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     Date: 19980225

     Dossiers: T-1539-93

     T-1540-93

ENTRE

     IBM CANADA LIMITÉE,

     demanderesse,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MULDOON :

[1]      La meilleure façon d'établir les faits pertinents en litige consiste à reproduire textuellement l'exposé conjoint des faits des parties, qui est ainsi libellé :

         [TRADUCTION]                 
         Par leurs avocats respectifs, les parties conviennent des faits énoncés dans les présentes, sous réserve de la question de savoir s'ils se rapportent aux questions en litige et sous réserve de l'importance que la Cour doit leur accorder.                 
         A. HISTORIQUE                 
         1.      Les dossiers T-1539-93 et T-1540-93 se rapportent à des appels concernant la taxe de vente fédérale (la TVF) en vertu du paragraphe 81.2(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi); ils sont interjetés conformément à l'article 81.28 de la Loi et à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale.                 
         2.      Les deux actions se rapportent à des demandes de remboursement présentées par la demanderesse en vertu de l'article 68.22 de la Loi à l'égard de la taxe payée à l'égard de marchandises que celle-ci avait achetées et importées et qu'elle avait données comme pièces de remplacement gratuites, du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1991 (la période) et au rejet par la défenderesse de ces demandes de remboursement. L'article 68.22 de la Loi se lit comme suit :                 
             68.22 Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises qu'un fabricant titulaire de licence donne comme pièces de remplacement gratuites aux termes d'une garantie écrite donnée relativement aux marchandises dans lesquelles les pièces doivent être incorporées et que le montant éventuel exigé pour la garantie est compris dans le prix de vente exigé par le fabricant titulaire de licence pour les marchandises dans lesquelles les pièces doivent être incorporées ou, si ces marchandises sont des marchandises importées, dans leur valeur à l'acquitté, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à ce fabricant, s'il en fait la demande dans les deux ans suivant l'aliénation des marchandises.                         
         3.      Par une ordonnance datée du 9 décembre 1993 et signée par Peter A.K. Giles, protonotaire adjoint, les actions T-1539-93 et T-1540-93 doivent être entendues ensemble, sous réserve du droit du juge présidant l'audience d'en ordonner autrement.                 

             1. La première demande de remboursement

         4.      La première demande de remboursement a été présentée le 20 décembre 1990 et reçue le 28 décembre 1990; elle se rapportait à la taxe payée à l'égard de marchandises que la demanderesse avait achetées et importées et qu'elle avait données comme pièces de remplacement gratuites, du 1er janvier 1989 au 30 novembre 1990 (la première demande de remboursement).                 
         5.      La défenderesse a rejeté la première demande de remboursement le 22 mars 1991 en délivrant l'avis de détermination E TOR 00723.                 
         6.      La demanderesse a par la suite déposé un avis d'opposition le 11 septembre 1992, lequel a été reçu le 5 octobre 1992, et la défenderesse a finalement confirmé sa détermination initiale le 26 mars 1993 en délivrant l'avis de décision 202628RE.                 
             2.    La seconde demande de remboursement                 
         7.      La seconde demande de remboursement a été présentée le 3 septembre 1992 et reçue le 8 septembre 1992; elle se rapportait à la taxe payée à l'égard de marchandises que la demanderesse avait achetées et importées et qu'elle avait données comme pièces de remplacement gratuites, du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1991 (la seconde demande de remboursement).                 
         8.      La défenderesse a rejeté la seconde demande de remboursement le 30 octobre 1992, en délivrant l'avis de détermination E TOR 26530.                 
         9.      La demanderesse a par la suite déposé un avis d'opposition le 15 janvier 1993, lequel a été reçu le 26 janvier 1993, et la défenderesse a finalement confirmé sa détermination initiale le 26 mars 1993 en délivrant l'avis de décision 202884RE.                 
         B. LES FAITS PERTINENTS                 
         10.      La demanderesse s'occupe de la vente et de la location d'ordinateurs et de matériel connexe qu'elle importe ou fabrique.                 
         11.      Pendant la période pertinente, la demanderesse était un fabricant titulaire de licence en vertu de la Loi; elle n'était pas un marchand en gros titulaire de licence en vertu de la Loi.                 
         12.      Avant et pendant la période en cause, la demanderesse a acheté du matériel informatique (le matériel informatique) et des pièces connexes (les pièces) de sa compagnie mère, International Business Machines Corporation (IBM Corp.) et les a importés au Canada.                 
         13.      La demanderesse n'a pas fabriqué le matériel informatique ou les pièces.                 
         14.      Lorsque les marchandises ont été importées au Canada, la demanderesse a payé la taxe de vente fédérale (la TVF) sur la valeur à l'acquitté du matériel informatique et des pièces conformément à l'alinéa 50(1)b) de la Loi.                 
         15.      La demanderesse a par la suite vendu le matériel informatique à des clients au Canada.                 
         16.      Chaque vente de matériel informatique comprenait une garantie écrite d'un an par laquelle la demanderesse s'engageait envers ses clients à réparer les pièces défectueuses sans frais additionnels, et notamment à fournir des pièces de remplacement gratuites (les pièces de remplacement) (par exemple, s'il fallait réparer une machine aux termes de la garantie).                 
         17.      De temps en temps, au cours de la période en cause, la demanderesse a eu à honorer la garantie fournie et elle a remplacé diverses pièces qui s'étaient avérées défectueuses (les pièces défectueuses).                 
         18.      La demanderesse remplaçait les pièces défectueuses par d'autres pièces qu'elle donnait gratuitement aux termes à la garantie écrite.                 
         19.      Les pièces gratuites qui remplaçaient les pièces défectueuses provenaient du stock de pièces importées sur lesquelles la TVF avait été payée et que la demanderesse ne fabriquait pas.                 
         20.      Les pièces de remplacement ici en cause se rapportent uniquement aux pièces que la demanderesse donnait aux termes de la garantie, et ne se rapportent pas aux pièces qu'elle fournissait en vertu de divers contrats d'entretien du produit conclus avec ses clients en dehors de la période de garantie d'un an.                 
         21.      Pendant la période pertinente, la demanderesse n'a pas demandé de remboursement de droits en vertu de l'article 76 de la Loi sur les douanes à l'égard du matériel informatique, des pièces défectueuses ou des pièces de remplacement.                 

