Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050711

Dossier : IMM-9503-04

Référence : 2005 CF 970

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL

ENTRE :

                                                                  HUI PING XU

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la formation) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) a conclu, le 19 octobre 2004, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » conformément aux définitions figurant aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C., 2001, ch. 27 (la LIPR), et ce, parce qu'il était une personne visée à l'alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention) et à l'article 170 de la LIPR. Le demandeur sollicite, soit une ordonnance enjoignant à la formation de rendre une décision conforme aux directives données par la Cour; soit, subsidiairement, l'annulation de la décision et le renvoi de sa demande devant une formation différente pour que celle-ci rende une nouvelle décision conformément aux directives que la Cour jugera appropriées.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                La formation a-t-elle commis une erreur en statuant sur la crédibilité du demandeur, a-t-elle rendu une décision fondée sur des conclusions de fait ou de droit erronées, a-t-elle commis une erreur dans son application de la clause d'exclusion prévue à l'alinéa 1Fb) de la Convention, ou a-t-elle par ailleurs omis d'observer un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale en arrivant à la conclusion que le demandeur était interdit de territoire?

CONCLUSION

[3]                La formation n'a pas commis d'erreur importante justifiant l'intervention de la Cour. La décision est solidement fondée sur une interprétation raisonnable des faits et la conclusion selon laquelle le stratagème frauduleux auquel le demandeur s'est prêté constituait un crime grave de droit commun est bien fondée.


HISTORIQUE

[4]                Le demandeur, Hui Ping Xu (M. Xu ou le demandeur), est un ressortissant chinois âgé de 55 ans. Il revendique le statut de réfugié parce qu'il serait soupçonné de corruption par les autorités chinoises.

[5]                M. Xu travaillait comme chef des achats pour la Shanghai First Lumber Factory (la société) en Chine depuis 1978. En 1995, le patron de M. Xu, M. Guo Guang Chen (M. Chen), lui a demandé de majorer le prix du bois reçu d'environ 20 à 30 renminbis par mètre carré (le prix gonflé ou la majoration). Selon une politique de la société, M. Chen était autorisé à imputer 4 p. 100 du prix d'achat du bois reçu sur son compte de dépenses; par conséquent, si le prix d'achat augmentait, M. Chen obtenait un montant plus élevé.

[6]                M. Xu s'est conformé à cette demande; toutefois, il affirme avoir cru honnêtement que M. Chen utilisait ce compte de frais majoré afin de mettre en marché la société d'une façon plus intense et, par conséquent, d'augmenter le chiffre d'affaires. Ce n'est qu'au mois de janvier ou de février 1998 que M. Xu s'est rendu compte qu'en réalité, M. Chen utilisait à des fins personnelles l'argent tiré de la majoration des prix.

[7]                M. Xu a continué à préparer les factures en indiquant des prix gonflés pendant cinq ou six autres mois environ, puis il a demandé un congé pour des raisons de santé. En l'an 2000, M. Chen lui a demandé de démissionner, ce qu'il a fait.

[8]                En 2003, la société, qui faisait face à des difficultés financières, a procédé à une vérification et découvert que les prix avaient été gonflés. Au mois de septembre 2003, après avoir entendu dire que le service des poursuites du tribunal du peuple de la ville de Shanghaï enquêtait sur les majorations au sein de la société, M. Xu, qui craignait que M. Chen le blâme pour les irrégularités financières, a obtenu un visa temporaire lui permettant de venir au Canada et est parti.

[9]                À la fin du mois de novembre 2003, la famille de M. Xu en Chine a reçu une assignation ordonnant à M. Xu de comparaître devant le tribunal économique de la ville de Shanghaï pour répondre à des questions portant sur des allégations de corruption et de pratiques frauduleuses portées contre lui.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[10]            La demande d'asile de M. Xu a été entendue le 26 juillet 2004; la formation a rendu une décision défavorable le 19 octobre 2004.

