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Date : 20210521


Dossier : T‑628‑20

Référence : 2021 CF 484

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2021

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

JELISA PHILLIPS

demanderesse

et

BANQUE CAPITAL ONE (SUCCURSALE CANADIENNE)

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La demanderesse et partie requérante, Mme Phillips, dépose la présente requête en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles] pour interjeter appel de l’ordonnance du 11 août 2020 du protonotaire Aalto (l’ordonnance). Mme Phillips soutient que le protonotaire Aalto a commis une erreur en rejetant sa requête fondée sur l’article 317 des Règles pour obtenir une ordonnance obligeant le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) du Canada à produire des documents. La requête a été rejetée au motif que la demande de production de Mme Phillips dépasse la portée de la production permise selon l’article 317 des Règles.

[2] En guise de contexte, Mme Phillips a déposé une plainte auprès du CPVP, alléguant que la défenderesse Banque Capital One (succursale canadienne) (Capital One) avait enfreint les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5 [la LPRPDE]. Le 9 mai 2019, le CPVP a publié un rapport non contraignant sur ses conclusions concernant la plainte (le rapport du CPVP). Après avoir reçu le rapport du CPVP, Mme Phillips a déposé un avis de demande (la demande) devant notre Cour contre Capital One (appelée par erreur « Capital One Canada » dans l’intitulé). La demande comprenait une demande, en vertu de l’article 317 des Règles, visant la production de tous les documents liés à la plainte de Mme Phillips auprès du CPVP, pour utilisation dans la demande contre Capital One. Le CPVP et la défenderesse Capital One se sont opposés à cette demande de production, ce qui a mené à la requête de Mme Phillips visant à obliger la production.

[3] La nature de la demande de Mme Phillips est une question clé. À première vue, la demande indique qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, et l’article 14 de la LPRPDE. La réparation demandée est la délivrance d’une ordonnance d’audience en vertu de l’article 14 de la LPRPDE pour dommages‑intérêts contre Capital One, découlant des violations présumées de la LPRPDE par Capital One, et une ordonnance annulant le rapport du CPVP.

[4] Le protonotaire Aalto était d’accord avec la position du CPVP et de Capital One selon laquelle l’article 317 des Règles se rapporte à la production de documents dans une demande de contrôle judiciaire, et malgré les affirmations de Mme Phillips, la demande n’est pas une demande de contrôle judiciaire. La nature de la demande de Mme Phillips est plutôt une demande d’une nouvelle audience en vertu de l’article 14 de la LPRPDE qui vise à obtenir des dommages‑intérêts contre Capital One pour ses violations présumées de la LPRPDE, et une telle procédure est le « recours adéquat » pour Mme Phillips, selon Kniss c Canada (Commissaire à la protection de la vie privée), 2013 CF 31 [Kniss]. Le protonotaire Aalto a conclu que le fait que la demande a pour but d’obtenir une ordonnance annulant le rapport du CPVP n’était pas suffisant pour justifier une ordonnance de communication en vertu de l’article 317 des Règles.

[5] Mme Phillips soutient que le protonotaire Aalto a commis une erreur en rejetant la requête en production des documents du CPVP au motif que la production demandée dépasse la portée de l’article 317 des Règles. Elle soutient que la demande vise clairement à obtenir une ordonnance annulant le rapport du CVP, et qu’il est possible de demander une ordonnance de communication en vertu de l’article 317 des Règles dans une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE.

[6] De plus, Mme Phillips soutient que le protonotaire a commis une erreur en faisant fi de la jurisprudence contraignante, en omettant de tenir compte des observations de Mme Phillips et en fournissant des motifs inadéquats.

[7] Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que le protonotaire a commis l’une ou l’autre des erreurs présumées en refusant la demande de documents du CPVP présentée par Mme Phillips en vertu de l’article 317 des Règles. La requête de Mme Phillips interjetant appel de l’ordonnance est rejetée.

II. Question préliminaire : Intitulé

[8] Capital One est incorrectement désignée « Capital One Canada » dans l’intitulé. Celui‑ci est donc modifié pour désigner correctement Banque Capital One (succursale canadienne) à titre de défenderesse.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[9] Les questions en litige dans le présent appel en vertu de l’article 51 des Règles sont les suivantes :

  1. Le protonotaire a‑t‑il commis une erreur en rejetant la requête au motif que la production demandée dépasse la portée de l’article 317 des Règles des Cours fédérales?

  2. Le protonotaire a‑t‑il commis une erreur en faisant fi de la jurisprudence contraignante, en omettant de tenir compte des observations de Mme Phillips ou en fournissant des motifs inadéquats?

[10] La norme de contrôle applicable à l’appel d’une ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire est l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, ainsi que la décision correcte pour les questions de droit et les questions mixtes de fait et de droit lorsqu’il y a une question de droit isolable : Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, [2017] 1 RCF 331 [Hospira] aux para 64 et 66; Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 RCS 235. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hospira, au paragraphe 64, « les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient être infirmées que lorsqu’elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits ».

