Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060629

Dossier : T‑2007‑02

Référence : 2006 CF 837

Ottawa (Ontario), le 29 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

MELVIN WANDERINGSPIRIT, DELPHINE BEAULIEU, TONI HERON,

RAYMOND BEAVER ET SONNY MCDONALD, en leur qualité de

CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION SALT RIVER No 195,

élus le 30 août 2002

demandeurs

 

et

 

VICTOR MARIE, chef incontesté, et NORMAN STARR,

membre incontesté du CONSEIL DE BANDE dûment élu,

NORA BEAVER, DAVID GOWANS, CONNIE BENWELL,

MICHEL BJORNSON, HARVEY LEPINE ET DON TOURANGEAU,

censément élus CONSEILLERS DE LA BANDE lors d’une réunion tenue

le 3 novembre 2002, ET JEANNIE MARIE‑JEWELL,

agissant à titre de gestionnaire intérimaire de la bande

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

1.   Introduction

[1]        Il est demandé à la Cour de déclarer que Victor Marie, Norman Starr, Nora Beaver, David Gowans, Michel Bjornson, Harvey Lepine, Don Tourangeau et Jeannie Marie‑Jewell (les défendeurs ou les auteurs présumés de l’outrage) n’ont pas respecté plusieurs ordonnances de la Cour. Par ordonnance en date du 6 octobre 2005 (l’ordonnance de se justifier), le juge Gibson ordonnait aux présumés auteurs de l’outrage au tribunal de comparaître afin d’exposer les motifs pour lesquels, selon eux, ils ne devraient pas être déclarés coupables d’outrage pour avoir commis les agissements visés par ladite ordonnance. Les détails figurent intégralement dans l’appendice A des présents motifs. Les présents motifs et la présente ordonnance font suite à l’audience pour outrage au tribunal qui a suivi l’ordonnance de se justifier.

 

[2]        Les demandeurs comme les défendeurs sont membres de la Première nation Salt River (la PNSR). La requête en outrage au tribunal fait suite à un long différend entre ces deux groupes, que je résumerai brièvement comme suit :

 

  1. les demandeurs ainsi que deux des défendeurs (Victor Marie en sa qualité de chef, et Norman Starr, en sa qualité de conseiller) ont été élus au conseil de bande à la suite des élections tenues en août 2002 (le conseil d’août);

 

  1. à la suite des élections tenues le 3 novembre 2002, les demandeurs ont été destitués; le « nouveau » conseil de bande était formé des défendeurs (le conseil de novembre), Mme Jeannie Marie‑Jewell (l’un des défendeurs) agissant comme gestionnaire intérimaire de la bande;

 

  1. le 3 décembre 2002, les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire afin de faire infirmer les résultats des élections de novembre;

 

  1. à la suite du dépôt de la demande de contrôle judiciaire ont été rendues plusieurs ordonnances, dont l’objet était de préserver le patrimoine de la PNSR jusqu’à l’issue de l’instance en contrôle judiciaire. La présente requête en outrage au tribunal se rapporte à ces ordonnances et est examinée plus en détail ci‑après;

 

  1. par la décision en date du 29 mai 2003, publiée : Wanderingspirit et autres c. Marie et autres (2003), 235 F.T.R. 106, confirmée : (2003), 312 N.R. 385 (C.A.F.) (la décision Wanderingspirit no 1), la demande a été accueillie. Cette décision a eu pour effet d’annuler l’élection de novembre et de rétablir le conseil d’août;

 

  1. à la suite de la décision Wanderingspirit no 1 de la Cour fédérale, une autre ordonnance se rapportant à la gestion des finances de la bande fut rendue le 20 juin 2003; les demandeurs prétendent que certains des défendeurs ne se sont pas non plus conformés à cette ordonnance.

 

2.   Les ordonnances

[3]        Comme je l’ai dit plus haut, plusieurs ordonnances sont visées par la présente requête. Les demandeurs disent que les défendeurs ont violé plusieurs dispositions de ces ordonnances. Dans ce qui suit, je précise les parties des ordonnances auxquelles se rapporte la requête.

 

2.1 L’ordonnance du 10 janvier

[4]        Dans sa première ordonnance, en date du 10 janvier 2003, le juge Rouleau ordonnait que toutes les opérations, autres que celles se rapportant aux charges de personnel, ne soient effectuées qu’avec l’assentiment des avocats des deux parties. Plus précisément, l’ordonnance imposait les mesures suivantes :

         [traduction]

1.      Le compte en fiducie de cette bande, actuellement administré par RBC Investissements, Services autochtones, à Winnipeg, au Manitoba, restera bloqué jusqu’à nouvelle ordonnance de la Cour ou sauf le consentement de toutes les parties, à l’exception d’une somme due à titre d’impôt, qui pourra être payée par RBC Investissements au cabinet d’avocats Dubouff & Edwards, en fidéicommis, avocats de Winnipeg, au Manitoba;

 

2.      Les deux comptes bancaires des sociétés 4991 NT Ltd. et 4992 NT Ltd., auprès de la Banque de Montréal, succursale de Fort Smith, dans les Territoires du Nord‑Ouest, seront bloqués jusqu’à nouvelle ordonnance de la Cour;

 

3.      Les opérations effectuées sur divers autres comptes bancaires qui sont détenus par la bande, également auprès de la Banque de Montréal, succursale de Fort Smith, dans les Territoires du Nord‑Ouest, seront limitées et seuls sont autorisés les versements de salaires, et aucune autre opération ne doit être effectuée sans le consentement des avocats agissant au nom des demandeurs et des défendeurs.

 

2.2 L’ordonnance du 17 janvier

[5]        Dans la seconde ordonnance, datée du 17 janvier 2003, le juge Rouleau autorisait la remise de chèques aux personnes mentionnées dans l’annexe de ladite ordonnance. Il convient de noter que : (a) Victor Marie figurait sur la [traduction] « liste de nos gens qui recevront des chèques de paie, ce qui comprend des engagements tels que le paiement d’honoraires »; (b) en regard du nom de Nora Beaver se trouvait une note manuscrite [traduction] « PEUT ÊTRE PAYÉ »; et (c) les noms de Connie Benwell, Michel Bjornson, David Gowans, Harvey Lepine, Norman Starr et Don Tourangeau, qui avaient d’abord figuré sur cette liste, avaient été rayés.

 

2.3 La décision du 29 mai et la directive du 5 juin

[6]        Dans sa décision Wanderingspirit no 1, précitée, le juge Rouleau disait clairement que l’ordonnance du 10 janvier « demeurerait en vigueur jusqu’à l’expiration du délai d’appel ». Ce point était précisé dans sa directive datée du 5 juin 2003, où il disait [traduction] « mes ordonnances du 10 janvier 2003 conserveront leur plein effet jusqu’à ce qu’elles soient modifiées par la Cour d’appel le 12 juin 2003 ou jusqu’à nouvelle ordonnance de la Cour, laquelle pourrait être rendue à la suite des requêtes devant être instruites le jeudi 19 juin 2003 ». La Cour d’appel n’a pas modifié ces ordonnances (ordonnance datée du 12 juin 2003).

 

[7]        Les requêtes dont il est question dans le paragraphe précédent ont été instruites par le juge Rouleau le 19 juin 2003, à la suite de quoi fut rendue une ordonnance le 20 juin 2003. Cette ordonnance, qui n’est pas en cause dans la présente requête, rétablissait les demandeurs dans [traduction] « leurs droits et privilèges intégraux en tant que membres du conseil de bande » et elle autorisait les demandeurs [traduction] « à gérer les affaires de la bande avec M. Norman Starr et le chef Victor Marie ».

 

2.4 L’ordonnance du 20 juin

[8]        L’ordonnance définitive du juge Rouleau à laquelle se rapporte la requête faisait suite à un avis de requête d’urgence déposé au nom des demandeurs, et à une conférence téléphonique tenue le 19 juin 2003. Cette ordonnance ne doit pas être confondue avec l’ordonnance antérieure, elle aussi rendue le 20 juin 2003, dont il est question dans le paragraphe ci‑dessus. Il faut porter une attention particulière aux mesures suivantes de l’ordonnance :

  • « il est ordonné à toute partie … qui a en sa possession des documents, des données informatiques, des grands livres, des relevés ou documents bancaires, des livres de procès‑verbaux ou toute chose du genre appartenant de droit à la Première nation Salt River no 195, de les restituer sur‑le‑champ; en cas d’inobservation de cette ordonnance, une procédure d’outrage pourra être introduite;

 

  • il est en outre ordonné qu’à partir du lundi 23 juin 2003, seules les personnes suivantes seront les signataires autorisés du conseil de bande dûment élu de la Première nation Salt River no 195 : le chef Victor Marie, Norman Starr, Melvin Wanderingspirit, Delphine Beaulieu, Toni Heron, Raymond Beaver et Sonny McDonald; et

 

  • avant d’être honorés, tous les titres négociables devront être signés par au moins trois des personnes susmentionnées, dont l’une sera toujours le chef Victor Marie » [non souligné dans l’original].

