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Date: 19990803


Dossier: T-8-99


AFFAIRE INTÉRESSANT une demande présentée conformément à l'article 22 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7, dans sa forme modifiée,
ET une déclaration de l'Office national de l'énergie concernant une demande présentée par Alliance Pipeline Ltd. le 3 juillet 1997 en vue de l'obtention d'un certificat d'utilité publique aux termes des parties III et IV de la Loi sur l'Office national de l'énergie, à l'égard de la construction et de l'exploitation d'un système de canalisation de gaz naturel projeté allant du nord-est de la Colombie-Britannique et du nord-ouest de l'Alberta à Chicago (Illinois).

ENTRE

     T-8-99

     ROCKY MOUNTAIN ECOSYSTEM COALITION,

     demanderesse,

     et

     L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

     CANADA, REPRÉSENTANT LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, LE

     MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS, LE MINISTRE DES

     RESSOURCES NATURELLES et LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT,

     et ALLIANCE PIPELINE LTD.,

     défendeurs,

ET ENTRE

     T-9-99

     ROCKY MOUNTAIN ECOSYSTEM COALITION,

     demanderesse,

     et

     L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

     CANADA, REPRÉSENTANT LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, LE

     MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS, LE MINISTRE DES

     RESSOURCES NATURELLES et LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT,

     et ALLIANCE PIPELINE LTD.,

     défendeurs.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

[1]      Ces motifs découlent de requêtes visant à faire radier deux demandes de contrôle judiciaire présentées par Rocky Mountain Ecosystem Coalition (Rocky Mountain) à l'égard du projet relatif au système de canalisation d'Alliance (le projet).

[2]      La première demande (T-8-99) vise à l'obtention d'une ordonnance infirmant ou annulant la décision rendue par l'Office national de l'énergie (également appelé l'ONE) le 26 novembre 1998 à l'égard du projet. La deuxième demande (T-9-99) vise à l'obtention d'une réparation de la nature d'un mandamus enjoignant au ministère des Pêches et des Océans (le MPO) et à l'Administration du rétablissement agricole des Prairies (l'ARAP) d'effectuer un examen du projet de façon à remplir les présumées obligations qui leur incombent en leur qualité d'autorités responsables au sens du paragraphe 11(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE). Une autorité responsable, telle qu'elle est définie, comprend une autorité fédérale chargée de donner une autorisation ou de délivrer un permis en vue de permettre la mise en oeuvre d'un projet. Dans ce cas-ci, l'ONE était certainement une autorité responsable : il était chargé de délivrer un certificat en vue d'autoriser la construction d'un pipeline de gaz naturel que devait construire Alliance Pipeline Ltd. (" Alliance ") II peut y avoir plus d'une autorité responsable, auquel cas les autorités responsables coopèrent tel qu'il est prévu à l'article 12 de la LCEE . Toutefois, les organismes gouvernementaux pourvus des connaissances voulues, comme dans ce cas-ci le MPO et l'ARAP, ont également un autre rôle, celui de fournir en vertu du paragraphe 12(3) de la LCEE les renseignements pertinents à l'autorité responsable, soit dans ce cas-ci l'ONE. En fait, le MPO et l'ARAP ne sont pas nécessairement les autorités responsables, mais sont peut-être plutôt des autorités fédérales ayant des renseignements utiles à l'ONE, au sens du paragraphe 12(3) de la LCEE.

[3]      À l'appui de la première demande, Rocky Mountain affirme que l'ONE a utilisé les renseignements fournis par le MPE et par l'ARAP, qui sont des entités qui n'ont pas participé, selon elle, à l'audience publique qui a été tenue à l'égard du projet. Rocky Mountain affirme entre autres que l'ONE a limité la participation du MPO et de l'ARAP au rôle de conseillers, au lieu de leur imposer les obligations qui incombent aux autorités responsables. Les motifs allégués dans la deuxième demande sont que le MPO et l'ARAP n'ont pas rempli les obligations qui leur incombent en leur qualité d'autorités responsables, tel qu'il est prévu aux articles 11 et 12 de la LCEE, et en particulier aux paragraphes 12(3) et (4) qui, selon Rocky Mountain, imposent au MPO et à l'ARAP l'obligation de fournir les renseignements pertinents importants à la commission qui effectue l'évaluation environnementale d'un projet. De plus, Rocky Mountain affirme que le MPO et l'ARAP, en leur qualité d'autorités responsables, auraient dû participer à l'audience qui a été tenue à l'égard du pipeline. Il est opportun de faire ici remarquer que même si le MPO et l'ARAP sont d'une certaine façon des autorités responsables au sens de la LCEE, ils ont comme l'ONE, le pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi de décider de la façon de remplir les obligations qui leur incombent.

[4]      Le procureur général du Canada défendeur (le PGC), représentant divers ministres fédéraux, présente une requête en vue de faire radier les deux demandes de Rocky Mountain. Les motifs invoqués par le PGC à l'égard de la première demande (T-8-99) sont les suivants : (1) la Section de première instance de la Cour fédérale n'a pas compétence; (2) compte tenu de l'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 22 de la Loi sur l'Office national de l'énergie (la Loi sur l'ONE), la demanderesse Rocky Mountain a recours à une procédure inappropriée pour demander l'examen de la décision de l'ONE; (3) subsidiairement, si la décision de l'ONE est susceptible de révision, seule la Cour d'appel fédérale a la compétence voulue pour entendre la demande.