[11]            La formation a conclu que M. Xu n'était pas crédible lorsqu'il a affirmé n'avoir appris que M. Chen détournait les fonds tirés des prix gonflés que lors d'un dîner auquel il avait participé avec certains fournisseurs de la société, au début de l'année 1998. La formation a jugé que la version que M. Xu a donnée des événements qui s'étaient produits lors du dîner n'était pas convaincante. Les fournisseurs semblaient avoir fait des commentaires fort généraux. M. Xu a également admis avoir eu l'impression dès le début que la majoration des prix était irrégulière. En outre, compte tenu du poste occupé par M. Xu au sein de la société, la formation a conclu qu'il était difficile de croire que M. Xu ne se soit pas rendu compte plus tôt que M. Chen détournait les fond tirés des prix gonflés. La formation a conclu que la version des événements que M. Xu avait donnée était probablement fabriquée de toutes pièces, ou embellie par celui-ci pour se protéger. En outre, M. Xu a continué d'occuper son poste pendant une période additionnelle de six mois avant de prendre un congé de maladie pour des raisons qui n'ont pas convaincu la formation (à savoir qu'il n'est pas facile de changer d'emploi en Chine).

[12]            Le congé de maladie lui-même soulevait un problème aux yeux de la formation. Les certificats médicaux utilisés par M. Xu pour obtenir le congé de maladie avaient été remis à celui-ci par un médecin qui [TRADUCTION] « lui devait une faveur » . M. Xu avait donné au médecin des matériaux de construction, ce que - selon lui - la société l'autorisait à faire de temps en temps. Pour la formation, il s'agissait là d'un indice que M. Xu avait déjà été impliqué dans des manoeuvres frauduleuses, de sorte que sa version des événements était encore moins vraisemblable.


[13]            La formation a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu'il était raisonnable de croire que M. Xu avait été impliqué dans des infractions économiques d'une nature suffisamment grave pour être exclu en application de l'alinéa 1Fb) de la Convention et de l'article 170 de la LIPR. La demande d'asile a donc été rejetée.

LES ARGUMENTS DES PARTIES

Le demandeur

[14]            Le demandeur soutient que la formation a commis une erreur en concluant qu'il était raisonnable de croire qu'il participait sciemment à l'activité frauduleuse et au détournement de fonds dès le mois d'août 1995, lorsqu'il a commencé à participer à la majoration des prix facturés. Selon le demandeur, la preuve démontre clairement que même s'il hésitait au sujet des majorations, il ne croyait pas que celles-ci étaient illicites étant donné qu'il pensait que M. Chen agissait au mieux des intérêts de la société. M. Xu ne s'est rendu compte qu'il était complice d'une activité illégale qu'au cours de la période allant du mois de janvier 1998 au mois de mai ou de juin de la même année, alors qu'il a essayé de réduire autant que possible sa complicité en évitant de préparer les factures. Dans son exposé, le demandeur cite de nombreux exemples montrant que, pendant toute la durée de l'audience, la formation s'est méprise sur ce point. Selon le demandeur, cette conclusion de fait erronée vicie la totalité de l'analyse effectuée par la formation.


[15]            Le demandeur affirme en outre que la formation a commis une erreur en contestant sa crédibilité parce qu'il n'avait pas tenté de [TRADUCTION] « se protéger » en prenant des copies des fausses factures ou en rassemblant par ailleurs des éléments de preuve pour se défendre contre les autorités. Le demandeur affirme que cela indique un état d'esprit subjectif auquel on ne pouvait pas s'attendre de sa part : en premier lieu, il ne s'est pas rendu compte que son activité permettait à M. Chen d'utiliser les fonds illégalement et, en second lieu, il ne pouvait absolument pas savoir que les dossiers de la société feraient l'objet d'une vérification environ cinq ans plus tard.

[16]            La conclusion relative au faux certificat médical n'était pas pertinente pour ce qui est du crime économique et la formation a interprété d'une façon erronée la manière dont le demandeur avait été mis au courant de l'activité illégale de M. Chen (en effet, le demandeur affirme qu'il n'y a pas eu de dîner). La formation a tiré de nombreuses conclusions de fait erronées qui touchent à l'essentiel des conclusions qu'elle a tirées au sujet de la crédibilité, lesquelles sont donc manifestement déraisonnables.


