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Date : 20210603


Dossier : T‑873‑21

Référence : 2021 CF 535

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

VIMAL CHANDRA IYER

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU la requête ex parte du demandeur, présentée en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106;

ET VU l’affidavit d’Angela Pfeifer, souscrit le 13 mai 2021;

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur soit rejetée.

[1] Le défendeur, M. Vimal Chandra Iyer, est un ressortissant des Fidji. Le 10 août 2016, il a été reconnu coupable de 33 chefs d’accusation de fraude d’un montant supérieur à 5 000$. Le défendeur purge présentement une peine d’emprisonnement à la suite de ces déclarations de culpabilité.

[2] Le 26 janvier 2021, la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a déclaré le défendeur interdit de territoire au Canada pour cause de grande criminalité, aux termes de l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). En conséquence, la SI a pris une mesure d’expulsion à l’encontre du défendeur en vertu de l’alinéa 45d) de la LIPR.

[3] Selon le paragraphe 48(2) de la LIPR, la mesure de renvoi contre le défendeur doit être exécutée dès que possible. De plus, selon le paragraphe 140(1) de la LIPR, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) peut saisir et retenir le passeport du défendeur pour exécuter la mesure de renvoi.

[4] Mme Angela Pfeifer, une agente d’exécution de la loi de l’ASFC, a déclaré dans son affidavit que le passeport du défendeur est actuellement détenu par le greffe de la Cour provinciale de l’Alberta conformément aux conditions de mise en liberté sous caution. Selon Mme Pfeifer, la Cour provinciale de l’Alberta requiert une ordonnance judiciaire pour remettre le passeport du défendeur à l’ASFC.

[5] Par la présente requête ex parte, le demandeur demande à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à la Cour provinciale de l’Alberta de remettre le passeport du défendeur à l’ASFC.

[6] Pour les motifs qui suivent, je rejette la requête du demandeur parce qu’elle est vague et ne démontre pas pourquoi notre Cour devrait prononcer l’ordonnance recherchée.

[7] Tout d’abord, l’explication du demandeur quant à la présentation ex parte de la requête est déficiente. Le demandeur se préoccupe du fait que si la requête est entendue en présence du défendeur, celui‑ci sera mis au courant de la possibilité de se rendre au greffe de la Cour provinciale de l’Alberta, d’obtenir son passeport pour ensuite entraver l’exécution de la mesure de renvoi en détruisant son passeport, en refusant de le céder à l’ASFC ou en refusant de le récupérer.

[8] Selon moi, la possibilité que le défendeur récupère ou détruise son passeport est tout au plus faible puisqu’il est présentement incarcéré. De même, il ne m’apparaît pas clairement sur quels motifs pourrait se fonder la Cour provinciale de l’Alberta pour remettre au défendeur son passeport. Le demandeur n’a fourni aucune explication sur les raisons et conditions de la détention du passeport par la Cour provinciale de l’Alberta, sauf que la saisie a été faite conformément aux conditions de mise en liberté sous caution du défendeur. Or, même cet élément est approximatif, puisque le défendeur n’est plus mis en liberté sous caution mais est plutôt en détention.

[9] En outre, le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la Cour a la compétence de prononcer l’ordonnance recherchée. Le régime prévu aux articles 252 à 258 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, prévoit la gestion d’objets saisis par l’ASFC en vertu du paragraphe 140(1) de la LIPR. Sous ce régime, l’ASFC n’a pas besoin d’une ordonnance de la Cour pour exercer son pouvoir de saisie, bien que cette dernière puisse effectuer un contrôle judiciaire de l’exercice d’un tel pouvoir au titre du paragraphe 72(1) de la LIPR (voir Siyaad c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2019 CF 448 aux para 42‑46).

[10] Enfin, dans sa requête, le demandeur exige de notre Cour de porter atteinte à l’autorité de la Cour provinciale de l’Alberta. En enjoignant à cette dernière de céder à l’ASFC le passeport du défendeur, notre Cour ferait obstacle à l’exécution de l’ordonnance qui oblige le défendeur à remettre son passeport et ses autres titres de voyage au greffier. La nécessité de courtoisie judiciaire et, franchement, le simple bon sens se liguent donc contre la requête du demandeur.

[11] Notre Cour n’a pas pour habitude de circonvenir indûment les procédures d’autres cours. Le greffe de la Cour provinciale de l’Alberta a informé Mme Pfeifer que l’ASFC a besoin d’une ordonnance de la Cour pour se voir remettre le passeport du défendeur, mais il ne ressort pas clairement de cette affirmation s’il s’agit d’une ordonnance de notre Cour. Pour autant que je sache, le greffier peut avoir invoqué une ordonnance de la Cour provinciale de l’Alberta pour ensuite être consterné de voir l’ASFC choisir plutôt d’en référer à notre Cour. Par conséquent, l’accueil de la requête crée un risque sérieux d’obstruction à la saisie légitime du passeport du défendeur par la Cour provinciale de l’Alberta tout en laissant les parties concernées dans l’ignorance et en leur refusant l’occasion d’intervenir sur ces sujets patents de préoccupation.

[12] En résumé, je rejette la requête du demandeur parce qu’elle est lacunaire sur les faits de l’affaire, sur la question de savoir si notre Cour a la compétence pour accorder l’ordonnance demandée et sur la raison pour laquelle une telle ordonnance ne porterait pas atteinte à la compétence de la Cour provinciale de l’Alberta.


ORDONNANCE ET MOTIFS DANS LE DOSSIER T‑873‑21

LA COUR ORDONNE que la requête du demandeur est rejetée.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T‑873‑21

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c VIMAL CHANDRA IYER

 

REQUÊTE EX PARTE ÉCRITE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE J. AHMED

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUIN 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Matthew Chao

POUR LE DEMANDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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