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Date : 20000908


Dossier : T-2026-99




ENTRE :


ASTRA PHARMA INC. et

TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD,

demanderesses,


- et -



LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et APOTEX INC.,

défendeurs.



     ORDONNANCE

     La requête d'Apotex visant à obtenir le rejet de la demande présentée le 19 novembre 1999 par les demanderesses parce qu'elle constitue un abus de procédure en vertu de l'alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) est accueillie. Les dépens sont adjugés à la défenderesse Apotex.

     « W. P. McKeown »

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme




Suzanne Bolduc, LL.B.




Date : 20000908


Dossier : T-2026-99

ENTRE :


ASTRA PHARMA INC. et

TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD,

demanderesses,


- et -



LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et APOTEX INC.,

défendeurs.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE McKEOWN

[1]      Le 19 novembre 1999, les demanderesses ont présenté une demande conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, et ses modifications (le Règlement). Dans leur demande, elles sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex relativement à des capsules d'oméprazole de 10, 20 et 40 mg à administrer par voie orale, avant l'expiration du brevet canadien no 1,338,377 (le brevet 377). Le 19 janvier 2000, la défenderesse Apotex a présenté une requête afin d'obtenir le rejet de la demande, conformément à l'alinéa 6(5)b) du Règlement, pour le motif qu'elle est frivole ou vexatoire ou constitue un abus de procédure.

[2]      Cette requête a été entendue conjointement avec l'affaire T-2016-99. Cependant, comme les questions en litige dans la présente espèce diffèrent de celles en cause dans l'affaire T-2016-99, j'ai décidé d'examiner chaque requête séparément.

[3]      La demanderesse Takeda Chemical Industries, Ltd. (Takeda) est propriétaire du brevet 377. Le brevet comporte trois revendications dont la suivante :

     [TRADUCTION] 2.      Composition, selon la revendication 1, dans laquelle l'agent stabilisant à base de sel inorganique basique est un sel de potassium inorganique basique qui est efficace pour stabiliser la composition.

Le 8 juillet 1996, la demanderesse Astra Pharma Inc. (Astra) a demandé que le médicament oméprazole soit ajouté dans la liste de brevets. Astra se présente comme une demanderesse qui a obtenu le consentement du propriétaire du brevet pour qu'un brevet soit ajouté dans la liste de brevets.

[4]      Dans l'avis d'allégation, daté du 5 octobre 1999 et signifié conformément au Règlement, Apotex dit ce qui suit :

     [TRADUCTION] En ce qui concerne le brevet 1338377, nous alléguons qu'aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par nous de capsules à administrer par voie orale contenant de l'oméprazole en concentrations de 10, 20 et 40 mg.

L'avis d'allégation contient en outre ce qui suit :

     [TRADUCTION] L'énoncé des faits et du droit sur lequel se fonde l'allégation qui précède est le suivant :
         Les revendications de ce brevet visent les compositions comprenant une substance médicamenteuse, un agent stabilisant à base de sel inorganique basique choisi parmi les sels de potassium, de sodium et d'aluminium et un enrobage entérique. Nos capsules ne seront visées par aucune revendication de ce brevet. Plus précisément, nos capsules ne contiendront pas un tel agent stabilisant. De façon encore plus précise, nos capsules ne contiendront aucun sel de potassium, de sodium ou d'aluminium quelconque.

[5]      M. Sherman, président et directeur général d'Apotex, a dit dans un affidavit que [TRADUCTION] « [l]a formulation des capsules d'oméprazole d'Apotex qui sont visées par la présentation de drogue nouvelle susmentionnée ne contient aucun des agents stabilisants spécifiés dans le brevet 377 et, en fait, ne contient aucun sel de potassium, de sodium ou d'aluminium quelconque » .