[11] Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que le protonotaire n’a pas commis une erreur de droit isolable. Je suis d’accord avec les observations de Capital One et du CPVP selon lesquelles la question de savoir si la demande de communication de Mme Phillips dépasse la portée de l’article 317 des Règles est une question mixte de fait et de droit, et la décision du protonotaire à cet égard est susceptible de contrôle en raison d’une erreur manifeste et dominante.

IV. Analyse

A. Le protonotaire a‑t‑il commis une erreur en rejetant la requête au motif que la production demandée dépasse la portée de l’article 317 des Règles des Cours fédérales?

(1) Observations de la demanderesse

[12] Mme Phillips fait valoir deux points principaux à l’appui de sa position selon laquelle le protonotaire a commis une erreur en concluant que sa demande de communication dépassait la portée de l’article 317 des Règles.

[13] Premièrement, Mme Phillips soutient que le protonotaire s’est appuyé sur le caractère non contraignant du rapport du CPVP pour conclure que Mme Phillips ne peut se prévaloir du contrôle judiciaire, concluant effectivement que le rapport du CPVP n’est pas une « décision » du CPVP. Mme Phillips soutient que cela va à l’encontre de la jurisprudence établissant que les pouvoirs de contrôle judiciaire de la Cour sont suffisamment étendus pour englober le contrôle d’un rapport de la nature d’une opinion ou d’une recommandation, même si le rapport ne tranche aucune question : Girouard c Canada (Procureur général), 2018 FC 865, [2019] 1 RCF 404 [Girouard] aux para 167 à 170. Étant donné que la demande vise à obtenir une ordonnance de certiorari pour annuler le rapport, Mme Phillips soutient que le protonotaire a effectivement radié une partie de la réparation dans sa demande de façon erronée et contrairement à la jurisprudence établissant des exigences strictes pour la radiation d’une demande de contrôle judiciaire : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc., 1994 CanLII 3529 (CAF), [1994] ACF No 1629, [1995] 1 CF 588 [Pharmacia], aux para 10 et 15. Elle soutient que la demande doit être prise comme elle est rédigée, et non lui donner l’interprétation proposée par la défenderesse : Canada c Arsenault, 2009 CAF 242 au para 10.

[14] Deuxièmement, Mme Phillips soutient que le protonotaire Aalto a mal compris la nature d’une procédure en vertu de l’article 14 de la LPRPDE comme solution de rechange au contrôle judiciaire et s’est fondé à tort sur la décision Kniss, qui, à son avis, n’a pas tranché cette question de façon concluante. Dans la décision Kniss le demandeur avait déposé des demandes de contrôle judiciaire « indépendantes » visant des rapports de conclusions du CPVP, uniquement en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et non en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. La question dont la Cour était saisie dans Kniss était de savoir s’il fallait exercer un « pouvoir discrétionnaire » pour procéder au contrôle judiciaire des rapports en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales lorsque le demandeur disposait d’un autre recours en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. Bien que Mme Phillips conteste la caractérisation par la Cour du contrôle judiciaire comme un pouvoir discrétionnaire (elle soutient qu’il s’agit d’un droit constitutionnel, s’appuyant sur l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 aux para 28 à 32), elle soutient que la Cour, dans la décision Kniss, n’a pas établi de principe concluant selon lequel un rapport de conclusions du CPVP ne peut être contesté dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. De plus, elle soutient que la Cour n’a pas été saisie de la question de savoir s’il est impossible de demander une ordonnance d’obligation de production en vertu de l’article 317 des Règles dans une demande présentée en vertu de l’article 14.

[15] Mme Phillips soutient que l’article 14 de la LPRPDE prévoit un droit fondamental au contrôle judiciaire, par la procédure d’une nouvelle audience devant la Cour fédérale. Autrement dit, elle soutient qu’une demande de contrôle judiciaire indépendante en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales n’est pas nécessaire, car le libellé de l’article 14 est suffisamment large pour englober une contestation d’un rapport du CPVP lui‑même, et pas seulement une demande de dommages‑intérêts contre Capital One. Ainsi, selon la demanderesse, la décision Kniss est différente parce qu’elle ne se rapporte pas précisément à la question soulevée par sa requête.

[16] Mme Phillips soutient que l’erreur du protonotaire découle de la confusion qui existe entre un droit fondamental au contrôle judiciaire et la procédure à suivre pour entreprendre un tel contrôle judiciaire. Elle soutient qu’il était approprié de présenter la demande vertu de l’article 14 de la LPRPDE comme source du droit fondamental de contrôle, et en vertu de la Loi sur les Cours fédérales comme procédure pour exercer ce droit fondamental. Elle prétend que l’article 14 de la LPRPDE et la Loi sur les Cours fédérales ne s’excluent pas mutuellement en raison des articles 18 et 18.1 à 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, selon lesquels il est possible (i) de prévoir un droit fondamental de demander un contrôle judiciaire lorsque ce droit ne découle pas d’une autre loi, comme la LPRPDE en l’espèce; et (ii) d’établir la procédure pour présenter une demande de contrôle judiciaire, peu importe si le droit de contrôle découle de la Loi sur les Cours fédérales ou d’une autre loi. Par conséquent, Mme Phillips est en désaccord avec la position du CPVP et de Capital One selon laquelle le droit d’entamer une procédure en vertu de l’article 14 de la LPRPDE, bien qu’il soit déclenché par le rapport du CPVP, ne suppose pas un examen du rapport du CPVP. Mme Phillips soutient que cette position mettrait indûment le CPVP à l’abri d’un examen — comme je l’ai mentionné précédemment, même les rapports d’enquête et les recommandations qui ne permettent pas de trancher une question peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire : Girouard.