[5]      Quant à la deuxième demande (T-9-99), le PGC invoque les motifs suivants : (1) cette cour n'a pas compétence pour entendre la demande de Rocky Mountain étant donné que cette dernière ne sollicite pas le contrôle d'une décision d'un office fédéral au sens de la Loi sur la Cour fédérale; (2) la réparation demandée par Rocky Mountain est de la nature d'un mandamus visant à contraindre une autorité publique à prendre une décision particulière, mais cette cour ne peut pas accorder pareille réparation lorsqu'elle examine une décision discrétionnaire prise par l'autorité publique, étant donné que pareille réparation n'existe pas en droit. J'ai statué sur cette requête en tranchant la deuxième question, se rapportant à la possibilité d'accorder un mandamus.

[6]      Rocky Mountain présente de son côté des requêtes visant à l'obtention de déclarations portant que les deux demandes ont à juste titre été présentées devant la Section de première instance. Si cette cour décide qu'elle a compétence pour entendre les demandes, Rocky Mountain sollicite également un avis et des directives au sujet des dates auxquelles certaines mesures doivent être prises dans cette instance et au sujet des délais y afférents.

[7]      Les requêtes de Rocky Mountain n'ont plus aucun intérêt pratique, car j'ai décidé que la première demande ne relève pas de la compétence de la Section de première instance, mais qu'une autre requête pourrait être présentée à un juge pour que la première demande soit renvoyée à la Cour d'appel en vertu de la règle 49 et que la deuxième demande, dans laquelle un mandamus est sollicité, soit une réparation que la Cour ne peut pas accorder dans ce cas-ci, doit être radiée d'une façon absolue. J'examinerai maintenant toutes ces questions à fond, en commençant par exposer certains faits pertinents.

HISTORIQUE

[8]      Les circonstances de l'affaire ne sont en général pas vraiment contestées. Le 3 juillet 1997, Alliance a présenté une demande à l'Office national de l'énergie : (1) en vue d'obtenir un certificat d'utilité publique autorisant la construction d'un système de canalisation permettant de transporter le gaz naturel de ses sources, dans le nord de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, jusqu'à Chicago (Illinois), aux États-Unis; (2) en vue d'obtenir des autorisations connexes à l'égard des droits et du tarif.

[9]      Il s'agit d'un projet d'une grande envergure : la partie canadienne du projet à elle seule comporte la construction de canalisations principales sur une distance d'environ 1 565 kilomètres, de canalisations latérales sur une distance de 770 kilomètres (ces dernières se rendant, au nord, jusqu'à Fort St. John (Colombie-Britannique)) et d'installations connexes. La partie canadienne de la canalisation principale s'étend d'un endroit situé près de Gordondale, dans le nord-ouest de l'Alberta, jusqu'à un point situé près d'Elmore (Saskatchewan), où il rejoint la partie américaine du système. Le pipeline traverse plus de 500 cours d'eau et rivières. Selon les estimations, l'ensemble du système de canalisation doit coûter 3,7 milliards de dollars, la partie canadienne devant coûter deux milliards de dollars. Le système doit être mis en exploitation au cours de la seconde moitié de l'an 2000 et, une fois les travaux achevés, il sera possible de livrer 37,5 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour.

[10]      Étant donné l'envergure du projet et ses effets possibles sur l'environnement, l'autorisation donnée par l'ONE à l'égard du projet a fait l'objet d'une étude approfondie et les " parties intéressées " ont activement été consultées conformément à la LCEE . Par conséquent, l'ONE a rendu l'ordonnance GH-3-97 le 3 septembre 1997, prévoyant la tenue d'une audience publique destinée à permettre d'obtenir la preuve et l'opinion des parties intéressées au sujet de la demande d'Alliance et à servir de tribune aux fins de la participation du public.

[11]      Les audiences publiques ont commencé le 6 janvier 1998 et se sont poursuivies pendant 77 jours, principalement aux bureaux de l'ONE à Calgary. Il y a également eu des audiences régionales destinées à faciliter la participation des personnes qui habitaient dans les régions directement touchées par le projet. Rocky Mountain, une organisation sans but lucratif, ayant pour mandat de préserver l'intégrité environnementale, a été inscrite à titre de partie intéressée. Elle a effectivement participé aux débats, en effectuant des contre-interrogatoires et en présentant des observations à la formation de l'ONE.

[12]      Au cours des audiences, Rocky Mountain a été mise au courant d'une nouvelle méthode de forage projetée par Alliance pour faire passer le pipeline sous les cours d'eau et rivières. L'effet environnemental y afférent n'était pas connu. Rocky Mountain s'inquiétait de son effet sur l'habitat du poisson. Elle affirme que le MPO a eu des discussions continues avec Alliance au sujet de la méthode de forage, mais que les discussions ont eu lieu en dehors du processus formel d'audience. Elle affirme en outre que la substance des discussions n'a pas été communiquée aux audiences et que les autres participants n'en ont pas été informés.