[17]            Le demandeur soutient en outre que la formation a interprété d'une façon erronée la clause d'exclusion figurant à l'alinéa 1Fb) de la Convention. Plus précisément, le demandeur fait valoir qu'en concluant que le crime économique dont M. Xu avait été accusé pouvait être considéré comme une infraction parallèle selon le paragraphe 36(1) de la LIPR, la formation a ignoré certains critères énoncés par le juge Kelen dans l'arrêt Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1023, confirmé par 2004 CAF 250, à savoir le fait qu'il n'avait pas de casier judiciaire et qu'il n'avait pas tiré profit personnellement de la fraude. Ce sont des circonstances atténuantes qui auraient dû être prises en considération.


[18]            Enfin, le demandeur soutient qu'une lecture juste de l'ensemble des clauses d'exclusion figurant dans la LIPR donne à entendre que pour rejeter une demande d'asile, il faut non seulement tirer une conclusion de grande criminalité, mais il faut également conclure que la personne concernée constitue un danger pour le public. La formation a eu de la difficulté à comprendre cet argument; elle a informé le demandeur (pages 200 et 201) qu'étant donné qu'elle ne prévoyait pas établir un parallèle entre un crime grave de droit commun et la grande criminalité définie à l'article 36 de la LIPR, l'avocat du demandeur n'avait pas à présenter d'observations écrites sur ce point. Toutefois, il s'agit de la raison précise pour laquelle la formation a rejeté la demande d'asile dans sa décision (voir la page 7 des motifs de la formation). Le fait d'informer l'avocat qu'il est inutile de soumettre des observations sur un point particulier et de tirer ensuite des conclusions de fait défavorables sur ce point constitue une violation de l'équité procédurale : voir par exemple Velauthar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 425 (C.A.F.); Bondarenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 306 (C.F.); Sivamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 408 (1re inst.); Murji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 148 (C.F.).

Le défendeur

[19]            Le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, (le ministre ou le défendeur) soutient que, contrairement aux prétentions du demandeur, les conclusions de fait tirées par la formation étaient raisonnables. La formation peut tirer des conclusions au sujet de la crédibilité en se fondant sur des contradictions, des incohérences et des invraisemblances ainsi que l'absence de détails dans le récit du demandeur, soit des éléments qui étaient tous présents ici. La formation n'a pas ignoré le témoignage du demandeur selon lequel ce dernier n'était pas au courant des activités illégales de M. Chen; elle a conclu plutôt que ce témoignage était incohérent et invraisemblable étant donné, en premier lieu, que M. Xu avait admis qu'il savait dès le début que M. Chen demandait des majorations additionnelles afin d'augmenter son compte de dépenses et, en second lieu, que les explications fournies par M. Xu au sujet de la façon dont il avait été mis au courant du caractère illicite de l'activité étaient vagues et incohérentes. M. Xu n'a pas pu fournir non plus d'autres explications au sujet de la raison pour laquelle il a poursuivi l'activité pendant une période additionnelle de cinq ou six mois après s'être rendu compte qu'elle était illégale (même si ce n'est qu'au début de l'année 1998 qu'il s'est rendu compte de la chose).

[20]            Le défendeur affirme que la formation a tenu compte correctement de toutes les circonstances du dossier. La formation a conclu correctement qu'il était raisonnable de croire que M. Xu était impliqué dans un stratagème qui avait coûté à la société plus d'un million de dollars canadiens sur une période de cinq ans, de sorte qu'il s'agissait d'une infraction grave passible, selon le Code criminel du Canada, d'une peine d'emprisonnement maximale de dix ans.

[21]            Enfin, la formation a évalué de la façon appropriée le caractère grave de ce crime de droit commun. Contrairement aux assertions du demandeur, la formation a permis à l'avocat de celui-ci de présenter de longues observations à l'audience au sujet de la façon dont la clause d'exclusion devait être interprétée. La formation était habilitée, après avoir entendu les observations, à retenir sa propre interprétation du droit. En outre, selon le défendeur, l'interprétation donnée par la formation est conforme aux décisions judiciaires qui font autorité au Canada.