[6]      La question à trancher dans la présente requête est celle de savoir si dans la demande présentée conformément à l'alinéa 6(5)b) du Règlement, la défenderesse Apotex a démontré que la demande « est inutile, scandaleuse, frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure » . Dans leur avis de demande, les demanderesses invoquent trois motifs pour justifier l'octroi d'une ordonnance d'interdiction. Premièrement, elles affirment qu'Apotex n'avait pas de présentation de drogue nouvelle (PDN) pendante devant le ministre à l'époque pertinente. Deuxièmement, elles prétendent que l'avis d'allégation présumé du 5 octobre 1999 ne constitue pas un avis d'allégation approprié ni un énoncé détaillé du droit et des faits sur lequel se fonde l'allégation, comme le prévoit le Règlement. Troisièmement, elles soutiennent que l'avis d'allégation n'est pas justifié en raison des doctrines de la chose jugée, de l'abus de procédure et de l'irrecevabilité.

[7]      Par suite des nouvelles modifications apportées au Règlement (DORS/99-379), la PDN doit être présentée au ministre avant que l'avis d'allégation soit signifié. Cela a été fait, comme l'a confirmé l'affidavit de M. Sherman. La PDN relative aux capsules d'oméprazole a été présentée au ministre avant le 5 octobre 1999. Cette déclaration n'a pas fait l'objet d'un contre-interrogatoire par les demanderesses et n'a pas non plus été contestée par le ministre de la Santé. La PDN était donc pendante à l'époque pertinente, comme l'exige le Règlement.

[8]      Les demanderesses affirment qu'elles ne connaissent pas ou n'ont aucun moyen de connaître le procédé (ou les détails du procédé) utilisé pour fabriquer les capsules d'oméprazole d'Apotex; elles ne connaissent pas et n'ont pas non plus accès à la PDN. Elles prétendent qu'elles sont incapables d'évaluer la preuve et de produire des éléments de preuve utiles en réponse à l'allégation de non-contrefaçon parce que la formulation ou le procédé utilisé pour en arriver à la formulation ne leur ont pas été divulgués.

[9]      Les demanderesses n'ont jamais fait quoi que ce soit pour obtenir la PDN. Il est également important de souligner qu'il s'agit d'un brevet de composition et non d'un brevet de procédé.

[10]      Les demanderesses sollicitent une ordonnance d'interdiction pour le motif qu'Apotex n'a pas fourni suffisamment de détails sur la formulation qu'elle utilise pour fabriquer les capsules d'oméprazole. La Cour a déjà eu à traiter de ce genre d'allégation en ce qui concerne des brevets de composition. Dans l'arrêt Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1997), 70 C.P.R. (3d), 206 (C.A.F.), l'avocat a soutenu que le mémoire descriptif était insuffisant. Le juge Stone a dit ce qui suit à la p. 213 :

