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Date : 20010813

Dossier : IMM-2746-00

Référence neutre : 2001 CFPI 884

Ottawa (Ontario), le 13 août 2001

En présence de M. le juge Muldoon

Entre :

LONG WEI ZHU,

FU LIN,

FU SHENG BIAN,

FU ZHEN BIAN,

ZENG TIAN TIAN,

MING ZHOU,

JIN FU LIN,

JIANG YONG YAN,

PENG LIN,

RUE CHU LIN,

XING WEI OU,

ZI GUANG WANG,

HUI ZHANG,

FA FU SUN,

CAI YANG IL,

SUN PING JIANG,

                                                                                                                           demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur

                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE et ORDONNANCE


1. Introduction

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un tribunal de la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, certifiée le 11 mai 2000, et dans laquelle la Commission a déterminé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Les demandeurs ici au nombre de seize en tout demandent de façon conjointe qu'il soit décidé, conformément à l'article 69.1 de la Loi, qu'ils sont des réfugiés au sens de la Convention. Les actions ont été jointes, à la demande collective des avocats.

2. Exposé des faits

[2]                 Les demandeurs viennent tous de la province de Fujian, en République populaire de Chine. En août 1999, ils ont été laissés sur la côte de la Colombie-Britannique par un navire de passage de clandestins d'où ils ont essayé de s'échapper. Ils étaient tous jeunes et de sexe masculin. Ils disaient tous qu'ils étaient âgés de moins de 18 ans avant leur départ de Chine, en juin 1999. Deux d'entre eux ont atteint l'âge de 18 ans avant l'audition de la SSR : Hui Zhang et Zeng Tian Tian; la SSR a déterminé que Ming Zhou avait déjà 20 ans ou plus.

[3]                 Le voyage des demandeurs vers le Canada a été difficile et dangereux. Ils se trouvent au Canada sans leurs parents et sous la garde du Ministère des Enfants et de la Famille de la Colombie-Britannique.


3. Questions en litige

a.        le tribunal a-t-il donné une mauvaise interprétation ou omis de dûment tenir compte de la question de savoir si un enfant âgé de moins de 18 ans peut légalement consentir à être trafiqué ou exploité ?

b.         le tribunal a-t-il mal interprété la persécution et manqué d'équité procédurale envers les demandeurs en omettant de régler leur principal argument juridique de façon utile?

4. Prétentions des demandeurs

La décision

[4]                 Comme il est mentionné ci-dessus, la distribution d'âge est la suivante: le tribunal a jugé que sept des seize demandeurs étaient âgés de 16 ans ou moins. Six demandeurs étaient âgés de 17 ans au moment de l'audience du tribunal : deux demandeurs (susmentionnés) étaient âgés de 18 ans, et un demandeur avait 20 ans révolus.


[5]                 Dans leurs observations écrites et orales, les avocats des demandeurs ont renvoyé à la jurisprudence qui fait autorité sur la question de l'appartenance à un groupe social et trouvé quatre décisions antérieures de la Section du statut de réfugié et un arrêt de la Cour d'appel fédérale pour soutenir que les enfants constituent un groupe social. En s'appuyant sur la définition internationale d'enfant à titre de personne âgée de moins de 18 ans et en soutenant que l'époque pertinente pour déterminer leur âge est le moment où ils ont quitté la Chine, les demandeurs ont soutenu qu'ils étaient membres d'un groupe social, à savoir les enfants.

[6]                 L'avocat a ensuite défini la nature de la crainte de persécution et fait référence aux directives applicables aux enfants qui revendiquent le statut de réfugié de la présidente, selon lesquelles :

La Déclaration universelle des droits de l'homme, le Protocole international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits de l'enfant figurent au nombre des documents internationaux relatifs aux droits de la personne à prendre en considération lorsqu'il est déterminé si le préjudice redouté par l'enfant équivaut à de la persécution.

[7]                 Citant les instruments internationaux en matière de droits de la personne qui protègent les mineurs contre l'esclavage ou le travail forcé, et contre le trafic ou l'exploitation, les demandeurs ont fait valoir que ce préjudice constituait de la persécution. Les demandeurs ont fait valoir que la violation essentielle ici est celle du droit des mineurs d'être protégés contre le trafic et l'exploitation.


[8]                 Malgré les observations explicites des demandeurs selon lesquelles le trafic, l'exploitation et le travail forcé étaient des violations essentielles, le tribunal s'est concentré sur l'argument supplémentaire des demandeurs en ce qui concerne les sanctions auxquelles ils s'exposaient à leur retour pour avoir quitté la Chine illégalement. Ce n'est qu'après avoir statué sur les revendications du statut de réfugié que le tribunal fait référence, en passant, à l'argument des avocats.

