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                                                                                                                                           T-1871-96

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 30 JANVIER 1997

 

EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE McGILLIS

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. (1985), ch. T-13

 

ET un appel d'une décision rendue au nom du registraire des marques de commerce le 17 juin 1996

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

                                                          139001 CANADA INC.,

                                   faisant affaire sous la dénomination VINOTHEQUE,

 

                                                                                                                                             appelante

                                                                                                                                        (requérante),

 

                                                                          - et -

 

                                                        D & R BREW KING INC.,

 

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                                                        (opposante).

 

 

 

                                                                    JUGEMENT

 

            L'appel est accueilli.

 

 

OTTAWA                                                                                              D. McGillis              

                                                                                                                      Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                            

                                                                                                        Martine Guay, LL.L.


                                                                                                                                           T-1871-96

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R. (1985), ch. T-13

 

ET un appel d'une décision rendue au nom du registraire des marques de commerce le 17 juin 1996

 

 

 

ENTRE :

 

 

 

                                                          139001 CANADA INC.,

                                   faisant affaire sous la dénomination VINOTHEQUE,

 

                                                                                                                                             appelante

                                                                                                                                        (requérante),

 

                                                                          - et -

 

                                                        D & R BREW KING INC.,

 

                                                                                                                                                intimée

                                                                                                                                        (opposante).

 

 

 

                                                        MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE McGILLIS

 

            L'appelante interjette appel en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13, modifiée (la «Loi»), d'une décision en date du 17 juin 1996 rendue par une agente d'audition de la Commission des oppositions des marques de commerce (la «Commission»).  Dans sa décision, l'agente d'audition a refusé d'enregistrer la marque de commerce VILLAGE VINTNER en vue de son emploi en liaison avec des nécessaires à vin.

 

            En novembre 1990, l'appelante a présenté une demande d'enregistrement de la marque de commerce VILLAGE VINTNER en vue de son emploi en liaison avec des marchandises qualifiées de «nécessaires à vin».  La demande était fondée sur un emploi projeté, et a par la suite été modifiée pour inclure une renonciation au mot «vintner».  La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce en janvier 1993.

 

            En juin 1993, l'intimée s'est opposée à la demande en produisant une déclaration d'opposition dans laquelle elle affirmait, entre autres choses, que la marque de commerce projetée n'était pas enregistrable en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi parce qu'elle créait de la confusion avec la marque de commerce VINTNERS RESERVE de l'intimée, employée en liaison avec du matériel servant à fabriquer de la bière domestique.  Dans le cadre de l'instance devant la Commission, l'intimée n'a déposé aucune preuve ni aucune observation écrite au soutien de son opposition.

 

            Dans sa décision, l'agente d'audition a conclu, à partir de la preuve, que l'appelante ne s'était pas acquittée du fardeau de prouver qu'il n'y aurait pas de probabilité de confusion entre la marque VILLAGE VINTNER employée en liaison avec des nécessaires à vin et la marque VINTNERS RESERVE employée en liaison avec du matériel servant à fabriquer de la bière domestique.  Dans son analyse de la question de la confusion, l'agente d'audition a notamment déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] L'[appelante] soutient en outre que l'affidavit de McPhail établit que le mot VINTNER est courant dans l'industrie vinicole et, en conséquence, que l'étendue de la protection conférée à l'enregistrement de l'opposante devrait être limitée.  Dans l'affaire Del Monte c. Welch (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.), il a été déclaré que l'existence d'un nombre limité d'enregistrements sans aucune preuve d'emploi ne suffisait pas à permettre au registraire de conclure que l'emploi de l'une de ces marques était répandu.  Dans la présente espèce, l'affidavit de McPhail fait uniquement état de deux demandes en suspens et de trois enregistrements relatifs à des marques de commerce renfermant le mot VINTNER et visant des marchandises similaires à celles qui sont visées par les marques de commerce en cause, notamment des boissons alcooliques fermentées et des vins.  Faute d'une preuve d'emploi, l'existence de ce nombre limité de demandes et d'enregistrements est loin d'être suffisant pour me permettre de conclure que l'emploi de l'une de ces marques est répandu.  En conséquence, je suis incapable de conclure que les consommateurs sont habitués à voir ces marques sur le marché et qu'ils auraient donc plus de chances de les distinguer l'une de l'autre.

 

            L'appelante a interjeté appel de cette décision et a soumis de nouveaux éléments de preuve.  L'intimée a décidé de ne pas participer à l'appel.