 

3.   L’arrêt ultérieur de la Cour d’appel et son effet sur les ordonnances du juge Rouleau

[9]        La Cour d’appel fédérale a infirmé le 20 octobre 2003 l’ordonnance du juge Rouleau du 20 juin 2003 (Wanderingspirit et autres c. Marie et autres, 2003 CAF 384 (la décision Wanderingspirit no 2)), car elle était d’avis que le juge Rouleau n’avait pas le pouvoir de rendre une ordonnance portant sur une question qui avait été tranchée à titre définitif le 29 mai 2003. La Cour d’appel fédérale a statué que l’ordonnance intérimaire du 10 janvier 2003 était valable jusqu’à l’ordonnance finale du 29 mai, mais, une fois la question tranchée à titre définitif (c’est‑à‑dire celle de savoir si l’élection de novembre 2002 était valable), les ordonnances intérimaires cessaient d’avoir effet et l’administration du conseil de bande se trouvait entre les mains des membres élus. Par conséquent, les ordonnances du 10 janvier et du 20 juin 2003 n’avaient plus d’effet.

 

[10]      En dépit de l’arrêt ultérieur de la Cour d’appel, il convient de signaler que, lorsqu’un tribunal rend une ordonnance, cette ordonnance doit être observée même si elle est plus tard infirmée. En effet, il ne s’agit pas simplement de la légalité de l’ordonnance en cause. Ce qui est en jeu, c’est l’intégrité et l’autorité elles‑mêmes des institutions judiciaires canadiennes (Commission canadienne des droits de la personne c. Canadian Liberty Net, [1996] 1 C.F. 787 (C.A.), au paragraphe 16; voir aussi Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Taylor, (1990) 75 D.L.R. (4th) 577, à la page 635). En l’espèce donc, si l’un quelconque des défendeurs a effectivement violé les ordonnances du 10 janvier 2003 ou du 20 juin 2003 avant qu’elles ne fussent déclarées invalides, il peut quand même être déclaré coupable d’outrage au tribunal car les ordonnances étaient légales à l’époque où les actes en question ont été commis. Tous les actes en question ont eu lieu avant la déclaration d’illégalité des ordonnances.

 

  1. Dispositions légales

[11]      Le droit relatif à l’outrage au tribunal a été codifié dans les Règles des Cours fédérales (articles 466 à 472) :

 

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

 

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

 

a) étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l’instance;

 

(a) at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;

 

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

 

(b) disobeys a process or order of the Court;

 

c) agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l’autorité ou à la dignité de la Cour;

 

(c) acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court;

 

d) étant un fonctionnaire de la Cour, n’accomplit pas ses fonctions;

 

(d) is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or

 

e) étant un shérif ou un huissier, n’exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès‑verbal d’exécution, ou

enfreint une règle dont la violation le rend passible d’une peine.

 

(e) is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty.

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

 

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

 

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

 

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

 

b) d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

 

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

 

c) d’être prête à présenter une défense.

 

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

 

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l’ordonnance visée au paragraphe (1).

 

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

 

(3) La Cour peut rendre l’ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d’avis qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché.

 

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

 

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l’appui sont signifiés à

personne.

 

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

 

468. En cas d’urgence, une personne peut être reconnue coupable d’outrage au tribunal pour un acte commis en présence d’un juge et condamnée sur‑le‑champ, pourvu qu’on lui ait demandé de justifier son comportement.

 

468. In a case of urgency, a person may be found in contempt of Court for an act committed in the presence of a judge and condemned at once, if the person has been called on to justify his or her behaviour.

469. La déclaration de culpabilité dans le cas d’outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable.

 

469. A finding of contempt shall be based on proof beyond a reasonable doubt.

470. (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d’une requête pour une ordonnance d’outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

 

470. (1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.

 

(2) La personne à qui l’outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

(2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

 

 

  1. La décision de la juge Heneghan

[12]      L’instance en outrage au tribunal relative à ces questions a été introduite à l’origine en 2003 et instruite par la juge Heneghan, une juge de la Cour. Les mêmes personnes, ainsi que Connie Benwell, étaient désignées dans la requête en outrage au tribunal. Dans sa décision (Wanderingspirit c. Première nation Salt River no 195, [2005] A.C.F. no 300 (Q.L.), 2005 CF 146 (la décision Wanderingspirit no 3)), la juge Heneghan rejetait la requête, sous toutes réserves, présentée contre tous les défendeurs sauf Mme Benwell, au motif que la requête n’avait pas été correctement signifiée aux autres défendeurs. La décision de la juge Heneghan ne portait donc que sur l’ordonnance d’outrage au tribunal prononcée contre Mme Benwell, qui fut déclarée coupable d’outrage au tribunal relativement au chef no 6 de l’ordonnance de se justifier.

 

  1. Jeannie Marie‑Jewell

[13]      Mme Jeannie Marie‑Jewell est désignée dans la demande dont je suis saisie. Cependant, les demandeurs n’ont pas prouvé qu’une copie de l’ordonnance de se justifier lui a été signifiée. Les demandeurs ont donc reconnu qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin contre Mme Jewell. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner davantage les paragraphes 7 et 8 des détails, qui ne concernaient que les agissements présumés de Mme Jewell.

 

  1. L’audience

[14]      Lors de l’audience relative à ces accusations d’outrage au tribunal, les demandeurs ont produit plusieurs témoins :

 

  • M. Brad Marta, directeur de la succursale de la Banque de Montréal à Fort Smith;

 

  • M. Mike Beaver, membre de la PNSR, qui, en juin 2003, travaillait pour la bande en qualité de surveillant des programmes d’été;

 

  • M. Ian Blackstock, avocat actuellement au service du ministère de la Justice des Territoires du Nord‑Ouest, qui exerçait le droit dans le secteur privé et qui représentait les demandeurs depuis le dépôt de la demande de contrôle judiciaire;

 

  • Mme Barbara McArthur, qui a repris le 18 juin 2003 ses fonctions de responsable des finances de la PNSR;

 

  • Mme Tanya Tourangeau, préposée aux finances de la PNSR de septembre 2001 jusqu’à l’été de 2002, puis de novembre 2002 jusqu’à l’été de 2003; et

 

  • M. Ram Mudalier, conseiller financier dont les services ont été retenus par la PNSR de 1991 jusqu’à septembre 2002, puis de juin 2003 jusqu’à présent.

 

[15]      J’ai examiné les dépositions de ces témoins et je m’y référerai au besoin dans les présents motifs.

 

[16]      Aux termes du paragraphe 470(2) des Règles, les défendeurs ne peuvent pas être contraints à témoigner. Les défendeurs n’ont pas témoigné; ils n’ont pas non plus administré de preuves.

 

  1. Analyse

8.1  L’effet des ordonnances sur les défendeurs

[17]      Je voudrais d’emblée me pencher sur l’argument défendu par l’avocat du défendeur David Gowans selon lequel l’ordonnance du 10 janvier, celle du 17 janvier et celle du 29 mai ne visaient pas les défendeurs, mais la Banque de Montréal. Il semble soutenir que, si les ordonnances ne visaient pas les défendeurs, ils ne sauraient être déclarés coupables d’outrage au tribunal. Je ne puis accepter cet argument.

 

[18]      Les ordonnances ne sont pas aussi claires qu’elles pourraient l’être. Le troisième attendu de l’ordonnance du 10 janvier, qui est particulièrement en l’espèce, ne semble pas bien formulé sur le plan grammatical. Je conviens que dire que cette mesure vise la Banque et qu’il n’est pas explicitement interdit aux défendeurs d’écrire des chèques ou de tenter de les négocier auprès d’autres institutions financières en constitue une interprétation possible. En l’occurrence, le contexte des ordonnances prend toute son importance. Que voulait‑on dire dans ces ordonnances? Et comment les parties les ont‑elles comprises?

 

[19]      Je suis d’avis que l’interprétation raisonnable des ordonnances consiste à dire qu’elles visent le défendeurs et tous ceux qui sont intervenus dans la gestion des finances de la bande à l’époque où elles étaient en vigueur. Le troisième attendu de l’ordonnance a peut‑être le sens que lui prête M. Gowans, mais il est impossible de le lire en faisant abstraction du contexte. Le paragraphe introductif de l’ordonnance dit qu’une conférence téléphonique a eu lieu afin de [traduction] « trouver une solution provisoire à propos d’une requête déposée par ces demandeurs dans laquelle ils sollicitent une ordonnance de la Cour nommant un administrateur séquestre pour la gestion des affaires de la Première nation Salt River no 195 ». D’ailleurs, le préambule du troisième attendu montre que l’ordonnance concerne [traduction] « l’intérêt de la bande et la conduite de ses affaires ». J’en conclus que l’ordonnance visait d’abord et avant tout les agissements des parties. Elle visait à laisser la gestion des finances de la PNSR entre les mains du conseil de novembre, sous réserve des limites imposées, plutôt que de faire intervenir un administrateur séquestre. Comme les comptes de la PNSR se trouvaient à la Banque de Montréal à Fort Smith, la Banque était mentionnée aussi dans les ordonnances; cela ne veut pas dire que la Banque était la seule partie liée par les ordonnances.

 

[20]      Le dossier révèle que, en obtenant l’assentiment de l’avocat des demandeurs avant d’émettre divers chèques, les défendeurs ont agi d’une manière conforme à cette interprétation.