[17] Par conséquent, Mme Phillips soutient qu’une demande de communication en vertu de l’article 317 des Règles n’est pas incompatible avec une demande d’une nouvelle audience présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE, et qu’il n’y a pas de jurisprudence qui traite clairement de cette question et qui conclut de façon définitive que l’article 317 des Règles ne s’applique pas et ne peut pas s’appliquer à une telle demande.

[18] Mme Phillips soutient qu’elle a besoin du dossier complet devant le CPVP afin de faire valoir sa position à l’égard de la demande. Elle invoque l’arrêt de la Cour suprême du Canada Radulesco c Commission canadienne des droits de la personne, 1984 CanLII 120 (CSC), [1984] 2 RCS 407 [Radulesco], à l’appui de la thèse selon laquelle le défaut de donner l’occasion de contester en toute équité les faits et les allégations contenus dans le rapport d’un enquêteur recommandant le rejet d’une plainte est préjudiciable et constitue un manquement à la justice naturelle. Elle soutient que l’on ne peut distinguer l’arrêt Radulesco de l’affaire en l’espèce et qu’il lie notre Cour. Mme Phillips soutient que la Cour fédérale n’est pas tenue d’accorder une audience en vertu de l’article 14 de la LPRPDE dans le cadre de la présente procédure et qu’elle a droit au dossier du CPVP, avant de mettre en état son dossier de demande, afin de faire valoir qu’une telle audience devrait lui être accordée.

(2) Observations de Capital One et du CPVP

[19] Capital One est la défenderesse dans la présente instance, mais, pour des raisons de commodité, je désignerai Capital One et le CPVP comme les « défendeurs ». De plus, bien qu’ils aient présenté des observations orales et écrites distinctes sur la présente requête, les observations de Capital One et celles du CPVP concordent étroitement. Pour simplifier les choses, je n’ai pas établi de distinction entre elles dans les présents motifs.

[20] Les défendeurs soutiennent que le protonotaire a conclu à juste titre qu’une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE ne constitue pas un contrôle judiciaire d’un rapport de conclusions du CPVP. Ils sont en désaccord avec l’argument de Mme Phillips selon lequel le libellé de l’article 14 est suffisamment large pour englober une contestation d’un rapport du CPVP, car l’article 14 permet à un demandeur de ne soulever que des questions mentionnées dans des articles précis de la LPRPDE ou dans ses annexes, qui se rapportent toutes à la conduite de l’organisation qui répond à la plainte. Les défendeurs soutiennent que l’article 14 de la LPRPDE permet à une personne, après avoir porté plainte devant le CPVP et reçu un rapport de conclusions non contraignant, de demander à la Cour une nouvelle audience relative à la conduite d’une organisation contre laquelle la plainte a été déposée : Englander c Telus Communications Inc., 2004 CAF 387 [Telus] aux para 47 et 48; Ainsi, l’article 14 prévoit un mécanisme permettant d’obtenir une décision juridiquement contraignante quant à savoir si la conduite d’une organisation respecte la LPRPDE. L’article 14 prescrit un droit adéquat et plus large de traiter les questions soulevées dans une plainte que ne le fait une demande de contrôle judiciaire, comme l’octroi de dommages‑intérêts : Kniss, au para 31.

[21] Selon les défendeurs, la production du rapport de conclusions du CPVP constitue une condition préalable procédurale pour une nouvelle demande et une nouvelle audience concernant une infraction présumée à la LPRPDE par l’organisation qui a fait l’objet de la plainte. Dans le cadre d’une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE, la Cour fédérale examinera de nouveau la question, et elle n’est pas contrainte par le rapport de conclusions ou des éléments de preuve présentés au CPVP dans son enquête : Eastmond c Canadien Pacifique Ltée, 2004 CF 852 aux para 118 à 124. Par conséquent, une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE est une nouvelle audience, et non une demande de contrôle judiciaire, et le rapport de conclusions du CPVP ne doit pas être traité comme la décision attaquée, mais plutôt comme éléments de preuve pouvant être contestés ou contredits, et pour lesquels aucune déférence n’est exigée : Bertucci c Banque Royale du Canada, 2016 CF 332 [Bertucci] au para 11, citant Telus aux para 47 et 48. De plus, le fait qu’il n’y ait aucune déférence à l’égard du rapport du CPVP distingue la présente affaire de celle de Girouard, où les rapports en cause étaient convaincants et, en fait, il a été conclu que les conclusions et les recommandations contenues dans les rapports eux‑mêmes auraient « un effet dévastateur » sur la carrière du juge et sa famille : Girouard, au para 185.