 

            Dans la nouvelle preuve soumise dans le cadre de l'appel, l'appelante démontre, entre autres choses, qu'elle employait déjà la marque de commerce VILLAGE VINTNER en mai 1991 en liaison avec des nécessaires à vin blanc et à vin rouge.  Les nécessaires à vin VILLAGE VINTNER sont vendus et promus dans plus de 1 200 boutiques du vin situées dans toutes les provinces et les deux territoires du Canada.  Le volume des ventes de ces nécessaires, dont le prix varie entre 25 $ et 31 $, est élevé et augmente progressivement chaque année depuis 1991.  En dépit de l'emploi répandu de cette marque de commerce depuis 1991, l'appelante n'a eu connaissance d'aucun cas de confusion.  Il ressort en outre de la preuve produite par l'appelante en appel que les mots «vintner» et «reserve» sont des termes descriptifs couramment employés dans l'industrie vinicole.

 

            Dans son excellente argumentation en appel, l'avocat de l'appelante a notamment soutenu que l'agente d'audition a commis une erreur dans son analyse de l'étendue de la protection qu'il convient d'accorder à la marque de commerce de l'intimée, qui est fondée sur un terme descriptif.  Au soutien de cette  prétention, il a invoqué le passage suivant de l'arrêt General Motors Corp. c. Bellows (1949), 10 C.P.R. 101 (C.S.C.), aux pages 115 et 116 :

[TRADUCTION] M. Fox a invoqué l'argument fondamental suivant : si une partie puise un mot servant de marque dans le vocabulaire commercial courant et cherche à empêcher des concurrents de faire la même chose, l'étendue de la protection qui doit lui être accordée devrait être plus limitée que s'il s'agissait d'un terme non descriptif unique ou forgé; et il existe de solides décisions judiciaires au soutien de cette prétention : Office Cleaning Services Ltd. v. Westminster Window & Gen'l Cleaners Ltd. (1944), 61 R.P.C. 133, à la p. 135; (1946), 63 R.P.C. 39; Br. Vacuum Cleaner Co. v. New Vacuum Cleaner Co., [1907] 2 Ch. 312, à la p. 321; Aerators Ltd. v. Tollitt, [1902] 2 Ch. 319.  Dans l'affaire Office Cleaning Services, 63 R.P.C. à la p. 43, lord Simonds s'exprime en ces termes : «Cela revient, en fin de compte, simplement à dire, selon moi, que si un commerçant adopte des mots d'usage courant comme nom commercial, le risque de confusion est inévitable.  Mais c'est un risque qu'il faut courir, à moins que le premier usager ne soit injustement autorisé à monopoliser ces mots.  La Cour acceptera que des différences relativement minimes soient suffisantes pour éviter la confusion.  On peut raisonnablement s'attendre à ce que le public fasse preuve d'un plus grand discernement si un nom commercial est constitué en totalité ou en partie de mots qui décrivent les marchandises ou les services offerts.»

 

Il est incontestablement dans l'intérêt public d'éviter la confusion entre ces marques, mais il existe un pendant à cet intérêt, à savoir la liberté dont jouit le commerçant dans la pratique normale du commerce et, en particulier, dans l'emploi du principal fonds lexical.  Faute d'en tenir compte, un seul mot pourrait donner lieu à une appropriation systématique du seul vocabulaire approprié qui existe.

 

            Je suis d'accord avec l'avocat de l'appelante pour dire que les principes énoncés dans l'arrêt General Motors Corp. c. Bellows, précité, s'appliquent à la présente espèce.  Pour appliquer ces principes aux faits qui ont été portés à ma connaissance, j'ai conclu, en m'appuyant sur les nouveaux éléments de preuve qui ont été soumis en appel concernant l'emploi et la nature descriptive des mots, que les consommateurs seraient en mesure de faire une distinction entre les deux marques de commerce.  En outre, eu égard à toutes les circonstances de l'espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, je suis d'avis qu'il n'existe aucune probabilité de confusion entre les deux marques de commerce.  À vrai dire, si la preuve soumise en appel avait été portée à la connaissance de l'agente d'audition, celle-ci aurait sans aucun doute conclu la même chose.

 

            L'appel est donc accueilli.

 

 

 

                                                                                                                D. McGillis             

                                                                                                                      Juge

 

 

 

 

 

OTTAWA

Le 30 janvier 1997

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                             

                                                                                                        Martine Guay, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                             AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

NO DU GREFFE :                                          T-1871-96

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            139001 Canada Inc., faisant affaire sous la dénomination VINOTHEQUE c. D & R Brew King Inc.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 28 janvier 1997

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE McGILLIS

 

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Me Nicholas H. Fyfe, c.r.                                                        POUR L'APPELANTE

 

Personne n'a comparu                                                 POUR L'INTIMÉE

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar                                                                       POUR L'APPELANTE

Ottawa (Ontario)

 

 

Blake, Cassels & Graydon                                                      POUR L'INTIMÉE

Toronto (Ontario)

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