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Date : 20210706


Dossier : IMM‑4611‑19

Référence : 2021 CF 705

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MAHDI EGUEH ABDIRAHMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue le 26 juin 2019, par laquelle un agent d’immigration a rejeté sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[2] Le demandeur est un citoyen de Djibouti. Il est arrivé au Canada aux alentours du mois d’avril 2017 et il a présenté une demande d’asile. Sa demande a été rejetée plus tard en 2017 pour manque de crédibilité. Il a par la suite interjeté un appel, qui a été rejeté l’année suivante, puis présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, laquelle a été rejetée en mai 2018. Le demandeur a alors présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[3] Le 26 juin 2019, cette demande a été rejetée en raison de l’insuffisance de facteurs justifiant d’être dispensé, pour des motifs d’ordre humanitaire, de respecter les exigences de résidence permanente prévues à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 et à ses règlements.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur le caractère raisonnable de la décision de l’agent. Comme il a été déclaré dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au paragraphe 85, une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ».

[5] Le demandeur soutient que l’agent a, à tort, examiné sa demande selon l’angle des difficultés, qu’il a commis une erreur dans l’appréciation de son engagement communautaire et qu’il a omis de tenir compte des activités qu’il mène au Canada pour la défense des droits de la personne à Djibouti et des difficultés que son activisme pourrait lui occasionner s’il devait retourner dans son pays.

[6] En l’espèce, l’agent a reconnu l’établissement et les liens louables du demandeur au Canada, démontrés par ses efforts pour améliorer sa situation, ses efforts pour trouver un emploi qui est par la suite devenu permanent et son engagement auprès de deux organismes au sein des communautés djiboutienne et somalienne. En outre, le demandeur avait mentionné qu’il apportait un soutien financier à sa famille, mais cette allégation n’a pas été étayée. L’agent a néanmoins jugé que le demandeur, qu’il n’en ait pas tenu compte ou qu’il ne l’ait pas réalisé, entretenait des liens plus forts avec Djibouti où il a habité et où il a des relations, de sorte que son établissement et ses liens au Canada ne justifiaient pas une dispense sous le régime législatif régissant l’immigration. De même, une dispense quant à la procédure ordinaire n’était pas justifiée au regard des difficultés financières et politiques alléguées dans l’éventualité d’un retour au pays, lesquelles difficultés n’étaient pas corroborées.

[7] Avec égards, et compte tenu du large pouvoir discrétionnaire de l’agent dans les circonstances, les motifs fournis par l’agent ne témoignent pas d’une analyse rationnelle. Les seuls éléments étayés par le dossier concernent l’établissement et les liens du demandeur au Canada, ce qui est nettement favorable. Dans ses motifs, l’agent va même jusqu’à féliciter le demandeur à plus d’une reprise.

[8] En effet, le dossier confirme par exemple, d’une façon précise et étayée par des éléments de preuve, l’engagement communautaire exceptionnel et reconnu du demandeur, notamment sa participation à de nombreuses initiatives et le soutien qu’il apporte aux jeunes et aux nouveaux arrivants, plus particulièrement. Les conclusions de l’agent vont apparemment à l’encontre de cet ensemble important d’éléments de preuve, en plus d’être contredites par sa propre appréciation sommaire de la preuve à cet égard, mais il a néanmoins privilégié les liens naturels du demandeur avec Djibouti.

[9] Puisque le degré d’établissement est effectivement important, la Cour est convaincue que les circonstances de l’espèce justifient que l’affaire soit renvoyée pour réexamen (Raudales c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 385 au para 19; Jamrich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 804 au para 22; voir El Thaher c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1439 aux para 13‑14, 27‑29, 71‑72). Pour les raisons qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4611‑19

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un agent d’immigration différent pour réexamen. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4611‑19

 

INTITULÉ :

MAHDI EGUEH ABDIRAHMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 juin 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 6 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

David Matas

 

Pour le demandeur

 

Zoe Richard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le défendeur

 

 

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