[9]                 Dans son bref examen de l'argument, le tribunal omet d'identifier et de traiter dûment la question clé de la persécution, à savoir le trafic, l'exploitation et la servitude forcée des enfants. Le tribunal discute plutôt de l'argument supplémentaire des demandeurs en ce qui concerne les sanctions pour avoir illégalement quitté la Chine. À la page 28 des motifs, le tribunal énonce ce qui suit :

Les conseils des revendicateurs se sont fondés sur l'allégation selon laquelle aucun des 18 revendicateurs n'avait 18 ans lorsqu'il a quitté la Chine en juin 1999. Ainsi, ils allèguent que chacun d'eux était un « enfant » aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant. Par la suite, ils ont cherché à amener le tribunal à renoncer effectivement à sa fonction d'établissement des faits pour qu'il juge que tous ces « enfants » , aux termes de la définition officielle, n'ont aucun pouvoir de volonté. À cette fin, ils invoquent le concept formel de piété filiale dans le sens où l'entend M. Johnson. Puis, ils ont demandé au tribunal de tenir compte des « faits » suivants relatifs à tous les revendicateurs : ils n'auraient pas pu décider de leur propre chef de quitter la Chine; ainsi, cela leur a été imposé; cette imposition est une forme de persécution, ou, du moins, elle mène à la persécution -- sous la forme de sanctions pour sortie illégale.

Donc, l'histoire personnelle des revendicateurs n'est plus importante et, selon une interprétation « magique » de la définition, chaque « enfant » est nécessairement un réfugié au sens de la Convention.

Enfants et consentement


[10]            Le tribunal s'est surtout demandé si les demandeurs avaient consenti à quitter la Chine, mais il ne s'est pas demandé si ceux-ci savaient qu'ils faisaient l'objet de trafic ou qu'ils seraient éventuellement exploités. À l'exception du « prix » exorbitant imposé par les passeurs ( « têtes de serpent » ), quelle est la preuve qui montre qu'il y avait un risque qu'ils soient exploités? La question du consentement à être exploité est différente de celle du consentement à quitter la Chine pour trouver des meilleures conditions économiques. Le tribunal, selon les allégations, aurait erré du fait qu'il a omis de se demander si ces enfants avaient consenti sciemment à être trafiqués ou exploités. Les demandeurs soutiennent que la volonté de quitter la Chine ne constitue pas un consentement à être trafiqués ou exploités, si tel était le cas.

[11]            Même si le tribunal avait jugé que ces demandeurs voulaient quitté la Chine, il aurait alors dû se demander si les enfants pouvaient légalement consentir à être trafiqués ou exploités. Le tribunal omet de dûment tenir compte de cette question, d'après les demandeurs.


[12]            La Convention définit l'enfant comme étant «    tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable » . Il s'agit d'une règle assortie d'une condition. Dans les autres instruments internationaux, toute personne âgée de moins de 18 ans est protégée de façon précise contre toute forme de travail obligatoire. De la même manière, les directives de la Section du statut de réfugié en ce qui concerne les enfants qui revendiquent le statut de réfugié définissent de façon simpliste l'enfant comme étant «    ...toute personne âgée de moins de 18 ans qui fait l'objet d'une procédure devant la SSR » .

[13]            Le droit international et le droit national reconnaissent que l'enfant a besoin de garanties particulières. Le préambule à la Convention relative aux droits de l'enfant rappelle que « dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, les Nations Unies ont proclamé que l'enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales » . L'article 3 de la Convention prévoit en outre que : « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » dans toutes les actions concernant les enfants, qu'elles soient entreprises par des institutions publiques de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs. Qui peut dire avec certitude que le fait d'échapper à cet État totalitaire qu'est la République populaire de Chine, n'était pas dans l'intérêt supérieur de ces jeunes personnes?

[14]            La Convention relative aux droits de l'enfant vise à protéger les enfants contre un certain nombre de formes particulières d'exploitation, y compris l'exploitation économique et sexuelle et elle porte que « [l]es États parties protègent l'enfant contre toutes autres formes d'exploitation préjudiciables à tout aspect de son bien- être » . Il est certain qu'il ne peut y avoir de doute à cet égard.


[15]            Dans l'affaire Baker c. M.C.I., [1999] 2 R.C.S. 817 au paragraphe [71], la Cour suprême du Canada a fait remarquer que les valeurs traduites par le droit international en matière de droits de la personne pouvaient aider l'approche contextuelle dans l'interprétation et le contrôle judiciaire. La Cour s'est exprimée en ces termes :

[71] Les valeurs et les principes de la Convention reconnaissent l'importance d'être attentif aux droits des enfants et à leur intérêt supérieur dans les décisions qui ont une incidence sur leur avenir. En outre, le préambule, rappelant la Déclaration universelle des droits de l'homme, reconnaît que « l'enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales » . D'autres instruments internationaux mettent également l'accent sur la grande valeur à accorder à la protection des enfants, à leurs besoins et à leurs intérêts. La Déclaration des droits de l'enfant (1959) de l'Organisation des Nations Unies, dans son préambule, dit que l'enfant « a besoin d'une protection spéciale et de soins spéciaux » . Les principes de la Convention et d'autres instruments internationaux accordent une importance spéciale à la protection des enfants et de l'enfance, et à l'attention particulière que méritent leurs intérêts, besoins et droits. Ils aident à démontrer les valeurs qui sont essentielles pour déterminer si la décision en l'espèce constituait un exercice raisonnable du pouvoir en matière humanitaire.