ANALYSE

La norme de contrôle

[22]            La norme de contrôle qui s'applique aux affaires d'exclusion visées par la Convention a été analysée par le juge Décary dans l'arrêt Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 27 Imm. L.R. (3d) 1 (C.A.F.) (Harb), paragraphe 14 :


Ces conclusions, dans la mesure où elles sont factuelles, ne peuvent être révisées que si elles sont erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section du statut disposait (c'est l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale qui établit cette norme de contrôle, qu'en d'autres juridictions on définit par l'expression « manifestement déraisonnable » ). Ces conclusions, dans la mesure où elles appliquent le droit aux faits de la cause, ne peuvent être révisées que si elles sont déraisonnables. Ces conclusions, dans la mesure où elles interprètent le sens de la clause d'exclusion, peuvent être révisées si elles sont erronées. (Sur la norme de contrôle : voir Shrestha c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2002] A.C.F. no 1154, 2002 CFPI 887, juge Lemieux, aux paragraphes 10, 11 et 12.)

[23]            Dans l'arrêt Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),[2004] 2 C.F. 372 (C.F.), le juge Kelen a ajouté une analyse de la norme de contrôle applicable lorsqu'une personne est exclue explicitement en application de l'alinéa 1Fb) de la Convention parce qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle a détourné des fonds dans son pays d'origine (paragraphe 19).

En premier lieu, la norme de la décision manifestement déraisonnable s'appliquera aux conclusions de fait du tribunal ainsi qu'à sa conclusion concernant la crédibilité.

En deuxième lieu, pour conclure qu'il existe des raisons sérieuses de penser que la demanderesse a détourné des fonds, la Section des réfugiés devait appliquer le droit aux faits de l'affaire. Il s'agit d'une question à la fois de droit et de fait qui sera évaluée en fonction de la norme de la décision raisonnable simpliciter : Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 289, au paragraphe 12.

En troisième lieu, la norme de la décision correcte s'appliquera à la conclusion de la Section des réfugiés selon laquelle une infraction purement économique peut constituer un crime grave de droit commun, car l'interprétation des dispositions de la Convention est une question de droit : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux paragraphes 42 à 50. [...]


[24]            L'évaluation de la crédibilité de M. Xu que la formation a faite sera donc examinée selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. La conclusion de la formation selon laquelle il existait des raisons sérieuses de croire que M. Xu était activement impliqué dans le détournement de fonds sera examinée selon la norme de la décision raisonnable. Ces deux premières conclusions sont liées d'une façon inextricable et je les examinerai ensemble. Enfin, la conclusion de la formation selon laquelle le crime commis par M. Xu constituait un « crime grave de droit commun » conformément à l'alinéa 1Fb) de la Convention sera évaluée selon la norme de la décision correcte.

a) La crédibilité de M. Xu et la participation au stratagème visant la majoration des prix

[25]            La formation a conclu que M. Xu n'était pas crédible en ce qui concerne l'allégation selon laquelle il n'aurait pas su, pendant près de trois ans (du milieu de l'année 1995 au début de l'année 1998), que M. Chen utilisait illégalement les majorations qu'il lui avait demandé de faire pour les achats du bois reçu :

[TRADUCTION] Le demandeur a reconnu qu'il avait ressenti depuis le début que le gestionnaire avait l'intention de commettre une fraude et un détournement de fonds. [...] À l'audience, le demandeur a expliqué que c'était mal de gonfler les montants des achats, mais qu'il devait faire ce qu'on lui demandait. Voilà une aveu qui indique qu'il était au courant dès le départ du caractère illicite de la majoration des prix du bois.


[26]            L'examen de la transcription étaye pleinement ces conclusions. Le demandeur a exprimé l'avis selon lequel le stratagème était [TRADUCTION] « mauvais » et que la société et les employés seraient [TRADUCTION] « perdants » (voir le dossier du demandeur, pages 54 et 55). En donnant ces réponses, le demandeur a démontré qu'il comprenait clairement le stratagème et ses conséquences pour la société et les autres employés. De telles réponses constituent clairement des aveux dont le décideur doit tenir compte. Il serait manifestement déraisonnable de ne pas le faire. Le demandeur a démontré également qu'il savait parfaitement que l'argent n'allait pas à ceux qui y avaient droit (en effet, tous les profits étaient partagés normalement entre les employés et la société). Le demandeur a sans aucun doute essayé d'éviter d'admettre qu'il connaissait le caractère illicite du stratagème, mais son témoignage doit être interprété à la lumière de ce qui y est dit, et il était raisonnable pour la formation de conclure que M. Xu connaissait le caractère illicite de l'activité. Il importe également de noter que le rôle de M. Xu dans le stratagème était essentiel à son succès; sans lui, le stratagème n'aurait pas pu fonctionner.

