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Date : 20040211

Référence : 2004 CF 220

Toronto (Ontario), le 11 février 2004

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE ROGER R. LAFRENIÈRE

ENTRE :                                

                                                                                                                           Dossier : T-3197-90

APOTEX INC. et NOVOPHARM LTD.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

défenderesse

ET ENTRE :                                                                                                              

Dossier : T-2624-91

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.

                                                                                                                                                           

demanderesses

                                                                             et

INTERPHARM INC., APOTEX INC.

et ALLEN BARRY SHECHTMAN

défendeurs

ET ENTRE :                                                  

Dossier : T-2983-93


THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             

                                                                             et

NOVOPHARM LTD.

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                             

[1]                Une conférence portant sur la gestion de l'instance a eu lieu en présence des avocats des parties le 3 février 2004 en vue d'établir l'échéancier de l'instruction d'un renvoi portant sur les dommages-intérêts dans les présentes instances ainsi que sur des réparations connexes. Au cours de la conférence, les parties ont convenu d'un échéancier pour la production, par les défenderesses, d'un exposé des questions en litige et sur la date limite prévue pour l'échange de leur liste respective de documents ayant trait aux questions en litige dans le renvoi. Les parties n'ont toutefois pas réussi à s'entendre sur la question de savoir si l'ordonnance établissant l'échéancier devait obliger par des termes explicites les défenderesses à énumérer et à produire tous les documents se trouvant en leur possession ou sous leur contrôle qui ont trait à l'acquisition, à la fabrication, à l'utilisation, à la vente ou à tout autre mode d'aliénation d'un produit contenant de la zidovudine entre la date de la première fabrication et la date des présentes.


[2]                La question à trancher est celle de savoir s'il convient, à cette étape-ci, d'obliger les défenderesses à énumérer et à produire les documents précis exigés par les demanderesses.

Rappel des faits

[3]                En 1988, Wellcome Foundation, Ltd. et Glaxo Wellcome, Inc. (les demanderesses), ont obtenu un brevet canadien portant sur l'utilisation de l'AZT pour le traitement et la prévention de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Le 5 décembre 1990, Apotex Inc. et Novopharm Ltd. (les défenderesses) ont introduit au Canada une action (T-3197-90) visant à obtenir un jugement déclarant que le brevet de Glaxo était invalide et que leurs produits génériques d'AZT proposés ne contreferaient pas le brevet. Le 16 octobre 1991, Glaxo a introduit contre Interpharm Inc., Apotex Inc. et Allen Barry Shechtman une action (T-2624-91) dans laquelle elle affirmait notamment que leur produits proposés contrefaisaient diverses revendications du brevet de Glaxo. Le 20 décembre 1993, Glaxo a introduit une action en contrefaçon semblable contre Novopharm (T-2983-93).

[4]                Avec le consentement des parties, la Cour a ordonné que toute question de fait portant sur le montant des dommages découlant de toute atteinte portée aux droits des demanderesses dans les actions susmentionnées ou encore sur les profits réalisés par suite de toute contrefaçon fasse l'objet d'un renvoi après le procès conformément aux articles 500 et suivants (maintenant les articles 153 et suivants) des Règles si l'on constatait alors qu'il était nécessaire de trancher cette question de fait. Les trois actions ont été réunies et ont été instruites ensemble.


[5]                Le 25 mars 1998, le juge Wetston a conclu, à l'issue du procès, que bon nombre des revendications contenues dans le brevet étaient valides. Il a jugé que les défenderesses avaient contrefait ces revendications et il les a condamnées à payer des dommages-intérêts aux demanderesses. Le 26 octobre 2000, la Cour d'appel fédérale a accueilli l'appel relatif aux revendications non limitées à l'usage de l'AZT, mais a rejeté les appels à tous autres égards. Le 5 décembre 2002, la Cour suprême du Canada a statué que le brevet des demanderesses était valide.

[6]                Le 7 novembre 2003, les demanderesses ont réclamé la tenue d'un renvoi visant à établir le montant des dommages qu'elles étaient censées avoir subis en raison de la contrefaçon commise par les défenderesses. Elles ont soumis en même temps un exposé des questions en litige. Dans les directives écrites qu'il a données le 11 décembre 2003, le Juge en chef a ordonné que le renvoi soit considéré comme une instance à gestion spéciale. Le juge Hugessen a été désigné juge responsable de la gestion de l'instance et j'ai été chargé de faciliter la gestion de la présente affaire. Le juge en chef s'est réservé le droit de désigner à une date ultérieure l'arbitre chargé de présider le renvoi.

