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Date : 20210617


Dossier : T-1440-20

Référence : 2021 CF 618

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2021

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

PREMIÈRE NATION ALEXANDER,

CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION ALEXANDER,

GEORGE ARCAND FILS, KEVIN ARCAND,

CHRIS ARCAND, MARTY ARCAND,

HEATHER JENNINGS, AUDRA ARCAND,

ET SCOTT BURNSTICK

demandeurs

et

KURT BURNSTICK, IVY BRUNO,

ERIC ARCAND, KAREN KOOTENAY,

JACOB THOMPSON, MICHEAL CALLIHOO,

TAMMIE BRUNO, KAILEY AMOR,

KYLA BRUNO, RILEY HARRISON,

LEO KEITH, YVONNE AMOR, ET LYNN ARCAND

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 1er novembre 2020 par un comité d’appel, nommé en vertu du Alexander First Nation Band Custom Election Regulations [le Règlement électoral], concernant l’élection du 25 septembre 2020 [l’élection] du chef et du conseil de la Première Nation Alexander [la PNA]. Le Comité d’appel a conclu que les candidats aux postes de chef et de conseillers n’avaient pas été élus en conformité avec le Règlement électoral, de sorte qu’une nouvelle élection était nécessaire.

Contexte

[2] La PNA est une bande au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5. Ses élections sont régies par le Règlement électoral, qui a été adopté par la PNA en 1987.

[3] Les demandeurs sont la PNA, le conseil de la PNA, et le chef et les conseillers élus le 25 septembre 2020. Les défendeurs sont les appelants dans les appels relatifs à l’élection. Toutefois, seulement trois des défendeurs, à savoir Kurt Burnstick, Ivy Bruno et Eric Arcand, ont participé au contrôle judiciaire.

[4] En vertu du Règlement électoral, le conseil est composé d’un chef et de six conseillers, qui sont nommés pour une période de trois ans. Ils sont tenus de déclencher une élection au moins trente jours avant la date de sa tenue habituelle (c’est-à-dire à la fin de leur mandat). À ce moment-là, le chef et le conseil sont également tenus de nommer un président d’élection et des membres du Comité d’appel en matière électorale. Le Comité d’appel doit être composé de personnes qui ne sont pas membres de la PNA.

[5] Le 25 août 2020, les anciens chef et conseil de la PNA ont nommé Loretta Pete-Lambert à titre de présidente d’élection [la présidente d’élection] et trois membres du Comité d’appel.

[6] L’élection était prévue pendant la pandémie de COVID-19. Avant l’élection, la présidente d’élection a affiché les restrictions liées à la COVID-19 qui seraient en place pendant le vote. Elle a également apporté plusieurs modifications au processus de vote. Plus important encore aux fins du présent contrôle judiciaire, la présidente d’élection a décidé d’utiliser un système électronique de comptabilisation des votes déposés en faveur des conseillers afin de limiter le contact avec les bulletins et de réduire la nécessité pour le personnel de se rassembler pendant une longue période pour comptabiliser les votes. Ainsi, bien que le Règlement électoral prévoie que chaque bulletin doit être marqué d’un « x » à côté du nom du candidat pour lequel l’électeur a l’intention de voter, les électeurs ont plutôt reçu comme instruction d’indiquer leur choix en remplissant un ovale à côté du nom du candidat de leur choix.

[7] Le Règlement électoral définit également les « électeurs », c’est-à-dire les personnes qui ont le droit de voter. Cette définition prévoit qu’un électeur doit être âgé d’au moins 21 ans, être membre de la PNA et être un résident habituel ou avoir résidé dans la réserve de la PNA pendant au moins un mois. Toute personne qui conteste le nom d’un électeur figurant sur la liste électorale ou qui croit que son nom devrait figurer sur la liste électorale peut demander au président d’élection de trancher la question à n’importe quel moment, jusqu’à 20 h le jour de l’élection. Le Règlement électoral prévoit également que le président d’élection n’est lié par aucune règle de preuve et que sa décision est définitive et exécutoire.

[8] Le vote a eu lieu le 25 septembre 2020 au centre communautaire de la PNA. Soixante-trois électeurs potentiels, qui se sont présentés au centre communautaire, mais qui ne figuraient pas sur la liste électorale, ont été autorisés à faire des déclarations solennelles attestant leur résidence. Ces déclarations solennelles ont été faites devant l’avocat interne de la PNA, Me Brooks Arcand-Paul, un commissaire à l’assermentation.

[9] À l’issue du scrutin, les bulletins de vote pour le chef ont été comptés manuellement, tandis que les bulletins déposés en faveur des conseillers ont été comptabilisés de façon électronique. La présidente d’élection a préparé un état des résultats de l’élection, daté du 25 septembre 2020. Des 533 bulletins de vote remplis, trois bulletins pour le chef et deux bulletins pour les conseillers ont été rejetés. M. George Arcand a été élu chef avec 308 voix, le défendeur Kurt Burnstick a obtenu 208 voix et un troisième candidat a obtenu 37 voix. Kevin Arcand (249 voix), Chris Arcand (218 voix), Marty Arcand (167 voix), Heather Jennings (165 voix), Audra Arcand (164 voix) et Scott Burnstick (158 voix) ont été élus comme conseillers. Les défendeurs Eric Arcand et Ivy Bruno ont obtenu 86 et 73 voix, respectivement. L’état des résultats indique également que l’élection [traduction] « [p]rend effet immédiatement pour une période de trois ans se terminant le 25 septembre 2023 ».

[10] À la suite de l’élection, treize appels ont été interjetés devant le Comité d’appel. Le 23 octobre 2020, le Comité d’appel a envoyé une lettre à chaque appelant, les informant que le Comité d’appel avait prévu une [traduction] « date de l’audition de l’appel », soit le 28 octobre 2020, à une heure donnée. Les lettres indiquaient le lieu de l’audience et donnaient aux appelants la possibilité de comparaître en personne ou par Zoom. Le dossier certifié du tribunal [DCT] contient peu d’autres éléments de preuve au sujet du processus du Comité d’appel. Il n’y a aucun enregistrement, aucune note ou transcription d’une audience ou d’une instance tenue le 28 octobre 2020 ou autre.

[11] L’affidavit de Me Arcand-Paul, établi sous serment le 5 mai 2021 [l’affidavit de Me Arcand-Paul] et joint en tant que pièce I aux notes de l’appel téléphonique du 22 octobre 2020 qu’il a eu avec l’ancienne présidente du Comité d’appel, Mme Sherri Turner (qui a plus tard démissionné et a été remplacée par Mme Kellie Wuttunee). Ces notes indiquent que la présidente a informé Me Arcand-Paul que treize appels avaient été interjetés, que ceux-ci devaient être entendus le 28 octobre 2020 et que la présidente d’élection serait interrogée. Les notes indiquent que Me Arcand-Paul a posé des questions au sujet du contenu des appels, et la réponse de la présidente concernant la communication de la nature ou de la question des appels était qu’elle [traduction] « [n]e le fera pas pour le moment. Le conseiller juridique l’a déconseillé. » En ce qui concerne la communication à la collectivité de renseignements sur les appels, les notes indiquent que c’est [traduction] « [n]on à la communication de renseignements à la collectivité. Le Comité d’appel aimerait respecter l’impartialité. Des invitations aux audiences pour les parties concernées seront envoyées demain [...] ». De plus, en ce qui concerne la question de savoir si la PNA était en mesure de présenter des observations écrites, la réponse enregistrée est [traduction] « Non, pas approprié ».

[12] Le 23 octobre 2020, le chef et le conseil ont distribué une [traduction] « Mise à jour sur l’appel de l’élection ». La mise à jour contient en grande partie les mêmes renseignements que les notes de Me Arcand-Paul concernant l’appel téléphonique de la veille avec la présidente du Comité d’appel :

[traduction]

MISE À JOUR SUR L’APPEL DE L’ÉLECTION

Le 23 octobre 2020

Le chef et le conseil ont reçu une mise à jour concernant l’appel de l’élection. Voici un sommaire des renseignements fournis :

1) Le Comité en matière électorale est saisi de 13 appels.

2) Les audiences sont provisoirement prévues pour le 28 octobre 2020, sous réserve de conflits d’horaire.

3) Les détails des audiences seront envoyés aux parties concernées d’ici le vendredi 23 octobre 2020.

4) Le Comité d’appel rendra sa décision finale d’ici le 2 novembre 2020, sous réserve de conflits d’horaire.

5) Le Comité d’appel a été avisé par son conseiller juridique indépendant de ne pas divulguer à la Nation de renseignements relatifs aux questions ou à la nature des appels.

6) Le Comité d’appel a également déclaré que seules les observations des parties concernées par les appels seront acceptées.

[...]

[13] Le 1er novembre 2020, le Comité d’appel a envoyé sa décision à la PNA et aux appelants. Le Comité d’appel a accueilli l’appel pour trois motifs, comme nous le verrons plus loin. Le Comité d’appel n’a pas indiqué que d’autres motifs seraient fournis.

[14] Le 4 novembre 2020, le chef et le conseil nouvellement élus de la PNA ont convoqué une assemblée des membres au cours de laquelle la décision du Comité d’appel a fait l’objet de discussions. Selon le témoignage des demandeurs, la nette majorité des membres présents appuyaient une contestation judiciaire de la décision, confirmaient leur appui au chef et au conseil nouvellement élus et s’opposaient à la tenue d’une nouvelle élection.

[15] Le 13 novembre 2020, le chef et le conseil ont adopté une résolution du conseil de bande [RCB] à cet effet. La RCB comprend une déclaration selon laquelle le chef et le conseil avaient reçu un avis juridique indiquant que la décision du Comité d’appel était incorrecte, illégale, inéquitable sur le plan procédural et déraisonnable, et qu’ils avaient, sur cette base, décidé d’en demander le contrôle judiciaire. La RCB prévoit que des instructions seront données au conseiller juridique en conséquence, qu’un sursis à l’exécution de la décision du Comité d’appel sera demandé en attendant l’issue du recours en contrôle judiciaire, qu’aucune élection ne sera tenue, et que le chef et le conseil élus le 25 septembre 2020 continuent d’occuper leur poste en attendant l’issue dudit recours.

[16] Le 16 novembre 2020, après que le chef et le conseil aient décidé de demander le contrôle judiciaire de la décision du Comité d’appel, ce dernier a publié un rapport final, qui fournit des résumés des éléments de preuve présentés dans le cadre des appels et l’analyse du Comité d’appel qui sous-tend sa décision.

[17] La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 26 novembre 2020. Le chef et le conseil élus le 25 septembre 2020 continuent de gouverner et aucune nouvelle élection (conformément à la décision du Comité d’appel) n’a été tenue.

Décision faisant l’objet du contrôle

[18] La décision du 1er novembre 2020 du Comité d’appel est reproduite dans son intégralité ci-dessous :

[traduction]

Par courriel

À l’attention de : Chef et conseil de la Première Nation Alexander

Madame, Monsieur,

Objet : Décision concernant l’appel de l’élection de la Première Nation Alexander

Le Comité d’appel pour l’élection de septembre 2020 de la Première Nation Alexander (le Comité) est nommé par le chef et le conseil de la Première Nation Alexander, conformément au Alexander First Nation Band Custom Election Regulations (le Règlement).

Le Comité conclut que les candidats aux postes de chef et de conseillers n’ont pas été élus en conformité avec le Règlement, et que la présidente d’élection doit tenir une assemblée de mise en candidature et une élection pour le ou les postes vacants, conformément au Règlement.

Le Comité conclut que les dispositions suivantes du Règlement n’ont pas été appliquées dans le cadre de cette élection :

En vertu de l’article vingt-deux (22), toute personne qui se présente pour voter se verra remettre, sur confirmation de son statut d’électeur par le président d’élection ou son adjoint, un (1) bulletin pour inscrire son vote. Le président d’élection ou son adjoint paraphe chaque bulletin au moment de le donner à l’électeur. Le Comité estime que le recours à soixante-trois (63) déclarations solennelles n’a pas permis de prouver efficacement à la présidente d’élection qu’une personne a vécu dans la réserve au moins un mois avant l’élection, car un commissaire à l’assermentation n’est pas tenu d’examiner une preuve de résidence avant de signer. Par conséquent, l’article 22 du Règlement a été violé.

Conformément à l’article vingt-trois (23), chaque bulletin est marqué d’un « x » à côté du nom du ou des candidats pour lesquels l’électeur a l’intention de voter et cette instruction doit être clairement affichée au lieu du vote par le président d’élection. Le Comité conclut que l’outil électronique de comptabilisation utilisé pendant l’élection n’a pas permis l’utilisation d’un « x » pour choisir les candidats au Comité, car l’équipement exigeait qu’une bulle ovale soit remplie pour pouvoir compter les résultats des bulletins. Si la bulle ovale n’était pas remplie, le bulletin était rejeté, de sorte qu’inscrire un « x » dans la bulle n’aurait pas permis de compter le vote, et, ainsi, l’article vingt-trois (23) du Règlement a été violé.

Conformément à l’article trente-cinq (35), le Règlement ne peut être modifié que si cinquante et un pour cent (51 %) des électeurs de la Première Nation Alexander donnent leur appui en signant une pétition. Une assemblée est convoquée pour discuter des modifications. Le Comité conclut que les bulletins pour les candidats au poste de chef ont été comptés manuellement et qu’un « x » aurait dû être inscrit à côté du nom des candidats, mais que les bulletins étaient identiques à ceux pour le conseil et comprenaient des instructions claires pour remplir une bulle ovale. Par conséquent, l’article trente-cinq (35) du Règlement a été violé.