[13]      Rocky Mountain affirme que l'échange de renseignements entre le MPO et Alliance, en dehors du processus d'audience, a en fait empêché la formation de l'ONE d'obtenir des renseignements pertinents importants aux fins de la prise d'une décision. Rocky Mountain a demandé à l'ONE d'obliger Alliance à produire des témoins ayant connaissance des discussions qui avaient eu lieu avec le MPO, mais sa demande a été rejetée pour le motif qu'elle aurait d'abord dû demander au MPE et à l'ARAP de présenter des témoins précis à l'audience, et qu'elle aurait eu le droit de demander à la formation de délivrer des assignations uniquement après le rejet de cette demande. L'ONE a fait savoir qu'étant donné que Rocky Mountain ne l'a pas fait, il n'était pas en mesure d'intervenir (dossier du PGC, vol. II, p. 516).

[14]      Au contraire, Rocky Mountain affirme qu'elle a échangé de nombreuses lettres avec le MPO et l'ARAP au sujet de la méthode de forage. Rocky Mountain a ensuite présenté une requête devant la formation de l'ONE en vue de faire ajourner l'audience en attendant la réception des renseignements du MPO, mais la requête a été rejetée. Il est intéressant de noter la position que l'ONE a prise dans sa décision du 23 janvier 1998 (partie de la pièce D, dossier du PGC, vol. II, p. 20) :

[TRADUCTION]
En vertu de la Loi sur l'ONE, l'Office possède un pouvoir discrétionnaire à l'égard de la quantité de renseignements qu'il faut avoir pour inscrire une demande au rôle. Les renseignements généralement nécessaires sont énumérés dans les Directives concernant les exigences de dépôt (les directives).
     * * *
L'Office a signalé aux parties plus d'une fois que ces directives visent à lui permettre d'avoir suffisamment de renseignements pour être en mesure de tenir une audience. Cela ne veut pas dire qu'il possède suffisamment de renseignements pour décider que le projet proposé a un caractère d'utilité publique.
De même, en ce qui concerne cette requête, il ne s'agit pas de savoir si l'Office possède suffisamment de renseignements pour être en mesure de déterminer si la réalisation du projet est susceptible d'entraîner des effets environnementaux importants. De fait, si l'Office exigeait qu'il y ait suffisamment de renseignements au dossier pour être en mesure de prendre une décision claire, il exclurait essentiellement toute possibilité de conclure qu'il n'est pas certain que la réalisation du projet soit susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants. Il s'agit plutôt de savoir si les renseignements qu'Alliance a fournis sont suffisants pour permettre une évaluation environnementale. Les renseignements fournis sont ensuite examinés, contestés et vérifiés au moyen de questions formulées par écrit et oralement et de la preuve présentée par les autres parties.
Le demandeur, dans une procédure d'évaluation environnementale, fait toujours face à la possibilité qu'une fois que la preuve aura été examinée, il sera finalement conclu que les effets environnementaux seront probablement importants ou qu'il n'est pas certain qu'ils le soient.
Dans ce cas-ci, l'Office est d'avis qu'il existe suffisamment de renseignements au dossier pour qu'une évaluation des incidences environnementales soit effectuée en vertu de la LCEE [...] Par conséquent, la requête que RMEC a présentée en vue d'obtenir un ajournement est rejetée.

[15]      Le rapport d'étude approfondie de l'ONE a été publié pour commentaires. En réponse à une demande que l'ONE avait faite en vue d'obtenir des commentaires, le MPO a fait savoir, dans une lettre datée du 25 septembre 1998, qu'il attendait encore certains renseignements au sujet de la nouvelle méthode de forage qui devait être employée sous la rivière Wapiti, l'un des nombreux cours d'eau touchés par le projet, et qu'il n'était pas convaincu que le rapport fût exhaustif.

[16]      Malgré les remarques que le MPO avait faites, l'ONE a publié le rapport d'étude approfondie le 2 octobre 1998, et l'a soumis au ministre de l'Environnement pour approbation. Le ministre a conclu que le projet n'était pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux importants. Le gouverneur en conseil a donné son agrément le 3 décembre 1998. Alliance a obtenu son certificat d'utilité publique. Le projet a commencé à être réalisé en février 1999. Les travaux de construction sont en cours tant aux États-Unis qu'au Canada.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[17]      Dans ses requêtes, le PGC soutient fondamentalement que la demande de Rocky Mountain n'a aucune chance d'être accueillie et qu'elle doit donc être rejetée. Les motifs invoqués par le PGC dans la requête visant à la radiation de la première demande visent en gros à contester la compétence de la Section de première instance de la Cour fédérale. Quant à la deuxième demande, le PGC soutient que le mandamus ne peut pas être accordé et que la procédure devrait donc être radiée.

[18]      De son côté, Rocky Mountain soutient que ses demandes, et en particulier la deuxième, ont été régulièrement présentées devant la Section de première instance étant donné qu'elle ne demande pas nécessairement à la Cour d'examiner la décision de l'ONE, mais lui demande plutôt d'examiner les actions ou l'inaction accessoires par suite desquelles le MPO et l'ARAP auraient violé les obligations qui leur incombent en leur qualité d'autorités responsables. Rocky Mountain demande également à cette cour de donner des directives au sujet de la gestion de l'instance. Étant donné que le succès de la requête par laquelle Rocky Mountain demande des directives dépend du résultat de la requête présentée par le PGC, j'examinerai d'abord la requête du PGC.