[16]            Vu la reconnaissance du fait que « l'enfant a droit à une aide et à une assistance spéciales » et la même insistance sur l'importance qu'il y a à mettre « l'accent sur la grande valeur à accorder à la protection des enfants, à leurs besoins et à leurs intérêts » , il serait contradictoire de dire que les enfants pourraient être privés de ces protections et aides spéciales s'ils semblaient avoir consenti à de telles exploitations. Toutefois, le tribunal n'a jamais examiné ce point parce qu'il s'est seulement demandé si les enfants avaient consenti à quitter la Chine. L'exploitation n'est pas assez clairement indiquée ici pour que l'on puisse la considérer comme prouvée.


La « persécution » mal interprétée

[17]            Les demandeurs ont invoqué des instruments internationaux pour établir une interdiction internationale contre le trafic. La condamnation du travail forcé et du trafic, en particulier pour les mineurs, est largement diffusée et existe depuis longtemps dans les instruments internationaux. Le fait qu'ils aient fait l'objet de trafic, soutiennent les demandeurs, les a privés d'un droit de la personne qui est de nature essentielle. Les demandeurs ont assimilé à de la persécution la privation d'un droit de la personne qui est de nature essentielle. Ayant une fois fait l'objet d'un trafic, ils estiment qu'ils seront probablement à nouveau l'objet de ce même trafic. En conséquence, une fois qu'ils ont été persécutés, il y a des chances qu'ils le soient à nouveau. Les demandeurs se plaignent de ce que le tribunal toutefois n'examine pas de façon significative les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et omet de faire référence à l'un ou l'autre des autres instruments internationaux.

[18]            Les directives de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sur les enfants qui revendiquent le statut de réfugié prévoient que dans la détermination de la crainte de l'enfant d'être persécuté, il faudrait prendre en considération les instruments internationaux en matière de droits de la personne afin de voir si le préjudice craint par l'enfant correspond à de la persécution. Le tribunal a omis de le faire.


[19]            Le tribunal a omis de se demander dûment si le trafic ou l'exploitation étaient essentiellement des formes de persécution. Il s'est plutôt demandé si la punition pour une sortie illégale correspondait à de la persécution.

[20]            Le tribunal n'examine pas la preuve documentaire selon laquelle les demandeurs ont fait l'objet de trafic et auraient probablement fait l'objet d'exploitation. Par exemple, M. Dennis McNamara discute du caractère vulnérable des enfants réfugiés et fait valoir que les enfants réfugiés sont [TRADUCTION] «    ... la catégorie la plus vulnérable d'une population déjà menacée. Lorsqu'ils traversent une frontière pour échapper à de la persécution ou à un conflit, les enfants réfugiés perdent toute la protection sociale ou familiale dont ils jouissaient chez eux » . Une telle affirmation prend pour axiome ce qui est à prouver. Le tribunal n'a pas non plus tenu compte de la déclaration d'Elinor Caplan, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, selon laquelle:

De nos jours, les réseaux criminels de passeurs et de trafiquants de clandestins se livrent à un vaste commerce international de vies humaines et soumettent des personnes au travail forcé.

Selon les Nations Unies, ces activités internationales représentent maintenant un chiffre d'affaires annuel de dix milliards de dollars.

Ces criminels exigent jusqu'à 50 000 $ de leurs victimes naïves ou malavisées, en exploitant leur simple désir d'une vie meilleure, et toute dette contractée doit absolument être remboursée.

Nous savons que cette dette est généralement acquittée au cours d'une vie courte et brutale marquée par des activités illicites, l'exploitation sexuelle et le travail forcé. Voilà des circonstances absolument ignobles.


Mais nous devons nous assurer de la source du problème, et faire porter notre colère et notre indignation légitimes contre les criminels qui tirent parti de la souffrance humaine, et non contre leurs victimes qui, étant à la recherche d'une vie meilleure, se laissent entraîner dans un tel pétrin.

                                                                                          (Dossier des demandeurs, p. 96 et 97)

                                                                * * * * *

Le trafic d'êtres humains, par contre, s'apparente davantage à de l'esclavage. Les trafiquants cherchent à s'enrichir aux dépens d'êtres humains qu'ils asservissent et soumettent au travail forcé. Après avoir contracté leur dette, les victimes de ce trafic sont liées par un plan de remboursement à long terme qui comporte travail forcé, prostitution et autres activités illicites.

Ces victimes ont souvent raison de craindre pour leur vie, et pour la vie des membres de leur famille qui sont restés dans leur pays d'origine. Ce genre d'exploitation est à condamner.

Sur ce plan, le Canada fait face à une nouvelle réalité.

                                                                * * * * *

Mais les personnes faisant le trafic d'êtres humains ne sont pas à la recherche d'un statut juridique. Ils veulent entrer incognito et, dès que possible, faire passer leurs passagers dans la clandestinité et les asservir.