[27]            Il a été allégué que M. Xu se livrait à une manoeuvre frauduleuse parce qu'il avait pu se procurer un faux certificat médical l'autorisant à prendre un congé de maladie de la société. La formation n'a pas cru les explications de M. Xu sur les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas partir plus tôt (c'est-à-dire au début de l'année 1998, lorsqu'il s'est rendu compte que M. Chen détournait les fonds) étant donné que la formation a noté qu'un autre employé était parti en même temps sans recourir à un tel certificat. Cette inférence a été faite à bon droit, étant donné qu'elle tend à indiquer que le comportement du demandeur permettait de conclure qu'il était au courant du stratagème et de son caractère illégal.

[28]            Eu égard aux circonstances, la conclusion de la formation selon laquelle M. Xu n'était pas crédible est fondée sur des conclusions de fait raisonnables et la formation a énoncé ses motifs en des termes clairs et non équivoques.


b) L'alinéa 1Fb) de la Convention : « crime grave de droit commun »

[29]            Pour conclure qu'une infraction purement économique pouvait être considérée comme étant visée par les dispositions d'exclusion prévue par la LIPR, la formation a suivi l'analyse effectuée par le juge Kelen dans l'arrêt Xie, précité. Cette approche a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1142 (C.A.F.), paragraphe 40. La lecture de la décision indique qu'après s'être demandée si le stratagème constituait un crime grave de droit commun, la formation a décrit le stratagème et la participation du demandeur, au moyen de conclusions différentes quant à la crédibilité. Le demandeur affirme que la formation aurait dû mentionner qu'il n'avait pas de casier judiciaire et qu'il n'avait tiré aucun gain du stratagème. Encore une fois, une lecture complète et adéquate de la décision de la formation montre que les motifs de la conclusion de cette dernière qu'un tel stratagème constituait un crime grave de droit commun étaient valables et fondés solidement sur une jurisprudence faisant autorité. Il faut également se rappeler qu'au Canada, une fraude de plus d'un million de dollars commise à l'encontre d'une société serait sans aucun doute traitée comme un crime grave. La décision de la formation reflète bien la chose.


L'équité procédurale

[30]            La formation a donné à l'avocat du demandeur une plus ample occasion de soumettre des observations au sujet de la qualification comme grave du présumé crime commis par son client. En fin de compte, la formation était habilitée à retenir sa propre interprétation des décisions judiciaires faisant autorité plutôt que celle du demandeur, en particulier dans ce cas-ci où la décision de la formation était tout à fait conforme aux précédents. La formation a suivi de la façon appropriée l'exemple de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale en décidant que la qualification d'un crime comme « grave » pour l'application de l'alinéa 1Fb) de la Convention peut être tranchée en tenant compte de la peine maximale qui aurait été infligée si le crime avait été commis au Canada : Xie, précité (aux deux paliers); Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 390 (C.A.F.).

[31]            Par conséquent, compte tenu de l'interprétation que je fais de la décision, et puisque j'ai eu la possibilité d'examiner la preuve et d'entendre les avocats des deux parties, la seule conclusion que je puisse tirer est qu'il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir.

[32]            On a demandé aux parties si elles voulaient proposer une question à certifier et elles ont répondu par la négative.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

- La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n'est certifiée.

                       « Simon Noël »                                                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                IMM-9503-04

INTITULÉ:                                                                 HUI PING XU

c.

LE MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                      Le 5 juillet 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    Le juge NOËL

DATE DES MOTIFS :                                              Le 11 juillet 2005

COMPARUTIONS :

M. Shane Molyneaux                                                 Pour le demandeur

M. Keith R. Reimer                                                    Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon et associés                                        Pour le demandeur

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                      Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada                        

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.