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Date : 20210621


Dossier : IMM‑7205‑19

Référence : 2021 CF 639

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 juin 2021

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

RITCHELL RAGADA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision (la décision) d’un agent des visas (l’agent) de refuser la demande de permis de travail de la demanderesse en se fondant sur deux conclusions. Premièrement, l’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle serait en mesure d’accomplir le travail demandé. Deuxièmement, l’agent a conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada pour fausses déclarations en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agent était raisonnable, et je rejetterai donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Contexte

[2] À l’issue d’une étude d’impact sur le marché du travail (l’EIMT) positive, la demanderesse a reçu une offre d’emploi en vue de travailler au Canada à titre d’aide familiale chargée des soins pour deux enfants.

[3] La demanderesse a présenté une demande de permis de travail (la DPT) en mai 2019, y annexant des lettres de recommandation d’anciens employeurs et d’autres éléments de preuve à l’appui. L’agent a exprimé des préoccupations au sujet du contenu et de la provenance de deux lettres de recommandation en raison de la similarité de leur contenu et de leur présentation. L’agent chargé d’examiner le cas a invité la demanderesse à une entrevue, le 17 octobre 2019, pour discuter de ces préoccupations.

[4] À l’entrevue, l’agent a demandé à la demanderesse si ses employeurs avaient rédigé eux‑mêmes les lettres de recommandation, et la demanderesse a répondu sans équivoque qu’ils l’avaient fait. La demanderesse a également déclaré que, dans son emploi actuel pour une employeuse nommée Mme Gong, elle avait fait [TRADUCTION] « tout » en ce qui concerne la garde du jeune fils de Mme Gong.

[5] Après l’entrevue, l’agent a communiqué avec Mme Gong et a découvert que, contrairement à ce que la demanderesse avait déclaré lors de son entrevue, les principales responsabilités professionnelles de la demanderesse dans le cadre de son emploi actuel étaient des tâches ménagères plutôt que des soins aux enfants, et que la grand‑mère de l’enfant était disponible pour s’occuper de l’enfant. Mme Gong a également dit que la demanderesse avait elle‑même préparé la lettre de recommandation et lui avait seulement demandé de la signer, ce que Mme Gong a fait.

[6] En vérifiant les renseignements fournis par la demanderesse, l’agent a également trouvé troublant qu’il n’ait pas été possible de joindre un deuxième employeur (M. Choi) au numéro de téléphone fourni dans la demande de permis de travail.

[7] L’agent a expliqué ces préoccupations dans une lettre d’équité procédurale à la demanderesse datée du 21 octobre 2019 (la LEP). La demanderesse a répondu à la LEP, expliquant les divergences et fournissant des documents à l’appui de ses explications (la réponse à la LEP). Parmi ces documents, la demanderesse a inclus une lettre de Mme Gong qui donnait plus de contexte à l’information qu’elle avait donnée à l’agent par téléphone. Dans la lettre, Mme Gong a expliqué comme suit la provenance de la lettre de recommandation et la nature du travail de la demanderesse :

[traduction]
J’ai récemment reçu un appel d’un employé de l’ambassade du Canada, qui m’a demandé quand [la demanderesse] était venue travailler pour moi [...] et quelles ont été ses principales fonctions. J’ai dit qu’elle faisait des travaux ménagers et s’occupait de l’enfant. Nous avons un membre âgé de la famille, ma mère, qui aide à prendre soin de mon fils, mais [la demanderesse] doit aider à prendre soin de l’enfant si ma mère est occupée et a d’autres projets pour la journée. [La demanderesse] doit aller chercher l’enfant à l’école et, oui, j’ai dit que nous avons un chauffeur pour aider [la demanderesse] à assurer le transport, mais je tiens à préciser que [l’appelante] est celle qui prend soin [de] l’enfant pour l’envoyer [à l’école] et qui le ramasse [...]. Parfois, lorsque le conducteur est occupé, afin de m’assurer que l’enfant est en sécurité, j’exige que [la demanderesse] [prenne] l’autobus pour aller chercher mon fils et elle attend parfois plus de deux heures, jusqu’à ce que la séance de tutorat de mon fils se termine, mais avant que cette séance n’ait lieu, elle s’occupe de l’enfant. Elle prépare les collations de mon enfant et l’aide à faire ses devoirs [...]

On m’a interrogée au sujet du certificat d’emploi de [la demanderesse], puisque je suis une femme occupée et que le certificat a été signé il y a plus de deux mois, j’ai honnêtement oublié que le certificat était en anglais et que mon adjointe avait traduit le certificat pour moi avant que je le signe.