Néanmoins, aucune modification n’a été apportée au Règlement, par la signature d’une pétition par cinquante et un pour cent (51 %) des électeurs, afin d’approuver l’utilisation d’un outil électronique de comptabilisation.

Le Comité est pleinement conscient des risques liés à la pandémie mondiale et aux dépenses financières qu’engendrerait une nouvelle élection pour la Première Nation Alexander. Toutefois, les préoccupations des appelants étaient valides et la protection du droit de la Première Nation Alexander est essentielle. En tant que comité, nous avons la responsabilité de tirer une conclusion et de rendre une décision dans les cinq (5) jours suivant les audiences d’appel en vertu du Règlement.

Le Comité rappelle à la présidente d’élection qu’elle doit tenir une assemblée de mise en candidature et une élection pour le ou les postes vacants, conformément au Règlement, si le Comité conclut que les candidats n’ont pas été choisis en conformité avec le Règlement.

Le Comité a joint plusieurs recommandations à l’intention du chef et du conseil, ainsi que de la présidente d’élection à prendre en compte avant la tenue d’une nouvelle élection.

Cordialement,

Kellie Wuttunee

Présidente du Comité d’appel en matière électorale

Recommandations

1. Le Comité recommande à la présidente d’élection d’utiliser le vote au moyen d’un « x » jusqu’à ce que cinquante et un pour cent (51 %) des électeurs apportent des modifications au Règlement.

2. Le Comité recommande que la présidente d’élection utilise un affidavit pour vérifier si les électeurs se trouvent dans la réserve, car les déclarations solennelles ne permettent pas de vérifier efficacement si une personne vit dans la réserve.

3. Le Comité recommande à la Première Nation Alexander d’établir un délai précis pour tenir d’une élection après qu’un comité d’appel conclue qu’une nouvelle élection est nécessaire. À l’heure actuelle, le Règlement ne prévoit pas de délai précis pour tenir une nouvelle élection. Le Comité recommande qu’une élection ait lieu dans les trente (30) jours suivant les présentes.

4. Le Comité recommande à la Première Nation Alexander de choisir un autre président d’élection si une deuxième élection doit être tenue après l’accueil d’un appel, car cela garantirait aux électeurs que la nouvelle élection est tenue en conformité avec le Règlement.

Régime législatif

[19] Les dispositions les plus pertinentes du Règlement électoral sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.

Questions en litige

[20] À mon avis, les questions à trancher dans le cadre de la présente demande peuvent être ainsi formulées :

Question préliminaire : certaines parties de l’affidavit sont-elles inadmissibles au motif qu’elles constituent un ouï-dire, une opinion ou un argument?

  1. Le processus du Comité d’appel était-il équitable sur le plan procédural?
  2. La décision du Comité d’appel était-elle raisonnable?
  3. Si le processus était inéquitable ou que la décision était déraisonnable, quelle réparation devrait être accordée?

Norme de contrôle

Position des demandeurs

[21] Les demandeurs citent le libellé de l’article 30 du Règlement électoral à l’appui de leur argument selon lequel le choix législatif de la PNA de prévoir un droit d’appel laisse entendre que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique en l’espèce, et ils renvoient à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] de la Cour suprême du Canada. Les demandeurs soutiennent également que la norme de contrôle d’appel s’applique aussi et que la Cour a « toute latitude pour substituer son opinion à celle [du Comité d’appel] » (citant Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 au para 8). À titre subsidiaire, les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique également en l’espèce.

[22] Les demandeurs soutiennent que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale.

Position des défendeurs

[23] Les défendeurs soutiennent que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique aux questions de fond, que la norme de contrôle de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale, et, contrairement à la position des demandeurs, qu’il ne s’agit pas d’un appel prévu par la loi. À cet égard, les défendeurs font remarquer que les demandeurs indiquent dans leur avis de demande qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire. Les défendeurs décrivent l’article 30 du Règlement électoral comme une clause privative, et non comme une disposition conférant un droit d’appel, et soutiennent que le seul recours dont disposent les demandeurs est une demande de contrôle judiciaire, et que, même s’il s’agissait d’un appel prévu par la loi, il ne pouvait être fondé que sur des questions de droit, et non sur des questions de fait. Par conséquent, les questions de fond soulevées par les demandeurs ne pourraient pas être tranchées dans le cadre d’un appel prévu par la loi.

Analyse

[24] Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada a conclu que la norme de la décision raisonnable est présumée s’appliquer chaque fois qu’un tribunal contrôle une décision administrative (Vavilov, aux para 16, 23 et 25). Cette présomption peut être réfutée dans deux cas. Le premier est lorsque le législateur a prescrit la norme de contrôle applicable ou lorsqu’il a prévu un mécanisme d’appel, indiquant ainsi son intention que la cour de révision recoure aux normes applicables en appel (Vavilov, aux para 17 et 33). Le deuxième est lorsque la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. C’est le cas pour certaines catégories de questions, soit les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, aux para 17 et 53).

[25] L’article 30 du Règlement électoral prévoit ce qui suit :

[traduction]

30. Le Comité d’appel instruit l’appel dans les trente (30) jours suivant le dépôt de l’avis d’appel, et il rend sa décision dans les cinq (5) jours suivant l’instruction. Le Comité d’appel n’est pas lié par les règles ordinaires de la preuve. La décision du Comité d’appel est définitive et exécutoire. Les appels interjetés devant un tribunal judiciaire ne peuvent porter que sur une question de droit, non sur une question de fait.

[26] On peut soutenir qu’il s’agit de l’intention législative de la PNA, qui se manifeste par la présence d’un mécanisme d’appel à l’encontre d’une décision administrative et qui prévoit l’exercice d’une fonction d’appel au regard d’une telle décision (Vavilov, au para 36), et que, par conséquent, la cour saisie de l’appel devrait recourir aux normes applicables en appel pour contrôler la décision du Comité d’appel (Vavilov, aux para 37, 44 et 45).

[27] Toutefois, lorsqu’il est question du rôle que joue le mécanisme d’appel prévu par la loi dans l’analyse du choix de la norme de contrôle applicable, la Cour suprême a également déclaré ce qui suit dans l’arrêt Vavilov :

[52] Troisièmement, nous soulignons que les droits d’appel conférés par la loi sont souvent circonscrits : leur portée peut être restreinte en fonction des types de questions sur lesquelles une partie peut interjeter appel (par exemple, lorsque le droit d’appel ne vise que des questions de droit), ou en fonction du type de décision susceptible d’être portée en appel (lorsque, par exemple, certaines décisions d’un décideur administratif sont sans appel devant une cour de justice), ou bien en fonction de la partie ou des parties qui peuvent porter la cause en appel. La présence d’un droit d’appel circonscrit dans le cadre d’un régime législatif ne fait pas obstacle en soi aux demandes de contrôle judiciaire visant des décisions ou des questions qui ne sont pas visées par le mécanisme d’appel, ni aux recours intentés par des personnes qui n’ont aucun droit d’appel.

[Non souligné dans l’original.]

[28] De plus, dans la décision Yellowdirt c Comité d’appel en matière électorale de la première nation Alexander, 2013 CF 26 [Yellowdirt], la Cour a examiné le Règlement électoral de la PNA et a déclaré que les décisions du Comité d’appel sont « susceptible[s] d’appel ou de révision » (au para 35).

[29] En l’espèce, dans leur avis de demande, les demandeurs présentent explicitement une demande de contrôle judiciaire en vertu des articles 18, 18.1 et 28 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, plutôt que d’interjeter appel conformément à une certaine disposition législative, soit, en l’espèce, l’article 30 du Règlement électoral. De plus, les demandeurs demandent un jugement déclaratoire, notamment une déclaration portant que le Comité d’appel a manqué aux exigences d’équité procédurale et que sa décision était incorrecte et déraisonnable. Les demandeurs sollicitent également une ordonnance annulant la décision et [traduction] « enjoignant au Comité d’appel, en vertu de l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, de rejeter les appels et de confirmer l’élection », et, subsidiairement, d’ordonner qu’une autre formation réexamine les appels.

[30] À mon avis, il est très clair que les demandeurs ont choisi de contester la décision du Comité d’appel par voie de contrôle judiciaire, et non par voie d’appel prévu par la loi. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à la question de fond est celle de la décision raisonnable.

[31] La cour de révision qui applique la norme de la décision raisonnable doit « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, aux para 15 et 99). Lorsqu’une décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti, elle est raisonnable et la cour de révision doit faire preuve de déférence envers une telle décision (Vavilov, au para 85).

[32] La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24 au para 79; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). De plus, comme je l’ai déjà déclaré dans la décision Morin c Nation crie d’Enoch, 2020 CF 696 [Morin] :

[21] [...] La cour qui apprécie un argument relatif à l’équité procédurale doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances, y compris à l’égard des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC) (Baker), et, en mettant nettement l’accent sur la nature des droits substantiels concernés et les conséquences pour la personne, si un processus juste et équitable a été suivi (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, au par. 54 (Canadien Pacifique)).

[22] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers le décideur administratif. De plus, il revient à la cour de révision d’établir si les droits à l’équité procédurale du demandeur ont été violés (Canadien Pacifique, aux par. 33 à 56; Elson c Canada (Procureur général), 2019 CAF 27, au par. 31; Connolly c Canada (Revenu national), 2019 CAF 161, au par. 57).

Question préliminaire : certaines parties l’affidavit sont-elles inadmissibles au motif qu’elles constituent un ouï-dire, une opinion ou un argument?

Position des demandeurs

[33] Les demandeurs n’abordent pas ce point comme une question distincte dans leurs observations. Toutefois, ils soutiennent dans leur plaidoyer que certaines parties de l’affidavit en réponse de Kurt Burnstick, établi sous serment le 10 mai 2021 [l’affidavit de M. Burnstick], constituent du ouï-dire, plus précisément le témoignage de M. Burnstick qui confirme l’importance historique et culturelle de l’inscription d’un « x » sur les bulletins de vote. Les demandeurs soutiennent que ces éléments de preuve sont anonymes, qu’il s’agit de ouï-dire et qu’ils sont donc inadmissibles pour étayer la véracité de leur contenu. Les demandeurs font également remarquer que cette preuve historique est présentée pour la première fois dans le cadre du contrôle judiciaire et qu’il s’agit d’une tentative inadmissible d’étayer le dossier.

Position des défendeurs

[34] Les défendeurs affirment que les demandeurs tentent également d’étayer le dossier au moyen de leur preuve par affidavit. Les défendeurs soutiennent que presque toutes les observations des demandeurs concernant le caractère raisonnable de la décision reposent sur la preuve contenue dans les affidavits des demandeurs, et non sur le dossier dont disposait le Comité d’appel. Les défendeurs soutiennent que la preuve des demandeurs concernant le bien-fondé de la décision devrait être écartée ou radiée.

[35] Les défendeurs soutiennent également que les demandeurs donnent une mauvaise interprétation de la preuve par affidavit de M. Burnstick. Cette preuve constitue un résumé des observations qu’il a présentées au Comité d’appel. Même s’il s’agit d’un ouï-dire, elle est admissible, puisqu’elle démontre les éléments de preuve dont disposait le Comité d’appel, plutôt que la véracité de son contenu. De plus, M. Burnstick précise dans son affidavit qu’il a témoigné devant le Comité d’appel qu’il était présent lors de l’adoption du Règlement électoral. Par conséquent, sa preuve par affidavit, qui traite de l’intention de la PNA, relève de sa connaissance personnelle et ne constitue pas du ouï-dire.

Analyse

[36] En principe, la cour saisie d’une demande de contrôle judiciaire ne peut examiner que le dossier de preuve dont disposait le décideur. Les éléments de preuve qui n’ont pas été présentés au décideur et qui portent sur le fond de l’affaire sont, à quelques exceptions près, inadmissibles (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20; Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263 au para 35).

[37] La première exception est un affidavit qui contient des renseignements généraux susceptibles d’aider la Cour à comprendre les questions qui se rapportent au contrôle judiciaire, mais il faut s’assurer que l’affidavit ne va pas plus loin en fournissant des éléments de preuve se rapportant au fond de la question déjà tranchée par le décideur administratif. La deuxième exception est une preuve qui porte à l’attention de la cour de révision des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de preuve du décideur administratif, permettant ainsi à la Cour de s’acquitter de son rôle d’organe chargé de censurer les manquements à l’équité procédurale. La troisième exception est une preuve qui fait ressortir l’absence totale de preuve dont disposait le décideur administratif lorsqu’il a tiré une conclusion donnée.

[38] Suivant le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, la preuve par affidavit se limite aux faits dont le déposant a une connaissance personnelle. De plus, l’affidavit a pour but d’énoncer des faits pertinents quant au litige « sans commentaires ni explications », y compris une opinion ou des arguments (Canada (Procureur général) c Quadrini, 2010 CAF 47 au para 18).

[39] En l’espèce, le Comité d’appel a déposé un DCT conformément à l’article 318 des Règles. Toutefois, le DCT ne contient pratiquement aucun élément de preuve dont disposait le Comité d’appel au moment de rendre sa décision. Outre les avis d’appel et deux messages texte partiels de Kurt Burnstick à Casey Auigbelle, qui ont été présentés par Kurt Burnstick, le dossier ne comprend que des communications entre le Comité d’appel, les appelants et d’autres personnes au sujet des heures et des dates d’audience et qui indiquent que les appels ne doivent pas être rendus publics. Il n’y a ni note d’audience ni dossier des observations présentées aux audiences d’appel. Face à ce vide, dans une certaine mesure, toutes les parties tentent d’étayer le dossier au moyen de leur affidavit ou d’expliquer la décision du Comité d’appel. Bien que compréhensible, la preuve par affidavit ne peut être utilisée à ces fins.