     Le premier point important soulevé par les appelantes concerne l'omission alléguée de l'intimée de divulguer suffisamment de faits pour justifier son allégation de non-contrefaçon. Selon les appelantes, la conclusion selon laquelle les faits divulgués sont suffisants ne peut être bien fondée, parce que la seule façon raisonnable qui leur permettrait de savoir si le produit de l'intimée constituerait une contrefaçon du brevet en litige et, subséquemment, de décider de l'opportunité d'engager des procédures fondées sur l'article 6 serait la divulgation complète de la composition du produit de l'intimée et, par la suite, la comparaison de cette composition à la leur.
     Comme l'indique clairement le paragraphe 55.2(4) de la Loi sur les brevets, modifié par la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, L.C. 1993, ch. 2, le Règlement vise à « empêcher la contrefaçon de brevet d'invention par l'utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d'une invention brevetée » . Les procédures fondées sur l'article 6 ne constituent pas une action en contrefaçon (Merck Frosst, précité, à la page 319; Nu-Pharm, précité, à la page 28). Selon le Règlement, l'intimée devait se conformer de bonne foi aux exigences des paragraphes 5(1) et (3). Dans le cas de l'alinéa 5(3)a), cette obligation signifiait que l'intimée devait fournir un énoncé détaillé du « droit et des faits sur lesquels elle se fonde » (non souligné dans l'original). Comme la présente Cour l'a fait observer dans les arrêts Merck Frosst et Bayer AG, précités, les règles de procédure applicables de la partie V.1 n'exigent pas qu'une allégation fondée sur l'alinéa 5(1)b) soit justifiée au moyen d'un affidavit ou que cette assertion soit vérifiée en contre-interrogatoire. Néanmoins, je suis convaincu que cette allégation doit être exacte. Une fois que le produit d'une deuxième personne atteint le marché, la première personne est en mesure de vérifier l'exactitude de l'énoncé détaillé; si celui-ci devait s'avérer inexact, les conséquences pourraient effectivement être très graves pour la deuxième personne.
     Le juge des requêtes a estimé que l'intimée avait fourni un élément factuel en affirmant que son produit ne constituerait pas une contrefaçon du brevet en litige, parce qu'elle n'utiliserait dans sa composition aucun des acides organiques précisés dans la revendication 1 du brevet en litige, dont voici un extrait pertinent :
[TRADUCTION]
1.          Une composition pharmaceutique, acceptable en pharmacie, d'un dérivé de la thiénopyridine représenté par la formule...
     où R est du phényle ou du benzyle, chacun pouvant être substitué sur le cycle phénylique par 1 à 3 atomes d'halogène, un alkyle de 1-6 atomes de carbone, un alkoxy de 1-6 atomes de carbone, un hydroxy ou un nitro; R1 est de l'hydrogène, un halogène, un hydroxy ou un alkyle ayant 1-6 atomes de carbone; R2 est de l'hydrogène ou un halogène; n est 1 ou 2, et lorsque n est 2, R1 peut avoir différentes significations dans chaque radical (CHR1); et au moins un acide organique non volatil acceptable en pharmacie, à savoir de l'acide ascorbique, de l'acide glycolique, de l'acide mandélique, de l'acide malique, de l'acide malonique ou de l'acide tartrique.(non souligné dans l'original)
     Le libellé de la revendication semble suffisamment clair : la composition doit contenir au moins un acide organique non volatil acceptable en pharmacie, « à savoir » l'un des acides mentionnés dans la revendication.
À mon avis, je n'ai qu'à remplacer les mots « acides organiques » dans l'extrait qui précède par les mots « agent stabilisant » et les principes énoncés s'appliquent à l'espèce. Il est important de souligner que le juge Stone vient rapidement à bout de l'argument selon lequel les demanderesses ont besoin de connaître le procédé ou les détails du procédé utilisé dans la composition des capsules d'oméprazole d'Apotex. Selon lui, l'avis d'allégation doit être exact. Une fois que le produit de la deuxième personne (c.-à-d. la défenderesse Apotex) atteint le marché et que la première personne (c.-à-d. la demanderesse Astra) a vérifié l'énoncé et qu'il a été démontré que la déclaration selon laquelle il n'y avait aucun agent stabilisant était inexact, les conséquences pour la deuxième personne pourraient effectivement être très graves.
[11]      Le même argument qu'ont soulevé les demanderesses devant moi a aussi été invoqué dans l'affaire Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1999), 85 C.P.R. (3d) 50, à la p. 54 (C.F. 1re inst.), dans laquelle le juge Rothstein souligne que la Cour d'appel avait examiné le même argument, et où il rappelle les commentaires du juge Stone selon lequel les conséquences pourraient être très graves en cas d'inexactitude. Le juge Rothstein dit aux pages 54 et 55 :
     [10] Les demanderesses font remarquer que le règlement modifié renferme des dispositions au sujet de la production d'extraits de la demande d'avis de conformité. Elles ajoutent qu'il s'ensuit que le règlement modifié exige la divulgation d'un plus grand nombre de renseignements. Le paragraphe 6(7) dispose :
     6. (7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance :
         a) ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance ;
         b) enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.
     Le paragraphe 6(7) s'applique aux instances en interdiction lorsque le tribunal juge nécessaire de prendre connaissance de certains extraits de la demande d'avis de conformité pour pouvoir rendre une décision sous le régime du Règlement. Il n'en sera pas ainsi dans chaque procédure et cette mesure n'est certainement pas nécessaire dans le cas qui nous occupe. J'estime que les observations formulées par le juge Stone sont concluantes en ce qui concerne la question en litige en l'espèce. Certes, si le chlorhydrate de ticlopidine de Pro Doc atteint le marché, il sera alors possible pour les demanderesses de l'analyser. Si l'on démontrait que ce produit renferme un des acides énumérés dans la revendication no 1, contrairement à ce qu'affirme Pro Doc dans son avis d'allégation, les conséquences pourraient effectivement être très graves pour Pro Doc. Eu égard aux circonstances de l'espèce, qui sont identiques à celles des affaires antérieures portant sur le brevet 170, j'accepte que Pro Doc désire que son avis d'allégation soit exact.

