Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020912

Dossier : IMM-1474-02

Référence neutre : 2002 CFPI 964

ENTRE :

                                                                        MACH PHUI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                 -et-

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX                                                                                                       

CONTEXTE


[1]                 Par sa requête écrite fondée sur l'article 369 des Règles de la Cour fédérale (1998), le défendeur sollicite l'annulation de la demande de contrôle judiciaire que le demandeur a présentée en date du 2 avril 2002 pour contester une décision prise par le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, en date du 28 février 2002. Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur déclare que l'agent des visas a décidé que ses deux filles étaient toutes les deux âgées de plus de 19 ans et, en conséquence, n'étaient plus considérées à sa charge dans le cadre d'une demande de résidence permanente au Canada, parrainée par son fils Hien Duc Mach ( « Hien » ).

[2]                 Le défendeur invoque principalement deux motifs pour l'annulation de la demande. Il soutient premièrement qu'aucune décision n'a été prise le 28 février 2002 et, deuxièmement, que la seule décision prise par l'agent des visas l'a été le 12 juillet 2000. En conséquence, le demandeur est forclos et a besoin d'une prorogation de délai pour présenter sa demande, prorogation qu'il n'a pas demandée et dont il n'a pas convaincu la Cour de la nécessité.

[3]                 Le dossier révèle que le 12 juillet 2000, l'agent des visas a envoyé une lettre au demandeur, avec copie à Hien, le parrain, dans laquelle il a déclaré que les deux filles en question étaient âgées de plus de 19 ans. Cette déclaration de l'agent des visas était fondée non pas sur les dates de naissance telles qu'elles apparaissaient dans la demande de parrainage de membres de la catégorie de la famille que Hien avait présentée en juillet 1998 et selon laquelle ses soeurs étaient âgées de moins de 19 ans, mais sur l'examen fait par l'agent des visas lui-même d'une déclaration que Hien avait faite aux agents d'Immigration Canada en 1984 dans sa demande de résidence permanente introduite sur la base d'une identification comme personne ayant fui le Vietnam en tant que réfugié de la mer. Dans sa déclaration, Hien donnait des dates de naissance différentes pour ses soeurs.


[4]                 Après avoir reçu la lettre du 12 juillet 2000, le demandeur, alors au Vietnam, a introduit le 24 juillet 2000 une requête auprès de l'agent des visas afin que celui-ci réexamine le dossier. Le demandeur a allégué que, en 1984, son fils Hien s'était trompé dans les dates de naissance de ses soeurs et que lui, le père, confirmait qu'elles étaient respectivement nées en 1982 et 1983, tel que déclaré dans la demande de parrainage déposée par Hien.

[5]                 Le 11 août 2000, l'agent des visas, dans une lettre au demandeur, a confirmé sa décision initiale et a refusé de rouvrir le dossier.

[6]                 Le défendeur n'a plus eu de nouvelles du demandeur jusqu'au 25 janvier 2002, date à laquelle l'agent des visas a reçu une lettre des avocats du demandeur lui demandant le réexamen du dossier [TRADUCTION] « à la lumière de nouveaux éléments de preuve plus convaincants portant sur les dates de naissance de ses filles » . Je devrais ajouter que le demandeur, à ce moment-là, avait été parrainé avec succès par Hien et avait reçu son droit d'établissement au Canada en avril 2001.

[7]        Le 28 février 2002, l'agent des visas a fourni aux avocats du demandeur une réponse manuscrite dans laquelle il a déclaré, entre autres, [TRADUCTION] « cette affaire a été menée à terme en 2000 et, par conséquent, le dossier est clos à notre bureau » .

Analyse


[8]         Il apparaît de l'examen du dossier que le demandeur a commis une erreur en donnant, au paragraphe 18 de sa demande de contrôle judiciaire, le 28 février 2002, comme date effective de la décision de l'agent des visas. Dans les faits, cette décision a été prise le 12 juillet 2000, ce que l'avocat du demandeur semble concéder, car dans sa réponse à la requête du défendeur visant la radiation, il demande non seulement le rejet de la requête du défendeur mais aussi une prorogation du délai de contestation de la décision.

[9]         Une autre date pertinente qui vient à l'esprit est celle du 11 août 2000, quand, face à la requête du demandeur, l'agent des visas a refusé de revenir sur sa décision.

[10]       Je suis d'accord avec le défendeur que, compte tenu des circonstances, le demandeur avait besoin d'une prorogation de délai qu'il a, je crois, demandée à la Cour, bien qu'indirectement, dans sa réponse à la requête en radiation présentée par le défendeur.

[11]       La Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399, déclarait que, pour obtenir une prorogation de délai, un demandeur doit démontrer chacun des points suivants:

  • a)                    une intention constante de poursuivre sa demande;
  • b)                    que la demande est bien-fondée;
  • c)                    que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du retard; et

d)                    qu'il existe une explication raisonnable justifiant le retard.


[12]       La Cour d'appel fédérale nous enseigne aussi dans Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263, que la considération sous-jacente à l'examen d'une demande de prorogation de délai est de faire en sorte que justice soit faite et que, pour cela, il importe d'examiner l'explication qui justifie le retard et de savoir si le requérant a des chances d'avoir gain de cause. Le retard doit être expliqué de manière satisfaisante (The Council of Canadians c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches (1997), 212 N.R. 254).

[13]       Le demandeur a déposé un affidavit contre la requête en radiation introduite par le défendeur, une requête qui a clairement fait ressortir la nécessité pour le demandeur d'une prorogation de délai.

[14]       Toutefois, dans cet affidavit, le demandeur n'aborde même pas la question de la justification du retard en contestant la décision de l'agent des visas prise en juillet 2000. Il laisse plutôt cet aspect de l'argumentation aux observations de son avocat, observations non soutenues par des faits dans le cadre d'une preuve par affidavit qui pourrait faire l'objet d'un contre-interrogatoire.

[15]       Même si je reconnaissais qu'en 2000, le demandeur habitait dans un village du Vietnam et ne pouvait peut-être pas obtenir des conseils juridiques là-bas, il n'y a aucune preuve, ni argument qui justifierait qu'après avoir obtenu le droit d'établissement au Canada, en avril 2001, il n'ait rien fait avant janvier 2002, sur une question aussi importante que la réunification de la famille. Je n'accepte pas l'explication de son avocat selon laquelle le demandeur était trop occupé à

[TRADUCTION] « s'adapter à la société canadienne » .                       


[16]       Rien n'a été dit dans le dossier de réponse de l'intimé au sujet de l'incapacité de Hien de chercher à exercer les recours appropriés et ce, dans les meilleurs délais.

[17]      Après examen du dossier, je conclus que le demandeur avait une cause défendable, mais quels que soient ses droits quant au fond, il les a abandonnés en ne les revendiquant pas à temps, dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire. Il n'a pas exercé la diligence raisonnable nécessaire.         

CONCLUSION

[18]       Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, mais compte tenu des circonstances, sans frais.

« François Lemieux »

Juge

OTTAWA ( ONTARIO)

Le 12 septembre 2002

   

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                                   

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1474-02

INTITULÉ :                                                        MACH PHUI c. MCI

                                                                                   

PROCÉDURE DE REQUÊTE ÉCRITE SANS COMPARUTIONS

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                                    Le 12 septembre 2002

OBSERVATIONS ÉCRITES:

Austin Q. Nguyen                                                 POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Austin Q. Nguyen                                                 POUR LE DEMANDEUR

AG LAW OFFICE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.