Je veux dissiper toute confusion qu’aurait pu créer ma piètre mémoire, [la demanderesse] est une bonne d’enfants pour mon fils et elle est également notre aide domestique. Elle prend soin de mon fils et tout ce qui est écrit dans son certificat d’emploi que j’ai signé le 5 août 2019 est entièrement vrai [...]

[8] La demanderesse a également expliqué à l’agent dans sa réponse à la LEP que la raison pour laquelle M. Choi n’avait pas répondu au numéro de téléphone fourni était qu’il avait déménagé en Thaïlande. La demanderesse a fourni des captures d’écran de WeChat, dans lesquelles M. Choi confirme sa réinstallation, pour appuyer son affirmation.

[9] Au cours de l’audition du présent contrôle judiciaire, la demanderesse a donné des précisions sur l’explication qu’elle avait donnée à l’agent dans sa réponse à la LEP au sujet de la provenance de ses lettres de recommandation. Plus précisément, elle a déclaré que Mme Gong avait demandé à voir un exemple de lettre de référence, parce que Mme Gong était une femme occupée et avait aussi besoin d’aide en anglais. Son adjointe l’a ensuite aidée à traduire et à rédiger la lettre, que Mme Gong a signée. En ce qui concerne la lettre de M. Choi, la demanderesse a affirmé qu’il la lui a dictée pendant qu’elle la tapait. En somme, la demanderesse a précisé que les deux lettres de recommandation ont été rédigées en collaboration avec ses employeurs, et que les deux employeurs les ont finalement signées.

III. Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[10] L’agent a refusé la demande de permis de travail de la demanderesse le 21 novembre 2019 (la lettre de refus). L’agent a énoncé les motifs suivants pour justifier le refus :

  • La demanderesse n’avait pas démontré qu’elle serait en mesure d’accomplir le travail demandé;
  • L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse avait répondu avec franchise à toutes les questions qui lui avaient été posées au sujet des documents qu’elle avait présentés avec sa demande; l’agent s’est référé à la LEP pour fournir des indications quant aux types de renseignements dont il n’était pas satisfait de la véracité;
  • L’agent a conclu que la demanderesse était interdite de territoire pour fausses déclarations, en contravention de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

[11] Les notes détaillées du Système mondial de gestion des cas (le SMGC) qui accompagnent la décision fournissent de plus amples renseignements sur les motifs du refus :

[traduction]
La DP [demandeure principale] a présenté une demande de permis de travail au Canada à titre d’aide familiale, la demande étant appuyée par des lettres de recommandation en matière d’emploi censées avoir été délivrées par son employeur actuel et ses employeurs antérieurs. La demanderesse a été invitée à une entrevue personnelle pour répondre aux préoccupations de l’agent au sujet des lettres de recommandation en matière d’emploi, ainsi que de la capacité de la DP d’accomplir le travail décrit dans l’offre d’emploi. À la suite de l’entrevue, des vérifications ont été effectuées concernant la lettre de recommandation de la DP, lesquelles ont permis de déterminer qu’il y avait des divergences entre ce que la demanderesse a déclaré à l’entrevue et les renseignements fournis par les employeurs lors de la vérification.

Une LEP a été envoyée à la demanderesse le 21 octobre 2019 pour qu’elle réponde aux préoccupations de l’agent selon lesquelles la DP avait fait de fausses déclarations à son entrevue en déclarant que la lettre de recommandation en matière d’emploi de Mme Gong Yuhong avait été préparée par Mme [Gong]; toutefois, Mme [Gong] a confirmé que la DP elle‑même avait préparé la lettre et qu’elle avait ensuite été signée par Mme [Gong]. Mme [Gong] a également confirmé que la DP n’était pas la principale responsable de la garde de l’enfant (puisque c’était les aînés de la famille qui s’en chargeaient), mais qu’elle était plutôt responsable des tâches ménagères.

J’ai examiné la réponse de la DP. La DP déclare qu’elle n’a rien à nous cacher et qu’elle était nerveuse et incertaine au sujet de la question. À l’entrevue, la DP a déclaré que la lettre avait été préparée et signée par ses employeurs; toutefois, cela contredit les renseignements fournis par [Mme Gong] lors d’une vérification effectuée après l’entrevue. De plus, la DP n’a pas dissipé les préoccupations de l’agent selon lesquelles elle a fait une présentation erronée de ses fonctions réelles auprès de Mme [Gong].