[22] En outre, les défendeurs soutiennent que l’ordonnance n’a pas radié une partie de la demande, mais a simplement reconnu que l’objet de la demande est une nouvelle audience en vertu de l’article 14 de la LPRPDE et non un contrôle judiciaire du rapport du CPVP, malgré les simples déclarations qui caractérisent la demande comme bivalente. En d’autres termes, le protonotaire Aalto s’est engagé dans un exercice visant à reconnaître le fond de la demande plutôt que sa forme. Même si l’article 14 est suffisamment général pour englober une contestation d’un rapport de conclusions du CPVP, que les défendeurs nient, la demande de Mme Phillips ne soulève pas une contestation de ce genre. Les défendeurs soutiennent que la demande ne présente aucun motif de contrôle à l’appui de sa demande d’ordonnance annulant le rapport du CPVP et ne comporte aucune allégation générale selon laquelle les conclusions du rapport du CPVP sont erronées ou déraisonnables. Les seuls motifs invoqués à l’appui de la demande sont les allégations selon lesquelles Capital One a enfreint les dispositions de la LPRPDE, que Mme Phillips a droit à des dommages‑intérêts contre Capital One pour les violations présumées, et que la Cour devrait convoquer une audience conformément à l’article 14 de la LPRPDE pour trancher ces questions contre Capital One.

[23] En ce qui concerne la demande de production de Mme Phillips, les défendeurs soutiennent que l’on ne peut invoquer l’article 317 des Règles pour la production de documents que dans une demande de contrôle judiciaire (Lukács c Swoop Inc., 2019 CAF 145 [Lukács] au para 21; Lill c Canada (Procureur général), 2020 CF 551 [Lill]) au para 34 [sic]) et la demande de Mme Phillips ne satisfait pas à la condition de l’article 317 des Règles selon laquelle les documents demandés doivent être en la possession d’un tribunal « dont l’ordonnance fait l’objet de la demande ». Les défendeurs soutiennent que la déférence est exigée à l’égard de la conclusion du protonotaire sur ce point et que, de toute façon, elle est juridiquement correcte : Bertucci, au para 11; Kniss, au para 28.

[24] Les défendeurs soutiennent que Mme Phillips ne cherche à obtenir aucune réparation d’importance contre le CPVP, si ce n’est une simple demande d’annuler un rapport qui n’est pas contraignant pour elle. Essentiellement, la demande n’est pas une demande de contrôle judiciaire, mais plutôt un différend privé portant sur des dommages‑intérêts qui serait tranché en fonction d’un dossier qui ne se limite pas au dossier dont le CPVP est saisi. Les défendeurs affirment que Mme Phillips tente d’utiliser les règles de production de l’article 317 des Règles, qui existent pour faciliter un examen complet d’une décision administrative en contrôle judiciaire, pour obtenir des documents qui seront utilisés à une autre fin, dans le contexte d’un différend entre parties privées en vue d’une réparation pécuniaire. Les défendeurs soutiennent que Mme Phillips ne peut invoquer l’article 317 des Règles pour « formuler des allégations qui n’auraient jamais dû être formulées » (Lukács, au para 19) ou pour appuyer une réclamation privée en dommages‑intérêts.

[25] De plus, les défendeurs soutiennent que la demande de production de Mme Phillips ne satisfait pas à une deuxième condition de l’article 317 des Règles, à savoir que les documents demandés ne sont pas pertinents pour la demande. La pertinence dépend des motifs de contrôle énoncés dans un avis de demande introductive d’instance : Tsleil‑Waututh Nation c Canada (Procureur général), 2017 CAF 128, [Tsleil‑Waututh Nation] au para 109. En l’espèce, la demande n’indique aucun motif de contrôle à l’égard du rapport du CPVP ni aucune allégation qui justifierait la demande de production. Les défendeurs soutiennent que l’article 317 des Règles est un outil à objet restreint qui ne sert pas de la même façon que la communication de la preuve et qui ne peut être invoqué pour mener une recherche à l’aveuglette : Lukács, au para 16.

[26] Par conséquent, les défendeurs soutiennent que le protonotaire a conclu à juste titre que l’article 317 des Règles, qui dispose qu’une partie peut demander la transmission des documents pertinents quant à une demande qui sont « en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande », ne s’applique pas à une nouvelle audience en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. Les défendeurs soutiennent que cette conclusion est conforme aux décisions antérieures de la Cour, notamment :

  • Erwin Eastmond c Chemin de fer Canadien Pacifique et Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (23 mai 2003), Ottawa T‑309‑03 (CFPI) [Erwin Eastmond] : La protonotaire Tabib a conclu que l’article 317 des Règles ne peut être invoqué à l’appui d’une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE puisqu’une telle demande ne comporte pas l’examen d’un rapport du CPVP, mais plutôt un nouvel examen de la conduite d’un organisme qui fait l’objet d’une plainte auprès du CPVP;

  • O’Grady c Procureur général du Canada, (10 mars 2015), T‑2587‑14 : La protonotaire Tabib, dans une décision rendue en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC (1985), c P‑21, a conclu que l’article 317 des Règles s’applique exclusivement dans le contexte du contrôle judiciaire d’une ordonnance ou d’une décision, et permet à un demandeur d’avoir accès au dossier qui sous‑tend la décision faisant l’objet du contrôle;

  • Lill, aux para 33 à 37 : Le juge Gascon a jugé que la demande de transmission des documents ou des éléments matériels présentée en vertu de l’article 317 des Règles « doi[t] avoir un lien avec l’“ordonnance” de l’office fédéral faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire ».

