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Date : 20050210

Dossier : IMM-8554-03

Référence : 2005 CF 220

Toronto (Ontario), le 10 février 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

                                                                    ILIR HYKA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Ilir Hyka prétend avoir raison de craindre d'être persécuté, aux mains de la police et des forces de sécurité albanaises, en raison de son implication dans le Parti démocratique (le PD). La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Hyka au motif que son affirmation, selon laquelle il avait entretenu des liens avec le PD et que, de ce fait, il avait été persécuté, n'était ni crédible ni digne de foi.


[2]                M. Hyka soutient que la Commission a commis de nombreuses erreurs dans le traitement de la preuve et que, de ce fait, un grand nombre des conclusions factuelles de la Commission étaient manifestement déraisonnables.

[3]                L'avocate de M. Hyka a dégagé de nombreuses erreurs qui auraient été commises par la Commission. Bien que j'aie pris soin de considérer l'ensemble des observations de l'avocate et que j'aie examiné les parties pertinentes du dossier relativement à chacune de ces observations, je suis convaincue que, selon la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement tirer beaucoup des conclusions contestées.

[4]                Je suis toutefois également convaincue que la Commission a commis des erreurs en ce qui concerne plusieurs de ses conclusions que j'aborderai à tour de rôle.

Omission de traiter des documents appuyant la prétention d'appartenance au PD de M. Hyka

[5]                M. Hyka a présenté à la Commission trois documents à l'appui de sa prétention selon laquelle il était membre du PD. Cela comprenait une carte de membre du PD ainsi que deux lettres provenant de dirigeants du parti.

[6]                La Commission a conclu que la carte de membre de M. Hyka n'était pas authentique. Selon la preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement tirer cette conclusion.

[7]                Toutefois, la Commission ne traite nulle part dans ses motifs des autres documents fournis par M. Hyka à l'appui de sa prétention d'appartenance au PD. Cette omission est d'autant plus énorme que la Commission a accordé une grande importance à la nécessité d'avoir des éléments de preuve documentaires corroborants à l'appui d'une demande d'asile.

[8]                On présumera sans doute qu'un organisme juridictionnel aura pris en compte l'ensemble des éléments de preuve à sa disposition, mais lorsqu'une preuve substantielle va directement à l'encontre de la conclusion de la Commission sur une question fondamentale, celle-ci est tenue d'analyser cette preuve et d'expliquer les raisons pour lesquelles elle préfère d'autres éléments de preuve concernant le point en question : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.).

[9]                Dans ce contexte, l'omission de la part de la Commission de traiter des éléments de preuve à sa disposition qui corroboraient la prétention d'appartenance au PD de M. Hyka constitue une erreur susceptible de révision.


Omission de traiter du rapport médical

[10]            M. Hyka a également produit un rapport médical, provenant censément d'un médecin de Tirana, lequel confirmait que M. Hyka avait subi des blessures qui pouvaient laisser croire qu'il avait été battu avec un objet dur. À première vue, ce document offrait une corroboration indépendante relativement à la prétention de M. Hyka selon laquelle il avait été battu par la police.

[11]            Quoique la Commission ait conclu que la prétention de M. Hyka, d'avoir été persécuté par la police, n'était pas crédible, elle ne fait mention nulle part dans ses motifs du rapport médical.

[12]            Le défendeur fait remarquer que, au cours de l'audience, la Commission a beaucoup interrogé M. Hyka au sujet du rapport. Selon l'avocate, il en ressort clairement que la Commission était bien au courant de l'existence du document. En toute déférence, cela n'aide pas le défendeur. À mon avis, le fait que la Commission ait cru qu'il était nécessaire de poser à M. Hyka beaucoup de questions au sujet du document ne sert qu'à souligner sa pertinence potentielle à l'égard de sa demande.


[13]            Encore une fois, nous avons des éléments de preuve documentaires indépendants qui, à première vue, sembleraient corroborer la prétention de M. Hyka selon laquelle il avait été persécuté par la police albanaise en raison de ses activités politiques. Bien que la Commission ait pu rejeter ces éléments de preuve parce qu'elle les estimait pas fiables, elle aurait dû fournir les raisons pour ce faire. Par contre, étant donné que les éléments de preuve contredisent directement sa conclusion selon laquelle M. Hyka a fabriqué sa prétention de persécution, la Commission ne pouvait pas les écarter tout simplement.

Contradictions dans le formulaire de renseignements personnels de M. Hyka

[14]            La Commission a également dégagé ce qu'elle appelait des contradictions entre le témoignage de M. Hyka et la description du fondement de sa demande contenue dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP). Une de ses prétendues contradictions avait rapport à sa détention par la police lorsqu'il s'était présenté au poste de police dans le but de faire signer une photographie pour une demande de passeport.

[15]            J'ai examiné avec soin le FRP de M. Hyka ainsi que le témoignage qu'il avait rendu lors de l'audition de sa demande d'asile. À mon avis, on ne peut raisonnablement affirmer que les deux versions de l'événement étaient [traduction] « à ce point différentes » qu'il fallait remettre en question la crédibilité de M. Hyka.


Conclusion

[16]            Bien que la Commission ait eu un certain nombre de motifs pour conclure à l'absence de crédibilité de M. Hyka, je ne peux affirmer avec certitude qu'elle en serait venue à la même conclusion si ces erreurs n'avaient pas été commises. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

Certification

[17]            Aucune des parties n'a proposé de question en vue de la certification et aucune n'est soulevée en l'espèce.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

                                                                                                                                  « A. Mactavish »                   

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-8554-03

INTITULÉ :                                                                ILIR HYKA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 9 FÉVRIER 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                               LE 10 FÉVRIER 2005

COMPARUTIONS :

Hilary Evans Cameron                                       POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VanderVennen Lehrer                                       POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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