[40] En ce qui concerne l’affidavit de M. Burnstick, puisqu’il n’y a ni transcription ni enregistrement de l’instance devant le Comité d’appel, il n’y a aucun moyen de confirmer que le [traduction] « résumé des renseignements [qu’il] a fournis au Comité d’appel » (affidavit de M. Burnstick, au paragraphe 22) décrit fidèlement ce qu’il a présenté au Comité d’appel. Plus important encore, l’explication de M. Burnstick quant à l’importance historique alléguée de l’exigence d’inscription d’un « x » sur les bulletins n’est pas particulièrement pertinente aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire. Il en est ainsi parce que la décision du Comité d’appel ne renvoie aucunement à cet argument et qu’il n’y a aucune raison de croire que sa conclusion était fondée sur ce point. Le Comité d’appel a plutôt déclaré que, [traduction] « [s]i la bulle ovale n’était pas remplie, le bulletin était rejeté, de sorte qu’inscrire un “x” dans la bulle n’aurait pas permis de compter le vote, et, ainsi, l’article vingt-trois (23) du Règlement a été violé ». Mis à part l’erreur factuelle potentielle dont il sera question plus loin, cette conclusion n’appuie pas le fait que le Comité d’appel s’est fondé sur l’importance historique alléguée d’inscrire un « x » sur les bulletins.

[41] De plus, dans le rapport final, publié après la décision, le Comité d’appel a renvoyé à l’argument évident de M. Burnstick selon lequel, lorsqu’il était plus jeune, il avait été présent à une assemblée des rédacteurs du Règlement électoral et que l’intention d’utiliser un « x » était importante et était la volonté des aînés. Toutefois, le Comité d’appel a conclu qu’en l’absence de tout document écrit sur l’interprétation du Règlement électoral et l’utilisation d’un « x », le renvoi de M. Burnstick à l’objet du « x » [traduction] « ne pouvait être pris en compte avec un quelconque poids ». Dans la mesure où l’affidavit de M. Burnstick remet en question le bien-fondé de la décision du Comité d’appel sur ce point, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve.

[42] Pris dans son ensemble, l’affidavit de M. Burnstick contient d’autres renseignements qui ne sont pas pertinents au présent contrôle judiciaire ou qui constituent une preuve d’opinion. Par conséquent, j’accorde peu de poids à ces parties de l’affidavit. Je fais remarquer qu’en plus de l’affidavit de M. Burnstick, les défendeurs ont produit les affidavits d’Eric Arcand, d’Ivy Bruno, de Marcel Paul, de Cheryl Savoie, de Sheldon Arcand et d’Anita Arcand.

[43] Les demandeurs ont produit les affidavits de Loretta Pete-Lambert, du chef George Arcand fils., de Chris Arcand, de Kevin Arcand, de Brooks Arcand-Paul, d’Audra Arcand, de Heather Jennings, de Marty Arcand et de Scott Burnstick. Les affidavits de la présidente d’élection et de Me Arcand-Paul contiennent leurs avis respectifs sur l’interprétation appropriée du Règlement électoral. Cela équivaut à un argument juridique ou à une opinion. De plus, certains affidavits des demandeurs fournissent des éléments de preuve qui portent sur le fond de la décision, mais qui ne sont pas consignés au dossier, comme l’attestation de la présidente d’élection selon laquelle les bulletins marqués d’un « x » étaient toujours comptés. J’accorde peu de poids à cet élément de preuve.

[44] Toutefois, dans la mesure où la preuve par affidavit des demandeurs fait ressortir des vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier ou l’absence de preuve dont disposait le décideur, cette preuve est admissible parce qu’elle porte sur des manquements à l’équité procédurale.

Question 1 : Le processus du Comité d’appel était-il équitable sur le plan procédural?

Position des demandeurs

[45] Les demandeurs soutiennent que le Comité d’appel a manqué à l’équité procédurale en ne donnant aucun avis d’appel à la PNA ou aux nouveaux chef et conseil, et en ne permettant pas à la PNA, au chef et au conseil ou à la communauté de participer aux appels, de connaître la nature des appels, la preuve et les arguments, ou de présenter des observations.

[46] Les demandeurs font remarquer que l’équité procédurale commande au minimum de remettre un avis valable à la personne dont les intérêts sont en jeu afin qu’elle soit au courant des allégations qui pèsent contre elle et qu’elle ait une possibilité raisonnable de répondre à ces allégations et de se faire entendre par le décideur avant qu’il ne rende une décision. En outre, cette coutume ne saurait l’emporter sur les exigences d’équité procédurale. L’équité procédurale s’applique même si le Règlement électoral ne dit rien des garanties procédurales précises conférées à la personne dont les intérêts sont en jeu. Les demandeurs soutiennent que, étant donné qu’ils sont tenus de quitter leur emploi au moment de leur élection, leurs intérêts sont en jeu et qu’ils ont droit à l’équité procédurale.

[47] Les demandeurs soutiennent également que le Comité d’appel a violé leurs droits fondamentaux à l’équité procédurale : en ne donnant aucun avis d’appel au chef et au conseil, malgré le fait que leurs postes nouvellement élus auraient été mis en péril par les appels; en refusant d’accorder à la PNA la qualité pour agir, même si l’interprétation et l’application de ses lois et pratiques électorales étaient en cause; en s’opposant à ce que la PNA présente des observations; en menant le processus d’appel à huis clos et en entendant uniquement les appelants. Les demandeurs soutiennent que ces violations rendent nul l’ensemble de l’instance et que, par conséquent, la décision devrait être annulée.

Position des défendeurs

[48] Les défendeurs soutiennent que le processus du Comité d’appel était équitable. Ils affirment que la PNA a participé à l’appel. Le rapport final indique que le Comité d’appel a parlé à la présidente d’élection et à l’administrateur de la PNA. Par conséquent, [traduction] « les représentants de la PNA ont fourni une preuve détaillée et ont eu la possibilité de répondre à toutes les questions soulevées par les appels ».

[49] Les défendeurs soutiennent que les particuliers demandeurs étaient au courant des appels, comme en témoigne le fait que le chef et le conseil ont distribué la mise à jour à la communauté sur l’état des appels. Étant donné que les demandeurs avaient été réellement avisés des appels, aucun avis officiel ou invitation à participer n’était requis. Les défendeurs soutiennent également que, parce que les particuliers demandeurs n’ont pas contesté leur manque de participation à l’époque, ils ont renoncé à leur capacité d’alléguer un manquement à l’équité procédurale dans la présente demande.

[50] Enfin, les défendeurs soutiennent que les demandeurs ne peuvent pas simultanément alléguer qu’ils n’ont pas bénéficié d’un processus équitable sur le plan procédural et que le dossier est suffisamment complet pour que la Cour n’ait pas à renvoyer l’affaire au décideur. Selon les défendeurs, les demandeurs doivent démontrer que le manquement à l’équité procédurale était important et aurait eu une incidence sur le résultat.

Analyse

[51] À mon avis, il est incontestable qu’il existait une obligation d’équité procédurale envers les demandeurs – en tant que chef et conseil, et en tant que membres individuels nouvellement élus du conseil.

[52] Les demandeurs soutiennent qu’ils sont touchés pour des motifs liés à l’emploi, plus précisément que le Règlement électoral les obligeait à quitter leur emploi antérieur immédiatement après leur élection. À mon avis, il s’agit d’un aspect sous-jacent ou secondaire de l’existence de l’obligation parce que la décision du Comité d’appel pourrait faire en sorte que les postes des demandeurs en tant que chef et conseil nouvellement élus soient libérés, ce qu’elle a fait. Ainsi que la Cour l’a récemment déclaré dans l’affaire Halcrow c Première Nation Kapawe’no, 2021 CF 219 [Halcrow], qui examine l’équité procédurale dans un contexte similaire :

[57] Comme elles ont été élues, les demanderesses avaient un intérêt personnel de premier ordre, plus que dans celui de tout autre membre de la PNK, dans tout éventuel réexamen des résultats de l’élection par le Comité d’appel. À lui seul, ce fait rehausse fortement le degré d’équité procédurale qui leur est dû. Les demanderesses avaient le droit d’être informées de manière adéquate de la preuve présentée pour contester leurs élections, et elles auraient dû avoir la possibilité de présenter leurs observations avant qu’une décision allant à l’encontre de leurs intérêts ne soit prise.

(Voir aussi Ledoux c Première Nation de Gambler, 2019 CF 1465 au para 25 [Ledoux II].)

[53] En ce qui concerne le contenu de l’obligation d’équité procédurale, comme je l’ai déjà déclaré dans la décision Morin :

[32] La notion d’équité procédurale est éminemment variable, et son contenu est tributaire du contexte particulier et des circonstances de chaque cas (Baker, au par. 21). La question de savoir si l’obligation d’équité procédurale a été respectée dans un cas donné dépend de la nature de la décision recherchée, de la nature du régime législatif et des termes de la loi régissant l’organisme administratif, de l’importance de la décision, des attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et du choix de procédure du décideur (Baker, aux par. 23 à 27).

[33] Je souligne également que, de façon plus générale, l’arrêt Baker, au paragraphe 28, énonce ce qui suit :

Les valeurs qui sous-tendent l’obligation d’équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

[34] Fait important, l’avis et la possibilité de présenter des observations ont été qualifiés d’exigences les plus fondamentales de l’obligation d’équité (Orr c Première Nation de Fort McKay, 2011 CF 37, au par. 12 (Orr); Gadwa, aux par. 48 à 53). De plus, la Cour d’appel fédérale a affirmé que, « [p]eu importe la déférence qui est accordée aux tribunaux administratifs en ce qui concerne l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire de faire des choix de procédure, la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre » (Canadien Pacifique, au par. 56).

[54] Comme l’affirme la juge Kane dans la décision Weekusk c Wapass, 2014 CF 845 [Weekusk] :

[78] L’équité procédurale commande au minimum de remettre un avis valable à la personne dont les droits et les intérêts sont en jeu afin qu’elle soit au courant des allégations précises qui pèsent contre elle et qu’elle ait une possibilité raisonnable de répondre à ces allégations et de se faire entendre par le décideur avant qu’il ne rende une décision définitive.

[55] À mon avis, la décision précédente de la Cour dans l’affaire Yellowdirt est également révélatrice puisqu’elle examinait l’équité procédurale dans un appel interjeté en vertu du même Règlement électoral. Dans cette affaire, le demandeur demandait le contrôle judiciaire de la décision du Comité d’appel rejetant son appel d’une élection. Le demandeur avait interjeté appel des résultats de l’élection pour un certain nombre de motifs, y compris que les défendeurs avaient acheté des votes et que l’exigence en matière de résidence contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés.

[56] La Cour a fait remarquer que le Règlement électoral de la PNA ne dit rien sur les pouvoirs et les procédures du Comité d’appel, par exemple, les avis à donner ou le déroulement des audiences. Toutefois, dans cette affaire, le président du Comité d’appel avait estimé qu’il appartenait au demandeur de produire des preuves convaincantes démontrant, selon la prépondérance des probabilités, le bien-fondé de ses allégations et avait expliqué que les personnes visées par ces preuves pourraient souhaiter assister aux audiences et contredire par leur propre témoignage celui du demandeur (au paragraphe 34). La Cour a conclu ce qui suit :

[35] Le Comité d’appel a été investi des compétences juridictionnelles habituelles. Il se prononce en dernier ressort sur des questions de fait, y compris sur la crédibilité, ainsi que sur des questions de droit. Sa décision, susceptible d’appel ou de révision, peut éventuellement entraîner l’annulation d’une élection. Le président du Comité d’appel avait en outre compris qu’il appartenait au demandeur de produire des témoignages de vive voix et qu’il était en droit de contre‑interroger les témoins. C’est le propre d’un tribunal judiciaire.

[36] C’est dire que les principes fondamentaux de justice naturelle s’appliquent afin d’assurer que la procédure se déroule de manière équitable et que puissent être entendus tous les témoignages présentés devant le Comité, et susceptibles d’influer, de manière directe ou indirecte, sur la décision à venir.

[37] Le président a, en l’espèce, manqué à l’équité procédurale en communiquant en privé avec deux témoins importants visés par de graves allégations de pratiques électorales frauduleuses qui auraient consisté, selon le témoignage de M. Bruno, à faciliter l’émission, par l’administration de la Bande, d’un chèque de 1 300 $ en échange de votes. Lors des conversations en question, des questions importantes ont été abordées : [traduction] « On a discuté des allégations et évoqué le témoignage de M. Bruno, et les deux défendeurs, MM. Paul et Burnstick, ont nié les allégations et refusé de comparaître à l’audience et de témoigner. » Ces éléments de preuve essentiels ont été communiqués directement au président, mais n’ont été communiqués directement ni aux deux autres membres du Comité, ni au demandeur, ni au public. S’il est vrai que le président a fait part, aussi bien au demandeur qu’aux autres membres du Comité, des conversations qu’il a eues, cela ne remédie pas au manquement qui a été commis. Ces renseignements essentiels n’ont pas pu être examinés publiquement comme ils auraient dû l’être, et le demandeur n’a pas eu la possibilité de vérifier, lors d’un contre‑interrogatoire, la version livrée par les deux individus en question. Si le président du Comité d’appel a entendu se montrer équitable envers les défendeurs, MM. Paul et Burnstick, en leur communiquant le témoignage de M. Bruno, il a été injuste envers le demandeur. Les témoignages contradictoires auraient dû être livrés en audience publique, là où ils pouvaient être entendus de tous. Il est impossible de savoir l’influence que ces conversations ont pu exercer sur les membres du Comité d’appel, mais en pareille situation, un observateur neutre éprouverait de sérieux doutes quant à l’objectivité du processus décisionnel.