[27] Comme ils l’ont fait valoir en réponse à la requête présentée au protonotaire Aalto, les défendeurs soutiennent que l’arrêt Radulesco est différent, parce qu’il ne porte pas sur la question de savoir si un dossier d’enquête est contraignable, mais plutôt sur la question de savoir si un tribunal (dans ce cas, la Commission canadienne des droits de la personne) a manqué à un principe de justice naturelle en rejetant une plainte fondée sur la recommandation du rapport d’un enquêteur, sans d’abord permettre à la plaignante de consulter le rapport de l’enquêteur et de fournir des observations en réponse.

(3) Réponse de la demanderesse

[28] Mme Phillips répond qu’il est sans conséquence qu’une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE mène éventuellement à une procédure entre des parties privées. Elle soutient qu’elle ne demande pas de documents privés, mais plutôt des documents d’un organisme gouvernemental qui a donné une opinion sur sa plainte et que, par conséquent, les documents sont pertinents et contraignables selon les principes énoncés dans l’arrêt Carey c Ontario, [1986] 2 RCS 637 [Carey].

[29] Mme Phillips soutient que les décisions invoquées par les défendeurs — Bertucci, Lill, Lukács et Kniss — ne se prononcent pas directement sur la question, car aucune n’a été présentée dans le contexte d’une requête présentée en vertu de l’article 317 des Règles visant à obliger le CPVP à produire son dossier en réponse à une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE, et la seule décision qui tranche la question est celle d’Erwin Eastmond. Mme Phillips soutient que la décision Erwin Eastmond consiste en un bref soutien sans analyse, qui devrait être revue.

[30] Elle fait valoir qu’il ne lui incombe pas de démontrer que le dossier du CPVP est pertinent quant à l’instance; il incombe plutôt au CPVP de soulever une objection en vertu de l’article 318 des Règles et d’établir qu’il ne devrait pas être obligé de produire son dossier pour des raisons de pertinence ou de privilège.

(4) Analyse

[31] Pour décider si Mme Phillips a droit de demander une ordonnance obligeant la production des documents du CPVP, le protonotaire a examiné la nature de la demande en cause et a conclu qu’il ne s’agissait pas d’une demande de contrôle judiciaire, mais d’une demande de procédure de novo présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE pour obtenir des dommages‑intérêts contre Capital One pour ses infractions présumées à la LPRPDE. La conclusion du protonotaire concernant la nature de la demande était une question mixte de fait et de droit. Je ne suis pas convaincue que le protonotaire a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante de fait et de droit dans sa conclusion.

[32] À mon avis, les décisions que Mme Phillips a invoquées n’appuient pas l’argument selon lequel l’article 14 de la LPRPDE confère un droit fondamental au contrôle judiciaire au moyen de la procédure d’une nouvelle audience. Notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont reconnu qu’une procédure engagée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE n’est pas un examen du rapport de conclusions du CPVP, mais une nouvelle demande concernant la conduite de l’organisation contre laquelle la plainte a été déposée : Englander, aux para 47 et 48; Eastmond, aux para 118 à 124; Kniss, au para 28. Comme l’a fait remarquer la Cour dans Eastmond, au paragraphe 118 de l’arrêt :

[118] La procédure engagée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE n’est pas un examen du rapport ou de la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée. C’est une nouvelle requête adressée à la Cour par une personne ayant déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée conformément à la LPRPDE et qui, afin d’obtenir réparation en vertu de l’article 16, assume le fardeau de prouver que [l’organisme défendeur] a enfreint ses obligations au titre de la LPRPDE.

[33] Quoi qu’il en soit, même si Mme Phillips a raison d’affirmer qu’une procédure engagée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE est suffisamment vaste pour englober un examen du rapport du CPVP, la demande en question ne constitue pas un fondement pour l’examen du rapport du CPVP, ou pour exercer tout droit fondamental de contrôle judiciaire qui pourrait exister en vertu de l’article 14.

[34] De plus, je ne souscris pas à l’observation de Mme Phillips selon laquelle le protonotaire a conclu qu’un contrôle judiciaire n’était pas offert parce que le rapport du CPVP n’est pas une « décision », puisqu’il est de la nature d’une recommandation sans effet juridique et qu’il n’est pas contraignant. La déclaration du protonotaire selon laquelle la demande [traduction] « n’est pas un contrôle judiciaire d’une décision du Commissariat à la protection de la vie privée » était une conclusion sur la nature de la demande de Mme Phillips, et non sur la nature du rapport du CPVP. Autrement dit, le protonotaire a conclu que la demande de Mme Phillips ne contestait aucun aspect du rapport du CPVP. Il n’y a pas d’erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[35] Comme l’ont souligné les défendeurs, tous les motifs invoqués à l’appui de la demande sont des allégations contre Capital One, par exemple, que Capital One a enfreint la LPRPDE en omettant de communiquer l’objet de la collecte de renseignements et en omettant de limiter l’utilisation, la communication et la conservation des renseignements personnels de Mme Phillips. Bien que la demande avait pour but d’obtenir une ordonnance annulant le rapport du CPVP, elle n’énonce aucun motif à l’appui de la demande. Elle ne fait état d’aucun motif de réparation de la nature du contrôle judiciaire énoncé à l’article 18.4 de la Loi sur les Cours fédérales ni d’aucune allégation d’erreur dans le rapport du CPVP ou d’irrégularité dans le processus menant au rapport du CPVP.

