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Date : 20001010


Dossier : IMM-5786-99


Ottawa (Ontario), le mardi 10 octobre 2000


EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON


ENTRE :

     MOHAMMAD HOSSEIN SALEH YAR

     demandeur


et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


     JUGEMENT



     LA COUR ORDONNE :


     Que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie.



     La décision, datée du 27 septembre 1999, de Mme K. Nectoux, une agente des visas à l'ambassade du Canada à Damas (Syrie) est annulée, et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci.



« Eleanor R. Dawson »

                                     JUGE





Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20001010


Dossier : IMM-5786-99


ENTRE :

     MOHAMMAD HOSSEIN SALEH YAR

     demandeur


et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE DAWSON


[1]      Mohammad Hossein Saleh Yar, le demandeur, est un citoyen de l'Iran âgé de 35 ans qui a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants, à titre de denturologiste, profession décrite sous la rubrique 3221 de la Classification nationale des professions (CNP).

[2]      Le 27 septembre 1999, Mme K. Nectoux, une agente des visas à l'ambassade du Canada à Damas (Syrie), a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de M. Yar. Monsieur Yar a donc déposé la présente demande de contrôle judiciaire contre cette décision.

LES FAITS

[3]      Monsieur Yar a mentionné dans sa demande de résidence permanente qu'il a obtenu, en 1991, un diplôme de doctorat en médecine dentaire, qu'il a travaillé à titre de dentiste en 1991 et 1992, et que depuis cette époque, il travaille pour la Faculté de médecine dentaire de l'Université Kerman de sciences médicales. Il a dit dans la lettre qui accompagne sa demande qu'il enseignait à l'université et participait aux travaux du département de la prothèse dentaire et de son laboratoire, où il examinait des patients et concevait, fabriquait ou réparait des prothèses. Il a joint à sa demande un certificat de l'université certifiant qu'il avait travaillé au sein de la Faculté, dans le département de la prothèse dentaire et son laboratoire.

[4]      La demande de résidence permanente de M. Yar a fait l'objet d'une sélection administrative, à l'issue de laquelle on a conclu qu'il ne satisfaisait pas aux exigences que prévoit la CNP. Monsieur Yar n'a pas obtenu d'entrevue, et dans une lettre datée du 27 septembre 1999, il a été avisé que sa demande de résidence permanente au Canada avait été rejetée.

[5]      Voici les parties pertinentes de la lettre de refus de l'agente des visas :

     [TRADUCTION] Vous avez été apprécié dans le cadre de la catégorie des immigrants indépendants, au regard de la profession de denturologiste, CNP 3221.0. Voici les résultats de votre appréciation :
Âge                              10
Profession                          01
Préparation professionnelle spécifique              15
Expérience                          00
Emploi réservé                          00
Facteur démographique                      08
Études                              16
Anglais                              08
Français                          00
Parents                              05
Personnalité                          00
Total                              63

     En appréciant votre demande, je n'ai pu vous accorder de points au titre de l'expérience, étant donné que vous ne satisfaites pas aux conditions d'accès à la profession de denturologiste que prévoit la Classification nationale des professions (CNP). La CNP exige un diplôme d'études collégiales de deux ou trois ans en techniques de denturologie. J'ai examiné votre formation et je ne suis pas convaincue que vous satisfaites à cette norme.
...
Dans le cas où vous voudriez à l'avenir présenter une nouvelle demande d'immigration au Canada, il serait souhaitable de parfaire vos études.


[6]      On a concédé devant moi que le renvoi à une préparation professionnelle spécifique dans la lettre de refus constituait davantage un renvoi aux études et au facteur de la formation. On n'a pas allégué qu'il s'agissait d'une erreur importante.

LA QUESTION LITIGIEUSE

[7]      Monsieur Yar n'a soulevé qu'une seule question litigieuse en ce qui concerne la décision de l'agente des visas, soit celle de savoir si l'agente des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en accordant à M. Yar un seul point d'appréciation au titre du facteur professionnel et en ne lui accordant aucun point au titre de l'expérience, après avoir conclu que M. Yar ne satisfaisait pas aux exigences applicables aux denturologistes en matière d'études.

L'ANALYSE

[8]      Le paragraphe 6(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) ch. I-2, modifiée (la Loi) prévoit que l'immigrant n'obtient le droit d'établissement que si l'agent d'immigration est convaincu qu'il rempli les critères de sélection que prévoit le Règlement pour déterminer si l'éventuel immigrant est en mesure de réussir à s'établir au Canada et, dans l'affirmative, à quel degré il est susceptible de le faire.