[38] Le manquement est d’une gravité telle que la Cour ne saurait retenir l’argument portant que le demandeur ne s’est pas opposé aux communications privées que le président du Comité d’appel a eues avec les défendeurs, MM. Paul et Burnstick, et qu’il aurait même demandé au président de communiquer avec eux, car le comportement subséquent du président n’est tout simplement pas acceptable. Il convient par ailleurs de souligner, en ce qui concerne ces deux questions, l’existence d’éléments de preuve contradictoires. Le président d’un tribunal administratif qui communique en privé avec des témoins n’exerce pas correctement ses fonctions et n’agit pas dans l’intérêt de la justice.

[39] Le processus judiciaire a pour objectif essentiel, pour garantir l’intégrité du processus judiciaire, d’assurer que tous les éléments de preuve sont présentés publiquement afin qu’ils puissent être entendus par les parties concernées qui sont ainsi à même de les vérifier dans le cadre des procédures applicables. Il est, pour le chef, pour le Conseil de bande et pour les membres de la bande, de la plus haute importance que la justice soit administrée avec impartialité, dans le respect de la primauté du droit. L’honnêteté et la loyauté des élections préservent la démocratie de la bande de la Première Nation Alexander. Le tribunal administratif créé afin de veiller à la vitalité de la démocratie doit agir dans l’équité et la transparence afin de garantir l’inviolabilité des résultats électoraux. Le tribunal n’a pas, en l’occurrence, assumé cette responsabilité.

[Non souligné dans l’original.]

[57] Contrairement au processus adopté par le Comité d’appel en l’espèce, dans l’affaire Yellowdirt, le comité d’appel nommé a indiqué que toutes les personnes touchées pouvaient assister et participer aux audiences d’appel. Le processus décrit dans l’affaire Yellowdirt n’appuie pas non plus l’argument des défendeurs selon lequel les appels antérieurs d’élection de la PNA ont été menés sans la participation du chef et du conseil dont les postes étaient susceptibles d’être libérés. De plus, en tout état de cause, tout manquement antérieur à l’équité procédurale ne justifie pas le non-respect des exigences en la matière en l’espèce.

[58] De plus, même si le Règlement électoral ne dit rien sur le processus d’appel d’une élection, comme les avis à donner et le déroulement des audiences, le Comité d’appel n’est pas pour autant libéré de son obligation de respecter l’exigence d’équité procédurale. Comme il est déclaré dans la décision Weekusk :

[75] Il est vrai que la loi électorale de la Première Nation Thunderchild ne traite pas de l’obligation d’aviser la personne qui est désignée dans une plainte ou dont les intérêts sont en jeu ni de la nécessité de la faire participer au processus, mais il s’agit là, sur le plan de l’équité procédurale, de droits fondamentaux que le silence de la loi applicable ne peut éclipser.

[59] En outre, le comité d’appel a choisi, dans cette affaire, d’entendre le témoignage des appelants. Dans Ledoux II, la Cour a discuté des exigences d’équité procédurale découlant d’une telle décision :

[26] La Première Nation soutient que le Comité des élections s’est acquitté de son devoir d’équité envers les demandeurs en rendant sa décision. Je ne suis pas d’accord. Comme la Cour suprême l’a fait remarquer dans l’arrêt Baker, au paragraphe 22 :

[...] les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

[27] L’avocat de la Première Nation soutient que ni la Loi électorale, ni aucune loi applicable, ni la common law n’exigent la tenue d’une audience d’appel. C’est possible, mais le Comité des élections a décidé d’entendre des témoignages. Le Comité des élections a ainsi reconnu qu’une preuve additionnelle était nécessaire pour rendre sa décision. En privant les demandeurs de la possibilité de contester la preuve d’Albert Tanner et de présenter une contre‑preuve, le Comité des élections a violé les règles fondamentales d’équité procédurale, à savoir le droit de connaître la preuve à réfuter et le droit d’être entendu. Dans les circonstances, la conclusion du Comité des élections en ce qui concerne l’accusation de corruption doit être annulée.

[60] Morin, Yellowdirt, Weekusk et Ledoux II, ainsi que beaucoup d’autres décisions, appuient toutes la proposition selon laquelle, à tout le moins, un avis et une possibilité de présenter des observations dans le cadre d’un forum public étaient nécessaires dans un tel contexte.

[61] En l’espèce, les demandeurs indiquent dans leurs affidavits que le Comité d’appel ne leur a pas fourni d’avis d’appel, et qu’on ne leur a pas fourni les détails des appels ou qu’ils n’ont pas été autorisés à participer de quelque façon que ce soit au processus d’appel.

[62] De plus, le dossier ne contient rien qui démontre que les demandeurs ont été avisés des audiences, qu’ils savaient que l’affaire devait être entendue ou qu’ils ont eu la possibilité de présenter des observations.

[63] Le Comité d’appel a envoyé des lettres à chacun des appelants pour les informer de la date et de l’heure de l’audience d’appel, les inviter à apporter tous leurs documents originaux et tout élément de preuve pertinent cité dans leurs documents d’appel, et les aviser que l’audience pourrait avoir lieu en personne au Yellowhead Tribal College ou par Zoom. Aucune copie de ces lettres n’a été envoyée aux demandeurs. De plus, rien dans le dossier n’indique que les demandeurs ont été informés de l’heure exacte de chaque audience d’appel ou du lieu de l’audience, et qu’ils ont reçu un lien Zoom pour accéder aux audiences. Les audiences semblent avoir été des interrogatoires individualisés et aucun élément de preuve n’indique que les membres de la communauté et de l’administration de la PNA, ou le chef et le conseil pouvaient y assister.

[64] En ce qui concerne la connaissance qu’avaient les demandeurs des appels, comme il est mentionné plus haut, aucun élément de preuve n’indique que le Comité d’appel a fourni un avis des appels aux demandeurs. De plus, il n’y a aucune trace dans le DCT de la conversation téléphonique du 22 octobre 2020 entre Me Arcand-Paul et la présidente du Comité d’appel de l’époque. Toutefois, selon les notes de Me Arcand-Paul, le conseiller juridique avait recommandé au Comité d’appel de ne pas communiquer la nature des questions soulevées dans les appels. Les notes indiquent également que l’information ne serait pas communiquée à la communauté afin de [traduction] « respecter l’impartialité » et que le Comité d’appel était d’avis que la participation de la PNA ne serait pas indiquée. La mise à jour à la communauté publiée le lendemain par le chef et le conseil, qui était probablement fondée sur la conversation téléphonique avec la présidente du Comité d’appel, indique également que le Comité d’appel avait été conseillé par son conseiller juridique indépendant de ne pas divulguer à la Nation de renseignements concernant les questions ou la nature des appels et que le Comité d’appel avait déclaré que les détails des audiences seraient envoyés aux [traduction] « parties concernées » et que seules les observations des [traduction] « parties concernées par les appels » seraient acceptées.

[65] Le peu de renseignements contenus dans le DCT confirment également que le Comité d’appel était d’avis que les appels devaient être instruits à huis clos et sans la participation de ceux qui pourraient être touchés par sa décision. Parmi ces renseignements se trouve un courriel du 27 octobre 2020 envoyé par Candace Willier (adjointe administrative du Comité d’appel) à la présidente, Kellie Wuttunee, indiquant qu’Ivy Bruno a demandé que son interrogatoire soit effectué à huis clos. Mme Willier demandait à Mme Wuttunee si elle devrait répondre en disant [traduction] « que ce ne sera pas un problème ». Je fais remarquer que le dossier ne contient pas la réponse de Mme Wuttunee ni aucune indication quant aux raisons pour lesquelles les appels seraient instruits à huis clos.

[66] Il y a également un courriel du 13 octobre 2020 de Sherri Turner à Jenna Broomfield, qui indique que Brooks Arcand-Paul avait demandé qu’on lui envoie les renseignements concernant six appels afin qu’il puisse faire part de la situation au chef et au conseil et, éventuellement, préparer des observations écrites. Le courriel indique que Mme Turner n’était pas à l’aise avec cette demande, mais que Mme Willier avait déjà fourni à Me Arcand-Paul les détails sur trois des appels. [traduction] « Je vous ai mis en copie conforme dans les réponses envoyées par courriel à Brooks et à Candace pour vous informer que nous ne transmettrons ces documents directement à personne. » Je fais remarquer que le DCT ne contient pas les courriels invoqués.

[67] Le 3 novembre 2020, après le prononcé de la décision, Mme Wuttunee a envoyé une lettre officielle au chef et au conseil dans laquelle elle précisait que le Comité d’appel savait que sa décision et ses recommandations avaient été affichées sur la page Facebook du chef et du conseil de la PNA. La présidente du Comité d’appel a indiqué ce qui suit : [traduction] « Veuillez noter que le Comité a envoyé la lettre en toute confidentialité au chef et au conseil, et qu’il n’avait pas l’intention de faire publier ces renseignements, qui comprennent les noms des appelants, dans le cadre de forums publics ». Elle poursuit la lettre en indiquant que, s’il est possible que les renseignements puissent avoir été affichés par souci de transparence, [traduction] « les actions du chef et du conseil peuvent susciter des préoccupations quant à l’anonymat des noms, puisque ces derniers n’ont pas été supprimés du document qui a été publié ». La présidente laisse ensuite entendre que le chef et le conseil pourraient vouloir discuter de cette situation avec l’avocat interne.

[68] La présidente a également envoyé un courriel à Candace Willier et à d’autres personnes le 3 novembre 2020, indiquant qu’elle avait remarqué que la décision du Comité d’appel avait été publiée sur Facebook et précisant ce qui suit : [traduction] « Nous avons mis les appelants en copie conforme dans la lettre. Nous ne l’avons envoyée qu’aux parties concernées. Les noms des appelants devraient être supprimés du message Facebook sur la page du chef et du conseil de la Première Nation Alexander, car il ne convient pas nécessairement de communiquer cette information à la communauté et au public. Nous, le Comité, avons fourni des renseignements aux parties concernées et n’avons pas affiché ces renseignements dans le cadre d’un forum public. » Mme Wuttunee demande que les noms soient supprimés et qu’on l’en informe rapidement une fois fait.

[69] À mon avis, l’approche du Comité d’appel était, au mieux, malavisée. Plutôt que d’offrir aux particuliers demandeurs, qui avaient été élus en tant que chef et conseil, la possibilité de savoir quand les appels de leur élection seraient entendus, de les informer du fond de ces appels et de leur donner la possibilité de répondre, le Comité d’appel a tenu des audiences entièrement à huis clos et s’est même opposé à la divulgation de l’identité des appelants et de sa décision.

[70] Le processus adopté par le Comité d’appel excluait les demandeurs et ne comprenait que l’audition d’une seule des parties, à savoir les appelants. Les demandeurs ne disposaient d’aucun moyen pour vérifier les éléments de preuve présentés ou même en prendre connaissance. Le processus était inéquitable sur le plan procédural.

[71] Les défendeurs affirment que les demandeurs avaient été réellement avisés des appels, comme le démontre la mise à jour à la communauté, et qu’aucun [traduction] « avis officiel » n’était requis. Cela n’a rien à voir avec la question. Pour être suffisant, l’avis doit être valable. Il doit fournir les détails de l’appel, y compris les allégations en litige (Weekusk, au para 76).

[72] De plus, même si le chef et le conseil étaient au courant de la date des audiences, comme le prétendent les défendeurs, le Comité d’appel semble avoir déterminé qu’ils n’étaient pas des [traduction] « parties concernées par les appels ». Par conséquent, les demandeurs n’ont pas reçu les détails des audiences. Le Comité d’appel semble également avoir délibérément choisi de ne pas communiquer la nature des appels ou de ne pas autoriser la présentation d’observations par des personnes autres que les appelants ou les personnes que le Comité d’appel a choisi d’interroger en privé, comme la présidente d’élection. Ainsi, les demandeurs n’avaient pas reçu un avis suffisant des appels, ne connaissaient pas les arguments présentés à leur encontre et n’ont pas eu la possibilité de participer aux appels et d’y répondre. À cet égard, je fais remarquer que le Comité d’appel a compétence pour entendre les appels concernant une inconduite en matière électorale ou une violation du Règlement électoral. En l’espèce, le chef et le conseil n’auraient même pas su pour quels motifs l’élection était contestée.

[73] L’affirmation des défendeurs selon laquelle la PNA a participé aux appels est également sans fondement. À l’appui de cette affirmation, les défendeurs invoquent le fait que le Comité d’appel a « interrogé » la présidente d’élection, Mme Pete-Lambert, et l’administrateur de la PNA, Al Arcand.

[74] Rien n’indique que M. Arcand et Mme Pete-Lambert ont été informés qu’ils étaient interrogés à titre de représentants de la PNA et de ses intérêts aux fins de l’audition et du règlement des appels, ou qu’ils avaient le pouvoir d’agir en cette qualité. Le rapport final renvoie à M. Arcand dans un seul paragraphe, le désigne comme l’administrateur de la PNA et résume une question que le Comité d’appel lui a posée au sujet de l’utilisation de l’outil électronique de comptabilisation. Les renvois dans le rapport final à Mme Pete-Lambert se rapportent à son rôle de présidente d’élection et à ses réponses aux questions précises qui lui ont été posées par le Comité d’appel. Rien n’indique non plus que M. Arcand ou Mme Pete-Lambert ont reçu des copies des appels, qu’ils ont pu consulter la PNA au sujet des appels ou qu’ils étaient autorisés à entendre la preuve des appelants et à y répondre ou à présenter d’autres observations. Dans son affidavit, Mme Pete-Lambert témoigne qu’elle a été [traduction] « interrogée de façon informelle, au téléphone, par le Comité d’appel au sujet des motifs d’appel ». De plus, compte tenu du rôle de Mme Pete-Lambert comme présidente d’élection, il est difficile de voir comment elle aurait pu représenter la PNA et ses intérêts dans le cadre des appels. Pour conclure sur ce point, même si le processus du Comité d’appel avait été équitable sur le plan procédural – ce qui n’était pas le cas –, ces deux interrogatoires ne démontrent pas que la PNA, ou le chef et le conseil, ont participé à ce processus.