     (pièce 1)

[2]      Comme l'exposé conjoint précité et la déclaration modifiée déposée dans chaque action le 21 mars 1996 permettent de le constater, ces appels se rapportent au rejet par le ministre du Revenu national (le MRN ou le ministre) des demandes présentées par la demanderesse le 20 décembre 1990 et le 3 septembre 1992 respectivement au sujet de la taxe de vente fédérale (la TVF) payée à l'égard de marchandises que la demanderesse avait achetées et importées et qu'elle avait données comme pièces de remplacement gratuites, du 1er janvier 1989 au 30 novembre 1990 et du 1er octobre 1990 au 31 décembre 1991 respectivement.

[3]      Le ministre a rejeté les deux demandes en délivrant les avis de détermination E TOR 00723 et E TOR 26530 respectivement.

[4]      Les demandes de remboursement de la demanderesse sont fondées sur l'article 68.22 de la Loi sur la taxe d'accise (du Canada) (la Loi), qui est ainsi libellé :

         68.22 Paiement dans les cas de garantie - Lorsque la taxe a été payée en vertu de la partie III ou VI à l'égard de marchandises qu'un fabricant titulaire de licence donne comme pièces de remplacement gratuites aux termes d'une garantie écrite donnée relativement aux marchandises dans lesquelles les pièces doivent être incorporées et que le montant éventuel exigé pour la garantie est compris dans le prix de vente exigé par le fabricant titulaire de licence pour les marchandises dans lesquelles les pièces doivent être incorporées ou, si ces marchandises sont des marchandises importées, dans leur valeur à l'acquitté, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être versée à ce fabricant, s'il en fait la demande dans les deux ans suivant l'aliénation des marchandises.                 

Le libellé de cette disposition est remarquablement clair et précis pour une loi fiscale.

[5]      La position prise par la demanderesse en l'espèce semble être étayée par le droit et par les faits. Toutefois, l'avocat du ministre a dit à la Cour que la position de la demanderesse est anormale et que cette dernière dispose en fait d'autres recours dont elle aurait pu tenir compte. Toutefois, quant à la question de savoir si la demanderesse incluait un montant pour la garantie dans le prix de vente ou dans la valeur à l'acquitté des marchandises, l'avocat du ministre a concédé que [TRADUCTION] " cela ne devrait pas être un point ici en litige aujourd'hui ".