 

[21]      Aux termes de ces ordonnances, il était désormais interdit aux défendeurs d’autoriser et d’émettre des chèques autrement qu’en conformité avec elles. Toute inobservation pouvait être constitutive d’outrage au tribunal.

 

8.2  La charge de la preuve

[22]      Comme le prévoit l’article 469 des Règles, la déclaration de culpabilité dans le cas d’outrage au tribunal « est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable ». L’ordonnance de se justifier enjoignant aux présumés auteurs de l’outrage « à comparaître devant un juge pour donner les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas être déclarés coupables d’outrage au tribunal »; cependant, c’est aux demandeurs qu’incombe la charge de la preuve.

 

8.3  La connaissance des ordonnances

[23]      Les demandeurs doivent prouver que les présumés auteurs de l’outrage avaient réellement connaissance des ordonnances en question, c’est‑à‑dire des ordonnances du 10 et du 20 janvier 2003, du 29 mai 2003 et du 20 juin 2003. On ne saurait être déclaré coupable d’inobservation d’une ordonnance dont on n’avait pas connaissance. Selon l’arrêt Bhatnager c. Canada, [1990] 2 R.C.S. 217, c’est à celui qui allègue l’outrage au tribunal de prouver que le présumé auteur de l’outrage avait réellement connaissance de l’ordonnance qu’il est censé avoir violée.

 

[24]      En l’espèce, les ordonnances n’ont été signifiées personnellement à aucun des défendeurs. Elles ont plutôt été signifiées à leurs avocats. Cela veut‑il dit qu’ils n’en avaient pas connaissance? Dans la décision Apple Computer c. Minitronics of Canada Ltd., [1988] 2 C.F. 265 (1re inst.), la Cour a jugé que la connaissance d’une ordonnance peut se déduire de la conduite du présumé auteur de l’outrage, même si l’ordonnance ne lui a pas été signifiée.

 

[25]      Il ne fait aucun doute que le chef Marie était au courant de toutes les ordonnances; la preuve montre qu’il est intervenu à chacune des étapes. Sa connaissance est établie par des lettres qu’il a signées et par des mentions qui apparaissent dans d’autres pièces de correspondance.

 

[26]      Pour ce qui concerne les autres défendeurs, je suis d’avis, malgré les arguments contraires, que tous avaient une connaissance réelle des ordonnances en cause. J’arrive à cette conclusion en tirant les conséquences de certains faits.

 

[27]      Premièrement, les défendeurs étaient représentés par un avocat – M. Robert Philp, c.r. – durant toute la période au cours de laquelle les ordonnances ont été rendues. M. Ian Blackstock, qui était l’avocat des demandeurs au cours de l’instance, a été prié de dire s’il avait des raisons de croire que l’un quelconque des défendeurs n’était pas tenu pleinement informé par le cabinet de M. Robert Philp ou par le chef Victor Marie. La réponse de M. Blackstock a été la suivante : « Je n’ai absolument aucune raison de le croire ».

 

[28]      Je prends aussi en compte le fait que, le 17 janvier 2003, une requête a été déposée au nom des défendeurs en vue d’obtenir une ordonnance radiant la demande de contrôle judiciaire, et le fait qu’un avis d’appel a été déposé le 30 mai 2003 à l’encontre de l’ordonnance rendue le 29 mai 2003. Le dossier dont je disposais n’indiquait nulle part que le chef Marie était autorisé à représenter les autres défendeurs. M. Philp avait gravement manqué à la déontologie professionnelle si, à chacune des nombreuses étapes de ce litige, il était allé de l’avant sans obtenir les directives de chacun des plaideurs nommément désignés.

 

[29]      Par ailleurs, les ordonnances avaient un effet direct sur les défendeurs qui faisaient partie du conseil de novembre. Vu ces ordonnances, les membres du conseil de novembre ne pouvaient recevoir un quelconque paiement – qu’il s’agisse d’honoraires ou de frais – sans le consentement des deux avocats. Le dossier dont je suis saisie montre qu’un tel consentement n’était pas facilement obtenu et que les conseillers exerçaient leur charge à titre gracieux. Indubitablement, les défendeurs qui faisaient partie du conseil de novembre devaient savoir pourquoi ils n’étaient pas rémunérés.

 

[30]      Je conclus que les défendeurs avaient véritablement connaissance des ordonnances.

 

8.4  Le chef no 1 de la requête

[31]      Le chef Victor Marie serait seul coupable d’outrage au titre du chef no 1 de la requête. Selon les demandeurs, il a refusé de restituer les registres et documents financiers qu’il possédait ou qui dépendaient de lui, en particulier les « chèques se rapportant aux comptes bancaires [de la PNSR] et les copies de chèques oblitérés se rapportant aux comptes bancaires de la PNSR ».

 

[32]      Les pièces qui sont visées par ce chef d’accusation seraient venues en la possession du chef Victor Marie à la suite de deux incidents. D’abord, les demandeurs prétendent que, le 12 juin 2003, Mme Tourangeau, alors responsable des finances de la bande, est entrée dans les bureaux du conseil de bande et a retiré le lecteur de disque dur d’un ordinateur, qui contenait des données financières, et cela sur les ordres du chef Marie. Les demandeurs prétendent qu’elle a aussi retiré les registres financiers et comptables de la PNSR. En juin 2003, M. Mike Beaver était au service de la PNSR. Il a témoigné que, le 12 juin 2003, alors qu’il se trouvait dans les bureaux de la bande, il a vu Mme Tourangeau quitter les bureaux avec un boîtier d’ordinateur Dell et des boîtes de dossiers.

 

[33]      Le deuxième incident est une « entrée par effraction », qui a eu lieu le 24 juin 2003. Nous avons à ce sujet le témoignage de Mme Barbara McArthur, qui avait repris ses fonctions de responsable des finances de la PNSR le 18 juin 2003. Elle a témoigné que, le 20 juin, certains des relevés manquants avaient été retournés, mais pas l’ordinateur Dell. Le 24 juin, elle est revenue d’une pause‑café pour constater que la porte fermée à clé donnant sur les bureaux de la bande était entrebâillée et avait été défoncée. D’après son témoignage, Natasha Tourangeau, secrétaire dans les bureaux de la bande, lui a dit que le chef Victor Marie avait enfoncé la porte à coups de pied. Après cette entrée par effraction, Mme McArthur avait remarqué que plusieurs chèques manquaient.

 

[34]      Comme je l’ai indiqué plus haut, l’ordonnance du 20 juin enjoignait « à toute partie… qui a en sa possession des documents, des données informatiques, des grands livres, des relevés ou documents bancaires, des livres de procès‑verbaux ou toute chose du genre appartenant de droit à la Première nation Salt River no 195, de les restituer sur‑le‑champ ». Une autre ordonnance du juge Rothstein en date du 10 juillet 2003 faisait état des pièces manquantes dans un attendu ainsi formulé :

 

[traduction] ET le chef Victor Marie, par son avocat, s’étant engagé à rendre aux bureaux de la bande, au plus tard le 16 juillet 2003, les équipements informatiques et les dossiers retirés des bureaux de la bande le 12 juin 2003 ou vers cette date, dans leur état d’origine, plus les carnets de chèques et autres documents pris ultérieurement.

 

[35]      Je conclus que Tanya Tourangeau a enlevé des bureaux de la bande le 24 juin le boîtier d’ordinateur Dell et d’importants dossiers. Il est clair aussi que les registres financiers – en particulier les chéquiers – n’ont pas tous été restitués comme l’exigeaient les ordonnances et que le disque dur d’ordinateur n’a pas été restitué dans son état d’origine. Les ordonnances, me semble‑t‑il, n’ont pas été observées. Cependant, il m’est difficile de conclure, hors de tout doute raisonnable, que le chef Marie a violé les ordonnances. D’abord, je n’ai pas la preuve directe que le chef Marie est celui qui a enfoncé la porte et pris des chèques. Les demandeurs n’ont pas fait témoigner Natasha Tourangeau; je suppose qu’ils avaient leurs raisons. Il n’y a aucune raison impérieuse d’accepter sur ce point le témoignage de Mme McArthur qui était du ouï‑dire. Je relève ensuite que c’est Tanya Tourangeau qui a retiré les fichiers et le boîtier d’ordinateur des bureaux de la bande. Je n’ai aucun moyen de savoir comment les dossiers et l’ordinateur se sont retrouvés entre les mains du chef Marie ou si Mme Tourangeau ou d’autres ont pu garder certains des registres.

 

[36]      Pour ces motifs, je conclus qu’il n’a pas été prouvé hors de tout doute raisonnable que le chef Marie est coupable d’outrage au titre du chef no 1 de la requête.

 

8.5  Le chef no 2 de la requête

[37]      Le chef Victor Marie et M. Norman Starr sont visés par le chef no 2 de la requête. Celui‑ci concerne plusieurs chèques datés du 23 mai 2003 et du 19 juin 2003, payables à plusieurs personnes, y compris à tous les défendeurs sauf à M. David Gowans et à M. Harvey Lepine. Tous les chèques mentionnés dans le chef no 2 ont été signés par le chef Marie et par M. Starr. Les demandeurs prétendent que les chèques ont été signés après l’ordonnance du 20 juin et antidatés au 23 mai ou au 19 juin 2003. Le tableau suivant énumère les chèques en question.