[75] Les affirmations des défendeurs quant à la renonciation ne sauraient non plus être retenues. Pour avoir gain de cause en plaidant la renonciation, les défendeurs doivent établir que les demandeurs ont été pleinement informés des faits et que la renonciation était véritablement volontaire (Canada (Procureur général) c Clegg, 2008 CAF 189 au para 59). Les demandeurs n’ont pas été avisés de la date et de l’heure concrètes des audiences ou n’ont pas été informés des détails liés aux appels afin de savoir ce qu’on leur reprochait. En l’absence de ces renseignements, on ne saurait présumer que les demandeurs ont renoncé à leurs droits de participation. En outre, le manquement à l’équité procédurale est d’une gravité telle que l’argument relatif la renonciation ne peut pas être retenu (Yellowdirt, au para 38). De plus, en l’espèce, les irrégularités procédurales découlent du choix du Comité d’appel de concevoir un processus qui ne tenait pas compte des exigences d’équité procédurale. Les demandeurs ne devraient pas être pénalisés pour ce choix de processus.

[76] Enfin, les défendeurs soutiennent que, pour obtenir une réparation de la Cour pour manquement à l’équité procédurale, les demandeurs doivent démontrer que ce manquement était considérable et aurait eu une incidence sur le résultat. Les défendeurs s’appuient sur l’arrêt Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada─Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 [Mobil Oil], pour soutenir ce point de vue. Or, je ne comprends pas comment l’arrêt Mobil Oil permet d’appuyer cette proposition.

[77] Dans le cours normal des choses, même si une décision est par ailleurs raisonnable, elle ne sera pas confirmée si le processus en vertu duquel elle a été rendue était injuste. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Cardinal c Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 RCS 643 à la p 661 [Cardinal], « la négation du droit à une audition équitable doit toujours rendre une décision invalide, que la cour qui exerce le contrôle considère ou non que l’audition aurait vraisemblablement amené une décision différente ». Renvoyant à l’affaire Cardinal, la Cour suprême a déclaré dans l’arrêt Mobil Oil que, normalement, un manquement à l’équité procédurale donnera droit à une réparation en faveur du demandeur, même si la réparation est apparemment futile. Toutefois, les circonstances étaient exceptionnelles parce qu’elles visaient un type particulier de question juridique – une question pour laquelle il existe une réponse inéluctable (Mobil Oil, aux p 228 et 229).

[78] L’exception est résumée ainsi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204 [McBain] :

[9] Les manquements à l’équité procédurale rendent habituellement une décision invalide; en général, la réparation consiste en la tenue d’une nouvelle audience (Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, [1985] A.C.S. no 78 (QL)).

[10] Il existe des exceptions à cette règle quand le résultat est inéluctable sur le plan juridique (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, aux pages 227 et 228; 1994 CarswellNfld 211, aux paragraphes 51 à 54) [Mobil Oil] ou quand le manquement à l’équité procédurale a été corrigé en appel (Taiga Works Wilderness Equipment Ltd. c. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 97, [2010] B.C.J. No. 316 (QL), au paragraphe 38 [Taiga Works]).

[79] En conclusion, les demandeurs se sont vu privés de leur droit à l’équité procédurale parce qu’ils n’ont pas été avisés des appels, des arguments présentés à leur encontre ou de la possibilité de présenter des observations. Le processus du Comité d’appel était essentiellement un processus privé unilatéral qui n’était pas ouvert à la communauté, au chef et au conseil de la PNA, ou à l’administration de la PNA.

[80] Cela suffit pour trancher la demande. Toutefois, je vais brièvement aborder les arguments des parties sur le fond parce que, à mon avis, la décision est également déraisonnable.

Question 2 : La décision du Comité d’appel était-elle raisonnable?

Position des demandeurs

[81] En ce qui concerne la première conclusion du Comité d’appel, soit sur l’insuffisance d’une déclaration solennelle, les demandeurs soutiennent que le texte du Règlement électoral ne dit rien sur la façon dont l’admissibilité des électeurs doit être vérifiée et que, conformément à l’article 22, le président d’élection a le pouvoir discrétionnaire de choisir une méthode appropriée pour confirmer l’admissibilité des électeurs. La présidente d’élection a raisonnablement jugé que la vérification de la résidence au moyen d’une déclaration solennelle était une preuve de résidence suffisante. En concluant qu’une déclaration solennelle était insuffisante, le Comité d’appel a ajouté de façon déraisonnable une exigence au Règlement électoral. Les demandeurs soutiennent également que la conclusion est arbitraire parce qu’une déclaration solennelle est une déclaration présidée par un commissaire à l’assermentation et qu’elle n’est donc pas fondamentalement ou légalement différente d’un affidavit établi sous serment qui porte sur la résidence. En outre, l’insistance du Comité d’appel à l’égard de l’utilisation d’un affidavit impose un fardeau qui prive les électeurs potentiels de leur droit de vote.

[82] En ce qui concerne la deuxième conclusion du Comité d’appel, selon laquelle le remplissage d’un ovale sur le bulletin plutôt que l’inscription d’un « x » constitue une violation de l’article 23 du Règlement électoral, les demandeurs soutiennent que le Comité d’appel a choisi à tort une interprétation technique plutôt qu’une interprétation téléologique. Selon son intention et son objet manifestes, l’article 23 vise à garantir que l’électeur soumet son vote par écrit. Les demandeurs font remarquer que le choix d’un appareil électronique de comptabilisation était une réponse délibérée et raisonnable à la tenue d’une élection pendant la pandémie – particulièrement parce que les communautés autochtones étaient plus vulnérables et exposées à un risque accru – et que personne ne s’y est opposé avant ou pendant l’élection. De plus, l’utilisation d’une machine est autorisée en vertu de l’article 20 du Règlement électoral, qui permet au président d’élection de se procurer l’équipement nécessaire pour assurer la confidentialité du vote. Les demandeurs soutiennent également que le Règlement électoral devrait être interprété de manière à accorder un droit de vote.

[83] Les demandeurs soutiennent qu’il était erroné pour le Comité d’appel de conclure que le bulletin de vote était rejeté s’il n’y avait pas d’ovale rempli. Les demandeurs soutiennent que la preuve par affidavit de la présidente d’élection indique clairement que les bulletins sur lesquels un ovale était rempli et les bulletins marqués d’un « x » ont été comptés et qu’aucun bulletin n’a été rejeté parce qu’il était marqué d’un « x ». Par conséquent, la conclusion du Comité d’appel selon laquelle l’inscription d’un « x » dans un ovale signifiait que le bulletin aurait été rejeté est fondée sur des hypothèses, et non sur des éléments de preuve factuels.

[84] Enfin, les demandeurs soutiennent que le Comité d’appel n’a pas examiné si les irrégularités électorales auraient eu une incidence sur le résultat et que les élections ne devraient être annulées que si les résultats sont touchés par les irrégularités.

Position des défendeurs

[85] Les défendeurs soutiennent que la décision du Comité d’appel était raisonnable.

[86] En ce qui concerne sa conclusion quant aux déclarations solennelles, les défendeurs soutiennent que la question portait sur l’équité et la cohérence, et non sur la forme de la preuve de résidence. Selon les défendeurs, habituellement, une preuve de résidence est requise, alors que la déclaration solennelle n’exige pas une telle preuve. Compte tenu des préoccupations soulevées lors d’une élection antérieure, pour garantir l’équité, il incombait à l’administration de la PNA et à la présidente d’élection de fournir un préavis de ce qui serait nécessaire pour établir la résidence.

[87] En ce qui concerne l’inscription d’un « x » sur les bulletins, les défendeurs soutiennent que cette exigence n’est pas seulement technique, mais qu’elle a une signification historique et culturelle. En outre, ils soutiennent que l’interprétation téléologique des demandeurs va trop loin et tente d’invoquer l’objet pour remplacer les mots clairs dans le libellé de l’article 23 du Règlement électoral.

[88] Enfin, les défendeurs soutiennent que l’argument des demandeurs selon lequel les bulletins mal marqués n’ont eu aucune incidence sur le résultat ne tient pas compte du libellé du Règlement électoral, qui prévoit qu’un tel bulletin devrait être rejeté.

Analyse

[89] En l’espèce, une partie importante des observations présentées par les deux parties n’est pas fondée sur la décision rendue ou les motifs invoqués, mais constituent plutôt une tentative d’expliquer ou de justifier la décision du Comité d’appel. Toutefois, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable vise à déterminer si la décision « est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci ». En outre, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse à la décision effectivement rendue et les motifs fournis par le décideur constituent le point de départ (Vavilov, aux para 83 à 84). La Cour n’est pas appelée à se livrer à une analyse de novo ou à se demander quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur (Vavilov, au para 83).

Déclarations solennelles

[90] À mon avis, l’analyse du Comité d’appel concernant l’utilisation de déclarations solennelles est déraisonnable.

[91] Dans sa décision, le Comité d’appel renvoie à l’article 22 du Règlement électoral, qui prévoit qu’une personne qui se présente pour voter se verra remettre un bulletin de vote, [traduction] « sur confirmation de son statut d’électeur par le président d’élection ou son adjoint ». Le Comité d’appel conclut ensuite que l’utilisation des 63 déclarations solennelles n’a pas permis de prouver efficacement à la présidente d’élection qu’une personne vivait dans la réserve depuis au moins un mois avant l’élection. La conclusion du Comité d’appel repose sur la constatation selon laquelle un commissaire à l’assermentation n’est pas tenu d’examiner une preuve de résidence. Sur cette base, le Comité d’appel a conclu que l’article 22 avait été violé. Le Comité d’appel a fait des recommandations quant à l’utilisation par la présidente d’élection d’un affidavit aux fins de vérification, [traduction] « car les déclarations solennelles ne permettent pas de vérifier efficacement si une personne vit dans la réserve ».

[92] À mon avis, ce raisonnement est incompréhensible et n’est pas justifié. Le Règlement électoral n’exige pas l’utilisation d’un affidavit. En outre, bien qu’aucune copie de la déclaration solennelle ne figure dans le DCT, une copie est jointe à titre de pièce C de l’affidavit de la présidente d’élection. La déclaration solennelle exige que la personne qui remplit le formulaire déclare solennellement qu’elle satisfait aux quatre critères d’admissibilité énumérés, y compris celui selon lequel la personne réside habituellement ou a résidé dans la réserve de la PNA pendant une période d’au moins un mois. La déclaration indique également qu’elle est faite à l’appui d’une demande d’inclusion sur la liste électorale de 2020. Enfin, le déclarant atteste ce qui suit : [traduction] « Je fais la présente déclaration, la croyant vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment et en vertu de la Loi sur la preuve au Canada ». La déclaration doit être faite devant un commissaire à l’assermentation de la province de l’Alberta.

[93] Étant donné que l’avocat interne de la PNA, qui est commissaire à l’assermentation, a reçu les 63 déclarations, je ne vois pas comment, en droit, ces renseignements déclarés seraient différents – et acceptables pour le Comité d’appel – simplement parce qu’ils seraient plutôt fournis dans un affidavit établi sous serment. En effet, le Comité d’appel recommande que des affidavits soient utilisés [traduction] « pour vérifier si les électeurs se trouvent dans la réserve, car les déclarations solennelles ne permettent pas de vérifier efficacement si une personne vit dans la réserve ». Le dossier ne montre pas clairement comment un affidavit dans lequel on déclare, sous serment, le lieu de résidence serait plus efficace qu’une déclaration solennelle à cet effet.

[94] En outre, le rapport final indique que le Comité d’appel a interrogé M. Auigbelle, le commis à l’appartenance de la PNA et l’adjoint de la présidente d’élection. Le Comité d’appel a demandé à M. Auigbelle s’il avait accepté les déclarations solennelles [traduction] « d’emblée » et il a répondu par l’affirmative. Lorsqu’on lui a demandé s’il comprenait comment fonctionnaient les déclarations solennelles, il a indiqué qu’il comprenait que les déclarants étaient tenus responsables de fausses déclarations s’ils juraient qu’ils vivaient dans la réserve et qu’on découvrait que ce n’était pas le cas. Le Comité d’appel a ensuite demandé à M. Auigbelle s’il estimait qu’il relevait de sa [traduction] « responsabilité en matière de diligence raisonnable » de confirmer la résidence et s’il avait [traduction] « une plus grande obligation » compte tenu de son poste d’adjoint de la présidente d’élection et de son expérience en tant que commis à l’appartenance. On lui a également demandé s’il avait accès à certains renseignements au bureau de la bande qui pourraient lui fournir l’information nécessaire pour confirmer l’adresse d’un membre.

