ce pays. Mais les lois fiscales de la Tunisie ne nous concernent pas.

[68]            Les agents des douanes Simard et Premont ont dit que M. Tourki avait d'emblée modifié son récit concernant la somme d'argent qu'il transportait. Toutefois, ils ont reconnu que l'argent était à peine dissimulé. Le Règlement ne prévoit qu'une amende de 5 000 $ lorsque l'argent est caché dans une malle à double fond!

[69]            Il semblait nerveux. J'imagine que la plupart des gens qu'on sort de force d'un avion sont nerveux. Il a dû se demander comment il allait expliquer la situation à son grand frère à qui appartenait la somme 52 000 $US qui a été saisie.

[70]            L'agente des douanes Simard était d'avis qu'il s'agissait de produits de la criminalité parce qu'elle s'est dite qu'il était illégal de prêter de l'argent avec intérêt. Elle avait tort en droit. Les agents des douanes n'ont reçu aucune formation spéciale par la GRC sur ce qu'il faut rechercher en décidant s'il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'il s'agit de produits de la criminalité.

[71]            Il a été proposé que la somme confisquée était un produit de la criminalité parce que M. Tourki percevait des intérêts à un taux criminel, c'est-à-dire qui dépasse 60 p. 100 par année, contrairement à l'article 347 du Code criminel. Pour qu'il y ait un prêt usuraire, il faut qu'il y ait un prêt, c'est-à-dire un capital prêté. L'intérêt, au sens de la disposition, comprend l'ensemble des frais et dépenses, y compris les droits et commissions. Toutefois, aucune analyse n'a été présentée à la Cour, notamment l'attestation du taux annuel effectif faite par un Fellow de l'Institut canadien des actuaires, conformément au paragraphe 347(4). Aucun motif raisonnable n'a été proposé pour permettre de penser qu'une partie de l'argent constituait les produits d'un prêt usuraire.

[72]            Le ministre a fait témoigner Richard Reynolds de la GRC à titre d'expert en blanchiment d'argent et en financement des activités terroristes. Toutefois, son témoignage ne visait pas la somme de 102 642,33 $ en l'espèce. Au contraire, il a été appelé à témoigner sur une question relative à la Charte. Si j'avais conclu que la loi violait à première vue les articles 7, 8 ou 11, il aurait été nécessaire d'examiner la question de savoir si la loi était néanmoins une limite raisonnable dont la justification pouvait se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Puisque j'ai conclu que les articles 7, 8 et 11 n'avaient pas été violés, il n'était pas nécessaire de procéder à l'analyse fondée sur l'article premier.

CONCLUSION ET DÉPENS

[73]            La présente action est circonscrite par les termes de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes à un appel par voie de procès de novo de la décision du ministre selon laquelle le demandeur avait violé le paragraphe 12(1) de la Loi. Je conclus que le demandeur, Skander Tourki, a omis de déclarer aux douanes qu'il exportait une somme d'argent égale ou supérieure à 10 000 $, contrairement aux exigences du paragraphe 12(1) de la Loi et des règlements pris en vertu de celle-ci.

[74]            Les dispositions de la Loi visées par l'avis d'une question constitutionnelle relèvent du pouvoir législatif du Parlement et ne violent pas la Charte canadienne des droits et libertés.

[75]            Le ministre a droit aux dépens.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES que : l'action soit rejetée avec dépens.

« Sean Harrington »

Juge



ANNEXE

APPENDIX

RECYCLAGE DES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ ET LE FINANCEMENT DES ACTIVITÉS TERRORISTES,

LOI SUR LE

2000, ch. 17


PROCEEDS OF CRIME (MONEY LAUNDERING) AND TERRORIST FINANCING ACT

2000, c. 17

PARTIE 2
DÉCLARATION DES

ESPÈCES ET EFFETS

PART 2

REPORTING OF CURRENCY

AND MONETARY INSTRUMENTS

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l'agent, conformément aux règlements, l'importation ou l'exportation des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

(2) Une personne ou une entité n'est pas tenue de faire une déclaration en vertu du paragraphe (1) à l'égard d'une importation ou d'une exportation si les conditions réglementaires sont réunies à l'égard de la personne, de l'entité, de l'importation ou de l'exportation et si la personne ou l'entité convainc un agent de ce fait.