                                                                                                                                  (Dossier des demandeurs, p. 98)

Ce sont là des mots sages, de toute évidence. Même si le conseil donné par la ministre pouvait être cité au long, il ne nous aiderait pas beaucoup pour trancher les questions en l'instance.


[21]            De plus, le représentant de la ministre a soumis un recueil de documents qui contenait un article de Ko-Lin Chin, de l'université Rutgers, intitulé « Safe House or Hell House? The Experience of Newly Arrived Undocumented Chinese » . Le professeur Chin déclare ce qui suit :

[TRADUCTION] À leur arrivée aux États-Unis, les Chinois sans papiers sont, d'après les rapports, enfermés dans des maisons d'hébergement exploitées par des personnes engagées par les trafiquants pour recouvrer les frais de transport. Les migrants ne sont libérés qu'une fois que leur famille ou leurs parents ont remboursé les frais de contrebande. Pendant ce temps-là, bon nombre de migrants chinois subissent des agressions physiques et sexuelles de la part des « agents de recouvrement » .

[22]            Le professeur Chin explique que, d'après son enquête, ce ne sont pas tous les migrants en dette envers le contrebandier qui sont détenus après leur arrivée aux États-Unis. Toutefois, ses données montrent que les plus jeunes migrants sont beaucoup plus susceptibles d'être détenus que les plus vieux. Il déclare aussi qu'une fois qu'un migrant a dépassé le délai de grâce pour son séjour, les peines cruelles et inhabituelles infligées aux migrants par l'agent de recouvrement peuvent se durcir. Il est possible que ses observations s'appliquent au Canada.

Protection de l'État


[23]            Si les autorités chinoises ne peuvent pas protéger les demandeurs contre un nouveau trafic, il n'est pas exigé que l'incapacité de l'État soit liée à un motif en vertu de la Convention. Les demandeurs doivent plutôt montrer qu'il y a beaucoup plus qu'une simple possibilité de persécution et que l'État ne peut pas les protéger de façon efficace, ou qu'ils ne voulaient pas demander la protection de l'État à cause de leur crainte de persécution.

[24]            Dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, la Cour suprême du Canada a examiné la question de la « protection de l'État » et en particulier les deux aspects, à savoir l' « absence de volonté » et l' « incapacité » .

[57] La complicité de l'État dans la persécution n'est pas pertinente, peu importe que le demandeur « ne veuille » ou « ne puisse » se réclamer de la protection d'un pays dont il a la nationalité. La distinction entre ces deux volets de la définition de l'expression « réfugié au sens de la Convention » réside dans la partie qui écarte le recours à la protection de l'État: dans le cas de « ne peut » , la protection est refusée au demandeur, tandis que si ce dernier « ne veut » pas, il choisit de ne pas s'adresser à l'État en raison de la crainte qu'il éprouve pour un motif énuméré. Dans un cas comme dans l'autre, la participation de l'État à la persécution n'est pas une considération nécessaire. Ce facteur est plutôt pertinent pour déterminer s'il existe une crainte de persécution.

                                                                                                                     (P. 720 et 721)

                                                                                                                                              

[25]            La Cour suprême a ensuite examiné les circonstances dans lesquelles s'est produit le défaut de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection :

[67] La plupart des États seraient prêts à tenter d'assurer la protection, alors qu'une évaluation objective a établi qu'ils ne peuvent pas le faire efficacement. [...] le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d'un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l'encontre de l'objet de la protection internationale.

[68] Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit : l'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État [TRADUCTION] « aurait pu raisonnablement être assurée » . En d'autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression « réfugié au sens de la Convention » s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine; autrement, le demandeur n'a pas vraiment à s'adresser à l'État. (Ward, R.C.S. p. 724)


[26]            La Cour fait ensuite remarquer que lorsque l'État ne concède pas qu'il ne peut pas donner de protection, « il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection » , et la Cour ajoute des exemples de cette confirmation claire et convaincante :

[69] ... Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur. (P. 724 et 725)

[27]            La Cour suprême du Canada résume la question de la protection de l'État dans l'affaire Ward de la façon suivante :

[72] Bref, je conclus que la complicité de l'État n'est pas un élément nécessaire de la persécution, que ce soit sous le volet « ne veut » ou sous le volet « ne peut » de la définition. Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée. Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténué par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. Je reconnais que ces conclusions élargissent l'éventail des revendications du statut de réfugié auxquelles il sera peut-être fait droit au delà de celles qui comportent la crainte d'être persécuté par le gouvernement nominal du demandeur. Dans la mesure où cette persécution vise le demandeur pour l'un des motifs énumérés, je ne crois pas que l'identité de l'auteur redouté de la persécution a pour effet de soustraire ces cas aux obligations internationales du Canada dans ce domaine. ...                                 (P. 726)


[28]            Le caractère raisonnable de la volonté des demandeurs de demander la protection de l'État, même si elle existait, mais qui est nié, doit être examiné à la lumière de leur statut en tant que mineurs. En tant qu'enfants, les demandeurs peuvent être moins enclins à demander la protection de l'État, en particulier lorsque cela leur imposera d'aller à l'encontre des directives de leurs parents. (La preuve sur ce dernier argument est loin d'être complète ou convaincante.)