[95] Dans son rapport final, le Comité d’appel a déclaré qu’il avait [traduction] « tenu compte » du poste que M. Auigbelle occupait et de son expérience et que, [traduction] « [p]ar conséquent, les attentes à l’égard de la présidente d’élection et de l’adjoint pourraient être plus élevées lorsqu’il s’agit de déterminer si quelqu’un résidait ou non dans la réserve ». En outre, il y a eu un [traduction] « éloignement clair » du sous-alinéa 1c)(iii) du Règlement électoral (l’exigence en matière de résidence) et de l’article 22. Selon le Comité d’appel, il en est ainsi parce que l’article 22 permet au président d’élection de confirmer un électeur sans prescrire de démarche à cet égard, et entre [traduction] « en conflit direct avec le sous-alinéa 1c)(ii), qui exige qu’un électeur admissible réside dans la réserve depuis un mois avant l’élection ». Le Comité d’appel a également déclaré que, [traduction] « même si les déclarations solennelles satisfont au Règlement électoral », il s’agit d’une méthode inefficace pour vérifier l’adresse d’un membre, qui donne à une personne vivant hors réserve la possibilité de déclarer qu’elle résidait dans la réserve depuis un mois avant l’élection.

[96] Ce que l’analyse du rapport final établit, c’est que le Comité d’appel savait et acceptait que l’utilisation de déclarations solennelles réponde aux exigences du Règlement électoral. Ce seul fait suffit à rendre déraisonnable dans sa décision la conclusion selon laquelle l’article 22 a été violé. De plus, le Comité d’appel ne semble pas comprendre que, puisque le Règlement électoral ne dit rien sur la façon dont la présidente d’élection doit vérifier la résidence, celle-ci a le pouvoir discrétionnaire de déterminer comment confirmer cette information. À mon avis, une déclaration solennelle est un moyen raisonnable de le faire. En ce qui concerne l’opinion du Comité d’appel selon laquelle il existe en quelque sorte une norme plus élevée qui [traduction] « pourrait » être imposée à l’adjoint du président d’élection compte tenu de son poste et de son expérience, rien dans le Règlement électoral n’appuie une telle interprétation. En fait, le Comité d’appel laisse entendre que, pour s’assurer que les membres de la PNA n’ont pas donné de faux renseignements sur leur résidence dans leur déclaration solennelle, M. Auigbelle et Mme Pete-Lambert étaient en quelque sorte obligés de ne pas s’en tenir aux déclarations et de consulter les dossiers de la PNA. Encore une fois, rien dans le Règlement électoral n’appuie une telle prétention. Certes, il était loisible à la présidente d’élection d’exiger que les électeurs fournissent une preuve documentaire de résidence, mais elle n’était pas tenue d’agir de la sorte. La déclaration solennelle imposait au déclarant le fardeau de fournir des renseignements véridiques à cet égard.

[97] Je fais également remarquer que le Comité d’appel n’a pas tenu compte de l’incidence, le cas échéant, de l’article 17 du Règlement électoral sur la vérification de l’admissibilité au moyen d’une déclaration solennelle. L’article 17 prévoit que toute personne qui estime que son nom devrait figurer sur la liste électorale peut demander au président d’élection d’ajouter celui-ci à la liste avant 20 h, le jour de l’élection, et le président d’élection n’est pas lié par les règles ordinaires de la preuve. Cet article peut avoir une incidence sur l’évaluation de l’utilisation des déclarations solennelles, mais il n’est tout simplement pas pris en compte. Rien n’indique non plus que le Comité d’appel ait tenu compte de l’utilisation préalable de déclarations solennelles dans le cadre d’élections de la PNA. Enfin, et en tout état de cause, je fais remarquer que le Comité d’appel n’a pas conclu au vote de quelque électeur inadmissible.

[98] À mon avis, pour les motifs susmentionnés, la décision du Comité d’appel selon laquelle l’article 22 du Règlement électoral a été violé en raison de l’utilisation de déclarations solennelles est déraisonnable.

Marquage des bulletins de vote

[99] Le Comité d’appel déclare à juste titre que l’article 23 du Règlement électoral prévoit que chaque bulletin doit être marqué d’un « x » à côté du nom du ou des candidats pour lesquels l’électeur a l’intention de voter et que ces instructions doivent être clairement affichées au lieu du vote par le président d’élection. En ce qui concerne l’élection des conseillers, il a conclu que l’outil électronique de comptabilisation n’autorisait pas l’utilisation d’un « x », car l’inscription d’un « x » dans l’ovale n’aurait pas permis de compter le vote, ce qui contrevenait ainsi à l’article 23. Dans son rapport final, le Comité d’appel affirme qu’il a tenu pour acquis qu’un bulletin marqué d’un « x » serait rejeté, empêchant ainsi les membres d’utiliser un « x » pour remplir leur bulletin, ce qui est directement contraire à l’article 23. Le Comité d’appel n’a pas conclu que les bulletins déposés en remplissant un ovale, plutôt qu’en inscrivant un « x », n’étaient pas des votes valides et auraient dû être rejetés par la présidente d’élection. Au contraire, si un électeur utilisait un « x » pour marquer son bulletin, ce dernier devait alors être accepté et compté.

[100] En ce qui concerne l’élection du chef, le Comité d’appel a fait remarquer que les bulletins étaient comptés à la main. Il a conclu qu’un « x » aurait dû être inscrit à côté du nom des candidats choisis, mais que le bulletin donnait plutôt instruction de remplir un ovale. Le Comité d’appel n’a pas déclaré qu’il s’agissait d’une violation de l’article 23, mais a conclu que l’article 35 du Règlement électoral avait été enfreint parce que la présidente d’élection avait apporté une modification non autorisée au Règlement électoral lorsqu’elle a permis que les bulletins soient marqués en remplissant un ovale plutôt qu’en inscrivant un « x ».

[101] À mon avis, la question que le Comité d’appel aurait dû carrément aborder était essentiellement une question d’interprétation législative. Plus précisément, il s’agissait de savoir si l’article 23 exigeait que les bulletins ne puissent être marqués que par un « x ». On peut soutenir que le Comité d’appel a indirectement adopté une interprétation textuelle, ou littérale, lorsqu’il a conclu qu’un « x » aurait dû être inscrit à côté du nom du candidat choisi pour le poste de chef, au lieu de remplir un ovale. Or, cette interprétation entraîne une possible incohérence interne, car il n’est pas clair que le Comité d’appel soit parvenu à la même conclusion dans son appréciation de la question relative aux votes pour les conseillers.

[102] Je reconnais également que les décideurs administratifs ne sont pas toujours tenus de procéder à une interprétation formaliste de la loi (Vavilov, au para 119). Toutefois, en l’espèce, la présidente du Comité d’appel est une avocate et le dossier indique que le Comité d’appel a obtenu l’aide d’un conseiller juridique indépendant. En outre, l’effet de la conclusion est, du moins en ce qui concerne l’élection du chef, que pratiquement tous les votes exprimés ont été jugés invalides par le Comité d’appel, dans une situation où il y avait une différence de 100 votes entre le candidat élu et le candidat qui est arrivé second, et où seulement trois bulletins ont été rejetés. À mon avis, des motifs clairs et cohérents étaient nécessaires pour justifier l’annulation de ce résultat.

[103] Les deux parties soutiennent, et je suis d’accord, que le Règlement électoral devrait être interprété de façon téléologique, d’une manière compatible avec son objet, qui consiste à accorder aux électeurs admissibles un droit de vote. À cet égard, les demandeurs citent l’arrêt Opitz c Wrzesnewskyj, 2012 CSC 55 [Opitz], et les défendeurs s’appuient sur l’arrêt Boucher c Fitzpatrick, 2012 CAF 212 au para 27 [Boucher]. Comme il a été déclaré dans l’arrêt Boucher, il convient de prêter à la législation électorale « une interprétation conforme à [ses] objets, qui consistent à offrir à tous les électeurs en droit de voter l’occasion d’exercer leur droit droit démocratique fondamental, soit celui de voter ». Dans l’arrêt Opitz, on déclare que « les lois constitutives du droit de vote ont reçu une interprétation qui tend à accorder aux citoyens la possibilité d’exercer ce droit démocratique fondamental. Par ailleurs, il faut interpréter restrictivement les limites à l’exercice de ce droit et veiller à les circonscrire strictement » (au paragraphe 37). À mon avis, il faudrait se demander si le fait d’insister pour que les bulletins soient marqués par un « x », au lieu de remplir un ovale (avec une instruction appropriée), permet d’atteindre cet objet. Par exemple, cette démarche privilégie-t-elle la forme aux dépens du fond, plutôt que d’adopter une approche de fond qui « met l’accent sur le droit de vote sous‑jacent, et non pas simplement sur les procédures qui servent à protéger ce droit et en faciliter l’exercice » (Opitz, aux para 54 à 57)? Le problème en l’espèce est que le Comité d’appel n’a pas procédé à l’interprétation de l’article 23.

[104] Quoi qu’il en soit, au regard du dossier, je ne suis pas en mesure d’établir le fondement probatoire de la conclusion du Comité d’appel selon laquelle [traduction] « [s]i la bulle ovale n’était pas remplie, le bulletin était rejeté, de sorte qu’inscrire un “x” dans la bulle n’aurait pas permis de compter le vote, et, ainsi, l’article vingt-trois (23) du Règlement a été violé ». Dans le rapport final, le Comité d’appel déclare ce qui suit au sujet du témoignage de la présidente d’élection :

[traduction]

La présidente d’élection a également fait remarquer pendant son interrogatoire qu’il n’y avait rien qui empêchait une personne d’inscrire un « X » sur le bulletin de vote, mais le Comité fait remarquer que les instructions figurant sur les bulletins, qui étaient fournies par la présidente d’élection, expliquaient que la bulle devait être ombrée ou remplie. Le Comité a demandé ce qui se passerait si le « X » se trouvait à l’extérieur de la bulle ovale et elle a répondu que le bulletin « ne serait pas compté si la marque se trouvait à l’extérieur de l’ovale. Le bulletin rejeté reste à l’extérieur de l’urne. »

[105] Toutefois, dans la partie relative à l’analyse du rapport final, le Comité d’appel indique que [traduction] « la présidente d’élection a déclaré que si un “X” dépassait la petite bulle, le bulletin serait gâché ». Le Comité d’appel a ensuite conclu ce qui suit : [traduction] « À moins qu’une preuve contraire ne soit fournie qu’un bulletin marqué d’un “X” serait effectivement compté par l’outil électronique de comptabilisation, le Comité présumera qu’un tel bulletin serait rejeté, ce qui empêche effectivement les membres d’utiliser un “X” pour marquer leur bulletin, en contradiction directe avec l’article 23 du Règlement ».

[106] Il est difficile de concilier cette hypothèse avec la déclaration antérieure du Comité d’appel selon laquelle la présidente d’élection avait indiqué qu’il n’y avait rien qui empêchait une personne d’utiliser un « x » et que seul un « x » à l’extérieur de l’ovale ne serait pas compté, ou avec la conclusion du Comité d’appel portant que l’utilisation d’un « x » ferait en sorte que le bulletin ne serait pas compté.

[107] De plus, le Comité d’appel aurait pu facilement déterminer, lors de son interrogatoire de la présidente d’élection ou en examinant les cinq bulletins rejetés, si ces derniers avaient été marqués par un « x » et si c’était la raison pour laquelle ils avaient été rejetés. En outre, il est vrai que le Comité d’appel ne disposait pas de la preuve par affidavit de la présidente d’élection déposée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, mais celle-ci est importante puisqu’elle met en évidence les éléments de preuve qui auraient pu être obtenus par le Comité d’appel ou par les demandeurs s’ils avaient eu la possibilité de participer aux appels. Plus précisément, la présidente d’élection affirme que, malgré le fait que les bulletins donnaient aux électeurs l’instruction de remplir un ovale, [traduction] « [s]i, en fait, un électeur a inscrit un “x” sur l’ovale à côté du candidat de son choix, la machine électronique de comptabilisation le lirait et le comptabiliserait correctement. Aucun vote n’a été rejeté parce qu’un “x” avait été inscrit à côté du nom d’un candidat, au lieu de remplir un ovale, comme indiqué, ou vice versa. » La présidente électorale a ajouté que des 533 bulletins déposés pour chaque poste, seuls trois pour le chef et deux pour des conseillers ont été rejetés, et qu’en aucun cas, cela ne découlait du fait qu’un électeur avait inscrit un « x » sur ces bulletins, plutôt que de remplir un ovale, ou vice versa.

[108] La déclaration du Comité d’appel dans le rapport final, selon laquelle, à moins qu’une preuve contraire n’ait été fournie au Comité d’appel qu’un « x » serait effectivement par l’outil électronique de comptabilisation, le Comité d’appel [traduction] « présume[rait] » qu’un bulletin marqué d’un « x » serait écarté, démontre également l’incidence des irrégularités procédurales sur la décision du Comité d’appel. Si l’on met de côté ce qui semble être une déclaration de la présidente d’élection faite au Comité d’appel et indiquant le contraire, il est peu probable que d’autres éléments de preuve contraires – dont l’absence a été citée par le Comité d’appel comme fondement de son hypothèse – soient disponibles, puisque les demandeurs n’ont pas eu la possibilité de participer aux appels. S’ils avaient eu cette possibilité, ils auraient pu prendre connaissance du témoignage de la présidente d’élection sur ce point.

[109] À mon avis, la conclusion du Comité d’appel selon laquelle l’inscription d’un « x » dans l’ovale n’aurait pas permis de compter le vote était déraisonnable, car elle semble être intrinsèquement contradictoire avec ce qui, selon le Comité d’appel, a été déclaré par la présidente d’élection. Il était également déraisonnable de présumer, sans fondement, qu’un bulletin marqué d’un « x » serait écarté, d’autant plus qu’il aurait été possible d’obtenir des éléments de preuve déterminants sur ce point. Si le Comité d’appel était d’avis que l’utilisation d’un « x » était interdite par l’article 23, la pertinence de ces conclusions n’est pas claire.