(3) Le déclarant est, selon le cas :

a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle est arrivée au Canada ou a quitté le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport;

b) s'agissant d'espèces ou d'effets importés par messager ou par courrier, l'exportateur étranger ou, sur notification aux termes du paragraphe 14(2), l'importateur;

c) l'exportateur des espèces ou effets exportés par messager ou par courrier;

d) le responsable du moyen de transport arrivé au Canada ou qui a quitté le pays et à bord duquel se trouvent des espèces ou effets autres que ceux visés à l'alinéa a) ou importés ou exportés par courrier;

e) dans les autres cas, la personne pour le compte de laquelle les espèces ou effets sont importés ou exportés.

(4) Une fois la déclaration faite, la personne qui entre au Canada ou quitte le pays avec les espèces ou effets doit :

a) répondre véridiquement aux questions que lui pose l'agent à l'égard des renseignements à déclarer en application du paragraphe (1);

b) à la demande de l'agent, lui présenter les espèces ou effets qu'elle transporte, décharger les moyens de transport et en ouvrir les parties et ouvrir ou défaire les colis et autres contenants que l'agent veut examiner.

(5) L'agent fait parvenir au Centre les déclarations recueillies en application du paragraphe (1).

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

(2) A person or entity is not required to make a report under subsection (1) in respect of an activity if the prescribed conditions are met in respect of the person, entity or activity, and if the person or entity satisfies an officer that those conditions have been met.

(3) Currency or monetary instruments shall be reported under subsection (1)

(a) in the case of currency or monetary instruments in the actual possession of a person arriving in or departing from Canada, or that form part of their baggage if they and their baggage are being carried on board the same conveyance, by that person or, in prescribed circumstances, by the person in charge of the conveyance;

(b) in the case of currency or monetary instruments imported into Canada by courier or as mail, by the exporter of the currency or monetary instruments or, on receiving notice under subsection 14(2), by the importer;

(c) in the case of currency or monetary instruments exported from Canada by courier or as mail, by the exporter of the currency or monetary instruments;

(d) in the case of currency or monetary instruments, other than those referred to in paragraph (a) or imported or exported as mail, that are on board a conveyance arriving in or departing from Canada, by the person in charge of the conveyance; and

(e) in any other case, by the person on whose behalf the currency or monetary instruments are imported or exported.

(4) If a report is made in respect of currency or monetary instruments, the person arriving in or departing from Canada with the currency or monetary instruments shall

(a) answer truthfully any questions that the officer asks with respect to the information required to be contained in the report; and

(b) on request of an officer, present the currency or monetary instruments that they are carrying or transporting, unload any conveyance or part of a conveyance or baggage and open or unpack any package or container that the officer wishes to examine.

(5) Officers shall send the reports they receive under subsection (1) to the Centre.

13. La personne ou l'entité qui a l'obligation de déclarer les effets ou espèces peut, en tout temps avant leur rétention en application du paragraphe 14(1) ou leur confiscation résultant d'une contravention au paragraphe 12(1), renoncer à poursuivre leur importation ou exportation.

13. A person or an entity that is required to report currency or monetary instruments may, at any time before they are retained under subsection 14(1) or forfeited as a result of a contravention of subsection 12(1), decide not to proceed further with importing or exporting them.

14. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), si la personne ou l'entité indique à l'agent qu'elle a des espèces ou effets à déclarer en application du paragraphe 12(1) mais que la déclaration n'a pas encore été complétée, l'agent peut, moyennant avis à la personne ou l'entité selon les modalités réglementaires, retenir les espèces ou effets pour la période réglementaire.

(2) Dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés par messager ou par courrier, l'avis est donné, dans le délai réglementaire, à l'exportateur si son adresse est connue ou, dans le cas contraire, à l'importateur.

(3) Les espèces ou effets ne peuvent plus être retenus en application du paragraphe (1) si, durant la période visée à ce paragraphe, l'un des événements suivants se produit :

a) l'agent constate qu'ils ont été déclarés en conformité avec le paragraphe 12(1);

b) l'importateur ou l'exportateur informe l'agent qu'il a renoncé à poursuivre leur importation ou exportation.

