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Date : 19980522


Dossier : IMM-2313-97

ENTRE :


ALI ERENOGLU,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a déterminé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La décision est datée du 6 mai 1997.

[2]      Le demandeur est un citoyen de la Turquie. Il est de nationalité kurde et de religion alevi. Il est né et a grandi dans un village au sud-est de la Turquie, dans une région essentiellement kurde. Le récit que contient le Formulaire de renseignements personnels qu'il a rempli et que la SSR a annexé aux motifs de sa décision décrit clairement la persécution que les services de sécurité gouvernementaux lui ont fait subir dans cette partie de la Turquie.

[3]      En juillet 1994, il s'est enfui de son village et s'est établi à Istanbul, où il a été témoin de l'incendie d'un restaurant alevi et où il a lu que des entreprises kurdes se faisaient détruire. En septembre 1994, il a communiqué avec son père pour lui demander s'il lui serait possible de rentrer au village. Son père lui a conseillé de ne pas revenir. Le demandeur ne se sentait pas en sécurité à Istanbul. Il prenait de très grandes précautions afin d'éviter la police. À un moment donné, il a décidé que vu qu'il ne pouvait retourner dans son village, il s'enfuirait du pays. En avril 1996, il a quitté la Turquie avec l'aide d'un passeur.

[4]      Dans ses motifs, la SSR a implicitement reconnu que la crainte du demandeur d'être persécuté s'il devait retourner dans le sud-est de la Turquie était fondée. En conséquence, son examen a principalement porté sur la question de savoir s'il était raisonnable de conclure qu'une possibilité de refuge intérieur (PRI) s'offrait au demandeur. Elle a écrit :

                      [TRADUCTION] La principale question que soulève la présente affaire est de savoir si une possibilité de refuge intérieur (PRI) s'offre au demandeur à Istanbul.                 
                      Dans l'arrêt Rasaratnam, la Cour fédérale a jugé que                 
                                  [...] puisque, par définition, le réfugié au sens de la Convention doit être un réfugié d'un pays, et non d'une certaine partie ou région d'un pays, le demandeur ne peut être un réfugié au sens de la Convention s'il existe une possibilité de refuge dans une autre partie du même pays.                         
                      Le critère applicable pour apprécier la validité d'une PRI comporte deux volets :                 
                              [...] s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire2.                         
                 [5]      La SSR a cité de nombreux extraits de la preuve documentaire dont elle disposait. Elle a conclu :      [TRADUCTION] Compte tenu de tout ce qui précède, il est relativement facile de conclure qu'un Kurde de religion alevi vivant à Istanbul risque grandement de faire l'objet de discrimination ou de harcèlement, en particulier s'il s'agit d'un paysan qui n'a aucune expérience de la vie urbaine. Cependant, il est difficile de conclure qu'un Kurde de religion alevi risque grandement d'être persécuté à Istanbul.                 

Elle a poursuivi en citant un extrait d'un article qui mentionnait que les Kurdes de religion alevi avaient déjà fait l'objet, à Istanbul, d'actes de violence politique prémédités. En ce qui concerne cet élément de preuve, elle a fait la remarque suivante :

                      [TRADUCTION] La preuve dont nous disposons n'établit pas, cependant, que cela se produit si souvent à Istanbul que nous pouvons conclure que le demandeur risque grandement d'y être persécuté.                 

[6]      La SSR a ensuite examiné si Istanbul pouvait constituer une PRI vu le contexte de la situation dans laquelle se trouvait le demandeur, en insistant sur le fait que celui-ci y avait vécu pendant « environ deux ans » sans jamais y avoir été persécuté. Elle a fait la remarque suivante :

                      [TRADUCTION] Il s'agit là, à notre avis, d'un aspect particulier de la situation du demandeur qui étaye le caractère raisonnable objectif de l'existence d'une PRI.                 

[7]      La SSR a expressément examiné et rejeté, compte tenu des faits de l'espèce, la proposition selon laquelle il ne saurait exister de PRI dans les cas où le gouvernement était l'agent de persécution dans le passé, continuait d'être la cause de la crainte du demandeur d'être persécuté, et contrôlait l'ensemble du territoire du pays.

[8]      Se fondant sur son analyse, la SSR a rejeté la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur au motif qu'une PRI s'offrait à lui à Istanbul.

[9]      Même si je ne serais peut-être pas parvenu à la même conclusion que la SSR compte tenu des faits de l'espèce, je conclus que l'analyse faite par celle-ci ne contient aucune erreur susceptible de contrôle. Aucune erreur de procédure ni aucune erreur de compétence n'a été alléguée devant moi. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[10]      L'avocat du demandeur m'a exhorté à certifier la question suivante :

                      [TRADUCTION] Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'agent de la persécution déjà subie et de la persécution crainte pour l'avenir contrôle l'ensemble du territoire du pays vers lequel le revendicateur du statut de réfugié au sens de la Convention doit être renvoyé, une PRI peut-elle s'offrir à celui-ci?                 

[11]      Par ailleurs, l'avocate du défendeur a insisté sur le fait qu'aucune question ne devait être certifiée. Je souscris à ce point de vue. Aucune question ne sera certifiée. Je suis convaincu que la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale et celle de la présente Cour sur la question de la PRI


traitent déjà de la question proposée par l'avocat du demandeur.


« Frederick E. Gibson »

                                             juge

Toronto (Ontario)

Le 22 mai 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                  IMM-2313-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ALI ERENOGLU

                         - c. -
                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :              LE 21 MAI 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :                  22 MAI 1998

ONT COMPARU :

                         M. Steven M. Beiles

                                 Pour le demandeur

                         M me Andrea M. Horton

                                 Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                         M. Steven Beiles

                         avocat

                         100, rue Adelaide ouest

                         pièce1300

                         Toronto (Ontario)

                         M5H 1S3

                             Pour le demandeur

                     George Thomson

                     Sous-procureur général du Canada

                             Pour le défendeur

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


Date : 19980522


Dossier : IMM-2313-97

Entre :

ALI ERENOGLU,

     demandeur,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE


__________________

1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

2      Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.F.) et Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.F.).

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