 

Chèque no

Bénéficiaire

Date

Montant

Date de négociation

150

J.M. Jewell

23 mai

12 927,93 $

7 juillet

250

Henry Beaver

19 juin

  3 629,24 $

4 juillet

252

T. Tourangeau

19 juin

  4 685,15 $

7 juillet

253

M. Bjornson

19 juin

  8 470,90 $

15 juillet

254

D. Tourangeau

19 juin

  6 000,00 $

15 juillet

255

N. Starr

19 juin

  3 500,00 $

15 juillet

1550

J.M. Jewell

19 juin

  7 702,31 $

4 juillet

1551

V. Marie

19 juin

  8 596,92 $

4 juillet

1556

J.M. Jewell

19 juin

  5 991,39 $

7 juillet

1557

J.M. Jewell

19 juin

10 424,04 $

15 juillet

1589

Bruce Barry

19 juin

35 000,00 $

(illegible)

2022

Bruce Barry

19 juin

  1 950,00

(illegible)

2051

E. Beaver

19 juin

  2 952,69

4 juillet

2055

N. Beaver

19 juin

  3 264,83

7 juillet

2056

N. Starr

19 juin

  7 900,00

15 juillet

2049

N. Beaver

19 juin

  2 937,28

(illegible)

 

[38]      Pour que les éléments du chef no 2 soient établis, je dois être persuadée, hors de tout doute raisonnable, que :

 

  1. les chèques (ou certains d’entre eux), même s’ils sont datés du 23 mai ou du 19 juin 2003, ont en réalité été émis après l’ordonnance du 20 juin;

 

  1. le chef Victor Marie et M. Norman Star ont signé les chèques et savaient que, ce faisant, ils contrevenaient à l’ordonnance du 20 juin.

 

[39]      La question essentielle est de savoir quand les chèques dont il est question dans le chef no 2 ont été réellement signés. Ont‑ils été faits avant ou après l’ordonnance du 20 juin? S’ils l’ont été après, mais avec indication d’une date antérieure au 20 juin, alors ils ont été émis en violation de l’ordonnance. Aucune preuve directe ne permet de dire à quelle date les chèques ont été émis. Par exemple, aucun témoin n’a comparu pour confirmer qu’il était présent lorsque les chèques ont été libellés après le 20 juin. Néanmoins, des faits incontestables donnent lieu à de fortes présomptions.

 

[40]      Au cours de l’audience, des copies de plusieurs chèques oblitérés ont été produites en preuve durant le témoignage de M. Brad Marta, directeur de la succursale de la Banque de Montréal à Fort Smith. D’autres preuves ont été produites concernant la date et le lieu de négociation de certains des chèques. Je note d’emblée quelques difficultés concernant la preuve. D’abord, il est impossible d’établir quand et où deux chèques libellés le 19 juin 2003 (le chèque no 1589 et le chèque no 2022) à l’ordre de M. Bruce Barry ont été négociés. Je ne tiendrai pas compte de ces chèques. Pareillement, j’exclus de mon analyse le chèque no 2049, dont la copie n’était pas certifiée.

 

[41]      Même si je mets ces chèques de côté, l’examen de leur historique révèle un fait digne de mention. Tous ont été encaissés en juillet; aucun des 13 chèques restants n’a été négocié avant le 4 juillet 2003. Je ne peux concevoir que les 13 bénéficiaires aient gardé leurs chèques du 19 juin pour ne les encaisser qu’en juillet. Il n’y a tout simplement aucune explication vraisemblable de ce fait. En outre, les montants des chèques ne sont pas négligeables, ils vont de 2 952,69 $ à 10 424,04 $. Sans doute n’encaissera‑t‑on pas immédiatement un chèque indiquant une petite somme – disons 100 $ –, mais il est extrêmement surprenant qu’aucun des chèques portant des sommes élevées comme celles‑là n’ait été négocié en juin.

 

[42]      Autre point à signaler : aucun de ces 13 chèques n’a été négocié à la succursale de la Banque de Montréal à Fort Smith – l’unique banque à Fort Smith. Vu que quelques‑uns au moins des bénéficiaires vivent à Fort Smith et qu’il leur aurait fallu se rendre à Edmonton ou Calgary, donc parcourir une certaine distance, pour déposer ou négocier les chèques, cette façon d’agir ne correspond pas à ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Il est donc permis d’en conclure que les personnes qui ont déposé les chèques avaient elles aussi connaissance de l’irrégularité des chèques – qu’il s’agisse de leur date d’émission ou de la manière dont ils avaient été autorisés. Si les chèques avaient été réellement émis le 19 juin, on serait en droit de penser que certains d’entre eux auraient été déposés à la succursale de la Banque de Montréal à Fort Smith.

 

[43]      Enfin, je constate que sept des 13 chèques ont été émis à l’ordre de personnes qui, tout au long du litige, ont été des parties nommément désignées : Mme Bjornson, M. Tourangeau, M. Starr, le chef Marie et Mme Beaver. Le 19 juin, date à laquelle les chèques sont censés avoir été faits, l’instance allait bon train; appel avait été interjeté de la décision du juge Rouleau, et les défendeurs s’apprêtaient à demander une suspension. Vu l’état de l’instance au 19 juin, il est impossible de croire que les bénéficiaires des chèques aient tardé à les déposer. J’en conclus que ces chèques n’ont pas été émis avant juillet.

 

[44]      Le dernier élément de preuve ultime à l’appui de la position des demandeurs provient du témoignage de Mme Barbara McArthur, qui a déclaré que plusieurs chèques en blanc avaient disparu de chéquiers ou de boîtes de la PNSR. Tous les chèques en question, sauf un, ont été libellés sur les chèques en blanc manquants. Cela ne prouve pas que les chèques ont été volés ou que, sans éléments supplémentaires, les chèques ont été libellés après l’ordonnance du 20 juin. Néanmoins, ce constat concorde avec les autres preuves en la matière et tend à confirmer ma conclusion générale. Le chèque no 150 n’a pas été mentionné dans la déposition de Mme McArthur. Même si ce chèque n’a été négocié qu’en juillet, je n’en ai pas tenu compte dans ma conclusion générale.

 

[45]      Il reste 12 chèques, tous datés du 19 juin et tous signés par le chef Marie et par M. Starr. Si l’on considère l’ensemble de la preuve, la conclusion est incontournable : les 12 chèques n’ont pas été signés le 19 juin; ils ont plutôt été émis quelque temps après l’ordonnance du 20 juin, avec indication d’une date antérieure, celle du 19 juin. Je conclus hors de tout doute raisonnable que c’est ce qui est arrivé.

 

[46]      Vu cette conclusion, il s’ensuit que tous les chèques devaient être émis d’une manière conforme à l’ordonnance du 20 juin. Cette ordonnance prévoyait que, « avant d’être honorés, tous les titres négociables devront être signés par au moins trois des personnes susmentionnées, dont l’une sera toujours le chef Victor Marie » [non souligné dans l’original]. Encore une fois d’après le tableau ci‑dessus, chacun des chèques (un chèque est sans conteste un « titre négociable ») n’a été signé que par deux personnes. De plus, chacun d’eux a été signé par les mêmes deux personnes – le chef Victor Marie et M. Norman Starr. Aucun des douze chèques ne porte une troisième signature.

 

[47]      M. Brad Marta a confirmé que les signatures apparaissant sur les chèques étaient celles du chef Victor Marie et de M. Norman Starr. J’ai comparé les signatures apparaissant sur les chèques avec les relevés bancaires signés des comptes pertinents sur lesquels ces chèques ont été tirés. Je conclus que les signatures apparaissant sur les chèques sont celles du chef Victor Marie et de M. Starr.

 

[48]      Puis‑je en déduire que le chef Victor Marie et M. Norman Starr n’ont jamais voulu que les chèques soient remis puis négociés avant que la troisième signature requise n’y soit apposée? Je suis convaincue qu’il est impossible de conclure en ce sens en l’occurrence. D’abord, même s’il avait été possible de le faire pour un seul chèque, il est totalement déraisonnable de le faire pour douze chèques quand on sait qu’ils ont été ensuite négociés. Deuxièmement, trois des chèques ont été émis à l’ordre du chef Victor Marie ou à celui de M. Norman Starr, les signataires mêmes des chèques. Enfin, il y a le fait que les chèques ont été antidatés au 19 juin. Les deux signataires autorisés, à mon avis, étaient bien au fait de l’ordonnance du 20 juin et ils n’ont jamais eu l’intention d’obtenir la signature d’une troisième personne sur les chèques.

 

[49]      Je conclus donc que les chèques ont été émis quelque temps après l’ordonnance du 20 juin, que le chef Victor Marie et M. Norman Starr les ont signés au mépris de l’ordonnance, et qu’ils savaient qu’ils contrevenaient à celle‑ci.

 

8.6  Le chef no 3 de la requête

[50]      Vu ma conclusion sur le chef no 2 de la requête – le fait que les chèques ont été antidatés au 19 juin – il est inutile de considérer le chef no 3 puisque le chef no 3 était subsidiaire au chef no 2.