(4) L'avis doit contenir les éléments suivants :

a) la période de rétention;

b) la mention qu'il est mis fin à la rétention des espèces ou effets si, pendant cette période, ils sont déclarés conformément au paragraphe 12(1) ou l'importateur ou l'exportateur renonce à poursuivre leur importation ou exportation;

c) la mention qu'à la fin de cette période, les espèces ou effets retenus seront confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada.

(5) Les espèces ou effets retenus en vertu du paragraphe (1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à l'expiration de la période visée à ce paragraphe et l'agent transmet au Centre toute déclaration incomplète entreprise dans le cadre du paragraphe 12(1) à l'égard de ces espèces ou effets.

14. (1) Subject to subsections (2) to (5), if a person or an entity indicates to an officer that they have currency or monetary instruments to report under subsection 12(1) but the report has not yet been completed, the officer may, after giving notice in the prescribed manner to the person or entity, retain the currency or monetary instruments for the prescribed period.

(2) In the case of currency or monetary instruments imported or exported by courier or as mail, the officer shall, within the prescribed period, give the notice to the exporter if the exporter's address is known, or, if the exporter's address is not known, to the importer.

(3) Currency or monetary instruments may no longer be retained under subsection (1) if, during the period referred to in that subsection,

(a) the officer is satisfied that the currency or monetary instruments have been reported under subsection 12(1); or

(b) the importer or exporter of the currency or monetary instruments advises the officer that they have decided not to proceed further with importing or exporting them.

(4) The notice referred to in subsection (1) must state

(a) the period for which the currency or monetary instruments may be retained;

(b) that if, within that period, the currency or monetary instruments are reported under subsection 12(1) or the importer or exporter decides not to proceed further with importing or exporting them, they may no longer be retained; and

(c) that currency or monetary instruments retained at the end of that period are forfeited to Her Majesty in right of Canada at that time.

(5) Currency or monetary instruments that are retained by an officer under subsection (1) are forfeited to Her Majesty in right of Canada at the end of the period referred to in that subsection, and the officer shall send any incomplete report in respect of the forfeited currency or monetary instruments made under subsection 12(1) to the Centre.

15. (1) S'il la soupçonne, pour des motifs raisonnables, de dissimuler sur elle ou près d'elle des espèces ou des effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire prévu pour l'application du paragraphe 12(1) et qui n'ont pas été déclarés en conformité avec ce paragraphe, l'agent peut fouiller :

a) toute personne entrée au Canada, dans un délai justifiable suivant son arrivée;

b) toute personne sur le point de sortir du Canada, à tout moment avant son départ;

c) toute personne qui a eu accès à une zone réservée aux personnes sur le point de sortir du Canada et qui quitte cette zone sans sortir du Canada, dans un délai justifiable après son Aépart de cette zone.

(2) Sur demande de la personne qu'il entend fouiller en vertu du présent article, l'agent la conduit devant l'agent principal du lieu de la fouille.

(3) L'agent principal, selon qu'il estime qu'il y a ou non des motifs raisonnables pour procéder à la fouille, fait fouiller ou relâcher la personne conduite devant lui en application du paragraphe (2).

(4) L'agent ne peut fouiller une personne de sexe opposé. Faute de collègue du même sexe que celle-ci sur le lieu de la fouille, il peut autoriser toute personne de ce sexe présentant les qualités voulues à y procéder.

15. (1) An officer may search

(a) any person who has arrived in Canada, within a reasonable time after their arrival in Canada,

(b) any person who is about to leave Canada, at any time before their departure, or

(c) any person who has had access to an area designated for use by persons about to leave Canada and who leaves the area but does not leave Canada, within a reasonable time after they leave the area,

if the officer suspects on reasonable grounds that the person has secreted on or about their person currency or monetary instruments that are of a value equal to or greater than the amount prescribed for the purpose of subsection 12(1) and that have not been reported in accordance with that subsection.

(2) An officer who is about to search a person under this section shall, on the person's request, without delay take the person before the senior officer at the place where the search is to take place.