[7]                Après que les avocats des parties eurent été consultés au sujet de leur dates de disponibilité, la tenue d'une conférence portant sur la gestion de l'instance a été fixée au 3 février 2004. En prévision de cette conférence, les avocats des demanderesses ont soumis un projet d'ordre du jour, ainsi qu'un projet d'ordonnance établissant l'échéancier jusqu'à l'instruction du renvoi. Les défenderesses ont choisi de ne pas déposer de pièces en réponse.


Analyse et conclusion

[8]                Les défenderesses s'opposent à l'insertion dans l'ordonnance établissant l'échéancier de toute condition qui les obligerait à produire des documents déterminés. Elles affirment qu'il est prématuré de se prononcer sur la pertinence des documents que les demanderesses réclament et elles exhortent la Cour à attendre que les listes de documents aient été échangées entre les parties pour se prononcer sur l'ampleur de la production. Les défenderesses expliquent qu'elles craignent que l'obligation de produire des documents ait une portée trop large et qu'elle englobe des renseignements qui ne sont pas pertinents.

[9]                À mon avis, les défenderesses n'ont aucune raison de refuser de produire les documents réclamés. Il ne faut pas oublier qu'il a été jugé définitivement que les défenderesses avaient contrefait le brevet des demanderesses. La seule question qu'il reste à trancher dans le cadre du renvoi est celle du montant des dommages que les demanderesses ont subis au cours de la période de la contrefaçon. L'évaluation des dommages n'a rien de particulièrement compliqué, même lorsque les sommes réclamées sont substantielles.


[10]            Examiner de façon parcellaire chaque question de procédure et remettre à plus tard sa décision ne favorise pas la bonne gestion de l'instance. Si je procédais de cette manière, je me déroberais à mes responsabilités de gestionnaire de l'instance et je nuirais tout simplement au bon déroulement et au dénouement du renvoi. Il y a plus d'une centaine d'années, lord Esher a, dans l'arrêt Ungar c. Sugg, [1892] 9 R.P.C. 113 (CA) aux pages 116 et 117, fait observer avec justesse que les procès portant sur des brevets devenaient souvent trop complexes et coûteux :

[TRADUCTION] On avait l'habitude de dire que les affaires de chevaux étaient contagieuses et qu'elles amenaient systématiquement les témoins à se parjurer. Or, il me semble qu'on peut en dire autant des procès portant sur des brevets, qui donnent lieu à des débats interminables et dans lesquels chacun pose des questions sans fin. Ainsi, un procès qui porte sur un brevet et qui soulève une question qui n'est pas plus difficile à juger que celles qui peuvent se poser dans tout autre procès dure invariablement au moins six jours, voire douze jours, alors que six heures auraient suffi. Je suis convaincu qu'il doit exister une solution à ce problème.

[...]

Or, sur quoi débouche cette situation? Eh bien, qu'il vaut mieux pour un homme de voir quelqu'un contrefaire son brevet ou de subir tout autre revers, hormis de perdre tous les membres de sa famille à cause de l'influenza, que de se retrouver plongé dans un conflit portant sur un brevet. Son brevet est anéanti et il est ruiné. À qui la faute? Ce n'est pas vraiment la faute de la loi, mais plutôt celle de la procédure suivie dans les procès portant sur des brevets. Voilà la source du problème.

L'article 156 des Règles de la Cour fédérale (1998) exige que la procédure suivie pour le déroulement du renvoi soit la plus simple, la moins onéreuse et la plus expéditive possible. Pour s'assurer que cet objectif sera atteint, il est essentiel qu'une décision soit prise dès que possible au sujet de la portée de la production des documents.


[11]            La pertinence est le facteur le plus important en matière de production de documents. La pertinence doit être examinée en fonction des points litigieux à trancher dans le cadre du renvoi et il faut se demander si les renseignements réclamés sont susceptibles d'aider celui qui les exige à obtenir des dommages-intérêts ou à contester cette réparation. Bien que je comprenne que les défenderesses puissent craindre de produire des documents qui ne sont pas pertinents, je ne puis accepter que les demanderesses aient à attendre que les défenderesses leur signifient une liste de documents avant d'apprendre que des documents pertinents et importants ne seront pas produits.

[12]            Aux termes de l'article 157 des Règles, l'arbitre peut ordonner la production de tout document ou élément matériel pertinent. En tant que gestionnaire du renvoi, je possède le même pouvoir. Les parties conviennent que la communication des documents est une question de pertinence et non de pouvoir discrétionnaire. Qui plus est, tout plaideur est tenu de faire état de chaque document pertinent se trouvant en sa possession, même de ceux qu'il n'est pas obligé de produire (Skoye c. Bailey et al., [1971] 1 W.W.R. 144, à la page 145 (C.A. Alb.); Re/Max Real Estate (Edmonton) Ltd. c. Border Credit Union Ltd., [1988] 6 W.W.R. 146). Après examen des actes de procédure, des jugements qui ont été rendus dans les présentes instances et de l'exposé des questions en litige qui a été produit, je constate que les documents réclamés par les demanderesses sont à première vue pertinents dans le cadre du renvoi et qu'ils devraient par conséquent être énumérés et produits.

            LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

13.               L'exposé des questions en litige et la demande des demanderesses portant la date du 7 novembre 2003 seront versés au dossier de la présente instance;

14.               Le renvoi se déroulera conformément à l'échéancier suivant :


a)         Apotex Inc., Interpharm Inc. et Novopharm Ltd. (les défenderesses) devront remettre s'il y a lieu une réponse à l'exposé des questions en litige au plus tard le vendredi 5 mars 2004;

b)         Les demanderesses devront s'il y a lieu remettre leur réplique à la réponse des défenderesses au plus tard le vendredi 19 mars 2004;

c)         Les parties devront chacune remettre une liste des documents pertinents au plus tard le vendredi 4 juin 2004. Les documents peuvent être produits sous forme électronique.

(i)         Il est expressément ordonné aux défenderesses d'énumérer et de produire tout document établi ou conservé dans le cours normal et habituel des affaires qui atteste la fabrication, l'utilisation, la vente ou autre mode d'aliénation de tout produit contenant de la zidovudine au Canada ou ailleurs entre 1990 (ou la date de première fabrication, si elle est antérieure) et la date des présentes.

(ii)        Il est en outre expressément ordonné à Apotex Inc. de produire tout document appartenant à Interpharm Inc. attestant l'acquisition, la fabrication, l'utilisation, la vente ou tout autre mode d'aliénation de tout produit contenant de la zidovudine au Canada ou ailleurs entre 1990 (ou la date de première fabrication, si elle est antérieure) et la date des présentes.

15.               La présente ordonnance n'empêche pas les défenderesses de demander, avant le 4 juin 2004, une ordonnance enjoignant aux demanderesses de produire certains documents ou catégories de documents déterminés.


16.               Une conférence portant sur la gestion de l'instance aura lieu le mardi 6 avril 2004 à 11 h pour examiner l'état de l'instance en présence du protonotaire Lafrenière, à moins que les parties s'entendent toutes pour dire qu'il n'y a aucun point litigieux à examiner lors de cette conférence sur la gestion de l'instance et que la Cour en soit informée.

17.               Les parties devront soumettre à la Cour, au plus tard le mercredi 30 juin 2004, un projet d'ordonnance établissant l'échéancier des interrogatoires préalables. Pour le cas où les parties n'arriveraient pas à s'entendre sur un échéancier, les avocats des demanderesses écriront à la Cour pour demander la tenue de la conférence sur la gestion de l'instance avant le 30 juin 2004.

       « Roger R. Lafrenière »     

   Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                    Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                             T-3197-90

INTITULÉ :                            APOTEX INC. et NOVOPHARM LTD.

demanderesses

et

THE WELLCOME FOUNDATION LTD.

défenderesse

DOSSIER :                            T-2624-91

INTITULÉ :                            THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED et

GLAXO WELLCOME INC.

demanderesses

et

INTERPHARM INC., APOTEX INC. et

ALLEN BARRY SHECHTMAN

défendeurs

DOSSIER :                             T-2983-93

INTITULÉ :                            THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED et GLAXO WELLCOME INC.        

demanderesses

           et

NOVOPHARM LTD.

défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 4 FÉVRIER 2004


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE           

DATE DES MOTIFS :           LE 11 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Brian Morgan                                                                POUR LES DEMANDERESSES

Harry Radomski

et Richard Naiberg                   

Patrick Kierans                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Jane Caskey

et Jason Markwell                    

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Brian Morgan                                                                POUR LES DEMANDERESSES

Osler, Hoskin & Harcourt srl

Toronto (Ontario)

Harry Radomski                                                            POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans

Toronto (Ontario)

Patrick Kierans                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

Ogilvy Renault

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                    Date : 20040211

ENTRE :        

                                                     Dossier : T-3197-90

APOTEX INC. et NOVOPHARM LTD.

                                                                demanderesses

et

THE WELLCOME FOUNDATION LTD.

                                                                    défenderesse

ET ENTRE :

Dossier : T-2624-91

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.

demanderesses

et

INTERPHARM INC., APOTEX INC.

et ALLEN BARRY SHECHTMAN

défendeurs

ET ENTRE :

Dossier : T-3197-90

THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED

et GLAXO WELLCOME INC.       

demanderesses

et

NOVOPHARM LTD.

défenderesse

                                                                                            

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE

                                                                                                                                                           

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