[36] Je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que l’ordonnance du protonotaire n’équivalait pas à radier une partie de la demande. La requête de Mme Phillips avait pour but d’obliger la production de documents, et le protonotaire Aalto n’a pas commis d’erreur en examinant le fond de sa demande afin de déterminer si la délivrance d’une ordonnance visant à forcer la production en vertu de l’article 317 des Règles était appropriée. Comme je l’ai mentionné précédemment, la demande ne fait état d’aucun motif contre le rapport du CPVP ou la procédure entreprise auprès du CPVP. À mon avis, le protonotaire Aalto n’a pas commis d’erreur en concluant que la simple demande d’une ordonnance annulant le rapport du CPVP ne constituait pas un motif suffisant pour justifier la délivrance d’une ordonnance obligeant le CPVP à produire des documents en vertu de l’article 317 des Règles. Il n’est pas nécessaire d’annuler le rapport du CPVP pour obtenir l’une ou l’autre des autres mesures de redressement demandées, car le rapport du CPVP n’est pas contraignant et n’impose aucune contrainte à Mme Phillips ni à la Cour dans le cadre d’une nouvelle audience.

[37] À mon avis, il n’est pas nécessaire de trancher la question soulevée par Mme Phillips, à savoir qu’il n’y a pas de jurisprudence établissant de façon définitive que l’article 317 des Règles ne peut jamais s’appliquer à une demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. La question dont je suis saisie est de savoir si le protonotaire Aalto a commis une erreur en établissant que Mme Phillips n’a pas droit d’obtenir une ordonnance obligeant la production des dossiers du CPVP en vertu de l’article 317 des Règles. À mon avis, le protonotaire n’a pas commis d’erreur en concluant que la demande de production présentée dans la demande de Mme Phillips dépasse la portée de l’article 317 des Règles.

[38] La portée de l’article 317 des Règles est résumée aux para 33 à 35 de Lill :

[33] La Règle 317 se trouve dans la Partie 5 des Règles, laquelle s’applique aux « Demandes », et notamment aux demandes de contrôle judiciaire (Règle 300). La Règle 317 permet à toute partie, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, de « demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant » (soulignements ajoutés). Une telle requête doit préciser les documents ou les éléments matériels demandés. En plus de viser des documents ou éléments matériels qualifiés de pertinents, ceux‑ci doivent avoir un lien avec « l’ordonnance » de l’office fédéral faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

[34] La Règle 317 exige donc qu’il y ait un jugement ou une décision d’un office fédéral. En fait, il ne peut y avoir de production de documents selon la Règle 317 « à moins qu’il n’existe une ordonnance du tribunal et que cette ordonnance soit contestée » (Lavigne au para 26).

[35] La demande faite en vertu de la Règle 317 est conçue pour obtenir des documents d’un décideur administratif dans les cas de contrôle judiciaire d’une de ses décisions. Elle permet la communication des documents qui étaient devant l’office fédéral ayant rendu une décision sujette au contrôle judiciaire, de façon à permettre à la Cour de se pencher et de trancher sur le mérite du contrôle judiciaire avec tous les éléments dont disposait le décideur administratif.

[39] Pour les motifs susmentionnés, la demande n’est pas une demande de contrôle judiciaire du rapport du CPVP. L’article 317 des Règles ne s’applique qu’aux demandes de contrôle judiciaire : Lukács, au para 21. Le protonotaire n’a pas commis d’erreur en concluant que la demande de Mme Phillips dépassait la portée de l’article 317 des Règles.

[40] De plus, l’article 317 des Règles est un outil à objet restreint — il ne sert pas à la communication de la preuve dans une action et ne peut être invoqué pour mener une recherche à l’aveuglette : Lukács, au para 16. Étant donné que la demande ne contient aucune allégation contre le processus du CPVP, ni contre l’intégrité ou les conclusions de son rapport, les documents demandés ne sont pas pertinents quant à la demande et la demande de Mme Phillips dépasse la portée de l’article 317 des Règles : Tsleil‑Waututh Nation, au para 109.

[41] Mme Phillips s’appuie sur l’arrêt de la Cour suprême Radulesco pour affirmer qu’il est préjudiciable et porte atteinte à la justice naturelle, de refuser à un plaignant la possibilité de contester en toute équité les faits et les allégations contenus dans le rapport d’un enquêteur recommandant le rejet d’une plainte. Mme Phillips souhaite présenter des observations sur le rapport du CPVP à l’appui de sa demande présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE et affirme qu’elle a besoin du dossier dont dispose le CPVP pour présenter des observations exhaustives; elle soutient que l’objet de l’article 317 des Règles est d’obliger la production du dossier complet du CPVP afin qu’elle puisse le faire.