[12]      Dans la décision Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1999), 87 C.P.R. (3d), 251 (C.F. 1re inst.), le juge Sharlow réitère le point de vue de la Cour sur l'argument qu'ont fait valoir les demanderesses sur la non-divulgation; elle dit, à la p. 258 :
     [9] Il s'ensuit que lorsqu'une partie se propose de fabriquer un médicament qui ne contient aucun de ces acides et qu'elle dépose un avis d'allégation dans lequel elle l'affirme, le breveté ne saurait obtenir gain de cause dans une demande visant à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité au motif que l'avis d'allégation n'est pas suffisamment détaillé ou que l'allégation de non-contrefaçon n'est pas justifiée.
[13]      À la lumière des décisions qui précèdent et d'autres décisions analogues, j'estime dénué de fondement l'argument des demanderesses selon lequel le juge de première instance n'a pas à examiner le caractère suffisant du droit et des faits sur lesquels repose l'allégation et doit interpréter la revendication de la manière requise. Il s'agit d'un brevet de composition et non d'un brevet de procédé.
[14]      La deuxième partie de cet argument est que les demanderesses croient qu'elles ont besoin d'avoir accès à la PDN. Au paragraphe 17 de son affidavit, M. Sherman dit que la PDN a été présentée au ministre avant le 5 octobre 1999 et que la formulation ne contient aucun des agents stabilisants spécifiés dans le brevet 377. Il s'agit d'une réponse complète à ladite demande. Les demanderesses soutiennent aussi qu'Apotex n'est pas autorisée à produire des éléments de preuve en ce qui concerne la requête visant à obtenir le rejet de la demande d'interdiction. Ce même argument a été soumis au juge Rothstein dans l'affaire Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), précitée (1999). Il n'a pas tranché cette question dans sa décision. Toutefois, étant donné que le même argument a été invoqué dans le mémoire des demanderesses en l'espèce et que l'affidavit a été admis, je suis convaincu qu'il est approprié de permettre le dépôt d'un affidavit au soutien, à la condition qu'il concerne des questions très restreintes.
[15]      La question en litige suivante est celle de la chose jugée.
[16]      Au paragraphe 29 de l'avis d'allégation, les demanderesses font valoir qu'Apotex ne devrait pas être autorisée à invoquer ledit avis d'allégation en raison des avis d'allégation antérieurs qui ont donné lieu aux affaires T-178-98, T-179-98 et T-180-98.
[17]      Dans l'avis d'allégation qui a été déposé en l'espèce, les demanderesses donnent les détails des six procédures antérieures concernant l'oméprazole. Aux fins de la présente requête, je n'ai qu'à exposer les faits concernant l'affaire T-178-98. Dans cette affaire, une lettre d'allégation d'Apotex contenait ce qui suit relativement au brevet 377 : [TRADUCTION] « [l]es capsules auxquelles se rapporte l'avis d'allégation ont une formulation différente de celle qui vous a été divulguée dans l'affaire T-1712-95 » . Elle indique ensuite que les revendications n'incluent pas [TRADUCTION] « un tel agent stabilisant soit dans le centre soit dans l'enrobage » . La décision T-178-98 de même que deux autres décisions, T-179-98 et T-180-98, se terminaient par des ordonnances séparées du juge Tremblay-Lamer en date du 18 mai 1999, chacune de celles-ci prévoyant notamment ce qui suit :
     [TRADUCTION] ATTENDU qu'Apotex souhaite retirer son avis d'allégation... lequel avis d'allégation est à l'origine de la présente procédure...
     ATTENDU que le retrait de l'avis d'allégation rend la présente instance sans objet.
     ATTENDU que les demanderesses et Apotex consentent au prononcé de la présente ordonnance.
     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :
     1. L'avis d'allégation est considéré comme retiré.
     2. La demande est considérée comme abandonnée.