Déni d'équité dans la procédure

[29]            La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Ward, a affirmé que le tribunal devait prendre en considération tous les motifs qui permettent de présenter une demande de statut de réfugié, même s'ils n'ont pas été soulevés par les demandeurs à l'audience. En l'espèce, le tribunal a omis de tenir compte d'une question qui a été soulevée à l'audience, au dire des demandeurs.

[30]            Le tribunal, selon les allégations, aurait omis de traiter de façon significative le principal argument des demandeurs ou la preuve présentée à son appui. Le tribunal a transformé l'argument dans une observation plus conventionnelle en s'appuyant sur les sanctions infligées en cas de retour après une sortie illégale, pour fonder la revendication. Ce risque était secondaire et il était présenté à titre d'argument supplémentaire, d'après les demandeurs.


[31]            La preuve pertinente et dûment présentée au tribunal comprenait des parties de la Convention relative aux droits de l'enfant et plusieurs instruments internationaux sur le trafic et les droits de la personne, en général. De plus, un renvoi particulier a été fait aux Directives de la Section du statut de réfugié applicables aux enfants qui revendiquent le statut de réfugié et au manuel du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

[32]            En ne tenant pas compte de la preuve et en omettant de répondre au principal argument des demandeurs, le tribunal les a privés de l'équité procédurale à laquelle ils avaient droit (Ioda c. M.E.I. (1993), 65 F.T.R. 166 (1re inst.).) Ils avaient certes droit à de l'équité procédurale, mais la présente Cour n'est pas convaincue que celle-ci leur ait été refusée.

5. Observations du défendeur

[33]            Le tribunal a fait la détermination suivante en ce qui concerne les demandeurs :


En ce qui concerne les seize revendications conjointes qui nous occupent, on n'a réussi qu'à établir une mince possibilité que les revendicateurs aient des opinions politiques ou des pratiques religieuses ou qu'ils appartiennent à un groupe social particulier, que ces éléments soient réels ou perçus, qui sont contraires à ceux du gouvernement chinois. De plus, dans les présents motifs, il deviendra clair comme de l'eau de roche que la sortie illégale proprement dite ne constitue pas une prise de position politique de la part de ces revendicateurs, mais qu'il s'agit plutôt d'un acte motivé principalement par leurs considérations économiques et celles de leur famille.

                                                                              (Dossier des demandeurs, p. 20, motifs, p. 11)

Décision du tribunal

[34]            Le tribunal a déclaré ce qui suit dans ses motifs :

Les conseils des revendicateurs se sont fondés sur l'allégation selon laquelle aucun des 18 revendicateurs n'avait 18 ans lorsqu'il a quitté la Chine en juin 1999. Ainsi, ils allèguent que chacun d'eux était un « enfant » aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant. Par la suite, ils ont cherché à amener le tribunal à renoncer effectivement à sa fonction d'établissement des faits pour qu'il juge que tous ces « enfants » , aux termes de la définition officielle, n'ont aucun pouvoir de volonté. À cette fin, ils invoquent le concept formel de piété filiale dans le sens où l'entend M. Johnson. Puis, ils ont demandé au tribunal de tenir compte des « faits » suivants relatifs à tous les revendicateurs : ils n'auraient pas pu décider de leur propre chef de quitter la Chine; ainsi, cela leur a été imposé; cette imposition est une forme de persécution, ou, du moins, elle mène à la persécution -- sous la forme de sanctions pour sortie illégale. Donc, l'histoire personnelle des revendicateurs n'est plus importante et, selon une interprétation « magique » de la définition, chaque « enfant » est nécessairement un réfugié au sens de la Convention.


Selon moi, cet argument n'a aucune valeur. Premièrement, lorsqu'on évalue l'histoire de chacun des 16 revendicateurs, on constate qu'ils ont utilisé leur capacité de volonté dans le contexte de leur culture unique afin de participer à la décision de partir de la Chine. Deuxièmement, ces jeunes sont âgés d'au moins 16 ans, sauf quatre, qui ont 15 ans. Nombre d'entre eux ont déjà travaillé, parfois à l'extérieur de leur province d'origine. Cela ne fait pas de doute : ils ont déjà atteint l'âge des responsabilités et ont la volonté de façonner leur avenir. Troisièmement, il me semble difficile d'admettre que tous les revendicateurs, presque sans exception, ont donné un témoignage crédible, compte tenu du fait qu'ils ont affirmé qu'on leur a dit qu'ils quitteraient la Chine un jour ou deux avant leur départ. Je ne vois pas pourquoi on aurait fait un tel mystère dans différents ménages qui n'avaient apparemment aucun lien entre eux. Cela me porte à croire qu'ils se sont tous concertés pour créer leur preuve de toutes pièces. Quatrièmement, même si le concept de piété filiale est peut-être bien ancré en Chine, les revendicateurs, au cours de leur témoignage, n'ont pas réussi à prouver que cela les a touchés au point d'équivaloir à de la persécution. Cinquièmement, je crains que les avocats des revendicateurs aient pris involontairement la signification occidentale de la volonté individuelle comme un critère permettant de déterminer que les exigences apparentes de la piété filiale équivalent à de la persécution, si on tient pour acquis que chaque revendicateur mineur a (volontairement, quoique aveuglément) quitté la Chine et risque maintenant de se voir imposer des sanctions juridiques pour avoir quitté le pays illégalement. Cet argument est superficiel. Ironiquement, même si ce n'est pas ce qu'on voulait faire, il a tendance à dégrader les concepts culturels chinois. Sixièmement, l'argument des conseils selon lequel la piété filiale empêche les revendicateurs de faire acte de volonté nous amène à nous demander si le concept équivaut en soi à de la persécution. La difficulté de ce postulat réside dans le fait qu'il porte un jugement sur la culture et la civilisation chinoises dans l'histoire. C'est pourquoi nous ne nous y attarderons plus.