[42] Je ne suis pas d’accord pour dire que les principes énoncés dans l’arrêt Radulesco s’appliquent au cas de Mme Phillips. Dans l’arrêt Radulesco, le tribunal a manqué à la justice naturelle en agissant sur la recommandation d’un enquêteur sans permettre à la plaignante de consulter le rapport de l’enquêteur. La plaignante a été invitée à présenter des observations au tribunal, mais on lui a refusé toute possibilité de présenter des observations qui permettraient de répondre aux conclusions de l’enquêteur : Radulesco, au para 11. En l’espèce, Mme Phillips a le rapport du CPVP. En outre, contrairement à la situation dans l’arrêt Radulesco, la demande n’indique pas que le CPVP a manqué à la justice naturelle en n’offrant pas à Mme Phillips la possibilité d’être entendue avant de publier le rapport de conclusions du CPVP. Enfin, comme je l’ai mentionné précédemment, l’article 317 des Règles n’a pas pour objet la communication de la preuve dans une action et ne peut être invoqué pour mener une recherche à l’aveuglette.

[43] En conclusion, le protonotaire n’a pas commis d’erreur en rejetant la requête de Mme Phillips au motif que la production demandée dépasse la portée de l’article 317 des Règles des Cours fédérales.

B. Le protonotaire a‑t‑il commis une erreur en faisant fi de la jurisprudence contraignante, en omettant de tenir compte des observations de Mme Phillips ou en fournissant des motifs inadéquats?

(1) Observations de la demanderesse

[44] Mme Phillips soutient que le protonotaire a commis une erreur en ignorant et en refusant d’appliquer l’arrêt Radulesco de la Cour suprême, annulant ainsi un précédent qui liait la Cour : Canada c Craig, 2012 CSC 43, [2012] 2 RCS 489 aux para 18 à 27.

[45] De plus, Mme Phillips soutient que le protonotaire a commis une erreur en omettant de fournir des motifs adéquats et en ne tenant pas compte de ses observations. Mme Phillips invoque l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817 [Baker] et d’autres décisions rendues dans le cadre de procédures d’immigration, notamment : Adu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565; Bin Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1109 et Kandhai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 656). Mme Phillips soutient que l’ordonnance reprend les observations du CPVP et de Capital One, ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité et au refus du droit à une audience équitable : Siloch c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 10 Admin. LR (2d) 285, 151 NR 76 (CAF).

(2) Observations de Capital One et du CPVP

[46] Comme je l’ai mentionné précédemment, les défendeurs soutiennent qu’une distinction peut facilement être établie d’avec l’arrêt Radulesco. Mme Phillips ne fait pas valoir que le CPVP a manqué à la justice naturelle en n’offrant pas la possibilité d’être entendue, et Mme Phillips a une copie du rapport, contrairement à la plaignante dans l’arrêt Radulesco.

[47] Les défendeurs soutiennent que Mme Phillips a eu amplement l’occasion de présenter des observations à la Cour au moyen de son dossier de requête et de sa réponse. L’ordonnance indique que le protonotaire a lu et examiné les documents de Mme Phillips et sa réponse, et l’ordonnance tient compte de toutes les questions pertinentes. Les défendeurs soutiennent que les motifs détaillés ne sont pas nécessaires, et que l’absence de motifs détaillés ne constitue pas un motif pour s’écarter de la déférence due à l’égard des conclusions du protonotaire : Apotex Inc c Canada (Santé), 2016 CF 776 [Apotex] aux para 81 à 84; Maximova c Canada (Procureur général), 2017 CAF 230 (Canlii) au para 11. Selon les défendeurs, il serait déraisonnable d’exiger des motifs détaillés de la part d’un protonotaire traitant de nombreuses questions de nature procédurale, et l’ordonnance est suffisamment claire et détaillée pour informer Mme Phillips des motifs pour lesquels sa requête a été rejetée : Savanna Energy Services Corporation. c Technicoil Corporation., 2005 CF 842 au para 19; Sarmadi c Canada, 2017 CAF 131 au para 14.

(3) Analyse

[48] Je ne suis pas convaincue que le protonotaire a commis une erreur, à savoir qu’il aurait fait fi de la jurisprudence contraignante, aurait omis de tenir compte des observations de Mme Phillips ou aurait fourni des motifs inadéquats.

[49] Je ne suis pas d’accord pour dire que l’arrêt Radulesco ne peut être distingué de la présente affaire, pour les mêmes raisons que celles susmentionnées. Le protonotaire n’a pas fait fi d’un précédent contraignant.