 

8.7  Le chef no 4 de la requête

[51]      Le chef no 4 de la requête se rapporte au chèque no 222 émis en faveur de Mme Tanya Tourangeau, pour la somme de 8 008 $. Le chèque no 222 portait la date du 6 juin 2003 et les signatures du chef Victor Marie et de M. Norman Starr. Dans le chef no 4, les demandeurs prétendent que Victor Marie, Nora Beaver, David Gowans, Norman Starr, Michel Bjornson, Harvey Lepine et Don Tourangeau ont autorisé l’émission du chèque [traduction] « censément afin de payer son salaire, mais en réalité en partie afin de payer son salaire et en partie afin de payer des sommes affectées aux honoraires des conseillers censément élus le 3 novembre 2002 ». Les demandeurs soutiennent que cela était contraire aux ordonnances du juge Rouleau datées du 10 et du 17 janvier 2003 et du 29 mai 2003.

 

[52]      Pour que soit constitué l’outrage au tribunal allégué dans le chef no 4 de la requête, les demandeurs doivent prouver, hors de tout doute raisonnable, que :

 

  1. le chèque no 222 représentait en partie un paiement aux membres du conseil de novembre;

 

  1. le chèque no 222 avait été autorisé par les parties nommées dans le chef no 4;

 

  1. l’émission du chèque no 222, dans la mesure où il comprenait un trop‑perçu, contrevenait aux ordonnances de la Cour;

 

  1. les présumés auteurs de l’outrage nommés dans le chef no 4 savaient que l’émission d’un chèque de cette nature était contraire aux ordonnances.

 

[53]      En ce qui concerne ce chef, le témoignage principal à l’appui des allégations des demandeurs fut celui de Mme Tanya Tourangeau. Elle a comparu comme témoin des demandeurs après avoir été assignée. Il ressortait de sa déposition qu’elle était peu disposée à témoigner. Je qualifierais de peu coopératif et d’évasif le témoignage qu’elle a rendu durant l’interrogatoire. Tout au long de l’interrogatoire, elle a dit qu’elle avait perdu le souvenir de nombreux incidents. Je suis d’avis qu’elle a feint d’avoir des trous de mémoire, qu’elle ne voulait tout simplement pas nuire aux présumés auteurs de l’outrage. À titre d’exemple, je trouve incroyable que Mme Tourangeau n’ait pu alors se rappeler des éléments suivants :

 

  • les circonstances dans lesquelles le chèque no 222 avait été émis en remplacement d’un chèque antérieur portant une somme moindre; ou

 

  • la question de savoir si ses chèques de paie dépassaient souvent 1 960 $; ou

 

  • le fait qu’une portion du chèque no 222 faisait suite à une résolution prise par le conseil.

 

S’agissant de l’émission du chèque no 222, tout ce que Mme Tourangeau a volontiers reconnu était que [traduction] « je me souviens simplement que deux chèques ont été libellés pour cette période et que l’un d’eux a été annulé ».

 

[54]      Ce qui rend surprenantes ses lacunes de mémoire, c’est que, les 5 et 6 juillet 2003, Mme Tourangeau a été contre‑interrogée relativement à un affidavit déposé en marge d’une requête antérieure en déclaration d’outrage. Au cours de deux journées d’interrogatoire, elle a répondu sous serment à un grand nombre de questions se rapportant à l’émission du chèque no 222, sur les mêmes points dont elle dit aujourd’hui ne plus se souvenir. Elle avait à l’époque un souvenir précis des faits.

 

[55]      Durant son interrogatoire devant la Cour, certains passages de ladite transcription ont été lus à Mme Tourangeau. Quand on lui a rappelé ses déclarations antérieures, Mme Tourangeau n’a pas contesté qu’on lui avait posé les questions qui lui étaient lues et qu’elle avait donné les réponses correspondantes. Elle a aussi admis qu’elle avait alors déposé sous serment. Sauf quelques éclaircissements mineurs, elle n’a pas tenté de donner d’autres explications ou de modifier son témoignage. Il n’y a pas de contradiction entre son témoignage antérieur produit sous serment et celui que j’ai entendu. Finalement, son témoignage sur ces aspects n’est pas contredit par d’autres témoins ou d’autres preuves. Par conséquent, je suis d’avis qu’il ne faut pas tenir compte des prétendus trous de mémoire de Mme Tourangeau et que les extraits de la transcription de 2003 doivent être acceptés comme preuve de la véracité des affirmations qu’elle contient.

 

[56]      Plus précisément, l’élément le plus pertinent quant au chef no 4 de la requête est la déposition de Mme Tourangeau sur les circonstances entourant l’émission du chèque no 222. Elle a fait état des faits suivants :

 

a)       un chèque de 5 642,92 $, daté du 6 juin 2003 et représentant la rémunération ordinaire de Mme Tourangeau, plus ses heures supplémentaires (et peut‑être ses frais de déplacement remboursables), a été libellé;

 

b)      le chef Victor Marie lui a ordonné d’annuler ce chèque et de libeller un chèque de 8 008 $ à son ordre à elle;

 

c)       la différence entre les deux chèques – 2 365,08 $ – a été transmise aux membres du conseil de novembre, qui ne figuraient pas dans l’effectif salarié;

 

d)      aucune somme n’a été déduite de la différence au titre du RPC ou de l’assurance‑emploi « parce que cette différence n’est pas mon revenu »;

 

e)       une fois le chèque no 222 déposé à la banque, Mme Tourangeau a transféré la différence dans les comptes des conseillers [traduction] « sans doute par ordinateur »;

 

f)        la différence devait représenter les honoraires des membres du conseil de novembre;

 

g)       cette méthode a été conçue pour « contourner » l’ordonnance de la Cour; quand les demandeurs n’ont pas approuvé le paiement des honoraires des conseillers, [traduction] « nous n’avions d’autre choix que de faire ce que nous avons fait le 6 juin pour payer les factures qu’avaient accumulées les conseillers de la PNSR ».

 

[57]      Ces allégations sont confirmées par l’existence d’une copie conforme du chèque no 222 libellé pour la somme de 8 008 $. J’ai d’ailleurs entendu les dépositions de Mme Tourangeau, de Mme MacArthur et de M. Mudalier, le conseiller financier de la PNSR, qui ont affirmé que le taux ordinaire de rémunération de Mme Tourangeau était 28 $ ou 35 $ l’heure. Le montant du chèque annulé semble raisonnable à l’égard d’une rémunération ordinaire couvrant une période de deux semaines, si l’on suppose que des heures supplémentaires et des frais de déplacement y étaient inclus; cependant, je suis d’avis que le montant réel du chèque no 222 dépassait largement la rémunération ordinaire de Mme Tourangeau. La conclusion incontournable est que la somme de 2 365,08 $ comprise dans le chèque no 222 ne couvrait pas la rémunération ordinaire de Mme Tourangeau, mais avait été incluse dans son chèque de paie pour couvrir les honoraires payables aux membres du conseil de novembre, et cela afin de contourner les ordonnances.

 

[58]      Je n’ai pas de relevés bancaires montrant que la différence a effectivement été déposée dans les comptes bancaires des membres du conseil de novembre. Néanmoins, je conclus, d’après le témoignage de Mme Tourangeau que le trop‑perçu a été transféré à certains des membres du conseil de novembre.

 

[59]      Cependant, comme je n’ai pas les relevés bancaires, il m’est impossible d’affirmer, hors de tout doute raisonnable, que tous les membres du conseil de novembre ont reçu une part de la somme qui a ainsi été détournée. De plus, le témoignage de Mme Tourangeau à propos d’une résolution du conseil approuvant le paiement n’est pas un témoignage direct; elle n’a jamais vu une copie de la résolution ou de la motion, ayant seulement été informée par le chef Marie qu’une telle motion avait été adoptée. Je ne dispose donc que d’une preuve par ouï‑dire, non corroborée par une autre preuve, que c’est bien cela qui a eu lieu. Il m’est donc impossible de dire, hors de tout doute raisonnable, que les membres du conseil de novembre autres que le chef Victor Marie avaient autorisé l’émission du chèque no 222. En revanche, la preuve montre bien, hors de tout doute raisonnable, que le chef Victor Marie a ordonné l’émission du chèque; il doit assumer la responsabilité et les conséquences qui découlent de ce geste.

 

[60]      M. Norman Starr est dans une posture différente de celle des autres membres du conseil de novembre car il a effectivement signé le chèque no 222. Dois‑je en conclure qu’il a également autorisé le trop‑perçu qui devait être versé aux membres du conseil de novembre? La preuve ne m’autorise pas, selon moi, à tirer cette conclusion hors de tout doute raisonnable. Il se pourrait que M. Starr ait cru que c’était là un chèque de paie légitime et que ce chèque était donc autorisé par les ordonnances. L’ensemble de la preuve donnerait à penser que M. Starr était bien au fait de ce qui se déroulait. Néanmoins, vu que la charge de la preuve est lourde, il faut plus qu’une simple supposition. Il m’est impossible d’affirmer que M. Starr est coupable d’outrage au tribunal au titre du chef no 4 de la requête.