ANALYSE

I Question préliminaire : requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire

[19]      La Cour a toujours hésité à radier une demande introductive d'instance. La règle 221 (autrefois 419) relative à la radiation s'applique aux actions. La règle selon laquelle les demandes ne sont pas radiées est fondée sur divers motifs. Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans le cas d'une action, il est statué sur le bien-fondé de la demande d'une façon sommaire sur la base d'une preuve par affidavit et de documents. Par conséquent, la Cour n'a peut-être pas à se préoccuper autant de préserver ses ressources. Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le rôle de la Cour consiste en partie à accélérer le processus de façon à en arriver au stade de l'audition le plus rapidement possible, de sorte qu'habituellement il est inutile de présenter une requête en radiation. S'il est en outre tenu compte du fait que les tribunaux hésitent habituellement à radier une procédure ou une requête interlocutoire, on arrive à la thèse selon laquelle les demandes introductives d'instance ne seront généralement pas radiées.

[20]      Toutefois, il existe des exceptions permettant d'accueillir une requête visant à la radiation d'une demande. L'avocat du PGC défendeur mentionne la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire David Bull Laboratories c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, où il a été soutenu que la Cour peut radier toute demande qui est " manifestement irréguli[ère] au point de n'avoir aucune chance d'être accueilli[e] " (p. 600). Dans l'arrêt Moldeveanu c. Canada (MCI) (1999), 235 N.R. 192, la même cour donne des précisions sur le principe établi dans l'arrêt David Bull, et dit qu'il s'applique à une situation dans laquelle un " affidavit comme tel ne permettrait pas d'étayer la procédure en cause " (p. 194), de sorte que la demande n'a aucune chance d'être accueillie. La Cour d'appel dit ensuite expressément ceci : " Nous ne nous prononçons pas quant à l'effet de la nouvelle Règle 221 (qui a remplacé l'ancienne Règle 419) sur le principe mentionné précédemment " (loc. cit. ). La décision Cyanamid Agricultural De Puerto Rico Inc. c. Canada, (1984), 74 C.P.R. 133, qui portait sur une demande présentée en vertu de l'article 41 de la Loi sur les brevets, est également pertinente, puisque la question de la compétence était soulevée. Dans cette affaire-là, le défendeur, au moyen d'une requête interlocutoire, cherchait à faire radier la demande de Cyanamid. En rejetant la demande de Cyanamid pour défaut de compétence, Monsieur le juge Mahoney a fait les remarques suivantes :

[...] les règles de la Cour ne prévoient pas que l'intimé peut demander le rejet sommaire d'une demande pour défaut de compétence comme peut le faire un défendeur dans une action en vertu de la règle 419. Je reconnaît (sic) qu'un intimé est généralement tenu de présenter une réponse complète à une demande lorsque celle-ci doit être présentée et je suis disposé à décourager l'emploi de procédures interlocutoires douteuses en adjugeant des dépens qui sont le fruit de l'imagination. Toutefois, lorsque l'examen de la requête risque d'être long et que, comme en l'espèce, le différend porte sur une question de compétence dont pourrait dépendre la résolution du litige, la règle 5 autorise la Cour à statuer préalablement sur l'objection préliminaire, ce que le simple bon sens exige.
     (page 135)

S'il est conclu à ce stade au défaut de compétence, la radiation des demandes permettra à tous les intéressés d'économiser du temps, de l'argent et des ressources. Compte tenu de ces principes, j'examinerai maintenant chaque demande à tour de rôle.

II. Demande de contrôle judiciaire de la décision de l'ONE (T-8-99)

Compétence de la Section de première instance

[21]      Au début de l'audition de la présente requête, Rocky Mountain a reconnu qu'il était possible que la première demande soit rejetée pour défaut de compétence. Néanmoins, au lieu de simplement radier la demande sans faire de remarques ou en ne faisant que quelques remarques, j'énoncerai le raisonnement qui m'a amené à radier la demande.

[22]      Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale autorise la Section de première instance de la Cour fédérale à entendre une demande de contrôle judiciaire visant à l'obtention de réparations extraordinaires de la part d'un office fédéral au sens de l'article 2 de la Loi.

[23]      Le pouvoir conféré à la Section de première instance par l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale est expressément assujetti à l'article 28. En vertu de l'article 28, seule la Cour d'appel fédérale a compétence pour entendre une demande de contrôle judiciaire présentée contre un office fédéral. Le paragraphe 28(3) prévoit expressément que la Section de première instance ne peut être saisie des questions qui relèvent de la Cour d'appel. Cette disposition se lit en partie comme suit :

28.(1) Contrôle judiciaire - La Cour d'appel a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux suivants :
     [...]
f) l'Office national de l'énergie constitué par la Loi sur l'Office national de l'énergie;
     [...]
(3) Incompétence de la Section de première instance - La Section de première instance ne peut être saisie des questions qui relèvent de la Cour d'appel.