[18]      Les deux parties reconnaissent que c'est parce qu'Apotex a eu certaines difficultés à se conformer aux exigences en matière de santé et d'innocuité de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues que l'avis d'allégation a été retiré et qu'il y a eu désistement des procédures dans l'affaire T-178-98.
[19]      Une entente a été signée relativement au retrait des trois premiers avis d'allégation et à l'affaire T-178-98, ce qui a été expressément examiné dans une lettre datée du 14 mai 1999 échangée par l'avocat d'Apotex et l'avocat d'Astra et AB Hassle. Les parties pertinentes de cette lettre sont les suivantes :
     [TRADUCTION] c) En ce qui concerne les capsules d'oméprazole, la « convention accessoire » est la suivante. Les parties conviennent que, sans limiter de quelque manière que ce soit les droits de votre cliente et d'Apotex à tous les autres égards, y compris les capsules d'oméprazole, vos clientes ne s'opposeront pas à ce qu'Apotex fasse valoir la même allégation que celle qui a donné lieu à l'affaire T-178-98 à la condition qu'elle se fonde exactement sur le même énoncé du droit et des faits que dans l'affaire T-178-98 et à la condition qu'Apotex ne présente pas d'autres éléments de preuve que ceux qui ont été produits dans ladite affaire. En pareil cas, dans toute procédure engagée en réponse à l'allégation, vos clientes ne devront pas produire d'autres éléments de preuve que ceux qui ont été présentés dans l'affaire T-178-98.
     Il est entendu que cette « convention accessoire » n'a pas pour but d'obliger Apotex à ne produire une allégation relativement aux capsules d'oméprazole que de la manière indiquée ci-dessus, mais qu'Apotex est libre de soumettre toute autre allégation et d'agir de la manière qu'elle juge appropriée et que, le cas échéant, vos clientes seront libres d'y répondre comme elles le jugent indiqué.
[20]      Les affaires T-179-98 et T-180-98 ne concernaient pas des capsules d'oméprazole, mais simplement des comprimés d'oméprazole. Toutefois, l'avis d'allégation qui a donné lieu à l'affaire T-178-98 ne fait état que de capsules d'oméprazole. L'avis d'allégation en cause en l'espèce concerne des capsules d'oméprazole. Néanmoins, rien en l'espèce n'indique qu'Apotex a violé la convention du 14 mai 1999, précitée, en ce qui concerne l'affaire T-178-98.
[21]      Takeda soutient que l'entente intervenue entre Apotex et Astra le 14 mai 1999 ne devrait pas lui être opposable. Elle n'a pas participé aux discussions ni aux négociations à l'origine de la « convention accessoire » intervenue entre Apotex et Astra. Cependant, Takeda a été mise au courant de la portée générale de ces discussions grâce aux copies de la correspondance adressée par l'avocat d'Astra à la Cour. L'avocate de Takeda était aussi au courant du projet d'ordonnance qui a été signé par le juge Tremblay-Lamer le 18 mai 1999.
[22]      Je signale que le consentement à l'ordonnance du 18 mai 1999 vise les deux demanderesses, Astra Pharma Inc. et Takeda Chemical Industries Ltd. Dans les circonstances, je ne vois pas pourquoi l'avis de désistement déposé le 18 mai 1999 empêcherait Apotex d'agir. Toutefois, et ce qui est plus important, Apotex a soulevé une question de compétence. Takeda n'avait pas la qualité requise pour solliciter une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à Apotex relativement aux capsules d'oméprazole. Même si la convention accessoire n'est pas opposable à Takeda, celle-ci n'est pas une partie qui a le droit de présenter une demande visant à obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité conformément au paragraphe 6(1) du Règlement. Il ne s'agit pas d'une « première personne » . Le paragraphe 6(1) prévoit ce qui suit :
     La première personne peut... demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.
[23]      Suivant l'article 2 du Règlement, la « première personne » est « la personne visée au paragraphe 4(1) » . Le paragraphe 4(1) est ainsi libellé :
     La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).
[24]      Dans l'affaire dont j'ai été saisi, Astra est la personne qui a déposé une demande d'avis de conformité et qui a soumis la liste de brevets. Takeda n'est partie à la présente action que par l'application du paragraphe 6(4) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) qui prévoit :
     Lorsque la première personne n'est pas le propriétaire de chaque brevet visé dans la demande mentionnée au paragraphe 1, le propriétaire de chaque brevet est une partie à la demande.