[...] D’après l’ensemble des renseignements au dossier, il semble que la présentation erronée de l’expérience de travail de la DP était intentionnelle.

Je suis un fonctionnaire désigné en vertu de la Loi pour prendre une décision en vertu de l’article 40. Je suis convaincu que la DP a sciemment fait une présentation erronée sur elle‑même pour satisfaire aux exigences de la LIPR en matière de permis de travail. Par conséquent, je suis convaincu que la demanderesse a fait une présentation erronée sur un fait important qui, si elle avait été acceptée, aurait entraîné une erreur dans l’application de la LIPR. Par conséquent, la demanderesse est interdite de territoire en vertu de l’article 40 pour fausses déclarations.

[Non souligné dans l’original.]

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[12] La demanderesse soutient que la décision était à la fois déraisonnable et injuste sur le plan procédural.

[13] Le bien‑fondé du refus et de la conclusion concernant des fausses déclarations en vertu de l’article 40 est examiné selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]; Ibe‑Ani c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 1112 au para 12 [Ibe‑Ani]. Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85).

[14] En ce qui concerne l’allégation de manquement à l’équité procédurale, la norme de la décision correcte s’applique, et la Cour doit déterminer si un processus juste et équitable a été suivi : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54.

V. Analyse

A. La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

[15] La demanderesse affirme que les conclusions de l’agent sont déraisonnables à la lumière de la preuve fournie. Cette preuve comprend ce qui suit : (i) la lettre de recommandation de Mme Gong, qui a confirmé l’expérience de la demanderesse en tant que femme de ménage et bonne d’enfants pendant trois ans, (ii) l’explication de Mme Gong concernant les préoccupations de l’agent au sujet de la provenance de la lettre de recommandation qu’elle a signée, (iii) la preuve des versements au système de sécurité sociale de la demanderesse pendant cette période, (iv) d’autres lettres de recommandation, y compris celle de M. Choi, et (v) la preuve du diplôme de cinq ans de la demanderesse en éducation de la petite enfance. La demanderesse soutient qu’elle a satisfait aux exigences de l’EIMT et de l’offre d’emploi au moyen d’éléments de preuve [traduction] « non contestés » et qu’il était donc déraisonnable pour l’agent de conclure qu’elle n’avait pas démontré sa capacité de travailler comme aide familiale.

[16] La demanderesse soutient également que l’agent n’a pas appliqué le bon critère à l’égard des fausses déclarations et affirme que les divergences que l’agent a relevées n’étaient pas importantes au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et ne constituaient pas de fausses déclarations. Comme il a été mentionné précédemment, selon la demanderesse, M. Choi lui a dicté sa lettre pendant qu’elle la tapait, puis il l’a signée. Pour ce qui est de Mme Gong, qui voulait voir un modèle de lettre avant d’écrire la sienne, la demanderesse affirme qu’elle a envoyé un modèle de lettre de recommandation, ce qui explique les similitudes entre les lettres. La demanderesse fait remarquer que Mme Gong a confirmé les affirmations de la demanderesse dans sa lettre explicative.

[17] Les arguments de la demanderesse ne me convainquent pas. L’alinéa 40(1)a) de la LIPR est une disposition de portée générale qui énonce ce qui suit : « Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants : a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [LIPR] ».

[18] Pour conclure qu’un demandeur est interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations, deux éléments doivent être établis. Premièrement, il doit y avoir une fausse déclaration. Deuxièmement, la fausse déclaration doit être importante, en ce qu’elle entraîne ou pourrait entraîner une erreur dans l’application de la LIPR : Kangah c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 814, aux para 20‑21. Un fait ne doit pas nécessairement être concluant ou déterminant pour être important. Il sera important s’il a une incidence sur le processus ou sur la décision finale. Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1484 au para 13; Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 au para 38.

[19] Les tribunaux ont conclu qu’une erreur commise de bonne foi peut tomber dans le champ d’application du paragraphe 40(1) de la LIPR : Paashazadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 327 au para 18 [Paashazadeh]; Punia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 184 au para 51. La disposition peut s’appliquer même lorsqu’une fausse déclaration est faite par un tiers : Ibe‑Ani, au para 29; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059 aux para 50‑53 et 58.

