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                                                                                                                              Date : 20040226

                                                                                                                  Dossier : IMM-2903-03

                                                                                                              Référence : 2004 CF 266

ENTRE :

                                                              ALFRED YOUNIS

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 18 mars 2003 par laquelle l'agent chargé de procéder à lvaluation des risques avant le renvoi (ERAR) a estimé que le demandeur n'avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

[2]         Alfred Younis (le demandeur) est un citoyen du Pakistan. Le demandeur affirme qu'il craint dtre persécuté et dtre exposé à une menace à sa vie au Pakistan de la part des intégristes musulmans et de la police parce qu'il est chrétien.


[3]         Le 18 mars 2003, l'agent a rejeté la demande ERAR du demandeur après avoir estimé que le demandeur ntait pas exposé au risque dtre persécuté, au risque dtre soumis à la torture ou encore dtre exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels et inusités s'il retournait au Pakistan. Voici les motifs invoqués par l'agent au soutien de sa décision :

-           bien qu'il existe de nombreux éléments de preuve documentaire à l'appui de l'allégation qu'au Pakistan, les chrétiens ont moins de droits que les musulmans, la Constitution garantit la liberté de religion au Pakistan;

-           bien que le gouvernement pakistanais refuse souvent d'intervenir dans les cas de violence dont sont victimes les membres des groupes religieux minoritaires, le gouvernement a pris des mesures pour mettre un frein à l'extrémisme et au radicalisme religieux;

-           l'incident de l'attaque surprise au domicile du demandeur et de la détention de ce dernier par la police en août 1993 remonte à une dizaine d'années et le demandeur n'a pas prétendu qu'il avait été persécuté auparavant;

-           les parents et les frères et soeurs du demandeur, qui sont tous des chrétiens vivant au Pakistan, n'ont fait l'objet d'aucune persécution et n'ont jamais eu de problèmes avec les intégristes au Pakistan;

-           rien ne permet de penser que les autorités ou les intégristes musulmans se sont intéressés au demandeur depuis qu'il a quitté le Pakistan en 1993;

-           il ressort de la preuve documentaire qu'il est peu probable que le demandeur soit condamné à une peine en réponse aux accusations de blasphème portées contre lui;

-           le demandeur a quitté le Pakistan muni de son propre passeport sans rencontrer de problèmes malgré son affirmation qu'il est recherché par la police et malgré les mesures de sortie strictes qui existent au Pakistan.

[4]         Le demandeur affirme qu'il avait droit à une audience parce que sa demande d'asile a été instruite sous le régime de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985 ch. I-2, alors que sa demande ERAR a été examinée sous le régime de la nouvelle Loi. Le demandeur n'aurait donc pas eu l'occasion de formuler des observations orales en vertu de l'article 97 de la nouvelle Loi. Le défendeur affirme pour sa part que ni la Loi ni les principes de justice fondamentale n'exigent la tenue d'une audience en l'espèce.


[5]         Aux termes du paragraphe 346(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont assimilées à une demande de protection visée par les articles 112 à 114 de la nouvelle Loi les demandes d'établissement à titre de demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada à l'égard desquelles aucune décision n'a été prise avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi. Le demandeur affirme que, comme son cas se situe dans la période transitoire entre les deux lois, il a droit à une audience complète en ce qui concerne les observations qu'il souhaite formuler en vertu de l'article 97 de la Loi. En règle générale, les demandes ERAR sont jugées sur dossier. L'alinéa 113b) de la Loi prévoit toutefois qu'une audience peut être tenue si le ministre l'estime requis compte tenu des facteurs prévus à l'article 167 du Règlement.


[6]         Suivant le demandeur, parmi les facteurs qui servent à décider si la tenue d'une audience était requise en l'espèce, il y a celui de l'importance que revêt la décision pour la personne visée. Bien qu'il soit vrai que le refus de la demande ERAR du demandeur revêt une importance considérable pour lui, je ne crois pas que l'absence d'audience viole nécessairement les principes de justice fondamentale. Il ressort de l'examen de la décision que l'agent chargé de procéder à l'ERAR a examiné la demande tant en fonction de l'article 96 que de l'article 97. Le demandeur n'a donc pas été privé de son droit à ce que sa demande soit examinée conformément à l'article 97 de la Loi. Qui plus est, il importe de noter que le demandeur a eu amplement l'occasion de présenter des observations complémentaires en ce qui concerne sa demande ERAR, comme le prévoit le paragraphe 161(1) du Règlement. Il ressort de l'examen des observations du demandeur qu'il a pu formuler des arguments substantiels au sujet de ses risques dtre soumis à la torture ou encore dtre exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou de peines cruels et inusités s'il retournait au Pakistan. Je suis convaincu que le demandeur n'a pas subi de préjudice en raison de la procédure qui a été suivie lors de l'examen de sa demande ERAR et je suis d'avis que le traitement qui lui a été réservé était conforme aux principes de justice fondamentale (voir les arrêts Suresh c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 3, et Ahani c. Canada (M.C.I.), [2002] 1 R.C.S. 72).

[7]         Pour les motifs que je viens d'exposer, je suis d'avis que l'absence d'audience n'allait pas à l'encontre des principes de justice fondamentale en l'espèce. En conséquence, comme le demandeur n'a soulevé aucune autre question, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[8]         Les parties n'ont proposé la certification d'aucune question.

               « Yvon Pinard »                                                                                                                                Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 26 février 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-2903-03

INTITUTLÉ:                          ALFRED YOUNIS c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 15 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 FÉVRIER 2004                                              

COMPARUTIONS:

William Macintosh                                                      POUR LE DEMANDEUR

Sandra Weafer                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

William Macintosh Associates                                 POUR LE DEMANDEUR

Surrey (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

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