 

[61]      Ayant conclu que des sommes ont été payées aux membres du conseil de novembre sur ce trop‑perçu versé à Mme Tourangeau et que le chef Victor Marie a autorisé l’émission du chèque no 222, je dois maintenant examiner la question de savoir si cela était contraire aux ordonnances du juge Rouleau. Je suis d’avis que la réponse est affirmative. Dans sa première ordonnance en date du 10 janvier 2003, le juge Rouleau précisait que, abstraction faite des paiements pour salaires, aucune autre opération ne devait être effectuée sans le consentement des avocats des deux parties. Dans la seconde ordonnance, datée du 17 janvier 2003, le juge Rouleau autorisait l’émission de chèques en faveur de personnes désignées dans l’annexe de ladite ordonnance. Fait important à noter, les noms des conseillers avaient d’abord figuré sur cette liste, puis avaient été rayés. Dans sa décision du 29 mai 2003, le juge Rouleau précisait clairement que l’ordonnance du 10 janvier 2003 [celle qui gelait les comptes bancaires et n’autorisait que les paiements pour salaires et certaines autres opérations] demeurerait en vigueur jusqu’à l’expiration du délai d’appel.

 

[62]      Ainsi, à la date où le chèque no 222 fut émis, c’est‑à‑dire le 6 juin 2003, les ordonnances interdisaient le paiement de la portion de ce chèque qui fut par la suite transférée à quelques‑uns ou à la totalité des conseillers. En autorisant le paiement de cette somme, le chef Victor Marie a agi contrairement aux ordonnances.

 

[63]      La deuxième question est de savoir si le chef Victor Marie savait qu’il violait les ordonnances de la Cour. Je n’ai aucune hésitation à dire qu’il avait connaissance des ordonnances, ainsi que de la manière dont elles s’appliquaient, et qu’il a agi afin de les contourner. La preuve non contredite montre qu’il a ordonné à Mme Tourangeau de se livrer à cette manœuvre; je suis d’avis que cela reflète indiscutablement une connaissance des ordonnances.

 

[64]      En conclusion, je déclare le chef Victor Marie coupable d’outrage au tribunal car il a violé les ordonnances de la Cour sur ce chef no 4. Cependant, je ne suis pas convaincue hors de tout doute raisonnable que les autres présumés auteurs de l’outrage sont coupables d’outrage au tribunal au titre du chef no 4.

 

8.8  Les chefs nos 5 et 6 de la requête

[65]      Le chef no 5, qui ne vise que M. Don Tourangeau, concerne le chèque no 538 à l’ordre du chef Victor Marie, pour la somme de 4 977,48 $, signé par Don Tourangeau et Connie Benwell et portant la date du 25 avril 2003. Les demandeurs prétendent que le chèque a été antidaté et que M. Don Tourangeau a autorisé, signé et émis ce chèque après le 23 juin 2003, contrevenant ainsi à l’ordonnance du 20 juin. Le chef no 6 est subsidiaire au chef no 5. Dans le chef no 6, les demandeurs prétendent que, si le chèque n’était pas antidaté et s’il a été émis avant le 23 juin 2003, alors Don Tourangeau l’a émis sans obtenir le consentement des avocats des demandeurs comme il y était tenu par l’ordonnance du 10 janvier, celle du 17 janvier et celle du 29 mai.

 

[66]      Ces deux chefs ont été instruits par la juge Heneghan dans la décision Wanderingspirit no 3, relativement à Connie Benwell. Comme je l’ai dit plus haut, la juge Heneghan a déclaré Mme Benwell coupable d’outrage au tribunal au titre du chef no 6. Elle a donc conclu, hors de tout doute raisonnable, que Mme Benwell avait connaissance des ordonnances, avait émis le chèque no 538 au mépris des ordonnances. Cependant, elle n’était pas convaincue que le chèque avait été antidaté.

 

[67]      Une copie certifiée conforme du chèque no 538, tiré sur le compte central de la bande, a été produite en preuve. Après examen des relevés bancaires applicables, je conclus que l’une des signatures apparaissant sur le chèque est celle de M. Don Tourangeau et qu’il était l’un des signataires autorisés pour le compte central. S’agissant de la date du chèque, il n’y a que deux possibilités : soit le chèque a été émis après le 23 juin, puis antidaté, soit il l’a été avant cette date.

 

[68]      Ce chèque a été négocié le 7 juillet 2003 à Edmonton, en Alberta, ce qui donne à penser qu’il a été antidaté, comme les demandeurs le soutiennent dans le chef no 5 de la requête et comme ce fut le cas pour les chèques qui étaient l’objet du chef no 2. Je note cependant qu’il y a d’importantes différences entre ce chèque et ceux dont il est question dans le chef no 2. Les différences sont les suivantes :

 

  • Le chèque no 538 a été signé par Don Tourangeau et Connie Benwell; les chèques mentionnés dans le chef no 2 ont été signés par Norman Starr et Victor Marie.

 

  • Le chèque no 538 portait la date du 25 avril 2003; les chèques mentionnés dans le chef no 2 portaient tous la date du 19 juin 2003.

 

  • Les chèques mentionnés dans le chef no 2 ont tous été déclarés disparus des bureaux de la bande par Mme Barbara McArthur; ce n’est pas le cas du chèque no 538.

 

[69]      Vu ces différences, il est permis de douter que le chèque ait été émis après le 23 juin 2003. Autrement dit, la preuve ne suffit pas à me convaincre que le chèque a été émis après le 23 juin et en contravention de l’ordonnance du 20 juin. Je suis donc d’avis que le chèque a été autorisé et émis avant le 23 juin et qu’il n’a donc pas été émis en violation de l’ordonnance du 20 juin.

 

[70]      Ayant conclu que le chèque no 538 a été émis avant le 23 juin, je dois maintenant me pencher sur la question de savoir si l’émission de ce chèque a été faite contrairement aux ordonnances du 10 et du 17 janvier. Si l’on suppose que le chèque a été émis à la date qu’il indique, c’est‑à‑dire le 25 avril, alors l’ordonnance du 29 mai n’est probablement pas applicable.

 

[71]      Comme je l’ai signalé plus haut, l’ordonnance du 17 janvier donnait des éclaircissements, en ce sens qu’elle désignait les personnes qui pouvaient être payées. Fait important à noter, Victor Marie figurait dans la [traduction] « liste de nos gens qui recevront des chèques de paie, ce qui comprend des engagements tels que le paiement d’honoraires ». À l’exception de Nora Beaver, aucun autre conseiller n’était admissible à un paiement. Ainsi, selon moi, le point de départ de l’analyse concernant le chef no 5 est le fait que les ordonnances n’imposaient pas l’interdiction générale de payer des sommes d’argent au chef Victor Marie. Il avait le droit, selon l’ordonnance du 17 janvier, de recevoir des « chèques de paie », ce qui pouvait englober « des engagements tels que le paiement d’honoraires ».

 

[72]      Au cours de l’audience, j’ai entendu le témoignage de M. Mudalier, à qui l’on avait demandé d’analyser les paiements faits au chef Victor Marie entre le 1er septembre 2002 et le 30 juin 2003. M. Mudalier a fondé ses calculs sur un salaire annuel de base de 78 000 $. Il est arrivé à la conclusion que, durant cette période de 10 mois, le chef Victor Marie avait touché un trop‑perçu de 63 856 $, outre des frais de déplacement non autorisés de 23 784 $. S’agissant du chèque no 538, M. Blackstock a dit au cours de son témoignage qu’il n’avait pas approuvé ce chèque et que, s’il s’agissait d’un chèque de paie, le montant dépassait alors considérablement ce que le chef Victor Marie devait normalement recevoir. Leur témoignage a été clair et n’a pas été mis à mal durant le contre‑interrogatoire. Je peux donc conclure que, puisqu’il comprenait des sommes allant au‑delà de la paie, le chèque no 538 était contraire aux ordonnances des 10 et 17 janvier. Néanmoins, cette conclusion ne signifie pas nécessairement que M. Tourangeau, qui a signé le chèque, savait que ce chèque représentait davantage qu’un chèque de paie ordinaire.

 

[73]      M. Tourangeau était un conseiller qui, comme je l’ai dit, avait connaissance des ordonnances. Néanmoins, en qualité de conseiller, il est possible qu’il n’ait pas été « dans le coup » comme l’était le chef Marie. Parmi les chèques qui m’ont été présentés, celui‑ci était le seul à avoir été signé par M. Tourangeau, alors que plus d’une douzaine l’ont été par le chef Marie et par M. Starr. Je n’ai pas la preuve que M. Tourangeau ait signé d’autres chèques pour le chef Marie durant la période en question; il m’est donc impossible de dire que M. Tourangeau savait que le chef Victor Marie percevait beaucoup plus que son salaire légitime de chef. Je n’ai pas non plus la preuve que M. Tourangeau ait participé à l’instance dans la même mesure que le chef Marie. Tout bien considéré, il m’est impossible d’affirmer, hors de tout doute raisonnable, que M. Tourangeau savait qu’il signait un chèque qui était tout sauf un chèque de paie légitime.