         _.[TRADUCTION]                 
             LE JUGE : Par conséquent, si vous prenez cette position, comme cela doit vous sembler évident, je prendrai la position selon laquelle il est possible d'inférer à partir de ce paragraphe de l'exposé conjoint des faits qu'en fait, pareil montant était [inclus].                 
             L'AVOCAT (MRN) : Je crois que cela est juste [...].                 

     (transcription, p. 60).

[6]      L'avocat du ministre a présenté de longues observations au sujet de la position des marchands en gros titulaires de licence (transcription, p. 85 à 96), mais il a également fait remarquer ceci :

         [TRADUCTION]                 
             Je soutiens donc [...] que l'économie générale de la loi étaye la position de la Couronne en l'espèce. L'économie générale de la loi montre qu'un fabricant titulaire de licence dispose d'un recours à l'égard des marchandises défectueuses en vertu de l'article 68.22.                 
             Un marchand en gros titulaire de licence dispose d'un recours à l'égard des marchandises défectueuses en vertu du paragraphe 2(5), et un importateur dispose d'un recours à l'égard des marchandises défectueuses en vertu de l'article 76 de la Loi sur les douanes.                 
             Je soutiens donc que l'économie générale de la loi montrerait qu'il est tenu compte de la façon appropriée de tous les intérêts commerciaux.                 
             Le problème auquel IBM fait face en l'espèce est qu'elle n'est pas un marchand en gros titulaire de licence à l'égard des marchandises.                 

     (transcription, p. 91)

[7]      L'avocat du ministre a affirmé que la position que la demanderesse avait prise au sujet de l'interprétation de la Loi menait à une absurdité. Il a donné l'exemple de deux marchands en gros voisins qui vendent, aux termes d'une garantie, des " machins " qui sont parfois défectueux, de sorte que les marchands en gros donnent des pièces de remplacement gratuites aux termes de la garantie. L'avocat a ajouté ceci :

         [TRADUCTION]                 
             Supposons que l'un de ces deux marchands en gros qui vendent des machins fabrique également des fouets de cocher, et qu'il est un fabricant titulaire de licence à l'égard de ces fouets. Notre ami soutient que la personne titulaire de licence qui fabrique des fouets devrait être en mesure d'obtenir un remboursement de la taxe payée sur les pièces de remplacement destinées aux machins, même si le marchand en gros voisin, qui vend également des machins, n'aurait pas droit à pareil remboursement, et ce, selon notre ami, simplement parce que ce marchand n'est pas également un fabricant titulaire de licence de certaines marchandises qui n'ont par ailleurs rien à voir avec le cas dont nous parlons.                 
             Par conséquent, notre ami soutient que, dans l'exemple que je viens de donner, la personne titulaire de licence qui fabrique des fouets aurait droit à un remboursement de la taxe sur les pièces de remplacement destinées aux machins, alors que le marchand en gros voisin, qui n'est pas un fabricant titulaire de licence de quoi que ce soit, ne bénéficierait pas de cet avantage.                 
             J'aimerais souligner deux choses : en premier lieu, il s'agit là d'un résultat absurde, d'un résultat qui n'est clairement pas prévu par la Loi, et en second lieu, il s'agit d'un résultat qui s'applique parfaitement à la situation dans laquelle se trouve IBM en l'espèce.                 
             Il pourrait bien y avoir ici au Canada d'autres marchands en gros qui importent des ordinateurs et des pièces, qui ne sont pas des marchands en gros titulaires de licence et qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de ne pas être des marchands en gros titulaires de licence à l'égard de ces marchandises, mais qui donnent des pièces de remplacement lorsque les ordinateurs qu'ils importent sont défectueux. En l'espèce, IBM soutient que parce qu'ils sont également des fabricants titulaires de licence, ils devraient avoir droit au remboursement de la taxe sur les pièces de remplacement qu'ils ont importées, qu'ils n'ont pas fabriquées, même si un marchand en gros non titulaire de licence qui est dans une situation similaire, et qui n'est pas un fabricant titulaire de licence, n'y aurait pas droit.                 

     (transcription, p. 93 et 94).

L'avocat a soutenu que [TRADUCTION] "pareil résultat absurde [...] n'est clairement pas compatible et [...] n'est pas conforme à l'économie et à l'esprit de la Loi et que, par conséquent, [il] n'est tout simplement pas acceptable d'employer ce terme [dans le] sens mentionné dans l'arrêt Friesen [Jake Friesen c. La Reine, [1995] 3 R.C.S. 103]. Il est à noter qu'en vertu de l'article 54 de la Loi, à une exception près, laquelle n'est pas pertinente, tous les fabricants sont des fabricants titulaires de licence.

