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Date : 20000630


Dossier : IMM-3276-99


ENTRE :

     AZHAR MUHAMMAD,


     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.


     J'ordonne que les motifs d'ordonnance ci-joints, qui sont une version révisée de ceux prononcés à l'audience du jeudi 22 juin 2000 à Toronto (Ontario), soient déposés conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.


OTTAWA (Ontario)

Le 30 juin 2000

     « B. Reed »

                                         Juge

Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL. B.




Date : 20000622


Dossier : IMM-3276-99



ENTRE :


     AZHAR MUHAMMAD,


     demandeur,


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Version révisée des motifs prononcés à l'audience

     du jeudi 22 juin 2000)


LE JUGE REED



[1]      Les présents motifs concernent le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention au demandeur.


[2]      Le demandeur soutient que la Commission n'a absolument pas tenu compte du témoignage du psychologue qui a dit qu'il [TRADUCTION] « souffre de problèmes cognitifs très graves » , « ne peut pas se souvenir des itinéraires d'un autobus et descend souvent au mauvais arrêt... a de la difficulté à se souvenir du jour de la semaine... et ne peut pas se concentrer dans une conversation passive » .

[3]      Il est faux de dire que la Commission n'a absolument pas tenu compte du rapport du psychologue. Elle a précisé qu'une description qui s'y trouve, quant à la raclée qu'aurait reçue le demandeur, contredisait son témoignage de vive voix à l'audience. La Commission a aussi mentionné le dépôt d'un rapport modifié du psychologue indiquant que le demandeur avait été enlevé et non battu.

[4]      Avant tout, cependant, je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur en ne se reportant pas expressément aux énoncés susmentionnés tirés du rapport du psychologue. Outre ces énoncés, le rapport indique aussi que le demandeur [TRADUCTION] « est plus alerte lorsqu'on lui demande de répondre à une question, mais n'arrive pas à suivre ce que les autres disent s'il n'a pas à participer à la conversation » . Le cadre dans lequel se déroule l'audience est tel que le demandeur y a participé activement, répondant aux questions que son avocat et la Commission lui posaient. De plus, s'il faut en croire le témoignage du demandeur, il a certainement participé au Pakistan aux activités politiques sur lesquelles repose sa revendication du statut de réfugié; il n'était pas un observateur passif.

[5]      Un autre paragraphe du rapport indiquait qu'il n'y avait [TRADUCTION] « aucun signe d'un trouble de la personnalité ou de la pensée » et « je ne vois aucun problème à ce que M. Azhar témoigne en son propre nom » .

[6]      Dans les circonstances, la Commission n'a pas commis d'erreur en ne faisant aucun renvoi aux quatre lignes de la page 6 du rapport invoquées par l'avocat du demandeur.

[7]      De plus, la Commission a expliqué qu'elle pouvait admettre qu'il y avait certains aspects du témoignage du demandeur dont celui-ci n'était pas en mesure de se souvenir correctement. C'est au sujet des questions centrales et manifestement faciles à retenir que la Commission ne pouvait pas admettre qu'il était incapable de s'en souvenir :

     [TRADUCTION]