[20] Sur un point connexe, pour qu’une décision concernant une fausse déclaration soit raisonnable, les agents doivent également entreprendre une analyse de l’importance de l’acte ou de l’omission allégué comme fausse déclaration, et de la façon dont l’acte ou l’omission a pu avoir ou a eu une incidence sur l’issue de la demande. Autrement dit, avant de tirer une conclusion en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, l’agent doit évaluer la preuve au dossier pour déterminer si les fausses déclarations alléguées sont importantes : Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 378 [Yang] au para 15.

[21] En l’espèce, la demanderesse elle‑même a clairement fait une fausse déclaration. L’agent a consigné l’échange suivant dans les notes du SMGC au sujet de la provenance de ses lettres de recommandation :

[traduction]
À l’entrevue, la cliente avait fourni les réponses suivantes à mes questions :

« Si la lettre a été préparée et signée par vos employeurs? » La DP a répondu « Oui ».

« Pouvez‑vous expliquer pourquoi les deux lettres de recommandation en matière d’emploi sont si semblables et ont été signées par deux employeurs différents à des moments différents? » La DP a répondu : « Non. Elles m’ont été fournies et ont été signées par mes employeurs. »

« Puis‑je confirmer encore une fois que ces deux lettres n’ont pas été préparées par vous? » Réponse : « Non. »

[22] Ainsi, comme le montrent clairement les notes du SMGC, à plus d’une reprise, lorsque l’agent a interrogé la demanderesse sur la provenance des lettres, celle‑ci a confirmé qu’elle n’avait pas préparé les lettres elle‑même, mais que ses employeurs l’avaient fait. L’agent a souligné que Mme Gong a par la suite contredit, au cours d’une entrevue téléphonique, des renseignements fournis par la demanderesse au sujet de la personne qui a écrit la lettre (en plus de fournir des renseignements contradictoires au sujet de ses fonctions, et notamment des soins essentiels aux enfants, comme il en est question ci‑dessous). L’agent a résumé la réponse donnée à la LEP par la demanderesse :

[traduction]
La DP a expliqué qu’elle était nerveuse et qu’elle n’avait rien à nous cacher. Elle n’était pas certaine de la question, mais elle s’est souvenue qu’on lui avait demandé si elle avait signé les lettres de recommandation au nom de ses patrons, et sa réponse a été « Non ». La DP a ajouté ce qui suit : « La lettre de recommandation était un modèle que j’ai utilisé pour préparer la lettre précédente pour M. [Choi] et mon employeuse actuelle m’a demandé de lui montrer ma lettre de recommandation précédente, ce que j’ai fait. Mon employeuse actuelle, Mme Gong [...] ne parle pas anglais, mais son adjointe personnelle, Annie, le parle et j’ai donné la recommandation à [Annie] et j’ai reçu la lettre signée d’Annie. »

[23] La conseil de la demanderesse a tenté d’expliquer les réponses contradictoires, mais les explications n’ont été données qu’après le fait à l’audience, et l’agent n’a pas pu bénéficier de cette explication. De plus, les allégations de la demanderesse lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire n’étaient pas appuyées par des éléments de preuve, comme un affidavit de la demanderesse. Cette explication tardive n’a pas permis à mon avis de conclure que la conclusion de fausse déclaration était déraisonnable.

[24] L’agent a également conclu qu’une deuxième fausse déclaration avait été faite lorsque la demanderesse a déclaré qu’elle avait fait « tout » pour l’enfant de Mme Gong. Pourtant, selon le témoignage de la demanderesse, la grand‑mère de l’enfant était la principale responsable des soins.

[25] Si le mot « tout » était pris isolément, on pourrait remettre en question son interprétation. Cela pourrait signifier que la demanderesse a participé à tous les aspects de la garde de l’enfant lorsque son aide à cet égard était nécessaire (comme l’a déclaré Mme Gong dans sa lettre jointe à la réponse à la LEP). Toutefois, cela pourrait aussi signifier que la demanderesse était entièrement responsable de la garde de l’enfant (ce qui est contredit par la preuve au dossier, y compris la lettre de recommandation de Mme Gong).

[26] Dans l’ensemble, je ne trouve pas non plus raisonnable la conclusion secondaire de l’agent, fondée sur des déclarations au sujet de la garde d’enfants, parce qu’il s’agissait d’une conclusion possible parmi plusieurs à la lumière de l’ensemble des circonstances et de la preuve présentée. Il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau la preuve. Les décisions dans lesquelles entre en jeu une conclusion de fausse déclaration ne devraient être annulées que si elles sont jugées déraisonnables : El Sayed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 39 au para 12; Hoseinian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 514. En l’espèce, la conclusion de l’agent selon laquelle les divergences constituaient une fausse déclaration était raisonnable.

