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TRÈS SECRET

Date : 20210610

Dossier : ||||||||||||||||||||||||||

Référence : 2021 CF 585

Ottawa (Ontario), le 10 juin 2021

EN PRÉSENCE DU JUGE SIMON NOËL

DANS L’AFFAIRE d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23

ET DANS L’AFFAIRE VISANT |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES PUBLICS

[1] Les présents motifs supplémentaires font suite à la délivrance, par la Cour, de mandats demandés par le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS ou Service] en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23 [Loi sur le SCRS].

[2] En outre, les présents motifs supplémentaires ont trait à la décision originale en l’espèce (délivrance des mandats), aux motifs que j’ai rendus le 17 février 2021, à un affidavit produit en preuve par la suite, ainsi qu’à une audience au cours de laquelle certains faits présentés lors de


l’audience originale ont été précisés. Comme l’a souligné le procureur général du Canada [procureur général] : [traduction] « Les motifs donnés le 17 février 2021 par la Cour fédérale donnent lieu à la nécessité d’apporter des précisions sur la manière dont le Service entend exécuter les mandats. »

[3] Les mandats originaux que j’ai décernés contenaient l’élément d’énoncé suivant :

[traduction] Ayant pris connaissance de la preuve factuelle, je suis convaincu de l’existence des faits mentionnés aux alinéas 21(2)a) et b) de la Loi [sur le SCRS], et qu’au titre des paragraphes 12(2), 21(3) et 21(3.1) de la Loi [sur le SCRS], la Cour a compétence pour conférer les pouvoirs. Je sais également que le Service pourrait exercer ces pouvoirs avec l’assistance de services étrangers agissant conformément à leur propre cadre juridique.

[Non souligné dans l’original.]

[4] Au paragraphe 21 de mes motifs originaux, je soulignais ce qui suit :

[…] En outre, le déposant du Service a expliqué clairement que, dans l’exécution des mandats en l’espèce, le Service ne mènerait aucune activité qui contreviendrait au régime juridique d’un pays étranger. Partant, il n’est aucunement nécessaire pour l’heure de formuler quelque commentaire que ce soit sur l’applicabilité de la disposition du paragraphe 21(3.1) de la Loi sur le SCRS qui permet au Service d’enquêter sur une menace envers le Canada sans égard au droit de tout État étranger. […]

[5] Dans l’affidavit et le témoignage présentés par la suite, le déposant du Service a expliqué qu’en fait, dans certaines situations, le Service pourrait devoir mener des activités qui contreviendraient au régime juridique d’un pays étranger.

[6] Partant, le procureur général est d’avis que ma décision, c’est-à-dire la délivrance des mandats, autorise le Service à exercer les pouvoirs conférés sans égard au droit de tout État étranger, mais que le paragraphe 21 de mes motifs originaux laisse planer le doute sur cet état de fait. Le procureur général a donc demandé à ce que je rende des motifs supplémentaires précisant que le Service peut effectivement exercer les pouvoirs conférés sans égard au droit de tout État étranger.

[7] À l’issue d’une audience additionnelle que j’ai présidée, au cours de laquelle le déposant a répondu à des questions de l’avocat du procureur général, de moi-même et de l’amicus, je suis convaincu qu’en l’espèce, il existe des circonstances de fait pouvant contraindre le Service à exercer les pouvoirs conférés sans égard au droit de tout État étranger.

[8] Je suis en outre convaincu de ce qui suit, comme je l’ai énoncé dans mes motifs originaux :

Par suite de la décision X (Re) CAF, le législateur a modifié la Loi sur le SCRS par l’adoption du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d’autres lois, 41e législature, 2e session, 2015 (sanction royale octroyée le 23 avril 2015), LC 2015, c 9 [projet de loi C‑44]. Selon les nouvelles dispositions, il est clair que le Service peut exercer les fonctions visées au paragraphe 12(2) « même à l’extérieur du Canada », qu’en vertu du paragraphe 21(1), il peut faire enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada « au Canada ou à l’extérieur du Canada », et qu’en vertu du nouveau paragraphe 21(3.1), un juge peut autoriser le Service à mener, à l’extérieur du Canada, des activités lui permettant de faire enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada, et ce, « [s]ans égard à toute autre règle de droit, notamment le droit de tout État étranger ».