                                                               (Dossier des demandeurs, p. 37 et 38; motifs, p. 28 et 29)

Lien avec les motifs -- Groupe social

[35]            Pour être visé par la définition de « réfugié au sens de la Convention » conformément au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, le demandeur doit établir que ses craintes sont fondées sur l'un des motifs énumérés.

[36]            La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Ward, définit trois catégories de groupes auxquels le demandeur peut appartenir dans un groupe social pour fonder une demande de statut de réfugié :

a.             les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;

b.             les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association;

c.            les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

[37]            Quand elle développe ces catégories, la Cour suprême du Canada rejette la définition large du groupe social qui comprend essentiellement toute alliance de personnes ayant un objectif commun, ou une interprétation qui dit qu'un groupe social, du seul fait qu'il est collectivement victime de mauvais traitements, fait l'objet de persécution.


[38]            La principale raison pour laquelle le tribunal a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention était qu'il n'y avait pas de lien entre leurs craintes de persécution et un motif énuméré dans la définition de réfugié. Le tribunal pouvait raisonnablement tirer cette conclusion.

[39]            L'intention de l'auteur des persécutions est ce qui compte pour déterminer si le préjudice que craint la personne est lié à un motif en vertu de la Convention. En l'espèce, les prétendus auteurs de persécutions sont les contrebandiers qui trafiquent et font passer clandestinement les personnes de la Chine vers d'autres pays, ou les parents des demandeurs qui organisent le déplacement des demandeurs vers le Canada. Le tribunal n'a vu aucune preuve selon laquelle les contrebandiers ou les parents des demandeurs ont fait de la contrebande ou du trafic avec les demandeurs, du fait de leur statut de mineurs à partir de la province de Fujian, ou pour tout autre motif prévu dans la Convention. Il a été prouvé clairement que les contrebandiers faisaient du trafic des demandeurs pour le profit. Il a été prouvé que les parents qui connaissaient les intentions des demandeurs de voyager vers le Canada étaient tout autant motivés par des questions financières. Par conséquent, il n'y avait pas de lien entre le préjudice craint par les demandeurs et un motif énuméré de persécution, en vertu de la définition de réfugié au sens de la Convention.


[40]            Les demandeurs soutiennent que le tribunal a mal compris le sens de « groupe social » ou omis de tenir compte de leur argument voulant que les mineurs de Fujian constituent un groupe social particulier. Le défendeur allègue que la nature de l'erreur le cas échéant n'est pas évidente. Les demandeurs soutiennent que le tribunal aurait dû passer plus de temps sur cet argument. Le défendeur soutient que le tribunal a examiné toute la preuve qui lui était présentée à l'audience et n'a pas accepté l'argument selon lequel les mineurs de Fujian constituent un groupe social.

[41]            Le tribunal a examiné de façon précise l'argument des demandeurs voulant que la définition légale d'un réfugié au sens de la Convention soit interprétée dans le cadre des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant. Toutefois, il a conclu que les demandeurs n'étaient pas persécutés. Le tribunal n'a pas commis d'erreur pouvant faire l'objet d'un contrôle judiciaire quand il a formulé sa conclusion.


[42]            Les demandeurs soutiennent aussi que le tribunal a confondu un groupe social avec des aspects de persécution lorsqu'il a déclaré que les demandeurs avaient consenti à être transportés vers le Canada. Le défendeur soutient que la question du consentement était d'une importance cruciale pour savoir si les mineurs de la province de Fujian constituaient un groupe social. L'intention des auteurs de persécutions alléguées est l'élément clé et, en l'espèce, l'intention était le profit. Lorsque le tribunal a conclu que tous les demandeurs avaient volontairement quitté la Chine, l'intention des parents ne comptait pas pour établir l'existence d'un groupe social.

[43]            Qui plus est, le défendeur soutient que l'argument voulant que les parents soient les agents de persécution est déraisonnable parce qu'il donne aux parents qui délibérément envoient leurs enfants à l'extérieur de la Chine, une garantie d'accès au Canada. Il n'est pas prouvé que la piété filiale seule ait contraint les demandeurs à quitter leur pays.