 

[74]      Je sais que cette conclusion ne concorde pas avec la décision Wanderingspirit no 3 de la juge Heneghan pour ce qui concerne Mme Connie Benwell. Mme Benwell était elle aussi une signataire du chèque no 538. Ma conclusion peut sembler contradictoire, mais je dois rendre ma décision d’après la preuve qui a été produite devant moi; je ne sais pas quelle preuve a été produite devant la juge Heneghan. Je dois aussi signaler que j’ai été aidé durant cette audience par l’avocate de M. Tourangeau, qui a contre‑interrogé les témoins et fait ressortir certaines preuves qui n’ont peut‑être pas été mises en relief durant l’affaire antérieure. Mme Benwell n’était pas représentée par un avocat durant l’audience tenue devant la juge Heneghan.

 

[75]      En conclusion, je suis d’avis que M. Don Tourangeau n’est pas coupable d’outrage au tribunal relativement aux chefs nos 5 ou 6.

 

8.9  Les chefs nos 9 et 10 de la requête

[76]      Dans le chef no 9, les demandeurs prétendent que Victor Marie, Norman Starr, Nora Beaver, Michel Bjornson et Don Tourangeau ont violé l’ordonnance du 20 juin en acceptant sciemment des chèques qui avaient été signés après le 23 juin 2003 par Victor Marie et Norman Starr ou par Don Tourangeau et Connie Benwell. Subsidiairement, les demandeurs prétendent, dans le chef no 10, que les chèques concernés avaient été libellés avant le 23 juin 2003, mais que les défendeurs nommément désignés les avaient sciemment acceptés, violant ainsi les ordonnances du 10 janvier, du 17 janvier et du 29 mai. Les chèques concernés étaient les suivants :

 

Cheque no

Date indiquée sur le chèque

Bénéficiaire

Montant

538

25 avril 2003

V. Marie

4 977,48 $

255

19 juin 2003

N. Starr

3 500,00 $

2056

19 juin 2003

N. Starr

7 900,00 $

253

19 juin 2003

M. Bjornson

8 470,90 $

254

19 juin 2003

D. Tourangeau

6 000,00 $

1551

19 juin 2003

V. Marie

8 596,92 $

2055

19 juin 2003

N. Beaver

3 264,83 $

 

[77]      Tous les chèques, à l’exception du chèque no 538, ont été signés par le chef Victor Marie et par M. Norman Starr. Le chèque no 538 a été signé par M. Don Tourangeau et par Mme Connie Benwell.

 

[78]      Je commence par les chèques nos 255, 1551 et 2056 émis à l’ordre de Victor Marie ou de Norman Starr. Comme je l’ai conclu pour le chef no 2, ces chèques font partie des chèques qui ont été émis après le 23 juin 2003 et antidatés au 19 juin. Étant donné que Norman Starr et Victor Marie étaient les signataires de ces chèques, il faut en conclure logiquement qu’ils ont accepté les chèques en connaissance de cause. L’hypothèse qu’ils aient signé les chèques pour ne pas les utiliser ensuite, est très improbable, voire ridicule. Ils connaissaient l’existence des chèques et soit ils les ont déposés, soit ils ont ordonné qu’ils soient déposés. De plus, comme je l’ai signalé plus haut, les deux hommes savaient que l’émission de ces chèques sans une troisième signature était contraire à l’ordonnance du 20 juin. Il s’ensuit qu’ils ont aussi sciemment accepté ces chèques, en violation de l’ordonnance et que M. Starr et le chef Marie ont violé l’ordonnance du 20 juin.

 

[79]      En ce qui concerne le chèque no 538 émis à l’ordre de Victor Marie, j’ai déjà conclu, pour les chefs nos 5 et 6 de la requête, que ce chèque avait été émis avant le 23 juin 2003, contrairement aux ordonnances du 10 janvier et du 17 janvier. Comme je l’ai dit, le chef Victor Marie était, à n’en pas douter, informé des ordonnances. Il a été partie prenante à toutes les étapes du litige. Sa signature apparaît sur la correspondance et sur les documents se rapportant aux diverses instances introduites devant la Cour. Il est clair également que ce chèque a été émis sans le consentement des avocats des demandeurs, contrairement à ce qu’exigeaient les ordonnances, et le chef Victor Marie devait le savoir. Je conclus aussi que le chef Victor Marie a accepté le chèque et qu’il l’a déposé lui‑même ou qu’il a ordonné qu’il le soit. L’ordonnance du 17 janvier l’autorisait à recevoir sa rémunération, y compris ses honoraires, mais la somme qui lui a été payée dépassait largement toute somme raisonnable représentant sa rémunération et ses frais. Pour résumer, je conclus, hors de tout doute raisonnable, que le chef Victor Marie a contrevenu aux ordonnances du 10 janvier et du 17 janvier.

 

[80]      Le reste des chèques mentionnés dans les chefs nos 9 et 10 de la requête présente quelques difficultés. D’abord, je ne dispose d’aucune preuve montrant que les personnes nommément désignées avaient connaissance des chèques ou qu’elles les ont acceptés ou déposés. Il est possible (encore qu’improbable) que les chèques aient été déposés dans les diverses institutions financières sans leur connaissance. Deuxièmement, même si Nora Beaver, Michel Bjornson et Don Tourangeau avaient connaissance des ordonnances, il est possible également qu’ils croyaient que les approbations requises avaient été obtenues pour les chèques émis à leur ordre. On peut imaginer que ces trois personnes, voyant les signatures du chef Marie et de M. Starr sur les chèques, aient pensé qu’ils avaient été validement autorisés et émis.

 

[81]      Il m’est impossible de conclure, hors de tout doute raisonnable, que Nora Beaver, Michel Bjornson et Don Tourangeau ont accepté sciemment les chèques en violation de l’ordonnance du 23 juin.

 

  1. Dispositif

[82]      La requête en déclaration d’outrage déposée contre Nora Beaver, David Gowans, Michel Bjornson, Harvey Lepine, Don Tourangeau et Jeannie Marie‑Jewell est rejetée pour tous les chefs énumérés dans cette affaire.

 

[83]      S’agissant du chef Victor Marie et de M. Norman Starr, je suis d’avis qu’il y a eu outrage au tribunal; plus précisément :

 

a)      le chef Marie et M. Starr ont violé l’ordonnance du 20 juin, comme cela est allégué dans le chef no 2;

 

b)      le chef Marie a violé les ordonnances du 10 janvier, du 17 janvier et du 29 mai, comme cela est allégué dans le chef no 4;

 

c)      le chef Marie et M. Starr ont violé l’ordonnance du 20 juin, comme cela est allégué dans le chef no 9, en acceptant des chèques datés du 19 juin qui en réalité avaient été émis après l’ordonnance du 20 juin;

 

d)      le chef Marie a violé les ordonnances du 10 janvier et du 17 janvier en acceptant le chèque no 538, comme cela est allégué dans le chef no 10.

 

[84]      Une autre audience doit avoir lieu, qui portera sur la question des sanctions à imposer au chef Marie et à M. Starr. Cette audience aura lieu le jeudi 28 septembre 2006, devant la Cour fédérale, à Edmonton, en Alberta, à compter de 9 h 30, heure d’Edmonton. Cette audience ne portera pas sur la sanction à imposer à Mme Connie Benwell conformément à la décision Wanderingspirit no 3; la juge Heneghan reste saisie de cette affaire.

 

[85]      Si les demandeurs ou le chef Marie ou M. Starr souhaitent présenter des conclusions écrites concernant la sanction à imposer (y compris les dépens de la requête en déclaration d’outrage), ils pourront le faire, à condition qu’elles soient signifiées et déposées au plus tard le 31 août 2006.

 

[86]      Vu que cette affaire dure depuis longtemps, et vu que les parties auront trois mois pour se préparer en vue de l’audience relative aux sanctions, la Cour ne serait pas disposée à considérer favorablement une demande d’ajournement, sauf si les circonstances l’exigeaient impérativement.

 

  1. Dépens

[87]      Dans une affaire comme celle‑ci, qui fait intervenir de nombreuses parties et soulève de nombreuses questions, il est difficile de bien répartir les dépens. D’ailleurs, l’issue en est plutôt mitigée; certains défendeurs ont eu totalement gain de cause, et d’autres en partie seulement. Les demandeurs ont réussi en partie à prouver leurs accusations d’outrage au tribunal portées contre M. Starr et le chef Marie. En application de l’article 472 des Règles, la question des dépens auxquels seront condamnées ces deux parties sera examinée en même temps que la sanction qui leur sera imposée.

 

[88]      À ce stade, je me propose d’exposer certaines lignes directrices sur la question des dépens en ce qui a trait aux autres parties. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire en matière d’adjudication de dépens, j’ai tenu compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales.

 

a)      Aucune des parties à la présente instance n’a montré un comportement pouvant justifier une adjudication de dépens avocat‑client.

 

b)      M. Gowans, M. Tourangeau et M. Lepine étaient représentés par des avocats et, comme défendeurs, ils ont obtenu gains de cause. Leurs avocats ont apporté à la Cour une aide considérable sur tous les points litigieux, y compris ceux qui allaient au‑delà de ceux qui touchaient leurs clients. Il est donc juste que leurs dépens soient taxés selon la partie médiane de la colonne IV du Tarif B.