[9]      En ce qui concerne l'immigrant autre que l'entrepreneur, l'investisseur, le candidat d'une province ou le travailleur autonome, l'alinéa 8(1)a) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, modifié (le Règlement), prévoit que pour déterminer si l'immigrant sera en mesure de réussir à s'installer au Canada, l'agent des visas doit apprécier ce dernier sur la base de chacun des facteurs énumérés dans la première colonne de l'annexe I du Règlement.


[10]      Les deuxième et quatrième facteurs de l'annexe I, dont voici le libellé, sont particulièrement pertinents en ce qui concerne la présente demande :

2. Études et formation :

(1) À évaluer suivant le programme d'études et la période de formation professionnelle, d'apprentissage, de formation en usine ou de formation en cours d'emploi précisés dans la Classification national des professions comme étant nécessaires pour acquérir les connaissances théoriques et pratiques et les compétences qu'exige la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l'article 4.

...

4. Facteur professionnel :

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession :

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles.

2. Education and Training:

(1) To be measured by the amount of formal education and professional, vocational, apprenticeship, in-plant or on-the-job training specified in the National Occupational Classification as being necessary to acquire the information, techniques and skills required for the occupation in which the applicant is assessed under item 4.



...

4. Occupational Factor:

(1) Units of assessment shall be awarded on the basis of employment opportunities in Canada in the occupation

(a) for which the applicant meets the employment requirements for Canada as set out in the National Occupational Classification;

(b) in which the applicant has performed a substantial number of the main duties as set out in the National Occupational Classification, including the essential ones.

[11]      En l'espèce, l'agente des visas n'a accordé qu'un seul point d'appréciation à M. Yar au titre du facteur professionnel. Il ressort du passage précité de l'annexe I qu'en parvenant à une telle appréciation, l'agente des visas a implicitement tiré les conclusions suivantes :
     a)      Monsieur Yar a rempli les conditions canadiennes d'accès à sa profession que prévoit la CNP à l'égard de la profession de denturologiste; et
     b)      Monsieur Yar a exercé un nombre considérable des principales fonctions d'un denturologiste que prévoit la CNP, dont les fonctions essentielles.
[12]      La CNP prévoit que les conditions d'accès à la profession de denturologiste sont les suivantes :
- Un diplôme d'études collégiales de deux ou trois ans en techniques de denturologie est exigé.
- Une période d'apprentissage dans une clinique de denturologie reconnue est habituellement exigée.
- Le permis d'exercice accordé par l'organisme directeur de la province ou du territoire est exigé, sauf à l'île-du-Prince-Édouard.
- Au Québec, l'appartenance à la Corporation professionnelle des denturologistes est obligatoire.

La CNP prévoit que les fonctions principales du denturologiste sont les suivantes :

     Les denturologistes remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

- mesurer les mâchoires du client pour déterminer les dimensions et la forme des dentiers et des prothèses dentaires à fabriquer;
- prendre les empreintes des dents, des gencives et des mâchoires du client;
- fabriquer les dentiers et les prothèses dentaires ou demander à d'autres travailleurs de les fabriquer;
- ajuster et adapter les dentiers et les prothèses dentaires;
- réparer les dentiers et les prothèses dentaires;
- effectuer le regarnissage et le rebasage des dentiers et des prothèses dentaires.

[13]      La décision de l'agente des visas d'accorder 15 points d'appréciation sur 18 au titre des études et de la formation est conforme à la conclusion selon laquelle M. Yar a rempli les conditions d'accès à la profession qu'il entendait exercer.

[14]      Cependant, sa décision de ne pas accorder de points d'appréciation au demandeur au titre de son expérience en tant que denturologiste n'est pas conforme à la conclusion, à laquelle l'agente des visas est implicitement parvenue en accordant un point d'appréciation au demandeur au titre du facteur professionnel, selon laquelle celui-ci a exercé un nombre considérable des principales fonctions d'un denturologiste.

[15]      Monsieur Yar disait expressément dans sa lettre de demande qu'il fabriquait et réparait des prothèses, exerçant du fait deux des six principales fonctions que prévoit la CNP. Il disait également qu'il examinait les patients et concevait des prothèses, ce qui paraît englober la fonction qui consiste à mesurer les mâchoires du client pour déterminer les dimensions et la forme des dentiers et des prothèses dentaires à fabriquer, soit une autre des fonctions principales du denturologiste.