[8]      L'interprétation fondée sur l'objet visé adoptée par le ministre dans ce cas-ci n'est pas favorisée par la Cour suprême du Canada lorsque le libellé de l'autre loi fiscale, soit la Loi de l'impôt sur le revenu, est clair et précis. Monsieur le juge Major, qui parlait au nom de la majorité dans l'arrêt Friesen, a dit ceci au paragraphe 11 :

         11.      Le principe voulant que le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu prévale, à moins d'être en présence d'une opération simulée, a récemment été approuvé par notre Cour dans l'arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312. Le juge Iacobucci affirme, au nom de la Cour, aux pp. 326 et 327 :                 
             Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l'impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu'ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l'effet juridique et pratique de l'opération est incontesté : Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, à la p. 194; voir également Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695.                         
         J'accepte les commentaires suivants qui ont été faits à l'égard de l'arrêt Antosko dans l'ouvrage de P.W. Hogg et J.E. Magee, intitulé Principles of Canadian Income Tax Law (1995), dans la section 22.3c) [TRADUCTION] "Interprétation stricte et fondée sur l'objet visé", aux pp. 453 et 454 :                 
             [TRADUCTION] La Loi de l'impôt sur le revenu serait empreinte d'une incertitude intolérable si le libellé clair d'une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions tacites tirées de la conception qu'un tribunal a de l'objet de la disposition. [...] [L'arrêt Antosko] ne fait que reconnaître que "l'objet" ne peut jouer qu'un rôle limité dans l'interprétation d'une loi aussi précise et détaillée que la Loi de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'une disposition est rédigée dans des termes précis qui n'engendrent aucun doute ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée nonobstant son objet. Ce n'est que lorsque le libellé de la loi engendre un certain doute ou une certaine ambiguïté, quant à son application aux faits, qu'il est utile de recourir à l'objet de la disposition.                         

     (R.C.S. p. 113-114, par. 11)

(Les avocats des deux parties ont mentionné cet arrêt, publié dans Carswell Tax Partner Cases, où le passage précité figure aux paragraphes 16 et 17. Carswell a arbitrairement modifié la structure des paragraphes des motifs de Monsieur le juge Major en comptant les titres comme des paragraphes.)

[9]      L'avocat de la demanderesse a contesté la position prise par l'avocat du ministre en disant ceci :

         [TRADUCTION]                 
         Je crois comprendre qu'il concède qu'il n'existait aucun point à débattre, étant donné que je souscrivais à l'avis de son prédécesseur, en ce qui concerne la seconde partie de l'article 68.22, mais il s'agit alors uniquement de savoir si les marchandises qu'un fabricant titulaire de licence donne comme pièces de remplacement gratuites aux termes d'une garantie écrite sont visées dans ce cas-ci. Est-ce bien le cas?                 
             M e WOYIWADA : Disons, Monsieur le juge, que j'accepterais que cette affaire soit réglée sur ce point.                 
             M e KREKLEWETZ : Merci beaucoup.                 

     (transcription, p. 98)

La position de la demanderesse est essentiellement que le libellé est clair et qu'il faudrait l'appliquer.

[10]      Dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, Monsieur le juge Cory, au nom de la majorité, a souscrit, à la page 975, aux principes d'interprétation "clairement énoncés dans l'arrêt Friesen c. Canada , [1995] 3 R.C.S. 103, aux pp. 112 à 114, où ils sont résumés en ces termes [vient ensuite une citation] : [...]" (p. 975-976, Alberta (Treasury Branches) , par. 14). Monsieur le juge Cory et les juges qui souscrivaient à son avis dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches) ont ensuite semblé se dédire, car on trouve ce passage, aux pages 976-977 :

             En conséquence, lorsqu'il n'y a aucun doute quant au sens d'une mesure législative ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée indépendamment de son objet. Je reconnais que des juristes habiles pourraient probablement déceler une ambiguïté dans une demande aussi simple que "fermez la porte, s'il vous plaît", et très certainement même dans le plus court et le plus clair des dix commandements. Cependant, l'historique même de la présente affaire, conjugué aux divergences évidentes d'opinions entre les juges de première instance et la Cour d'appel de l'Alberta, révèle que, pour des juristes doués et expérimentés, ni le sens de la mesure législative ni son application aux faits ne sont clairs. Il semblerait donc convenir d'examiner l'objet de la mesure législative. Même si l'ambiguïté n'était pas apparente, il importe de signaler qu'il convient toujours d'examiner "l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur" pour déterminer le sens manifeste et ordinaire de la loi en cause. Quelle était alors l'intention du Parlement lorsqu'il a adopté la mesure législative de 1990?                 