Question 3 : Si le processus était inéquitable ou que la décision était déraisonnable, quelle réparation devrait être accordée?

Position des demandeurs

[110] Les demandeurs soutiennent que la décision devrait être annulée et qu’il y a lieu d’ordonner au Comité d’appel de maintenir les résultats de l’élection qui ont été certifiés par la présidente d’élection. Compte tenu des appels interjetés et de la preuve produite, il n’y a aucun autre résultat raisonnable. Même si les irrégularités alléguées étaient bien fondées, elles n’ont eu aucune incidence déterminante sur le résultat de l’élection. Par conséquent, il n’est pas utile de renvoyer l’affaire au Comité d’appel. Subsidiairement, les demandeurs soutiennent que l’affaire devrait être renvoyée à un comité d’appel différemment constitué pour qu’il réexamine les appels, en tenant compte des motifs de la Cour.

Position des défendeurs

[111] Les défendeurs soutiennent que l’octroi d’une réparation dans le cadre d’un contrôle judiciaire est discrétionnaire et que la conduite des demandeurs depuis la décision du Comité d’appel devrait les empêcher d’obtenir la réparation qu’ils demandent. Ils soutiennent que les demandeurs ont fait fi de la décision du Comité d’appel, qu’ils ont continué de gouverner et qu’ils ont tardé à demander un sursis à l’exécution de la décision – ils ont déposé la présente demande en novembre 2020 et n’ont déposé une requête en sursis qu’en avril 2021. Les défendeurs soutiennent également que le temps et les coûts liés au réexamen de la décision du Comité d’appel militent contre l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d’accorder une réparation aux demandeurs. Ils soutiennent que la décision du Comité d’appel devrait être maintenue et qu’une nouvelle élection devrait être convoquée.

Analyse

[112] Bien qu’il soit exact que l’octroi d’une réparation dans le cadre d’un contrôle judiciaire soit discrétionnaire, je ne suis pas convaincue par les arguments des défendeurs selon lesquels il s’agit d’une situation où la Cour devrait refuser d’accorder une réparation.

[113] À l’appui de leur position, les défendeurs se fondent en grande partie sur le fait qu’une période d’environ cinq mois s’est écoulée avant qu’une demande de sursis soit présentée. Toutefois, dans leurs observations écrites et lorsqu’ils ont comparu devant moi, les demandeurs ont expliqué en détail les circonstances qui ont mené à l’audition de la présente demande. Une grande partie de cette explication se retrouve également dans le dossier de la Cour.

[114] La décision du Comité d’appel a été rendue le 1er novembre 2020 (et le rapport final a été publié le 16 novembre 2020). L’avis de demande des demandeurs a été délivré le 26 novembre 2020. Les demandeurs ont eu de la difficulté à signifier la demande de contrôle judiciaire sous-jacente à neuf des treize défendeurs désignés. Le 18 janvier 2021, le juge responsable de la gestion de l’instance a ordonné aux demandeurs de présenter leur requête en autorisation d’une signification substitutive au plus tard le 1er février 2021, et a indiqué que le calendrier de la requête préliminaire des demandeurs (injonction) serait discuté lors d’une conférence de gestion de l’instance une fois la demande signifiée. Le 1er février 2021, les demandeurs ont déposé une requête, conformément à l’article 147 des Règles, en vue de valider la signification, qui a été accordée en partie par le juge responsable de la gestion de l’instance au moyen d’une ordonnance datée du 18 février 2021. Cette ordonnance exigeait également que les demandeurs fassent davantage d’efforts pour signifier à personne la demande à deux des défendeurs. La demande avait été signifiée à tous les défendeurs en date du 10 mars 2021. Le 24 mars 2021, les demandeurs ont demandé une conférence de gestion de l’instance afin d’établir le calendrier d’une requête en sursis. Le 9 avril 2021, les demandeurs ont signifié aux défendeurs un avis de requête en sursis de la décision du Comité d’appel. Toutefois, lors de la conférence de gestion de l’instance tenue le 13 avril 2021, le juge responsable de la gestion de l’instance a proposé que les parties envisagent de renoncer au sursis et de passer directement à la demande de contrôle judiciaire. La proposition a été acceptée et, le 15 avril 2021, l’audition de la demande de contrôle judiciaire a été fixée au 7 juin 2021.

[115] Par ailleurs, et plus important encore, le DCT modifié, demandé dans l’avis de demande déposé par les demandeurs le 26 novembre 2020, n’a pas été déposé par la présidente du Comité d’appel avant le 22 avril 2021.

[116] À mon avis, ces circonstances factuelles ne justifient pas le refus de la Cour d’accorder une réparation pour cause de retard.

[117] Je conviens que les demandeurs ne se sont pas conformés à la décision du Comité d’appel, en ce sens qu’ils ont continué à gouverner au lieu de quitter leurs fonctions et de déclencher une nouvelle élection. Toutefois, comme je l’ai déjà expliqué, une requête en sursis (supplantée par la présente demande) de la décision du Comité d’appel n’était pas excessivement et déraisonnement retardée. De plus, même si le chef et le conseil nouvellement élus avaient quitté leurs fonctions, le chef et le conseil antérieurs n’auraient pas pour autant été réintégrés dans leurs fonctions. Leur mandat était expiré. Concrètement, cela signifie qu’il n’y aurait aucun organe directeur en place, laissant le personnel administratif de la PNA gérer les affaires de cette dernière, à condition d’en avoir le pouvoir, jusqu’au règlement de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente. Il n’aurait pas non plus été logique de tenir une autre élection alors que le résultat de l’élection du 25 septembre 2020 était toujours en instance.

[118] Dans l’affaire Ledoux c Première Nation de Gambler, 2019 CF 380 [Ledoux I], un Comité des élections a, le 14 juillet 2019, ordonné la tenue d’une nouvelle élection. Une demande de contrôle judiciaire visant à annuler la décision du Comité des élections a été déposée le 13 août 2018. Des requêtes interlocutoires ont été présentées par les deux parties; les demandeurs demandaient un jugement déclaratoire portant qu’ils étaient en droit d’exercer le contrôle des affaires de la Première Nation en attendant l’issue de la demande de contrôle judiciaire – ils demandaient essentiellement une injonction. Les deux requêtes ont été rejetées par le juge Pentney.

[119] En ce qui concerne la requête en injonction, le juge Pentney a fait remarquer que les demandeurs avaient remporté l’élection, mais qu’ils ont été déboutés en appel devant le Comité des élections. Toutefois, les demandeurs n’ont pas présenté de requête en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la décision du Comité des élections, ou de retarder le deuxième scrutin, ou y mettre fin. Ils ont plutôt ignoré ces événements et ont continué d’agir comme chef et conseil de facto. Ils avaient alors demandé une réparation en equity, par voie d’injonction, pour « appuyer [...] leur affirmation élémentaire du pouvoir en attendant l’issue de leur recours en contrôle judiciaire » (au paragraphe 20). Le juge Pentney a refusé d’accorder l’injonction, car les demandeurs ne s’étaient pas présentés devant la Cour avec une attitude irréprochable.

[120] Bien que les défendeurs s’appuient sur la décision du juge Pentney dans l’affaire Ledoux I, cette dernière ne portait que sur une réparation sous forme d’injonction. De plus, dans le cas qui nous occupe, il est question d’un sursis envisagé, alors qu’il n’y a pas eu déroulement d’un deuxième scrutin.

[121] De plus, lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire sous-jacente, dans Ledoux II, le juge Lafrenière a fait remarquer l’historique procédural de l’affaire, mais a également souligné que le juge Pentney avait reconnu, comme suit, que la demande sous-jacente pouvait avoir un certain fondement :

[7] [...] Il appert du dossier limité qui m’a été soumis qu’un des groupes semble avoir fait fi des préceptes fondamentaux de la primauté du droit et qu’il cherche maintenant à solidifier son contrôle au moyen d’une ordonnance de la Cour. En revanche, d’importantes questions ont été soulevées au sujet du processus d’appel électoral et de la façon dont le deuxième scrutin s’est déroulé.

[122] Le juge Lafrenière a déclaré qu’il semblait que les demandeurs avaient continué à exercer un contrôle sur les activités quotidiennes de la Première Nation, ainsi que sur ses comptes bancaires, malgré le rejet de leur requête et la forte réprimande prononcée par le juge Pentney. Toutefois, le juge Lafrenière a déclaré ce qui suit :

[22] Bien que la Cour n’approuve pas les actes des demandeurs qui se sont fait justice eux‑mêmes, il n’en demeure pas moins que les intérêts en l’espèce vont au‑delà de ceux des parties, comme l’a déclaré le juge Donald Rennie dans la décision Poker c Première nation des Innus Mushuau, 2012 CF 1, au paragraphe 30 :

[...] indépendamment de la question de savoir quelles sont les personnes responsables, en tout ou en partie, des irrégularités de l’élection, le facteur prépondérant à prendre en compte pour décider s’il y a lieu d’accorder ou non la réparation réside dans la confiance des membres de la bande à l’endroit du processus électoral lui‑même. Il existe un intérêt public primordial lié au maintien d’une confiance méritée de la bande à l’endroit des élections qu’elle tient, parce que cette confiance renforce sa gouvernance. En conséquence, eu égard à l’importance du processus électoral, la réparation ne sera pas refusée.

[23] C’est la volonté des membres de la Première Nation d’élire ses dirigeants qui est au cœur de la présente instance, et non les intérêts personnels des demandeurs. Par conséquent, la Cour devrait hésiter à refuser d’accorder une réparation lorsque des questions importantes ont été soulevées au sujet du processus d’appel électoral, comme c’est le cas en l’espèce.

[123] Le juge Lafrenière a conclu que la décision du Comité des élections était fondamentalement viciée et déraisonnable, et qu’elle devrait donc être annulée. Il a déclaré que, bien que la pratique habituelle consiste à renvoyer l’affaire pour nouvelle décision, dans certains cas, la Cour s’est abstenue de le faire. Dans les circonstances particulières de l’affaire dont il était saisi, il a conclu qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de renvoyer l’affaire au Comité des élections, car la preuve présentée au Comité des élections par un des défendeurs était largement insuffisante pour étayer ses allégations de manœuvres frauduleuses ou de violations de la Loi électorale. De plus, même s’il y avait eu violation de la Loi électorale, il n’y avait aucun élément de preuve devant le Comité des élections démontrant que ces violations auraient pu influer sur les résultats de l’élection. En outre, une nouvelle audition de l’appel ne ferait qu’occasionner d’autres retards et de l’incertitude dans la collectivité. L’élection contestée avait eu lieu il y a près d’un an et demi et la collectivité avait droit à une issue définitive.

[124] Je conviens que la Cour devrait se montrer peu disposée à accorder une réparation lorsque des questions importantes ont été soulevées au sujet du processus d’appel électoral, comme c’est le cas dans la présente affaire. En l’espèce, les demandeurs ont établi que la décision du Comité d’appel était inéquitable sur le plan procédural et déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire a supplanté la requête en sursis et n’est pas déraisonnablement tardive. Contrairement à l’affaire Ledoux, aucune nouvelle élection n’a été tenue. Cela dit, je conviens également que dans ce type de situation, un sursis devrait être demandé le plus rapidement possible afin d’éviter que l’ordonnance d’un comité d’appel ne soit pas respectée et que des questions subséquentes quant au pouvoir de gouverner ne soient soulevées. Toutefois, la conduite des demandeurs en l’espèce ne justifie pas un refus d’accorder la réparation demandée.

[125] Je ne suis pas non plus d’accord avec l’argument des défendeurs selon lequel le temps et les coûts liés au réexamen de la décision du Comité d’appel militent contre l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d’accorder une réparation aux demandeurs. Il est courant que, lorsqu’un contrôle judiciaire est accueilli, l’affaire soit renvoyée à un décideur administratif différent pour qu’il rende une nouvelle décision. Les coûts de ce processus sont certainement compensés par l’intérêt public à ce qu’une décision juste et raisonnable soit rendue. Il ne faut pas non plus pénaliser le demandeur ayant eu gain de cause – en le privant d’une réparation – pour les erreurs susceptibles de contrôle commises par le décideur et les coûts subséquents à engager pour que soit rendue une nouvelle décision. En l’espèce, le facteur relatif aux coûts ne constitue pas une circonstance exceptionnelle à prendre en considération.

[126] Bref, je ne suis pas convaincue que les circonstances factuelles de l’espèce justifient l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire et refuser d’accorder la réparation demandée.

[127] Il reste donc à déterminer quelle réparation devrait être accordée.

[128] Comme il a été déclaré dans l’arrêt Vavilov :

[140] Lorsque la cour de révision applique la norme de la décision raisonnable au moment d’effectuer un contrôle judiciaire, le choix de la réparation doit être guidé par la raison d’être de l’application de cette norme, y compris le fait pour la cour de révision de reconnaître que le législateur a confié le règlement de l’affaire à un décideur administratif, et non à une cour : voir Delta Air Lines, par. 31. Toutefois, l’examen de la question de la réparation doit aussi être guidé par les préoccupations liées à la bonne administration du système de justice, à la nécessité d’assurer l’accès à la justice et à « la volonté de mettre sur pied un processus décisionnel à la fois rapide et économique qui préside souvent au départ à la création d’un tribunal administratif spécialisé » : Alberta Teachers, par. 55.

[141] Donner effet à ces principes dans le contexte de la réparation signifie que, lorsque la décision contrôlée selon la norme de la décision raisonnable ne peut être confirmée, il conviendra le plus souvent de renvoyer l’affaire au décideur pour qu’il revoie la décision, mais à la lumière cette fois des motifs donnés par la cour. Quand il revoit sa décision, le décideur peut alors arriver au même résultat ou à un résultat différent : voir Delta Air Lines, par. 30‑31.