         . . .
         Qui plus est, le revendicateur a dit dans sa déposition orale qu'en ce qui concerne le PS 79, il avait fait campagne pour le candidat du PPP -- un certain Nasir Ali. Il a toutefois ajouté qu'il ignorait qui étaient les candidats du PML et du MQM dans cette circonscription, bien qu'il ait allégué avoir mené une campagne énergique dans ladite circonscription.
         Toutefois, le revendicateur s'est contredit lorsqu'il a poursuivi son témoignage lors de la deuxième séance tenue le 11 mars 1999. Il a alors dit que Naeem Hasni avait brigué le siège de l'assemblée provinciale dans la circonscription PS 79 et non dans la circonscription PS 80 comme il l'avait déclaré lors de la séance précédente, et que Nasir Ali avait brigué le siège de l'assemblée nationale dans la circonscription PS 80 et non dans la circonscription PS 79 comme il l'avait affirmé plus tôt. Le tribunal aurait pu laisser passer cette confusion apparente quant à savoir quel candidat s'était présenté dans quelle circonscription au cours de ces élections; toutefois, comme on le verra dans la section qui suit, le revendicateur a démontré une connaissance insuffisante des candidats qui devaient être au coeur même des élections au cours desquelles il prétend avoir fait activement campagne.
         Le revendicateur a modifié son témoignage et a dit que le PML avait en fait présenté un candidat -- un dénommé El-haaj Muhammad Raffee -- contre les candidats du PPP et du MQM dans la circonscription PS 79. Il s'est encore une fois contredit en affirmant que le candidat du MQM était un dénommé Hasan Ullah Khan, et non Kanwar Khalid comme il l'avait affirmé auparavant. Le tribunal estime qu'il aurait été raisonnable de s'attendre à ce que le revendicateur se souvienne de ces noms lorsqu'il a témoigné pour la première fois le 21 décembre 1998, notamment parce que, d'après sa déposition orale du 11 mars 1999, le candidat du MQM (Hasan Ullah Khan) a gagné les élections dans cette circonscription.
         Le revendicateur [sic] trouve curieux qu'alors que le revendicateur n'a pas pu, lors de la séance du 21 décembre 1998, se souvenir des noms des candidats du PML et du PPP qui ont fait la lutte à Nasir Ali du PPP, il s'en est souvenu très facilement lors de son témoignage oral du 11 mars 1999. Encore une fois, le tribunal estime qu'il aurait été raisonnable de s'attendre à ce que le revendicateur se souvienne de ces noms lorsqu'il a témoigné pour la première fois, notamment parce que l'un des adversaires politiques du PPP -- Mohammad Qureshi, le candidat du MQM -- a gagné lors du scrutin.
         Aucun motif raisonnable n'a été donné au tribunal pour expliquer pourquoi tout était plus clair dans l'esprit du revendicateur le 11 mars 1999 -- soit trois mois après qu'il eut témoigné pour la première fois. Le tribunal croit qu'après lui avoir fourni lors de la première séance des renseignements erronés au sujet de l'élection provinciale tenue en février 1997, le revendicateur a rassemblé des informations au sujet des élections tenues en février au Pakistan et les a mémorisées pour se préparer à la deuxième séance. Le tribunal souligne que ces renseignements se trouvent en partie dans les documents que doit communiquer l'ACR et sont accessibles grâce à Internet, y compris la page Web du PPP. Le tribunal conclut que le revendicateur a délibérément induit le tribunal en erreur au sujet de ses allées et venues et de ses activités au cours des périodes pertinentes. ...[Note de base de page omise]


[8]      Le demandeur soutient que la Commission n'a pas correctement caractérisé la preuve, n'a pas tenu compte d'éléments de preuve objectifs, a mal interprété la preuve et n'a pas évalué correctement la preuve documentaire décrivant la situation au Pakistan. Même si elle n'a pas accepté la version des faits du demandeur, la Commission était tout à fait au courant de la violence qui fait partie de la vie politique au Pakistan. Sa décision contient notamment ce qui suit :

     [TRADUCTION]
         . . .
         Par ailleurs, le tribunal reconnaît que la vie politique au Pakistan est marquée par la violence entre partis, les intrigues et le sabotage, notamment les meurtres, les enlèvements et la destruction de biens. À cet égard, le témoignage de M. Lawrence Ziring confirme ce que le tribunal sait déjà du fait de ses connaissances spécialisées au sujet de la situation au Pakistan. Cependant, le tribunal estime qu'il n'y a pas assez d'éléments de preuve documentaire fiables et crédibles indiquant que les membres du PPP sont d'innocentes victimes du parti au pouvoir ou des actes de persécution du MQM. La preuve documentaire montre que tous les principaux partis au Pakistan sont engagés dans le cercle vicieux de la vengeance.
         Le tribunal estime en outre que le revendicateur n'est pas assez connu sur le plan politique pour qu'il existe une possibilité sérieuse ou une chance raisonnable qu'il soit persécuté, pour l'un des motifs énoncés dans la Convention, s'il devait retourner au Pakistan aujourd'hui. Comme il l'a dit plus haut, le tribunal a déterminé que le revendicateur n'a pas eu au Pakistan les problèmes au sujet desquels il a témoigné. En fait, le tribunal doute même fortement que le revendicateur était même au Pakistan au cours de la période pertinente....

[9]      Il convient de garder à l'esprit le rôle de la Cour lorsqu'une demande de contrôle judiciaire lui est présentée. La Cour ne substitue pas sa décision à celle de la Commission, l'audience n'est pas une nouvelle audience. Le rôle de la Cour lorsqu'il est allégué qu'il y a eu une mauvaise interprétation de la preuve, une conclusion de fait erronée ou que l'on n'a pas tenu compte de la preuve, est prévu à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale. Son rôle consiste à vérifier si la Commission « a rendu une décision... fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [elle] dispose » .

[10]      Appliquant ce critère comme je suis tenue de le faire, je ne peux pas conclure que la décision de la Commission comporte une erreur qui justifierait son annulation.

[11]      La demande est donc rejetée.


     « B. Reed »

                                         Juge

Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL. B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-3276-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Azhar Muhammad c. MCI

LIEU DE LA REQUÊTE :      Toronto (Ontario)


DATE DE LA REQUÊTE :      22 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Reed en date du 30 juin 2000



ONT COMPARU :


Mac Sultan                  pour le demandeur
Neeta Logsetty              pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Mac Sultan                  pour le demandeur


Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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