[50] Le protonotaire n’a pas commis l’erreur d’omettre de tenir compte des observations de Mme Phillips ou d’omettre de fournir des motifs adéquats. Les décisions que Mme Phillips cite à l’appui de son argument selon lequel les motifs sont inadéquats ont été prises dans le contexte d’un contrôle judiciaire d’une décision administrative, et non dans le cadre d’un appel d’une ordonnance d’un protonotaire. Néanmoins, même dans le contexte d’un contrôle d’une décision administrative, le caractère adéquat des motifs est évalué en fonction de l’objet des motifs, et n’est pas mesuré par la quantité : Administration de l’aéroport de Vancouver c Alliance de la fonction publique du Canada, 2010 CAF 158 aux para 11 et 17. Les motifs longs et détaillés du protonotaire ne sont pas requis et ne diminuent pas la déférence due à la décision : Maximova, au para 11; Apotex, au para 84. L’ordonnance indique que l’objet de la demande de Mme Phillips est une demande d’une nouvelle audience présentée en vertu de l’article 14 de la LPRPDE, que la procédure ne constitue pas un contrôle judiciaire d’une décision du CPVP, et que la production des documents demandés par Mme Phillips dépasse donc la portée de l’article 317 des Règles. À mon avis, les présents motifs répondent aux observations de Mme Phillips et fournissent une explication suffisante du fondement de la décision du protonotaire de rejeter sa requête.

V. Conclusion

[51] Le protonotaire n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rejetant la requête visant à obliger la production en vertu de l’article 317 des Règles, et la présente requête en appel de l’ordonnance est rejetée.

[52] Mme Phillips demande 45 jours pour déposer des affidavits à l’appui conformément à l’article 306, et Capital One ne s’y oppose pas. Mme Phillips doit se conformer à l’article 306 des Règles au plus tard le 5 juillet 2021.

[53] Le CPVP ne demande pas de dépens.

[54] Capital One soutient qu’elle devrait se voir adjuger des dépens relativement à la requête et au présent appel, car Mme Phillips cherchait de façon inappropriée à obtenir la production à laquelle elle n’a pas droit, dans le but de préparer une poursuite contre Capital One pour obtenir plus de 400 000 $ en dommages‑intérêts. Capital One soutient qu’elle s’est opposée à la requête et au présent appel afin d’empêcher un abus de procédure qui pourrait avoir un effet négatif sur elle, si Mme Phillips obtenait gain de cause. Capital One affirme que les procédures étaient coûteuses à défendre et que les dépens demandés sont modestes. Le protonotaire Aalto avait accordé à Capital One des dépens suivant l’issue de la cause, au motif que Capital One avait obtenu gain de cause dans la requête et que Mme Phillips, bien qu’elle se représente elle‑même, devrait être pénalisée d’une certaine manière pour avoir demandé une réparation à laquelle elle n’avait pas droit. Capital One soutient que l’adjudication des dépens devrait être réexaminée, car il semble que Mme Phillips avait reçu l’aide de M. Galati à l’époque, même si elle n’avait pas d’avocat inscrit au dossier.

[55] Le total des dépens demandés est de 2 712 $. Capital One demande des dépens de 847,50 $, TVH comprise, pour la requête présentée au protonotaire Aalto, fondés sur cinq unités pour la préparation et le dépôt d’une requête contestée au titre de la colonne III du Tarif et un taux unitaire de 150 $. Capital One demande des dépens de 1 864,50 $, TVH comprise, pour l’appel, fondés sur cinq unités pour la préparation d’une requête contestée et six unités pour assister à une audience de trois heures.

[56] Mme Phillips soutient que les dépens ne devraient pas être adjugés contre elle, car l’aide de M. Galati est fournie bénévolement, et sa requête et son appel soulèvent des questions d’intérêt public.

[57] À mon avis, les dépens du présent appel devraient suivre l’issue de la cause. Je ne suis pas convaincue que l’appel a soulevé des questions d’intérêt public suffisantes pour qu’aucuns dépens ne soient adjugés. Bien que la somme demandée dans le mémoire de frais de Capital One soit raisonnable compte tenu du travail en cause, l’audience a duré un peu plus de 1,5 heure. J’ai décidé d’adjuger les dépens du présent appel à 1 356 $, TVH comprise, sur la base de huit unités au titre du tarif, quelle que soit l’issue de la cause.

[58] Je ne suis pas convaincue que l’ordonnance du protonotaire Aalto concernant les dépens de la requête devrait être révisée.

 


ORDONNANCE dans le dossier T‑628‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. L’intitulé est corrigé afin de désigner le nom exact de la défenderesse, Banque Capital One (succursale canadienne);

  2. La requête fondée sur l’article 51 des Règles interjetant appel de l’ordonnance du protonotaire Aalto est rejetée;

  3. Des dépens de 1 356 $ sont adjugés à Capital One, quelle que soit l’issue de la cause.

  4. Mme Phillips doit se conformer à l’article 306 des Règles au plus tard le 5 juillet 2021.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑628‑20

 

INTITULÉ :

JELISA PHILLIPS c CAPITAL ONE CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 JANVIER 2021

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 MAI 2021

 

COMPARUTIONS :

Rocco Galati

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Mitch Koczerginski

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

Jennifer Seligy

Raweya Abdulowali

 

POUR LE COMMISSARIAT À LA

VIE PRIVÉE DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rocco Galati Law Firm Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

Gatineau (Québec)

 

POUR LE COMMISSARIAT À LA

PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

 

 

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