(3) A senior officer before whom a person is taken under subsection (2) shall, if the senior officer believes there are no reasonable grounds for suspicion under subsection (1), discharge the person or, if the senior officer believes otherwise, direct that the person be searched.

(4) No person shall be searched under this section by a person who is not of the same sex, and if there is no officer of the same sex at the place where the search is to take place, an officer may authorize any suitable person of the same sex to perform the search.

16. (1) S'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, que des espèces ou des effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire prévu pour l'application du paragraphe 12(1) se trouvent à bord d'un moyen de transport et n'ont pas été déclarés conformément à ce paragraphe, l'agent peut immobiliser le moyen de transport, monter à son bord et le fouiller, examiner toute chose qui s'y trouve et en ouvrir ou faire ouvrir tous colis ou contenants, et faire conduire le moyen de transport à un bureau de douane ou à tout autre lieu indiqué pour ces opérations.

(2) S'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, que des espèces ou des effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire prévu pour l'application du paragraphe 12(1) se trouvent parmi des bagages et n'ont pas été déclarés conformément à ce paragraphe, l'agent peut fouiller les bagages, examiner toute chose qui s'y trouve et en ouvrir ou faire ouvrir tous colis ou contenants, et faire conduire les bagages à un bureau de douane ou à tout autre lieu indiqué pour ces opérations.

2000, ch. 17, art. 16; 2001, ch. 41, art. 56.

16. (1) If an officer suspects on reasonable grounds that there are, on or about a conveyance, currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the amount prescribed for the purpose of subsection 12(1) and that have not been reported in accordance with that subsection, the officer may stop, board and search the conveyance, examine anything in or on it and open or cause to be opened any package or container in or on it and direct that the conveyance be moved to a customs office or other suitable place for the search, examination or opening.

(2) If an officer suspects on reasonable grounds that there are, in baggage, currency or monetary instruments that are of a value equal to or greater than the amount prescribed for the purpose of subsection 12(1) and that have not been reported in accordance with that subsection, the officer may search the baggage, examine anything in it and open or cause to be opened any package or container in it and direct that the baggage be moved to a customs office or other suitable place for the search, examination or opening.

17. (1) Un agent peut examiner tout envoi destiné à l'importation ou à l'exportation et ouvrir ou faire ouvrir ceux dont il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'ils contiennent des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire prévu pour l'application du paragraphe 12(1).

(2) L'agent ne peut ouvrir ou faire ouvrir un envoi pesant au plus trente grammes que si le destinataire ou l'expéditeur y consent ou que s'il porte, remplie par l'expéditeur, l'étiquette prévue à l'article 116 du Règlement détaillé de la Convention postale universelle.

(3) L'agent peut faire ouvrir en sa présence un envoi pesant au plus trente grammes par le destinataire, l'expéditeur ou la personne autorisée par ce dernier.

17. (1) An officer may examine any mail that is being imported or exported and open or cause to be opened any such mail that the officer suspects on reasonable grounds contains currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the amount prescribed for the purpose of subsection 12(1).

(2) An officer may not open or cause to be opened any mail that weighs 30 grams or less unless the person to whom it is addressed consents or the person who sent it consents or has completed and attached to the mail a label in accordance with article 116 of the Detailed Regulations of the Universal Postal Convention.

(3) An officer may cause mail that weighs 30 grams or less to be opened in the officer's presence by the person to whom it is addressed, the person who sent it or a person authorized by either of those persons.

18. (1) S'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l'agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

(2) Sur réception du paiement de la pénalité réglementaire, l'agent restitue au saisi ou au propriétaire légitime les espèces ou effets saisis sauf s'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu'il s'agit de produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes.

(3) L'agent qui procède à la saisie-confiscation prévue au paragraphe (1) :

a) donne au saisi, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés autrement que par courrier, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d'appel établi aux articles 25 et 30;

b) donne à l'exportateur, dans le cas où les espèces ou effets sont importés ou exportés par courrier et son adresse est connue, un avis écrit de la saisie et du droit de révision et d'appel établi aux articles 25 et 30;

c) prend les mesures convenables, eu égard aux circonstances, pour aviser de la saisie toute personne dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu'elle est recevable à présenter, à l'égard des espèces ou effets saisis, la requête visée à l'article 32.

