Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

                                                                   IMM-1099-96

 

Entre:

 

                                CHUN NGAI LAI,

                                                                    requérant,

 

                                      et

 

              LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

                                                                      intimée.

 

 

                            MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE MCGILLIS

 

            Le requérant conteste par voie de contrôle judiciaire la décision de la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (la ministre), selon laquelle il constitue un danger pour le public au sens du paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I‑2, et modifications.

 

            Le requérant est arrivé de la Chine au Canada en 1988, à l’âge de 21 ans, et a revendiqué le statut de réfugié.  Son droit d’établissement a été examiné en vertu du Règlement sur la catégorie admissible de demandeurs du statut de réfugié, DORS/90-40, et modifications, et il a obtenu le statut de résident permanent le 25 février 1991.

 

            Le 8 avril 1993, le requérant a été déclaré coupable d’enlèvement et de prise d’otages.  Il a été condamné à quatorze ans d’emprisonnement le 21 mai 1993.  Les faits qui ont entraîné sa déclaration de culpabilité révèlent, entre autres, qu’avec deux coaccusés, il a enlevé une personne sous la menace d’une arme à feu, pour une rançon, et a gardé cette personne captive pendant cinq jours dans un appartement qui avait été loué uniquement aux fins de perpétrer ce crime.  La victime a eu les yeux bandés pendant toute la durée de sa captivité.  Dans ses motifs de sentence, le juge du procès a fait remarquer que le requérant et ses coaccusés avaient soigneusement planifié le crime et qu’ils avaient été motivés par la cupidité.  Il a aussi fait observer que [TRADUCTION] «[...] [v]u ce qu’ils ont fait, la société doit maintenant les considérer comme des gens dangereux».

 

            Le 17 novembre 1994, une mesure d’expulsion du Canada a été prise contre le requérant.  Il a interjeté appel contre cette mesure auprès de la Commission d’appel de l’immigration.  Toutefois, le 23 octobre 1995, ou vers cette date, le requérant a été informé que la ministre examinerait, en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration, la question de savoir s’il devait être considéré comme un danger pour le public.  Il a reçu copie des documents qui devaient être pris en considération par la ministre, et son avocate a soumis des observations écrites détaillées en son nom.  Le 20 février 1997, un dossier a été présenté à l’examen de la ministre, y compris un document intitulé «Examen des cas de criminels accumulés» résumant l’affaire.  Ce document résumait avec exactitude les renseignements qui avaient déjà été divulgués au requérant et ne contenait aucun nouveau renseignement.  Le 21 février 1997, la ministre a décidé que le requérant constituait un danger pour le public.

 

            L’avocate du requérant a allégué, entre autres, que la ministre avait violé les principes de justice fondamentale en ne divulguant pas au requérant le résumé de l’«Examen des cas de criminels accumulés».  Cette question a récemment été tranchée par le juge McKeown dans la décision Ngo c. La ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, no du greffe IMM-2257-96, 17 juin 1997 (C.F. 1re inst.), dans les termes suivants, à la page 11:

 

Sur ce point encore, il est permis aux fonctionnaires de la ministre d’interpréter la preuve, dans la mesure où cette interprétation est sensiblement exacte dans le résumé qu’ils présentent à la ministre en vue d’obtenir une décision.  Je ne suis pas d’accord qu’il y ait une obligation de droit à ce que les deux rapports préparés par le bureau local et, par la suite, par le bureau national soient divulgués au requérant avant que la ministre prenne sa décision, dans la mesure où les deux rapports n’introduisent pas de nouveaux éléments de preuve ou ne qualifient pas erronément la preuve sur un élément important.  Les résumés ne peuvent pas être contestés.

 

Je suis d’accord avec le point de vue adopté par le juge McKeown.

 

            L’avocate du requérant a aussi avancé que la décision ministérielle prise au sujet du requérant en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi sur l’immigration viole les garanties à la liberté et à la sécurité de la personne de l’article 7 de la Charte.  Son argument est fondé sur l’assertion que le requérant est un réfugié.  Cependant, le requérant, qui est un résident permanent, n’a jamais obtenu le statut de réfugié.  Dans ces circonstances, l’arrêt Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Williams, 11 avril 1997, no du greffe A-855-96 (C.A.F.), s’applique directement aux faits de l’espèce.

 

            L’avocate du requérant a aussi allégué que la ministre avait agi de mauvaise foi pour s’être fondée sur des critères ou des éléments de preuve sans pertinence, ou sans égard à la documentation déposée.  Plus précisément, l’avocate affirme que, étant donné que la ministre a pris sa décision en un jour, elle a dû le faire sans consulter la documentation.  Je ne peux accepter cette affirmation, parce qu’elle est une pure supposition et ne s’appuie sur aucune preuve.  Sur ce point, je note que le juge Strayer, dans l’arrêt Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Williams, précité, à la page 28, a donné la réponse suivante à un argument semblable qui était présenté par l’avocate de l’intéressé:

 

Il s'agit en l'espèce de savoir s'il est possible d'affirmer avec certitude que le délégué du ministre a agi de mauvaise foi, en tenant compte de facteurs ou d'éléments de preuve dénués de pertinence, ou sans égard au dossier. Il n'y a absolument rien qui permette de conclure que l'un ou l'autre de ces faits s'est produit, et je ne vois pas comment on peut considérer que le résultat est absurde : en d'autres termes, je ne vois pas comment on peut dire qu'il n'était pas loisible au délégué du ministre d'exprimer l'avis, sur le fondement des déclarations de culpabilité prononcées contre M. Williams, de leur nature et de leur nombre, et d'après les observations du juge qui a prononcé la sentence, que M. Williams constituait un danger pour le public au Canada.

 

Les commentaires du juge Strayer sont tout aussi pertinents en l’espèce, où la ministre disposait d’une preuve amplement suffisante pour appuyer sa décision que le requérant constitue un danger pour le public.  Dans les circonstances, rien ne justifie que j’intervienne dans la présente affaire.

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.  L’affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

 

 

 

                                                      (signé) «Donna McGillis»   

                                                 _____________________________

                                                                          Juge           

 

 

 

 

Le 26 juin 1997.

 

Vancouver (Colombie-Britannique).

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme:                   _____________________________

                                                             Jacques Deschênes   


                            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                         SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                   AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:CHUN NGAI LAI

c.

LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

No DU GREFFE:IMM-1099-96

 

LIEU DE L'AUDIENCE:Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L'AUDIENCE:le 26 juin 1997

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MCGILLIS

 

DATE:le 26 juin 1997

 

 

 

ONT COMPARU:

 

 

Mme Catherine Sullivanpour le requérant

 

Mme Sandra E. Weaferpour l'intimée

 

 

 

PROCUREURS AU DOSSIER:

 

 

David Handelmanpour le requérant

Avocat

Vancouver (C.-B.)

 

M. George Thomsonpour l'intimée

Sous-procureur général

du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.