[44]            De plus, l'objet principal de l'enquête sur la définition du réfugié au sens de la Convention consiste à établir si le demandeur craint avec raison d'être persécuté. L'incapacité de l'État à protéger ses citoyens est un élément intégral dans la notion de réfugié au sens de la Convention, qui devrait être pris en considération pour déterminer le bien-fondé de la revendication. La notion étroitement définie de complicité de l'État dans les persécutions n'est plus une condition à remplir pour établir validement une demande de statut de réfugié.

Protection de l'État


[45]            N'ayant pas réussi à établir qu'ils constituaient un groupe social du fait d'une opinion politique réelle ou présumée, la seule issue qui demeurait pour les demandeurs était d'arriver à prouver que le gouvernement chinois ne voulait pas, ou ne pouvait pas, les protéger contre les passeurs. Toutefois, les demandeurs pouvaient triompher à cet égard mais à condition que le gouvernement chinois ait adopté cette attitude pour l'un des motifs de persécution prévus dans la définition. Le défendeur soutient que le dossier des demandeurs ne prouve en rien l'incapacité ou le manque de volonté du gouvernement chinois de protéger les demandeurs du fait d'un motif prévu dans la Convention, et les demandeurs n'ont pas soulevé cet argument dans leur exposé des arguments.

[46]            La Cour suprême du Canada a posé les principes de droit qui concernent la question de la protection de l'État dans l'affaire Ward. Ces principes sont les suivants :

1.            la complicité de l'État dans la persécution d'un demandeur n'est pas pertinente au fait de savoir si le demandeur ne veut ou ne peut se réclamer de la protection de chaque pays dont il a la nationalité;

2.            l'incapacité de l'État d'assurer la protection est, cependant, un élément crucial lorsqu'il s'agit de déterminer si la crainte du demandeur est justifiée, de sorte qu'il a objectivement raison de ne pas vouloir solliciter la protection de l'État dont il a la nationalité.

3.            Le demandeur n'a pas à solliciter la protection de l'État lorsqu'il présente une revendication en vertu de l'aspect « l'absence de volonté » dans les affaires où l'État est incapable de le protéger. L'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État « aurait pu raisonnablement être assurée » .

4.            En termes pratiques, cependant, le demandeur doit confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer sa protection, en l'absence d'un aveu en ce sens par l'État dont il est le ressortissant. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.


[47]            En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, il y a généralement lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur. Cette « présomption sert à renforcer la raison d'être de la protection internationale à titre de mesure auxiliaire qui entre en jeu si le demandeur ne dispose d'aucune solution de rechange » . Le demandeur doit confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer sa protection (Ward : p. 724).

[48]            En conséquence, la conclusion du tribunal selon laquelle il n'existait aucun lien entre le préjudice craint par les demandeurs et un motif énuméré de persécution était raisonnable.

Persécution

[49]            Selon la présente Cour, pour qu'il y ait persécution, « il faut qu'il y ait eu infliction répétée d'actes de cruauté ou infliction systématique d'un châtiment au cours d'une période de temps déterminé » (Rajudeen c. M.E.I. (1984), 55 N.R. 129, à la p. 133 (C.A.F.)). Le tribunal a appliqué correctement la définition lorsqu'il a fait observer ce qui suit :


[...] je ne crois pas non plus que les sanctions mentionnées, découlant de ces lois d'application générale en Chine, soient graves ou disproportionnées à un point tel qu'elles équivalent à la persécution. En ce qui concerne la possibilité que les personnes détenues pour avoir illégalement quitter la Chine soient battues, il n'a pas été démontré de manière fiable qu'il existe plus qu'une simple possibilité que cette jeune revendicatrice soit visée.

                                                                        (Dossier des demandeurs, p. 15 et 16; motifs, p. 6 et 7)

[50]            Les demandeurs soutiennent que le tribunal n'a pas utilisé l'approche prévue par les directives de la présidente de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié applicables aux enfants qui revendiquent le statut de réfugié pour définir le préjudice. Les demandeurs soutiennent aussi que le tribunal n'a pas examiné de façon significative les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et qu'il n'a pas renvoyé aux autres instruments internationaux cités par les demandeurs. Le défendeur soutient que ces arguments ne sont pas fondés. Les demandeurs avancent que le tribunal n'a pas tenu compte de la preuve. Le défendeur répond qu'il n'y a rien au dossier pour appuyer une telle affirmation,. Le tribunal n'avait aucune obligation de faire un renvoi particulier à certains éléments de la preuve (Hassan c. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.); Woolaston c. M.E.I., [1973] R.C.S. 102.)

[51]            Il s'agit dans tout contrôle judiciaire de voir si le tribunal, compte tenu des éléments dont il disposait, pouvait raisonnablement parvenir à de telles inférences et conclusions. Les demandeurs doivent démontrer qu'aucune personne raisonnable ne pouvait, d'après la preuve devant le tribunal, en être arrivée à cette conclusion. La présente Cour ne devrait pas s'ingérer dans la décision d'un tribunal du seul fait qu'elle aurait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon différente. Mais la présente Cour conclut que le tribunal a décidé à bon droit.