Cela ne signifie toutefois pas que Takeda pourrait intenter une action en son propre nom ou poursuivre une action en son propre nom. Ainsi, Apotex peut déposer une nouvelle allégation en ce qui concerne les capsules d'oméprazole par suite de la convention accessoire intervenue entre elle et l'avocat d'Astra. Bien que la convention accessoire ne permette pas la présentation de « nouveaux éléments de preuve » , le seul élément de preuve nouveau avancé par Apotex était la déclaration de M. Sherman dans son affidavit que la PDN a été présentée au ministre avant le 5 octobre 1999. Au moment où l'affaire T-178-98 était un dossier actif, il n'était pas nécessaire de démontrer que la PDN avait été présentée avant la production de l'avis d'allégation. Le Règlement a été modifié depuis. Par conséquent, il n'est que raisonnable d'autoriser Apotex à produire des éléments de preuve pour satisfaire aux nouvelles exigences de la loi.
[25]      Pour les motifs qui précèdent, je fais droit à la requête présentée par Apotex afin d'obtenir le rejet de la demande présentée le 19 novembre 1999 par les demanderesses parce qu'elle constitue un abus de procédure conformément à l'alinéa 6(5)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Les dépens sont adjugés à la défenderesse Apotex.
[26]      Comme j'ai fait droit à la requête visant à obtenir le rejet de la demande, je ne crois pas nécessaire d'examiner la requête subsidiaire présentée par Apotex afin d'obtenir l'autorisation de produire ses éléments de preuve en réponse à la demande dans les 30 jours suivant la décision rendue sur la présente requête.
     « W. P. McKeown »
     J.C.F.C.
Toronto (Ontario)
8 septembre 2000



Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              T-2026-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ASTRA PHARMA INC. et TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD,
                                     demanderesses
                     -et-
                     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et APOTEX INC.,
                                     défendeurs

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 26 AVRIL 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge McKeown prononcés le vendredi 8 septembre 2000



ONT COMPARU :

Gunars A. Gaikis,              pour la demanderesse Astra Pharma Inc.

J. Sheldon Hamilton et

Yoon Kang                 
Shu-Tai Cheng              pour la demanderesse Takeda Chemical Industries Ltd.
Andrew R. Brodkin et          pour la défenderesse Apotex Inc.
Julie Parrin                 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar              pour la demanderesse Astra Pharma Inc.

Avocats

Box 111

1500-438 University Avenue

M5G 2K8                 
Gowling, Strathy & Henderson      pour la demanderesse Takeda Chemical
Avocats                  Industries Ltd.

2600-160, rue Elgin

C.P. 466, Stn. D

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

Goodman Phillips & Vineberg      pour la défenderesse Apotex Inc.

Avocats

2400-250, rue Yong

Toronto (Ontario)

M5B 2M6

Morris Rosenberg              pour le défendeur le ministre de la Santé
Sous-procureur général du Canada      nationale et du Bien-être social
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