[24]      L'ONE est clairement un office fédéral désigné à l'alinéa 28(1)f). Toute demande de contrôle judiciaire d'une de ses décisions doit donc être présentée devant la Cour d'appel fédérale. Cette cour n'a pas compétence pour entendre la demande T-8-99 dans la mesure où la demanderesse Rocky Mountain sollicite une ordonnance infirmant ou annulant la décision de l'ONE. La demande T-8-99 n'a aucune chance d'être accueillie.

[25]      La question peut être examinée sous un autre angle, comme l'ONE l'a soutenu dans ses observations et comme le montre l'intitulé de la cause, dans lequel il est fait mention de l'article 22 de la Loi sur l'Office national de l'énergie. L'article 22 prévoit qu'il est possible d'interjeter appel devant la Cour d'appel fédérale, avec l'autorisation de celle-ci, d'une décision de l'Office " sur une question de droit ou de compétence ". L'appelant éventuel doit présenter une demande d'autorisation dans les 30 jours de la décision, à défaut de quoi la décision est définitive et sans appel (paragraphe 23(1) de la Loi ). L'article 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale restreint également la capacité de Rocky Mountain d'avoir gain de cause dans une procédure de contrôle judiciaire engagée devant la Section de première instance de la Cour fédérale, étant donné qu'il interdit le contrôle judiciaire d'une décision prise par un office fédéral dans la mesure où un droit d'appel est prévu dans d'autres lois. Or, Rocky Mountain n'a pas épuisé les recours dont elle disposait. Si Rocky Mountain n'était pas réellement partie aux procédures engagées devant l'ONE et si elle n'avait donc pas le droit d'en appeler, la Cour d'appel fédérale a néanmoins compétence et possède la compétence voulue pour entendre l'affaire au moyen d'un contrôle judiciaire : voir Union of Nova Scotia Indians c. Maritimes and Northeast Pipeline Management Ltd., décision inédite du 22 février 1999 de la Cour d'appel fédérale, dossier A-676-98.

[26]      J'aimerais ici attirer l'attention de Rocky Mountain sur l'article 49 des Règles de la Cour fédérale (1998). Cette disposition autorise un juge à transférer à la section compétente une instance introduite dans la mauvaise section de la Cour. Si la demanderesse veut essayer de remédier au problème de compétence, elle peut présenter une requête devant un juge en vue de solliciter une ordonnance transférant l'instance à la Cour d'appel fédérale.

III. Demande de contrôle judiciaire visant à l'obtention d'un mandamus contre le MPO et l'ARAP (T-9-99)

[27]      Dans sa deuxième demande, Rocky Mountain sollicite un mandamus enjoignant au MPO et à l'ARAP d'effectuer un examen public du projet. Rocky Mountain soutient qu'elle ne sollicite aucune réparation à l'égard de la décision de l'ONE et que la demande ne relève donc pas de la compétence de la Cour d'appel fédérale, mais qu'elle relève à juste titre de la compétence de la Section de première instance. Je n'ai pas à me prononcer sur ce point. C'est plutôt la question de savoir si un mandamus peut être accordé qui est déterminante.

La nature du mandamus

[28]      Le mandamus est un recours extraordinaire qui peut être exercé lorsqu'une personne à qui est déléguée une obligation publique viole cette obligation. Ainsi, ce recours peut être exercé devant les tribunaux canadiens dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire présentée contre les ministres qui ne remplissent pas leurs obligations. Le mandamus vise à [TRADUCTION] " assurer l'exécution d'une obligation légale publique " et il s'adresse donc habituellement à un fonctionnaire1. Étant donné sa nature coercitive et discrétionnaire, les circonstances dans lesquelles cette réparation peut être accordée sont maintenant fort restreintes.

[29]      Il existe une série d'arrêts établissant les conditions d'obtention d'un mandamus. Dans la décision que la Cour d'appel de l'Ontario a rendue dans l'affaire Karavos v. Toronto and Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294, à la page 297, Monsieur le juge Laidlaw a énoncé les critères fondamentaux qui s'appliquent au mandamus :

[TRADUCTION]
Ce bref [le mandamus] vise à suppléer à l'absence d'autres voies de recours légales. Il convient de s'en servir pour venir à bout de l'inaction ou de l'incurie de personnes à qui incombe l'exercice de fonctions à caractère public.
     [...]
Pour que le redressement puisse être accordé, celui qui le sollicite doit établir ce qui suit:
     (1) "un droit clair et licite de faire accomplir la chose dont on demande l'exécution, de la manière demandée, et par la personne qui fait l'objet de la demande de redressement": [...]
     (2) "L'obligation dont on demande l'exécution forcée par voie de mandamus doit être née et doit incomber au fonctionnaire au moment de la demande de redressement, et le bref ne sera pas accordé pour forcer l'accomplissement de quelque chose qu'il n'est pas encore tenu de faire": [...]
     (3) Cette obligation doit être de nature purement ministérielle, c'est-à-dire qu'elle doit "incomber manifestement à un fonctionnaire en vertu d'une loi ou de ses fonctions, et à l'égard de laquelle il n'a aucun pouvoir discrétionnaire": [...]
     (4) Il doit y avoir une demande et un refus d'accomplir l'acte dont l'exécution forcée est sollicitée par voie de recours légale: [...]
     [Le caractère gras est de moi.]
    

