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Date : 20210603


Dossier : IMM-6950-19

Référence : 2021 CF 538

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

MONICA MARGARITA LONGA DIAZ

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 1er novembre 2019 par un agent du Service des visas de l’Ambassade du Canada au Mexique refusant un permis de travail à la demanderesse.

[2] La demanderesse est citoyenne du Venezuela et demande un permis de travail temporaire pour un poste d’adjoint administratif juridique pour une période de deux ans.

[3] L’agent du Service des visas a refusé la demande aux motifs que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle répondait adéquatement aux exigences de l’emploi et qu’elle ne l’avait pas convaincu qu’elle quitterait le Canada à la fin de sa période de séjour, conformément au Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, art 200(1), (3)(a).

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur les conclusions de l’agent eu égard à la considération de la preuve et à l’observation de l’équité procédurale. Hormis cette dernière, la norme de contrôle applicable par cette Cour est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 23, 77 [Vavilov]).

[5] La demanderesse avance que l’agent a fait abstraction de la preuve documentaire à valeur probante, même contradictoire, et n’a pas motivé ses conclusions quant à l’appréciation de son historique de voyage, la durée du contrat, sa situation actuelle en matière d’emploi et ses liens avec le Venezuela, ainsi que ses qualifications pour l’emploi envisagé. Les notes de l’agent contiennent également une erreur cléricale quant à la mention du programme du permis.

[6] La demanderesse estime de plus que l’agent a manqué à l’équité procédurale en omettant de mener un entretien ou de lui donner l’occasion de répondre aux préoccupations en ce qui a trait à la crédibilité de ses compétences professionnelles et linguistiques.

[7] A priori, la Cour ne remarque aucune détermination de crédibilité en l’espèce, de sorte qu’il n’y a quelconque obligation procédurale de l’agent d’informer la demanderesse de ses réserves (voir Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 au para 26; Sun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1548 aux para 26-28). Il ressort plutôt un manque de rapport entre les notes de l’agent et ses conclusions notamment en ce qui a trait à l’appréciation des qualifications – particulières ou manque de qualifications spécifiques – de la demanderesse pour le poste en question.

[8] L’agent indique à ce sujet que la demanderesse n’a pu démontrer qu’elle répond adéquatement aux exigences de l’emploi envisagé. L’historique d’emploi de la demanderesse en comptabilité ou comme analyste n’ont pas fait appel à ses habilités en secrétariat, et ses études dans ce domaine datent d’il y a vingt ans. L’agent passe cependant sous silence qu’elle a reçu une offre d’emploi laquelle dénote qu’elle se qualifie pour le poste. Lorsque l’employeur est satisfait que la demanderesse se qualifie pour les exigences de son offre d’emploi, il est déraisonnable pour l’agent de prétendre le contraire sans explication sur cette contradiction (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 954 au para 29).

[9] Ce même procédé a également été adopté quant à l’étude de l’historique de voyage de la demanderesse. Les notes de l’agent attestent que la demanderesse a précédemment été au Mexique et, sur ce, qu’il s’agit d’un facteur négatif. « Il se peut très bien que l’agent ait eu des raisons de conclure ainsi, mais aucune ne ressort de ses motifs » (Patel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 77 au para 21 [Patel]).

[10] Cette observation s’applique également à l’inférence négative attribuée à la durée du contrat d’emploi, ainsi que sur la situation personnelle, soit immobilière et financière, de la demanderesse.

[11] Alors qu’une inférence peut être évidente ou retirée de constats mis au dossier, il est nécessaire de fournir quelques éléments de justification lorsqu’il ne s’agit pas du cas afin que la décision soit considérée à la fois intelligible et transparente.

[12] La Cour souscrit aux propos énoncés par le juge Diner à l’effet que « les pressions énormes qui s’exercent sur un bureau des visas qui doit rendre chaque jour un grand nombre de décisions n’autorisent pas des motifs détaillés. Ce n’est pas le caractère succinct de la décision qui la rend déraisonnable, mais plutôt le fait que ses motifs ne sont pas adaptés aux questions et préoccupations soulevées par la preuve » (Patel, ci-dessus, au para 15, citant Vavilov, ci-dessus, aux para 127-28; voir aussi Ekpenyong c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1245 aux para 22-23). Au moins quelques mots seraient nécessaires pour expliquer, même brièvement, comment l’expérience antérieure de la demanderesse ne la prépare pas pour l’emploi spécifique en question au Canada.

[13] Pour ce, la décision est déraisonnable et la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT au dossier IMM-6950-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée et que le dossier soit retourné à un autre agent pour considération à nouveau. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-6950-19

 

INTITULÉ :

MONICA MARGARITA LONGA DIAZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 MAI 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Andrey Leshyner

 

Pour lA PARTIE DEMANDERESSE

 

Suzon Létourneau

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Hugues Langlais, Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour lA PARTIE DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

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