[27] Pour ce qui est des cas de jurisprudence sur lesquels la demanderesse s’appuie, y compris concernant le degré d’importance de la fausse déclaration, il s’agit d’affaires qui sont fondées sur des faits différents. Par exemple, dans la décision Yang, le juge Shirzad Ahmed a conclu que l’agent n’avait pas évalué la preuve au dossier, y compris les qualifications de la demanderesse, pour déterminer si la fausse déclaration était importante : Yang, aux para 13‑15.

[28] En l’espèce, par contre, les notes du SMGC indiquent que l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve, y compris des documents sur l’éducation de la demanderesse, des lettres de recommandation, des relevés de versement de retenues et des autres documents à l’appui, y compris tous les documents accompagnant la réponse à la LEP. L’agent conclut qu’il est [traduction] « convaincu que la demanderesse a fait une présentation erronée sur un fait important qui, si elle avait été acceptée, aurait entraîné une erreur dans l’application de [la LIPR] ». Je suis d’accord pour dire que l’histoire changeante était très importante eu égard au fondement de la demande de la DP, car elle se rapportait à l’expérience de travail antérieure, qui était l’un des critères d’admissibilité.

[29] En bref, l’objectif de l’alinéa 40(1)a) est de veiller à ce que les demandeurs fournissent des renseignements honnêtes, complets et véridiques, et à dissuader les fausses déclarations : Paashazadeh, au para 25. En l’espèce, les fausses déclarations relevées par l’agent, de manière raisonnable à mon avis, touchaient au cœur de la demande.

B. Y a‑t‑il eu atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale?

[30] La demanderesse soutient que les explications qu’elle a fournies dans sa réponse à la LEP – y compris les captures d’écran de WeChat de la confirmation de la réinstallation de M. Choi et la lettre explicative de Mme Gong – n’ont pas été évaluées de façon raisonnable, ce qui a entraîné une injustice procédurale. Étant donné qu’une conclusion de fausse déclaration entraîne des conséquences graves pour les ressortissants étrangers qui demandent à travailler et à vivre au Canada (interdiction de séjour du Canada pendant cinq ans), la demanderesse soutient que le niveau d’équité procédurale requis en l’espèce est élevé. Elle a cité un certain nombre de décisions de la Cour à l’appui de cette affirmation, notamment : Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1284 au para 25; Bao c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 268 aux para 17‑18 [Bao]; Ge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 594 au para 28 [Ge]; et Lamsen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 815 au para 24 [Lamsen].

[31] Je conviens que, lorsque de fausses déclarations sont soulevées, compte tenu de l’interdiction de territoire possible et des conséquences qui en découlent, l’agent a l’obligation de faire part de ses préoccupations au demandeur et de lui donner l’occasion de s’expliquer : Ge, au para 30. En l’espèce, j’estime que c’est exactement ce que l’agent a fait concernant toutes les principales conclusions, en offrant à la demanderesse à la fois une entrevue en personne et une occasion subséquente de s’expliquer dans le cadre du processus lié à la LEP, ce à quoi la demanderesse a répondu.

[32] Comme pour les conclusions de fond sur les fausses déclarations, l’agent a évalué l’ensemble de la preuve et n’a pas [traduction] « compartimenté » les aspects procéduraux de cette affaire, contrairement à la décision Lamsen (au para 24), ou omis de faire part des préoccupations à la demanderesse dans la LEP, comme cela s’est produit dans l’affaire Bao (aux para 17‑18). Au contraire, le processus en l’espèce était juste : l’agent a donné à la demanderesse toutes les occasions de s’expliquer, d’abord de vive voix, puis par écrit. L’équité procédurale n’exige pas de longs échanges entre les agents des visas et les demandeurs.

VI. Conclusion

[33] J’estime que l’analyse de l’agent au regard de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR est raisonnable, compte tenu de sa justification, de sa transparence et de son intelligibilité. Le processus était également équitable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des deux parties n’était d’avis que ces questions justifient la certification d’une question, et je suis d’accord.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7205‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier, et j’estime que l’espèce n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7205‑19

INTITULÉ :

RITCHELL RAGADA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 JUIN 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 21 JUIN 2021

COMPARUTIONS :

Tatiana Gulyaeva

POUR LA DEMANDERESSE

David Knapp

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tatiana Gulyaeva

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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