Dans Brown and Evans on Judicial Review (Canvsback, Toronto, 1998), on dit que l'arrêt Karavos est la décision de principe (page 1-33) et l'on fait des remarques sur les quatre conditions précises :

[TRADUCTION]
Lorsque ces conditions sont remplies, un mandamus peut être accordé, et ce, peu importe qu'il s'agisse d'une obligation de nature judiciaire, administrative ou législative.
     (page 1-34)

Je suis au courant de l'existence du critère à huit volets applicable au mandamus que la Cour d'appel fédérale a énoncé dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada [1994] 1 C.F. 742, à la page 766, confirmé sans commentaires [1994] 3 R.C.S. 1100. Dans l'arrêt Apotex Inc., la Cour d'appel cite le jugement Karavos. Je n'ai pas suivi toute l'analyse qui a été faite dans l'arrêt Apotex car les éléments essentiels ont été énoncés dans le jugement Karavos. Toutefois, selon toute probabilité, Rocky Mountain s'en tirerait moins bien en vertu de l'analyse qui a été faite dans l'arrêt Apotex.

[30]      Le critère applicable au mandamus est difficile à satisfaire; en effet, les conditions y afférentes sont cumulatives et doivent être strictement remplies. Toutefois, une fois que toutes les conditions sont remplies, le mandamus sera accordé dans toutes sortes de situations : voir Brown and Evans (loc. cit.). J'examinerai maintenant la demande de mandamus de Rocky Mountain à la lumière des quatre critères énoncés dans le jugement Karavos.

L'existence d'un droit clair et licite et d'une obligation

[31]      On a tendance à mêler les deux premières conditions, soit le fait que le demandeur a droit à un mandamus, c'est-à-dire qu'il a qualité pour agir, et l'obligation concomitante, en se fondant sur le fait qu'elles se rapportent toutes les deux à la même question : voir par exemple Distribution Canada Inc. c. MRN [1991] 1 C.F. 716, à la page 724, une décision de Monsieur le juge Strayer (tel était alors son titre) qui a été confirmée [1993] 2 C.F. 26. Par conséquent, le critère applicable à ces conditions comporte deux volets : il doit exister un droit clair et licite et une obligation concomitante. En l'absence d'une disposition législative imposant et définissant l'obligation dont l'exécution est demandée, il n'est pas opportun d'accorder un mandamus : la cour n'est pas autorisée à contraindre un ministre à accomplir un acte qui peut être contraire à la loi et elle ne peut pas non plus permettre l'accomplissement d'un acte qui n'est pas clairement défini.

[32]      En l'espèce, Rocky Mountain cherche principalement à fonder son droit ou l'obligation du MPO et de l'ARAP sur deux lois, à savoir la LCEE et la Loi sur l'ONE. Les articles 5, 11 et 12 de la LCEE, qui prévoient en partie ce qui suit, sont particulièrement pertinents :

5. (1) L'évaluation environnementale d'un projet est effectuée avant l'exercice d'une des attributions suivantes :
[...]
d) une autorité fédérale, aux termes d'une disposition prévue par règlement pris en vertu de l'alinéa 59f), délivre un permis ou une licence, donne toute autorisation ou prend toute mesure en vue de permettre la mise en oeuvre du projet en tout ou en partie.
11.(1) Dans le cas où l'évaluation environnementale d'un projet est obligatoire, l'autorité fédérale visée à l'article 5 veille à ce que l'évaluation environnementale soit effectuée le plus tôt possible au stade de la planification du projet, avant la prise d'une décision irrévocable, et est appelée, dans la présente loi, l'autorité responsable de ce projet.
(2) L'autorité responsable d'un projet ne peut exercer ses attributions à l'égard de celui-ci que si elle prend une décision aux termes des alinéas 20(1)a) ou 37(1)a).
12.(1) Dans le cas où plusieurs autorités responsables sont chargées d'un même projet, elles décident conjointement de la façon de remplir les obligations qui leur incombent aux termes de la présente loi et des règlements.
[...]
(3) Il incombe à l'autorité fédérale pourvue des connaissances voulues touchant un projet de fournir, sur demande, les renseignements pertinents à l'autorité responsable ou à un médiateur ou à une commission.
(4) L'autorité responsable peut, dans le cadre de l'examen préalable ou de l'étude approfondie d'un projet, coopérer, pour l'évaluation environnementale de celui-ci, avec l'instance qui a la responsabilité ou le pouvoir d'effectuer l'évaluation des effets environnementaux de tout ou partie d'un projet.

[33]      Compte tenu de ces dispositions, une évaluation environnementale du projet doit être effectuée avant qu'un permis ou une licence soient délivrés par l'autorité fédérale. L'évaluation environnementale devrait être effectuée en temps opportun, " le plus tôt possible " et les autorités fédérales coopèrent avec l'instance qui a la responsabilité d'effectuer l'évaluation environnementale. De plus, il incombe aux autorités fédérales pourvues des connaissances voulues de fournir, sur demande, les renseignements pertinents à l'autorité responsable ou à la commission chargée d'effectuer l'évaluation.