[9] Il me faut maintenant aborder, d’une part, les caractéristiques procédurales qui ont pour conséquence que la délivrance des mandats semble ne pas concorder avec les motifs énoncés par la suite, ainsi que, d’autre part, la question suivante : ayant rendu la décision définitive, suis-je dessaisi de l’affaire et, partant, suis-je habilité à recevoir d’autres éléments de preuve et à rendre des motifs supplémentaires?

[10] Dans sa requête du 16 avril 2021, l’avocat du procureur général laisse entendre que [traduction] « [l]a Cour est autorisée à admettre ces éléments de preuve en vertu de son plein pouvoir de régir le déroulement des instances, et au titre des articles 3 et 55 des Règles des Cours fédérales [Règles]. En outre, ces éléments de preuve aideront la Cour à rendre les motifs supplémentaires qui permettront de refléter la portée des mandats ».

[11] Le procureur général ajoute que [traduction] « le paragraphe 55 des Règles permet à la Cour de modifier une règle ou d’exempter une partie ou une personne de son application dans des circonstances spéciales. Habituellement, le dépôt d’un dossier de requête précède l’audience, mais en l’espèce, la Cour a d’abord demandé la tenue d’une audience. Puisqu’il était question de la portée des pouvoirs prévus par les mandats, la Cour pouvait légitimement modifier les règles applicables aux dossiers de requête ainsi que le processus de production d’autres éléments de preuve, c’est-à-dire demander promptement la tenue d’une audience en vue d’apporter des précisions et demander au procureur général de déposer ensuite un dossier par écrit. »

[12] L’amicus répond que [traduction] « [s]i elle accorde le redressement demandé, la Cour approuvera la réception d’autres éléments de preuve après que la demande a été entendue et que l’ordonnance et les motifs ont été rendus » (respectivement le 26 novembre 2020 [ordonnance] et le 17 février 2021 [motifs]); normalement, cela m’aurait dessaisi du dossier.

[13] Toutefois, l’amicus ajoute ceci : [traduction] « À première vue, l’article 397 des Règles, qui porte sur les divergences relatives aux ordonnances, ne s’applique pas exactement à la demande de motifs supplémentaires en l’espèce. Pour que ce soit le cas, l’article 397 pourrait être interprété de manière téléologique en fonction de l’article 3 et modifié conformément à l’article 55 de manière à accorder la compétence nécessaire. Notamment, modifié conformément à l’article 55, l’article 397 peut être considéré comme une autorisation de modifier les motifs plutôt que l’ordonnance. La Cour peut avoir reçu les éléments de preuve supplémentaires dans le cadre de la requête. »

[14] Je suis convaincu de ne pas être dessaisi du dossier, et qu’au titre des articles 3, 55 et 397 des Règles, j’ai le pouvoir d’admettre les éléments de preuve additionnels et de modifier mes motifs pour qu’ils concordent avec ma décision originale, c’est-à-dire la délivrance des mandats. Je tiens à souligner qu’en aucune manière je ne modifie la décision originale, qui autorise le Service à exercer les pouvoirs conférés sans égard au droit de tout État étranger. La décision originale demeure telle qu’elle était à la délivrance des mandats. Je modifie plutôt l’article 397 des Règles conformément aux articles 3 et 55, et ce, afin que mes motifs puissent mieux concorder avec la décision originale.

[15] En conclusion, par les présents motifs supplémentaires, je déclare sans équivoque que le Service est effectivement autorisé à exercer les pouvoirs prévus par les mandats que je lui ai décernés sans égard au droit de tout État étranger, en application du paragraphe 21(3.1) de la Loi sur le SCRS.

"Simon Noël"

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

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INTITULÉ :

DANS L’AFFAIRE d’une demande de mandats présentée par |||||||||||||||||||||||||||||||| en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC (1985), c C-23 et al

ET DANS L’AFFAIRE VISANT |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 MARS 2021

 

MOTIFS SUPPLÉMENTAIRES publics:

LE JUGE simon NOËL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 JUIN 2021

 

COMPARUTIONS :

Jessica Winbaum

POUR LE PROCUREUR GĖNÉRAL DU CANADA

 

Gordon Cameron

AMICUS CURIAE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Blake, Cassels and Graydon

Ottawa, Ontario

 

POUR LE DEMANDEUR

AMICUS CURIAE

 

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