     ([1996] 1 R.C.S. p. 976-977)

De fait, il semble qu'à la fin du paragraphe précité, les juges reviennent sur les affirmations hardies qu'ils avaient faites au début du paragraphe. Cela est vraiment incompréhensible.

[11]      Toutefois, cette cour estime que l'article 68.22 ne laisse planer aucun doute en ce qui concerne la question ici en litige et qu'il n'est pas ambigu en ce qui concerne son application aux faits tel qu'il en est fait mention au début du paragraphe 15 précité des motifs de Monsieur le juge Cory, dans l'arrêt Alberta (Treasury Branches). Dans l'arrêt Banque royale c. Sparrow Electric, [1997] 1 R.C.S. 411, ce passage était également cité en dissidence. Il est passablement étrange de souscrire à l'analyse, mais non à la conclusion.

[12]      Toutefois, en fin de compte, les parties conviennent que la demanderesse est un fabricant titulaire de licence en vertu de la Loi. Les marchandises mentionnées aux paragraphes 13 à 20 de la pièce 1 de l'exposé conjoint des faits font partie de l'inventaire normal de la demanderesse. Il ne s'agit pas de fouets. Les pièces de remplacement qu'IBM donne aux termes d'une garantie écrite ne sont tout simplement pas assujetties à la taxe selon le sens ordinaire de la loi, mais elles font partie de l'inventaire libéré d'impôt. Selon le ministre, l'article 68.22 vise à éviter la double imposition dont ferait l'objet les fabricants titulaires de licence (transcription, p. 143).

[13]      En l'espèce, il convient de faire une dernière observation. À l'audience (transcription, page 25 et pages suivantes), l'avocat de la demanderesse s'est fondé sur la décision rendue par Monsieur le juge McKeown dans l'affaire The Queen v. Tom Baird & Associates, (1996), 120 F.T.R. 218, en ce qui concerne la remarque que le savant juge avait faite au sujet de l'interprétation des lois fiscales, qui était conforme à l'arrêt Friesen précité. Or, depuis que l'audition de la présente instance a eu lieu, la Cour d'appel a examiné la décision du juge McKeown. L'appel, dont l'intitulé est identique, dossier A-866-96, a été réglé le 18 novembre 1997. Les motifs de Monsieur le juge Létourneau commencent ainsi :

         [1] Nous voilà de nouveau dans les méandres de la Loi sur la taxe d'accise.                 

La Cour d'appel a rejeté l'appel à l'unanimité et elle a de fait confirmé l'interprétation de la Loi donnée par le juge McKeown, sur la même base, semble-t-il, que celle qui est ici énoncée. Les dispositions que le législateur a édictées et le libellé de ces dispositions, s'il n'est pas manifestement (ou même peut-être) absurde, donnent un sens à la loi. En l'espèce, il n'est pas nécessaire ni même admissible de se fonder sur la politique administrative. C'est ce qu'il en est en ce qui concerne l'article 68.22 de la Loi sur la taxe d'accise.

[14]      Pour les motifs susmentionnés, les appels interjetés par la demanderesse sont accueillis; la défenderesse doit verser à la demanderesse les frais entre parties des actions (les honoraires d'avocat n'étant adjugés qu'à l'égard d'une seule audience).

[15]      Conformément à l'alinéa 337(2)b) des Règles de la Cour fédérale, les avocats de la demanderesse peuvent préparer des projets de jugement appropriés pour que les avocats de la défenderesse puissent faire leurs commentaires avant de les soumettre pour signature, ou ils peuvent procéder exactement comme le prévoit ladite disposition.

     "F.C. Muldoon"

    

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 25 février 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :      T-1539-93 et T-1540-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :      IBM CANADA LIMITÉE c.
     SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 6 NOVEMBRE 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU      JUGE MULDOON
     EN DATE DU 25 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :

Robert Kreklewetz          POUR LA DEMANDERESSE

Frederick Woyiwada

Kathleen McManus          POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

THORSTEINSSONS

TORONTO (ONTARIO)          POUR LA DEMANDERESSE

GEORGE THOMSON

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA      POUR LA DÉFENDERESSE
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