[34]      Rocky Mountain soutient qu'en vertu des dispositions précitées de la LCEE, le MPO et l'ARAP sont tenus de fournir à la formation de l'ONE tout renseignement pertinent qu'ils possèdent. Je ne suis pas d'accord. Les dispositions exigent uniquement que l'évaluation environnementale soit effectuée en temps opportun et que les autorités fédérales fournissent les renseignements pertinents sur demande (paragraphe 12(3)); dans le cas où plusieurs autorités responsables sont en mesure de tenir une audience, elles décident conjointement de la façon de remplir les obligations qui leur incombent (paragraphe 12(1)). Les parties affirment que le MPO et l'ARAP se sont présentés comme étant les autorités responsables aux fins de l'évaluation du projet et qu'ils ont échangé une grande quantité de lettres avec l'ONE au sujet du projet, et ce, bien que certaines lettres n'aient pas été produites à l'audience.

[35]      Rocky Mountain ne soutient pas que le MPO et l'ARAP n'ont pas coopéré, mais plutôt qu'ils n'ont pas fourni à la formation de l'ONE les soi-disant renseignements pertinents qu'ils possédaient au sujet d'une certaine technique de forage.

[36]      La législation n'exige pas que les autorités responsables ou les autorités fédérales coopèrent d'une façon précise. Aucune disposition de la Loi ne prévoit que le MPO et l'ARAP, que ce soit en leur qualité d'autorités responsables ou d'autorités fédérales pourvues des connaissances voulues, doivent coopérer d'une façon précise à la tenue d'audiences ou fournir à la commission des renseignements précis à moins qu'on ne leur demande de le faire. La portée du mandamus ne va pas jusqu'à permettre l'octroi de pareille réparation en l'absence d'un droit et d'une obligation. Par conséquent, l'argument de la demanderesse doit être rejeté à cet égard.

[37]      Le résultat aurait bien pu être différent si l'ONE avait demandé des renseignements au MPO et à l'ARAP. Le libellé de l'article 12 montre que le MPO et l'ARAP ont envers l'ONE l'obligation de fournir des renseignements pertinents. Toutefois, l'ONE n'a pas demandé pareils renseignements. Dans sa décision, l'ONE fait savoir à Rocky Mountain que la tenue d'une audience relève de son pouvoir discrétionnaire dans la mesure où il existe suffisamment d'éléments et de renseignements. L'ONE a expressément dit qu'aux fins de la tenue d'une audience, il n'est pas nécessaire que tous les éléments d'information pertinents lui soient fournis. Si Rocky Mountain ne souscrit pas à cet avis, elle devrait soulever la question dans le cadre d'un examen de la décision de l'ONE et non dans le cadre d'une procédure visant à l'obtention d'un mandamus contre le MPO et l'ARAP.

Une décision ministérielle non discrétionnaire

[38]      [TRADUCTION] " L'existence d'un pouvoir discrétionnaire d'agir ou de ne pas agir, ou d'agir d'un certain nombre de façons, empêche la délivrance d'un mandamus étant donné qu'il n'existe aucune obligation précise d'agir d'une façon particulière : Brown and Evans, supra, à la page 1-39. Un mandamus ne peut pas être accordé lorsque la plainte se rapporte à la façon dont le ministre s'acquitte de ses obligations. C'est d'autant plus le cas si la loi confère au ministre un pouvoir discrétionnaire relativement à l'exécution de ces obligations. En d'autres termes, la décision des ministres doit être de nature purement " ministérielle " plutôt qu'" administrative ", la différence découlant de leur capacité discrétionnaire. Le PGC a référé la Cour à l'arrêt Distribution Canada Inc. c. MRN (supra). Dans l'arrêt Distribution Canada, la Cour d'appel fédérale a statué que le mot " shall " figurant dans la version anglaise du Tarif des douanes montre que le ministre a un pouvoir discrétionnaire et que dans la mesure où il n'a pas manqué à son obligation générale d'imposer le tarif, aucun mandamus ne peut être accordé en vue de le contraindre à décider d'imposer un tarif d'une façon particulière. Le même raisonnement s'applique en l'espèce. Si le MPO et l'ARAP sont les autorités fédérales pourvues des connaissances voulues, la LCEE ne prévoit pas la façon dont les renseignements doivent être fournis à l'ONE. Subsidiairement, si l'ONE, le MPO et l'ARAP sont des autorités responsables, et si chaque autorité peut créer une commission en vue d'examiner le projet, le libellé de la LCEE ne prévoit pas la façon dont les autorités responsables doivent coopérer à l'évaluation d'un projet : elles ne peuvent pas être contraintes par mandamus à prendre une décision particulière. Cela relève purement de leur pouvoir discrétionnaire. Rocky Mountain demande essentiellement une ordonnance enjoignant au MPO et à l'ARAP, même s'ils ont un pouvoir discrétionnaire, d'agir ou coopérer d'une façon particulière.