(4) Il suffit, pour que l'avis visé à l'alinéa (3)b) soit considéré comme signifié, qu'il soit envoyé en recommandé à l'exportateur.

18. (1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

(2) The officer shall, on payment of a penalty in the prescribed amount, return the seized currency or monetary instruments to the individual from whom they were seized or to the lawful owner unless the officer has reasonable grounds to suspect that the currency or monetary instruments are proceeds of crime within the meaning of subsection 462.3(1) of the Criminal Code or funds for use in the financing of terrorist activities.

(3) An officer who seizes currency or monetary instruments under subsection (1) shall

(a) if they were not imported or exported as mail, give the person from whom they were seized written notice of the seizure and of the right to review and appeal set out in sections 25 and 30;

(b) if they were imported or exported as mail and the address of the exporter is known, give the exporter written notice of the seizure and of the right to review and appeal set out in sections 25 and 30; and

(c) take the measures that are reasonable in the circumstances to give notice of the seizure to any person whom the officer believes on reasonable grounds is entitled to make an application under section 32 in respect of the currency or monetary instruments.

(4) The service of a notice under paragraph (3)(b) is sufficient if it is sent by registered mail addressed to the exporter.

19. L'agent peut requérir main-forte pour se faire assister dans l'exercice des pouvoirs de fouille, de rétention ou de saisie que lui confère la présente partie. Toute personne ainsi requise est autorisée à exercer ces pouvoirs.

19. An officer may call on other persons to assist the officer in exercising any power of search, seizure or retention that the officer is authorized under this Part to exercise, and any person so called on is authorized to exercise the power.

19.1 L'agent qui décide d'exercer les attributions conférées par le paragraphe 18(1) est tenu de consigner par écrit les motifs à l'appui de sa décision.

19.1 If an officer decides to exercise powers under subsection 18(1), the officer shall record in writing reasons for the decision.

20. L'agent qui a saisi les espèces ou effets en vertu de l'article 18 fait aussitôt un rapport au commissaire et au Centre sur les circonstances de la saisie.

20. If the currency or monetary instruments have been seized under section 18, the officer who seized them shall without delay report the circumstances of the seizure to the Commissioner and to the Centre.

21. (1) Sur demande d'un agent, les envois destinés à l'exportation sont soumis au contrôle douanier par la Société canadienne des postes s'ils contiennent ou si l'on soupçonne qu'ils contiennent des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire prévu pour l'application du paragraphe 12(1).

(2) Les envois soumis au contrôle douanier prévu par le présent article demeurent, pour l'application de la Loi sur la Société canadienne des postes, en cours de transmission postale, sauf s'ils sont retenus ou saisis en vertu de la présente partie.

(3) En cas de rétention ou de saisie d'envois en vertu de la présente partie, il doit en être donné avis par écrit à la Société canadienne des postes dans les soixante jours, sauf si, avant l'expiration de ce délai, ils ont été retournés à celle-ci.

(4) L'agent applique au contrôle des envois la législation relative aux douanes et la présente partie; sous réserve de cette législation et de la présente partie, il les retourne à la Société canadienne des postes.

(5) Il est disposé conformément aux règlements d'application de la Loi sur la Société canadienne des postes des objets inadmissibles que l'agent trouve dans le courrier soumis à son contrôle.

21. (1) On request of an officer, any mail that is being sent from a place in Canada to a place in a foreign country and that contains or is suspected to contain currency or monetary instruments that are of a value equal to or greater than the amount prescribed for the purpose of subsection 12(1) shall be submitted by the Canada Post Corporation to an officer.

(2) All mail that is submitted to an officer under this section remains, for the purposes of the Canada Post Corporation Act, in the course of post unless it is retained or seized under this Part.

(3) If mail is retained or seized under this Part, notice of the retention or seizure shall be given in writing to the Canada Post Corporation within 60 days after the retention or seizure unless the mail has, before the expiry of that period, been returned to the Corporation.

(4) An officer shall deal with all mail submitted to the officer under this section in accordance with the laws relating to customs and this Part and, subject to those laws and this Part, shall return it to the Canada Post Corporation.