[142] Cependant, s’il convient, en règle générale, que les cours de justice respectent la volonté du législateur de confier l’affaire à un décideur administratif, il y a des situations limitées dans lesquelles le renvoi de l’affaire pour nouvel examen fait échec au souci de résolution rapide et efficace d’une manière telle qu’aucune législature n’aurait pu souhaiter : D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, par. 18‑19 (CanLII). L’intention que le décideur administratif tranche l’affaire en première instance ne saurait donner lieu à un va-et-vient interminable de contrôles judiciaires et de nouveaux examens. Le refus de renvoyer l’affaire au décideur peut s’avérer indiqué lorsqu’il devient évident aux yeux de la cour, lors de son contrôle judiciaire, qu’un résultat donné est inévitable, si bien que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien : voir Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, p. 228‑230; Renaud c. Québec (Commission des affaires sociales), [1999] 3 R.C.S. 855; Groia c. Barreau du Haut‑Canada, 2018 CSC 27, [2018] 1 R.C.S. 772, par. 161; Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, par. 53‑54; Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2017 CAF 45, par. 51‑56 et 84; Gehl c. Canada (Procureur général), 2017 ONCA 319, par. 54 et 88 (CanLII). Les préoccupations concernant les délais, l’équité envers les parties, le besoin urgent de régler le différend, la nature du régime de réglementation donné, la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige, les coûts pour les parties et l’utilisation efficace des ressources publiques peuvent aussi influer sur l’exercice par la cour de son pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire – tout comme ces facteurs peuvent influer sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de casser une décision lacunaire : voir MiningWatch Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6, par. 45‑51; Alberta Teachers, par. 55.

[129] Je suis d’accord avec les défendeurs qu’il ne s’agit pas d’une situation qui donnerait lieu à un va-et-vient de contrôles judiciaires et de nouveaux examens. Par conséquent, à mon avis, la seule vraie question est celle de savoir si un résultat donné est inévitable.

[130] En l’espèce, la marge de votes pour le poste de chef séparant le candidat élu et le candidat qui est arrivé second était de 100 votes. Les bulletins ont été comptés à la main et seulement trois ont été rejetés. Toutefois, le Comité d’appel a conclu qu’un « x » aurait dû être inscrit à côté du nom du candidat choisi. Par contre, le bulletin donnait comme instruction de remplir un ovale. Par conséquent, l’article 35 du Règlement électoral a été violé parce que la présidente d’élection a apporté une modification non autorisée au Règlement électoral. Ce que devait faire le Comité d’appel, c’était de déterminer si les bulletins étaient valides, même s’ils étaient marqués d’un « x », ce qui exigeait l’interprétation de l’article 23 du Règlement électoral. Si l’utilisation d’un « x » ne constituait pas une violation de l’article 23, le Comité d’appel aurait dû se demander si l’irrégularité avait eu une incidence sur le résultat de l’élection du chef et s’il était justifié d’annuler les résultats de l’élection (voir Opitz, aux para 55 à 57 et 71 à 73; Assiniboine c Meeches, 2013 CAF 177 aux para 63 et 64). Toutefois, s’il s’agissait d’une violation, il est probable qu’aucun des bulletins ne serait valide et qu’une nouvelle élection serait nécessaire. De même, lors de l’élection des conseillers, la différence de votes entre le sixième candidat, qui a été élu, et le candidat qui est arrivé juste après était de quatre votes. Deux bulletins ont été rejetés. Là encore, même si l’utilisation d’un « x » ne constitue pas une violation de l’article 23, le résultat de l’élection des conseillers ne changera pas en raison de cette irrégularité. Si c’était le cas, une nouvelle élection serait nécessaire. Par conséquent, le résultat n’est pas inéluctable sur le plan juridique.

[131] En outre, le manquement à l’équité procédurale s’est traduit par l’impossibilité pour les demandeurs de participer aux appels, y compris de présenter des éléments de preuve pertinents. Cette situation pourrait également avoir une incidence sur le résultat. En conséquence, la réparation appropriée consiste à renvoyer l’affaire à un comité d’appel différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision en tenant compte des présents motifs. Je suis consciente du fait qu’il est largement dans l’intérêt de la PNA que les appels soient réglés le plus rapidement possible. J’ordonnerai donc que le nouveau comité d’appel soit constitué dans les 21 jours suivant la date des présents motifs. En outre, des 13 appelants, seulement trois ont effectivement participé à la présente demande de contrôle judiciaire. Ainsi, les appelants et défendeurs qui ont choisi de ne pas participer n’ont pas soulevé la question de savoir si les motifs d’appel qu’ils ont présentés n’ont pas été pris en compte dans la décision du Comité d’appel ou n’ont pas fait partie du fondement de celle-ci. Par conséquent, le réexamen se limitera aux appels interjetés par Kurt Burnstick, Ivy Bruno et Eric Arcand. J’insiste également sur le fait que le nouveau comité d’appel doit déterminer si les irrégularités alléguées ont eu une incidence sur le résultat de l’élection.

Dépens

[132] À l’audition de la présente affaire, j’ai demandé si les parties étaient arrivées à un accord concernant les dépens et, dans la négative, si elles étaient prêtes à présenter des observations à cet égard, conformément à l’avis aux parties et à la communauté juridique du 30 avril 2010, intitulé Les dépens dans la Cour fédérale. Les parties ont indiqué qu’elles n’étaient pas arrivées à un accord et n’étaient pas en position de discuter des dépens, mais qu’elles régleraient la question entre elles et informeraient la Cour si une entente pouvait être conclue. Au moment de la publication des présents motifs, la Cour n’avait reçu aucune communication des parties concernant les dépens.

[133] En vertu de l’article 400 des Règles des Cours fédérales, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens à adjuger. À cet égard, la Cour peut tenir compte des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles. Ce faisant, j’ai également estimé qu’il y a un déséquilibre entre les ressources financières de la PNA, vu que le chef et le conseil ont présenté la présente demande en vertu d’une RCB habilitante, et celles des défendeurs dans la présente demande; que la demande de contrôle judiciaire a peut-être apporté des précisions sur des aspects procéduraux de la prise de décisions à l’avenir; et que les demandeurs ont eu gain de cause dans la présente demande, en ce sens que la décision du Comité d’appel sera annulée et renvoyée pour nouvel examen (voir Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 1119; Tourangeau c Première Nation de Smith’s Landing, 2020 CF 184 aux para 69 et 70). Par conséquent, j’adjuge aux demandeurs des dépens, dont le montant est fixé à la somme forfaitaire globale de 1 000 $, qui seront versés par les défendeurs participants (Kurt Burnstick, Ivy Bruno et Eric Arcand). Les autres défendeurs désignés n’ont pas participé à la présente audience et aucuns dépens ne seront adjugés à leur encontre (Morin, au para 57).


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1440-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision du 1er novembre 2020, par laquelle le Comité d’appel a infirmé l’élection du chef et du conseil de la Première Nation Alexander en date du 25 septembre 2020, est annulée.

  2. L’affaire sera renvoyée à un comité d’appel en matière électorale différemment constitué, qui sera formé dans les 21 jours suivant la date de la présente décision, pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs. Le réexamen se limitera aux appels interjetés par Kurt Burnstick, Ivy Bruno et Eric Arcand, à savoir les défendeurs qui ont participé au contrôle judiciaire.

  3. Les demandeurs ont droit à leurs dépens dans le cadre de la présente demande, dont le montant est fixé à la somme forfaitaire globale de 1 000 $, qui seront versés par les défendeurs participants : Kurt Burnstick, Ivy Bruno et Eric Arcand. Comme les autres défendeurs désignés n’ont pas participé à l’audience, aucuns dépens ne sont adjugés à leur encontre.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


Annexe A – Règlement électoral

[traduction]

DÉFINITIONS

1. Dans le Règlement :

a) « Comité d’appel » s’entend d’un comité composé d’une ou plusieurs personnes impartiales qui :

i) ne sont pas membres de la tribu Alexander, et

ii) sont désignées par le chef et le conseil de la tribu Alexander ;

[...]

c) « électeur » s’entend de toute personne qui répond aux conditions suivantes :

i) elle est âgée d’au moins vingt et un (21) ans,

ii) elle est membre de la tribu Alexander,

iii) elle réside ordinairement ou réside depuis au moins un (1) mois dans la réserve Alexander, et

iv) elle n’est ni le président d’élection ni son adjoint officiel;

d) « président d’élection » s’entend de toute personne nommée, de façon occasionnelle, par le chef et le conseil de la tribu Alexander pour s’acquitter des fonctions prévues dans le présent Règlement.

COMPOSITION DU CONSEIL

2. Le conseil de la tribu Alexander est composé d’un (1) chef et de six (6) conseillers élus conformément au présent Règlement.

DURÉE DU MANDAT DU CONSEIL

3. a) Le chef et les conseillers sont nommés pour une période de trois (3) ans.

b) Le chef et le conseil convoquent une élection au moins trente (30) jours avant la date à laquelle une autre élection aurait normalement été tenue et nomment en même temps un président d’élection et le ou les membres du Comité d’appel. Un avis écrit indiquant le nom du président d’élection et du ou des membres du Comité d’appel est affiché au bureau du gouvernement de la tribu Alexander à partir du moment de leur nomination jusqu’à l’expiration du délai pour déposer un appel.

[...]

ÉLECTIONS

17. Quiconque :

(i) conteste l’inscription d’un électeur sur la liste électorale,

(ii) estime que son nom devrait figurer sur la liste électorale,

peut demander au président d’élection de se prononcer sur la question à tout moment avant 20 h le jour de l’élection. Le président d’élection n’est pas lié par les règles ordinaires de la preuve. La décision du président d’élection est définitive et exécutoire. Seule une question de droit peut fonder un appel devant un tribunal judiciaire.

18. Le président d’élection peut nommer une ou plusieurs personnes pour aider au processus de vote, s’il le juge nécessaire.

19. Le président d’élection maintient le bureau de vote ouvert de 9 h à 20 h le jour de l’élection.

20. Le président d’élection obtient l’équipement nécessaire pour assurer la confidentialité du vote.

[...]

22. Toute personne qui se présente pour voter se verra remettre un (1) bulletin de vote, sur confirmation de son statut d’électeur par le président d’élection ou son adjoint. Le président d’élection ou son adjoint paraphe chaque bulletin au moment de le donner à l’électeur.

23. Chaque bulletin de vote est marqué d’un « x » à côté du nom du ou des candidats pour lesquels l’électeur a l’intention de voter et cette instruction doit être clairement affichée au lieu du vote par le président d’élection

[...]

27. Dans les vingt-quatre (24) heures qui suivent l’avis public des candidats élus à un poste, le président d’élection :

a) remet à chaque candidat et affiche, dans le bureau de l’administration du gouvernement de la tribu Alexander, le bureau de l’éducation, la garderie, la ferme tribale et tout autre lieu dans la réserve de la tribu Alexander qu’il juge nécessaire, un avis faisant état :

i) des candidats élus,

ii) du nombre de voix recueillies par chaque candidat, et

iii) du nombre de bulletins de vote rejetés;

[...]

APPELS

29. Dans les quinze (15) jours suivant l’affichage de l’avis rédigé par le président d’élection conformément à l’article 27, tout électeur peut interjeter appel de l’élection d’un candidat ou de candidats en déposant, par écrit auprès du président d’élection, un avis d’appel motivé, s’il a des motifs raisonnables de croire :

a) soit que l’élection a donné lieu à une manœuvre frauduleuse,

b) soit que les dispositions du présent Règlement n’ont pas été respectées.

30. Le Comité d’appel instruit l’appel dans les trente (30) jours suivant le dépôt de l’avis d’appel, et il rend sa décision dans les cinq (5) jours suivant l’instruction. Le Comité d’appel n’est pas lié par les règles ordinaires de la preuve. La décision du Comité d’appel est définitive et exécutoire. Les appels interjetés devant un tribunal judiciaire ne peuvent porter que sur une question de droit, non sur une question de fait.

31. Lorsque le Comité d’appel conclut qu’un ou des candidats n’ont pas été élus en conformité avec le présent Règlement, le président d’élection fait tenir une assemblée de mise en candidature et une élection pour le ou les postes vacants, conformément au présent Règlement.

[...]

35. Le Règlement ne peut être modifié que si cinquante et un pour cent (51 %) des électeurs de la tribu Alexander donnent leur appui en signant une pétition. Une assemblée est convoquée pour discuter des modifications.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1440-20

 

INTITULÉ :

PREMIÈRE NATION ALEXANDER, CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION ALEXANDER, GEORGE ARCAND FILS, KEVIN ARCAND, CHRIS ARCAND, MARTY ARCAND, HEATHER JENNINGS, AUDRA ARCAND, ET SCOTT BURNSTICK c KURT BURNSTICK, IVY BRUNO, ERIC ARCAND, KAREN KOOTENAY, JACOB THOMPSON, MICHEAL CALLIHOO, TAMMIE BRUNO, KAILEY AMOR, KYLA BRUNO, RILEY HARRISON, LEO KEITH, YVONNE AMOR ET LYNN ARCAND

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juin 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 juin 2021

 

COMPARUTIONS :

Maxime Faille

Aaron Christoff

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Evan C. Duffy

Matthew Cressatti

 

POUR LES DÉFENDEURS (KURT BURNSTRICK, IVY BRUNO ET ERIC ARCAND)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS (KURT BURNSTRICK, IVY BRUNO ET ERIC ARCAND)

 

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