[39]      J'insisterai sur ce point en mentionnant la décision que la Cour d'appel de la Saskatchewan a rendue dans l'affaire R. c. Nicol (1965), 52 W.W.R. 434. Dans l'arrêt Nicol, le juge en chef, qui parlait au nom de la Cour, se demandait si une commission des relations de travail constituée en vue d'enquêter sur le licenciement d'un travailleur syndiqué aurait dû contraindre l'employeur, au moyen d'un bref de mandamus, à produire à l'audience certains documents privilégiés. La Cour a rejeté la prétention du demandeur pour le motif qu'une disposition de la Trade Union Act et le règlement d'application conféraient à la Commission le pouvoir discrétionnaire [TRADUCTION] " d'accepter, d'admettre et d'exiger tout élément de preuve, strictement légal ou non, qu'elle juge bon d'exiger en équité et en toute conscience ", et que le refus de produire les documents privilégiés ne constituait pas une violation des règles de justice fondamentale naturelle dans ce cas-là (p. 438). Si l'on applique ce principe en l'espèce, le MPO et l'ARAP avaient dans une certaine mesure un pouvoir discrétionnaire au sujet de la façon dont ils pourraient, en leur qualité d'autorités responsables, coopérer à la procédure d'audition. L'article 12 de la LCEE confère également un pouvoir discrétionnaire similaire au MPO et à l'ARAP en leur qualité d'autorités fédérales pourvues des connaissances voulues, en ce sens qu'ils ne fournissent que sur demande les renseignements qu'ils possèdent. La question de savoir comment ils coopèrent aux audiences générales qui sont tenues à l'égard de l'évaluation relevait clairement de leur pouvoir discrétionnaire. Aucun mandamus n'est accordé en pareil cas.

Demande et refus

[40]      Il convient d'accorder un mandamus uniquement lorsqu'une demande " régulière " a été faite et lorsque cette demande a été refusée. Ainsi, si le demandeur omet d'observer toutes les conditions nécessaires aux fins de l'exécution d'une obligation ou s'il demande l'exécution d'une obligation par ailleurs appropriée au moyen d'une procédure irrégulière, aucun mandamus ne sera accordé.

[41]      En l'espèce, une demande a été faite et elle a été refusée. La demanderesse a demandé la production de témoins et a demandé la production de certains documents dans le cadre de l'audience tenue par l'ONE ou dans sa demande de contrôle judiciaire, de sorte que le quatrième élément est présent.

Conclusion relative à la délivrance d'un mandamus

[42]      Rocky Mountain a d'une façon claire et absolue omis d'établir l'existence de trois des quatre éléments nécessaires permettant la délivrance d'un mandamus. Aucun mandamus ne peut être accordé dans ce cas-ci. La deuxième procédure de la nature d'un mandamus visant à l'obtention d'une réparation de la part du MPO et de l'ARAP est dépourvue de toute possibilité de succès. Elle est radiée.

CONCLUSION

[43]      Rocky Mountain a également demandé la production de divers documents qui sont en la possession de l'ONE. Étant donné que ni l'une ni l'autre des demandes ne seront entendues par cette cour, la demande de production de documents n'est pas pertinente, mais elle pourrait l'être si Rocky Mountain réussissait à soulever ces questions, à l'égard de l'ONE, devant la Cour d'appel fédérale.

[44]      La première demande de Rocky Mountain ne relève pas de la compétence de la Section de première instance de la Cour fédérale; elle relève clairement de la compétence de la Cour d'appel fédérale. La demande est radiée, mais Rocky Mountain pourra, dans un délai de 30 jours, présenter une demande devant un juge de la Section de première instance en vue du transfert de l'instance à la Cour d'appel fédérale. Pareil transfert est nécessaire même si plusieurs autorités sont en cause, mais qu'une seule est visée par l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et par le mandat de la Cour d'appel fédérale : voir par exemple Alberta Wilderness Association et al. c. Express Pipelines Ltd. (1997), 201 N.R. 336, en particulier aux pages 340 et 341.

[45]      La deuxième demande est radiée parce que Rocky Mountain ne peut pas satisfaire à toutes les exigences relatives à l'obtention d'un mandamus.



     " John A. Hargrave "

     Protonotaire

Le 3 août 1999

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-8-99, T-9-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ROCKY MOUNTAIN ECOSYSTEM COALITION

     c.

     L'OFFICE NATIONAL DE L'ÉNERGIE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, REPRÉSENTANT LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS, LE MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES et LE MINISTRE DE L'ENVIRONNEMENT, et ALLIANCE PIPELINE LTD.,
LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver

DATE DE L'AUDIENCE :      le 5 juillet 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du protonotaire John A. Hargrave en date du 3 août 1999


ONT COMPARU :

Clint Docker      pour la demanderesse

Kirk Lambrecht      pour le Procureur général du Canada, défendeur

Richard Neufeld      pour Alliance Pipeline Ltd., défenderesse

Judith Hanebury      pour l'Office national de l'énergie, défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Docker & Company      pour la demanderesse

Calgary (Alberta)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      pour le Procureur général du Canada, défendeur

Fraser Milner

Calgary (Alberta)      pour Alliance Pipeline Ltd., défenderesse

Office national de l'énergie

Contentieux

Calgary (Alberta)      pour l'Office national de l'énergie, défendeur

__________________

     1      Brown and Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (Canvasback Publishing: Toronto, 1998) à 1-32 (Brown and Evans)

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