(5) Any non-mailable matter found by an officer in mail made available to the officer under this section shall be dealt with in accordance with the regulations made under the Canada Post Corporation Act.

22. (1) En cas de confiscation aux termes du paragraphe 14(5) des espèces ou effets retenus, l'agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

(2) En cas de saisie d'espèces ou d'effets ou de paiement d'une pénalité réglementaire aux termes du paragraphe 18(2), l'agent les remet au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

22. (1) An officer who retains currency or monetary instruments forfeited under subsection 14(5) shall send the currency or monetary instruments to the Minister of Public Works and Government Services.

(2) An officer who seizes currency or monetary instruments or is paid a penalty under subsection 18(2) shall send the currency or monetary instruments or the penalty, as the case may be, to the Minister of Public Works and Government Services.

23. Sous réserve du paragraphe 18(2) et des articles 25 à 31, les espèces ou effets saisis en application du paragraphe 18(1) sont confisqués au profit de Sa Majesté du chef du Canada à compter de la contravention au paragraphe 12(1) qui a motivé la saisie. La confiscation produit dès lors son plein effet et n'est assujettie à aucune autre formalité.

23. Subject to subsection 18(2) and sections 25 to 31, currency or monetary instruments seized as forfeit under subsection 18(1) are forfeited to Her Majesty in right of Canada from the time of the contravention of subsection 12(1) in respect of which they were seized, and no act or proceeding after the forfeiture is necessary to effect the forfeiture.

24. La confiscation d'espèces ou d'effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n'est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l'article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l'agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

26. (1) Le commissaire signifie sans délai par écrit à la personne qui a présenté la demande visée à l'article 25 un avis exposant les circonstances de la saisie à l'origine de la demande.

(2) Le demandeur dispose de trente jours à compter de la signification de l'avis pour produire tous moyens de preuve à l'appui de ses prétentions.

26. (1) If a decision of the Minister is requested under section 25, the Commissioner shall without delay serve on the person who requested it written notice of the circumstances of the seizure in respect of which the decision is requested.

(2) The person on whom a notice is served under subsection (1) may, within 30 days after the notice is served, furnish any evidence in the matter that they desire to furnish.

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l'expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l'issue des poursuites.

(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l'appui.

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

(2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

28. Si le ministre décide qu'il n'y a pas eu de contravention au paragraphe 12(1), le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu'il est informé de la décision du ministre, restitue la valeur de la pénalité réglementaire, les espèces ou effets ou la valeur de ceux-ci au moment de la saisie, selon le cas.

28. If the Minister decides that subsection 12(1) was not contravened, the Minister of Public Works and Government Services shall, on being informed of the Minister's decision, return the penalty that was paid, or the currency or monetary instruments or an amount of money equal to their value at the time of the seizure, as the case may be.

29. (1) S'il décide qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre, aux conditions qu'il fixe :

a) soit décide de restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

b) soit décide de restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

c) soit confirme la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu'il en est informé, prend les mesures nécessaires à l'application des alinéas a) ou b).

(2) En cas de vente ou autre forme d'aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l'administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l'alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l'aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l'aliénation, aucun paiement n'est effectué.

29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister shall, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

(2) The total amount paid under paragraph (1)(a) shall, if the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.

30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.

(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu'il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour.

(4) En cas de vente ou autre forme d'aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l'administration des biens saisis, le montant de la somme qui peut être versée en vertu du paragraphe (3) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l'aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l'aliénation, aucun paiement n'est effectué.

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

(2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act that apply to ordinary actions apply to actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

(3) The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to the decision of the Court on being informed of it.

(4) If the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, the total amount that can be paid under subsection (3) shall not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-903-04

INTITULÉ :                                        SKANDER TOURKI

c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATES DE L'AUDIENCE :              12-13 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                       LE 19 JANVIER 2006

COMPARUTIONS :

Jérôme Choquette, c.r.

Jean-Stéphane Kourie

POUR LE DEMANDEUR

Marc Ribiero

Jacques Mimar

Frederic Paquin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Choquette, Beaupré, Rhéaume

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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