[52]            Le défendeur soutient que le tribunal a formulé ses conclusions en tenant compte de la preuve documentaire objective et des faits dont il était saisi. La crédibilité et le poids de la preuve doivent être déterminés par le tribunal et ne font pas proprement l'objet du contrôle judiciaire. Le défendeur soutient que le tribunal avait le droit de soupeser la preuve et de tirer ses conclusions.

[53]            Le défendeur soutient que l'un des principes de l'affaire Baker est que le défaut de tenir compte des intérêts de l'enfant constitue un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire. Or, le tribunal a effectivement examiné l'intérêt qu'ils avaient à la lumière des conventions internationales qui concernent les enfants. Il a sans aucun doute tenu compte de l'intérêt des demandeurs.

[54]            Les demandeurs soutiennent aussi que le tribunal a erré en omettant d'accepter leurs prétentions selon lesquelles le fait qu'ils aient fait l'objet d'un trafic les amèneraient à subir de la persécution. Les demandeurs reconnaissent que le tribunal a traité cette question mais, à leur avis, le tribunal aurait dû y consacrer un nombre plus grand de paragraphes. Le défendeur répond que le tribunal n'est pas tenu de consacrer un nombre particulier de paragraphes à quelque problème que ce soit.


Équité procédurale

[55]            Les demandeurs soutiennent que le tribunal a failli aux principes de l'équité procédurale en omettant de traiter de façon significative l'argument principal des demandeurs ou la preuve présentée à son appui. Les demandeurs citent une preuve qui, selon les allégations, n'a pas été prise en considération par le tribunal et soutiennent que, nécessairement, le tribunal a de ce fait manqué d'équité procédurale envers les demandeurs. Les demandeurs se plaignent du poids accordé à la preuve par le tribunal. Le défendeur répond que le poids de la preuve n'est pas un motif valable pour justifier un contrôle judiciaire. Les demandeurs n'ont pas établi que le tribunal n'a pas tenu compte d'un des éléments de preuve du seul fait qu'il n'a pas traité de toute la preuve dans ses motifs.

Résumé

[56]            À l'audience de la SSR, il incombait aux demandeurs de prouver de façon claire et convaincante le bien-fondé de leurs revendications du statut de réfugié. Selon le défendeur, les demandeurs n'ont pas apporté une preuve suffisante pour établir une crainte bien fondée de la persécution. Le tribunal pouvait raisonnablement tirer cette conclusion, d'après toute la preuve dont il disposait, et celle-ci ne constituait pas une erreur en droit.


6. Recours

[57]            Les demandeurs demandent la réparation suivante :

a.        Une ordonnance infirmant la décision du tribunal; et

b.        Une déclaration selon laquelle les demandeurs sont des réfugiés au sens de la Convention d'après la définition de la Loi sur l'immigration ou, à titre subsidiaire, le renvoi de l'affaire à une autre formation du tribunal pour réexamen, conformément aux directives que la présente Cour jugerait appropriées.

[58]            Le défendeur demande que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée, ce qu'elle est et ce qu'elle sera.

[59]            Les avocats des demandeurs ont proposé deux questions en vue d'une certification, aux termes du paragraphe 83(1) de la Loi. Une telle demande de certification doit porter sur une question grave d'importance générale, visée par tout aspect de l'affaire. Les deux questions sont trop générales et elles dépendent de la véracité de certains faits. Ces faits ont été établis dans l'affaire entendue par le tribunal en l'espèce. Par conséquent, le tribunal s'abstient, ou pour utiliser une formule de légiste, il refuse de certifier toute question en l'espèce.


                                       LA PRÉSENTE COUR ORDONNE

QUE les seize demandes des demandeurs en vue d'une autorisation et d'un contrôle judiciaire, en date du 26 mai 2000, portant les numéros de dossier :


V99-02955

LONG WEI ZHU

V99-02956

FU LIN

V99-02953

FU SHENG BIAN

V99-02914

FU ZHEN BIAN

V99-02933

ZENG TIAN TIAN

V99-02912

MING ZHOU

V99-02951

JIN FU LIN

V99-02913

JIANG YONG YAN

V99-02949

PENG LIN

V99-02923

RUE CHU LIN

V99-02961

XING WEI OU

V99-02960

ZI GUANG WANG

V99-02927

HUI ZHANG

V99-02931

FA FU SUN

V99-02919

CAI YANG IL


V99-02928


SUN PING JIAN

seront toutes rejetées, et aucune question n'est certifiée.

« F. C. Muldoon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    IMM-2746-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LONG WEI ZHU et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :         22 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

EN DATE DU :                           23 août 2001

ONT COMPARU

Joshua Sohn                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Helen Park                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

LARSON BOULTON                                                     POUR LES DEMANDEURS

SOHN STOCKHOLDER

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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