[16]      Compte tenu de la preuve établissant que le demandeur possédait une expérience pertinente et du fait que l'agente des visas lui a accordé un point d'appréciation au titre du facteur professionnel, j'estime que la décision de l'agente des visas de ne pas accorder de points d'appréciation au demandeur au titre de l'expérience est abusive. Des conclusions similaires ont été tirées dans des circonstances qui s'apparentent à celle de la présente affaire par le juge Sharlow (tel était alors son titre) dans Dauz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 2 Imm. L.R. (3d) 16 (C.F. 1re inst.), et par le juge Reed dans Osman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 4 Imm. L.R. (3d) 62 (C.F. 1re inst.); par ailleurs, je suis moi-même parvenue à de telles conclusions dans Kopyl c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration),[2000] A.C.F. no 1167; IMM-3815-99 (19 juillet 2000) (C.F. 1re inst.).


[17]      La conclusion que l'agente des visas a commis une erreur est également étayée par la déclaration qu'elle a faite dans la lettre de refus, selon laquelle [TRADUCTION] « la CNP exige un diplôme d'études collégiales de deux ou trois ans en techniques de denturologie. J'ai tenu compte de vos études et je ne suis pas convaincue que vous remplissez cette condition » , dans des circonstances où elle avait accordé au demandeur 15 points d'appréciation au titre des études et de la formation, et un point d'appréciation au titre du facteur professionnel.

[18]      Lors des plaidoiries, le ministre n'a pas présenté devant moi l'argument qu'il avait fait valoir dans le dossier de requête qui a été produit pour son compte, selon lequel les décisions Dauz et Osman étaient erronées. Le ministre a cependant soutenu qu'en l'absence de preuve établissant que M. Yar avait suivi un programme d'études collégiales de deux ou trois ans en techniques de denturologie, l'agente des visas avait eu raison de ne pas lui accorder de points au titre de l'expérience. À mon avis, cette prétention n'est pas compatible avec la décision de l'agente des visas d'accorder 15 points d'appréciation au demandeur au titre des études et de la formation étant donné que le Règlement prévoit que ce facteur doit refléter les études et la formation nécessaires en vue d'acquérir l'information, les techniques et les aptitudes requises afin de pouvoir exercer la profession envisagée.


[19]      De façon subsidiaire, le ministre a soutenu que parce que la CNP exige que la personne ait suivi un programme d'études collégiales de deux ou trois ans en techniques de denturologie, M. Yar n'aurait pas dû obtenir de points d'appréciation au titre du facteur professionnel ou des études et de la formation, de sorte que l'agente des visas est parvenue au bon résultat, mais sur la base de motifs erronés.

[20]      Comme l'a souligné le juge Reed dans la décision Osman, précitée, le demandeur a le droit d'être apprécié conformément au Règlement et d'obtenir une explication cohérente fondée sur les dispositions législatives et réglementaires applicables. À mon avis, l'appréciation en cause dans la présente affaire ne satisfait pas à cette norme, et une décision ne doit pas être maintenue sur la base qu'elle était fondée, bien qu'elle ait été prise pour des motifs erronés.

[21]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, de sorte que la décision de Mme K. Nectoux est annulée, et l'affaire, renvoyée à un autre agent des visas pour qu'il statue à son tour sur celle-ci.

[22]      Monsieur Yar a cherché à obtenir que les dépens soient adjugés en sa faveur relativement à la présente demande. Je n'ai pas été convaincue qu'il y avait des motifs extraordinaires qui justifieraient que des dépens soient adjugés.

[23]      Ni l'un ni l'autre avocat n'a proposé de question à certifier. Aucune question n'est certifiée.



« Eleanor R. Dawson »

                                     JUGE

Ottawa (Ontario)

Le 10 octobre 2000



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-5786-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MOHAMMAD HOSSEIN SALEH YAR c. MCI


LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 29 AOÛT 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE DAWSON

EN DATE DU :              10 OCTOBRE 2000



ONT COMPARU :


M. STEPHEN GREEN                      POUR LE DEMANDEUR

M. JAMIE TODD                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Green & Spiegel                          POUR LE DEMANDAEUR

Toronto (Ontario)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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