 

c)      Mme Beaver et Mme Bjornson se sont représentées elles‑mêmes. Elles n’ont d’ailleurs guère contribué au bon déroulement de l’instance. Néanmoins, je suis d’avis que leurs débours raisonnables devraient être admis selon une somme fixée à 500 $ pour chacune.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La requête en outrage au tribunal visant Nora Beaver, David Gowans, Michel Bjornson, Harvey Lepine, Don Tourangeau et Jeannie Marie‑Jewell est rejetée;

 

2.      La requête en outrage au tribunal visant Victor Marie, comme il est indiqué dans le chef no 2, le chef no 4, le chef no 9 et le chef no 10, est accordée;

 

3.      La requête en outrage au tribunal visant Norman Starr, comme il est indiqué dans le chef no 2 et le chef no 9, est accordée;

 

4.      J’accorde à David Gowans, Harvey Lepine et Don Tourangeau les dépens, qui seront taxés selon la partie médiane de la colonne IV du Tarif B.

 

5.      J’accorde à Nora Beaver et Michel Bjornson les dépens, fixés pour chacune à la somme de 500 $.

 

6.      Les plaidoiries orales sur les sanctions à imposer seront entendues le jeudi 28 septembre 2006, devant la Cour fédérale, à Edmonton, en Alberta, à compter de 9 h 30, heure d’Edmonton.

 

7.      Pour l’audience relative aux sanctions à imposer, les parties pourront, si elles le souhaitent, présenter des conclusions écrites, à condition qu’elles soient signifiées et déposées au plus tard le 31 août 2006.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 


 

APPENDICE « A »

des motifs d’ordonnance et de l’ordonnance en date du 29 juin 2006

dans l’affaire

 

MELVIN WANDERINGSPIRIT, DELPHINE BEAULIEU, TONI HERON,

RAYMOND BEAVER ET SONNY MCDONALD, en leur qualité de

CONSEILLERS DE LA PREMIÈRE NATION SALT RIVER No 195,

élus le 30 août 2002

 

et

 

VICTOR MARIE, chef incontesté, et NORMAN STARR,

membre incontesté du CONSEIL DE BANDE dûment élu,

NORA BEAVER, DAVID GOWANS, CONNIE BENWELL,

MICHEL BJORNSON, HARVEY LEPINE ET DON TOURANGEAU,

censément élus CONSEILLERS DE LA BANDE lors d’une assemblée tenue

le 3 novembre 2002, ET JEANNIE MARIE‑JEWELL,

agissant en qualité de gestionnaire intérimaire de la bande

 

T‑2007‑02

 

 

DÉTAILS DES AGISSEMENTS CENSÉS CONSTITUER UN OUTRAGE AU TRIBUNAL

 

1.         Victor Marie a négligé ou refusé de restituer aux bureaux de la bande de la Première nation Salt River (la PNSR) les relevés et documents financiers en sa possession ou sous son contrôle, en particulier les chèques se rapportant aux comptes bancaires de la PNSR et les copies de chèques oblitérés se rapportant aux comptes bancaires de la PNSR, contrevenant ainsi aux ordonnances de M. le juge Rouleau en date du 20 juin 2003, et de M. le juge Rothstein en date du 10 juillet 2003, et il est donc coupable d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

2.         Victor Marie et Norman Starr ont autorisé et signé des chèques censément datés du 23 mai 2003 et du 19 juin 2003, faits à l’ordre de Victor Marie, Norman Starr, Don Tourangeau, Michel Bjornson, Jeannie Marie‑Jewell, Tanya Tourangeau, Nora Beaver, Eileen Beaver, Henry Beaver père et Bruce L. Barry, chèques qui, bien que portant une date antérieure au 23 juin 2003, ont en réalité été émis et signés par Victor Marie et Norman Starr après le 23 juin, contrevenant ainsi à l’ordonnance de M. le juge Rouleau en date du 20 juin 2003, et ils sont coupables d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

3.         Subsidiairement, si les chèques dont il est question au paragraphe b) ci‑dessus ont été émis avant le 23 juin 2003, alors Victor Marie et Norman Starr ont transgressé les ordonnances de M. le juge Rouleau datées du 10 janvier et du 17 janvier 2003 et du 29 mai 2003, et ils sont coupables d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998), et cela parce qu’ils ont émis à l’ordre desdites personnes des chèques portant les dates du 23 mai 2003 ou du 19 juin 2003, sans obtenir au préalable l’assentiment des avocats des demandeurs, contrevenant ainsi auxdites ordonnances.

 

4.         Victor Marie, Nora Beaver, David Gowans, Norman Starr, Michel Bjornson, Harvey Lepine et Don Tourangeau ont autorisé l’émission d’un chèque d’environ 8 000 $ (huit mille dollars), daté du 6 juin 2003, fait à l’ordre de Tanya Tourangeau, chèque qui était censé constituer sa rémunération, mais qui en réalité constituait en partie sa rémunération et en partie le paiement de sommes représentant les honoraires des conseillers censément élus le 3 novembre 2002, et cela sans l’assentiment des avocats des demandeurs, transgressant ainsi les ordonnances de M. le juge Rouleau en date du 10 et du 17 janvier 2003 et du 29 mai 2003, et ils sont coupables d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

5.         Don Tourangeau a autorisé et signé un chèque censément daté du 25 avril 2003, fait à l’ordre de Victor Marie, chèque qui, bien que portant une date antérieure au 23 juin 2003, a en réalité été émis et signé après le 23 juin 2003, contrevenant ainsi à l’ordonnance de M. le juge Rouleau datée du 20 juin 2003, et il est coupable d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

6.         Subsidiairement, si le chèque dont il est question au paragraphe (5) a été émis avant le 23 juin 2003, Don Tourangeau a transgressé les ordonnances de M. le juge Rouleau en date du 10 et du 17 janvier 2003, et du 29 mai 2003, et il est coupable d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b), pour avoir émis un chèque à l’ordre de Victor Marie, portant la date du 25 avril 2003, sans obtenir au préalable l’assentiment des avocats des demandeurs, contrairement auxdites ordonnances.

 

7.         Jeannie Marie‑Jewell a sciemment accepté des chèques antidatés censément émis avant le 23 juin 2003, signés par Victor Marie et Norman Starr, au nom de la PNSR, chèques qui en réalité avaient été libellés et émis après le 23 juin 2003, contrevenant ainsi à l’ordonnance de M. le juge Rouleau portant la date du 20 juin 2003, et elle est coupable d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

8.         Subsidiairement, Jeannie Marie‑Jewell a transgressé les ordonnances de M. le juge Rouleau portant les dates du 10 et du 17 janvier 2003 et du 29 mai 2003, en acceptant sciemment des chèques signés par Victor Marie et Norman Starr au nom de la PNSR, chèques qui représentaient le paiement de créances autres que des salaires, ou subsidiairement le paiement de salaires dépassant 3 000 $ (trois mille dollars), contrevenant ainsi auxdites ordonnances, et elle est coupable d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

9.         Victor Marie, Norman Starr, Don Tourangeau, Michel Bjornson et Nora Beaver ont accepté sciemment des chèques signés après le 23 juin 2003 par Victor Marie et Norman Starr ou par Don Tourangeau et Connie Benwell, contrevenant ainsi à l’ordonnance de M. le juge Rouleau datée du 20 juin 2003, et ils sont coupables d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) ou de l’alinéa 466c) des Règles des Cours fédérales (1998).

 

10.       Subsidiairement, Victor Marie, Norman Starr, Don Tourangeau, Michel Bjornson et Nora Beaver ont accepté sciemment des chèques signés par Victor Marie et Norman Starr, ou par Don Tourangeau et Connie Benwell, portant les dates du 25 avril ou du 19 juin 2003, sans l’assentiment des avocats des demandeurs, contrevenant ainsi aux ordonnances de M. le juge Rouleau datées des 10 et 17 janvier et du 29 mai 2003, et ils sont coupables d’outrage au tribunal en vertu de l’alinéa 466b) ou de l’alinéa 466c) des Règles des Cours fédérales (1998).


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑2007‑02

 

INTITULÉ :                                       MELVIN WANDERINGSPIRIT ET AUTRES c. VICTOR MARIE ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE:                Les 1er et 2 mai 2006

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

  ET ORDONNANCE :                     La juge Snider

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 juin 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Christopher Harvey, c.r.

Chris J. Watson

 

POUR LES DEMANDEURS

Bruce Logan

POUR LE DÉFENDEUR David Gowans

 

Vicki Giannacopoulos

POUR LE DÉFENDEUR Don Tourangeau

 

Barry J. Massing

 

Victor Marie

 

Norman Starr

 

Nora Beaver

 

Michel Bjornson Turnbull

 

POUR LE DÉFENDEUR Harvey Lepine

 

POUR LUI‑MÊME

 

POUR LUI‑MÊME

 

POUR ELLE‑MÊME

 

POUR ELLE‑MÊME

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

MacKenzie Fujisawa

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

Dobko Logan Innes & Hougestol

Grande Prairie (Alberta)

 

McLennan Ross LPP

Edmonton (Alberta)

 

Hendrickson Gower Massing Olivieri LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR David Gowans

 

 

POUR LE DÉFENDEUR Don Tourangeau

 

 

POUR LE DÉFENDEUR Harvey Lepine

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.