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Date : 19991117


Dossier : IMM-2742-98


Ottawa (Ontario), le 17 novembre 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD


ENTRE :


MASOUD KAHANDANI


demandeur


et


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 14 mai 1998, dans laquelle K. Desai et V. Bubrin, membres de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, ont conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention, est rejetée.

YVON PINARD

                                             JUGE

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 19991117


Dossier : IMM-2742-98


ENTRE :


MASOUD KAHANDANI


demandeur


et


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION


défendeur


MOTIFS D"ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 14 mai 1998, dans laquelle K. Desai et V. Bubrin, membres de la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la SSR), ont conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      K. Desai (Desai) a déterminé que le service obligatoire au sein de la Garde Révolutionnaire était insuffisant pour exclure le demandeur en vertu de l"alinéa 1Fa ) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés1. En outre, il a accepté le témoignage du demandeur selon lequel celui-ci avait été un conscrit plutôt qu"un volontaire au sein de la Garde Révolutionnaire. Enfin, Desai a conclu que, vu la participation du demandeur au sein du groupe monarchiste, il y avait un risque raisonnable qu"il soit persécuté s"il retournait en Iran. En conséquence, il a conclu que le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.

[3]      Dans les motifs de sa dissidence, V. Bubrin (Bubrin) a souscrit à la conclusion de Desai selon laquelle le demandeur ne devait pas être exclus en vertu de l"alinéa 1Fa ) de l"annexe de la Loi sur l"immigration (la Loi). Cependant, il a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention, qu"il ne faisait pas de politique en Iran, et qu"il n"était pas recherché par les autorités iraniennes pour des raisons politiques. Bubrin a estimé que le témoignage du demandeur n"était ni crédible, ni digne de foi, et il a conclu que celui-ci n"aurait aucune crainte fondée d"être persécuté s"il devait retourner en Iran.

[4]      D"abord, Bubrin n"a pas estimé que le demandeur aurait obtenu un passeport iranien après avoir fait son service militaire si son frère et son père s"étaient activement impliqués au sein du Parti monarchiste de l"Iran. Il a estimé qu"il était encore moins plausible que le demandeur aurait été invité à agir en tant qu"entraîneur de l"équipe nationale iranienne d"arts martiaux, vu les antécédents familiaux qu"il a décrits.

[5]      En outre, Bubrin a estimé que la lettre de renvoi du ministère de l"Éducation n"avait aucune valeur probante. Dans le cas où les antécédents du demandeur n"auraient pas été vérifiés au moment où ce dernier a été invité à se joindre à l"équipe nationale, Bubrin ne voyait pas pourquoi les autorités l"auraient congédié pour avoir refusé de répéter des slogans pro-islamiques et de participer aux prières des membres de l"équipe. De plus, Bubrin a estimé que si ce refus avait été très grave, le demandeur aurait été congédié peu de temps après s"être joint à l"équipe, et non en 1993.

[6]      Bubrin a également dit que le récit du demandeur concernant sa détention en 1991 avait été contradictoire. Le demandeur a témoigné qu"il a été libéré parce que son père, qui était lui aussi détenu à la même époque, avait probablement dit aux autorités qu"il (c.-à-d. le demandeur) ne faisait pas de politique. Cependant, la personne qui a eu une entrevue avec le demandeur au point d"entrée a noté que celui-ci avait dit qu"il avait été libéré parce que l"équipe nationale d"arts martiaux avait besoin de ses services.

[7]      Outre cette contradiction, Bubrin a estimé que les deux explications du demandeur concernant sa libération n"étaient pas plausibles. Il a estimé qu"il n"était pas plausible que les autorités accorderaient un poids quelconque à la déclaration que le père aurait faite. Il a également estimé que le fait que le demandeur fût réintégré dans ses fonctions au sein de l"équipe nationale d"arts martiaux tout juste après avoir été détenu parce qu"on le soupçonnait de mener des activités politiques antigouvernementales n"était pas plausible.

[8]      Enfin, Bubrin a fondé sur trois motifs sa conclusion selon laquelle le demandeur ne s"adonnait pas aux activités politiques qu"il prétendait mener. Premièrement, il a conclu que le témoignage du demandeur concernant sa participation au sein du groupe monarchiste était vague et contradictoire. Le demandeur ne pouvait pas décrire en détail le contenu des pamphlets qu"il aurait distribués. Deuxièmement, le témoignage du demandeur à l"égard de sa participation au sein du groupe monarchiste était contredit par la déclaration qu"il avait faite au point d"entrée selon laquelle il n"appartenait pas à ce groupe. Le demandeur a témoigné qu"au point d"entrée, il faisait référence à une époque où seuls son père et son frère faisaient partie du groupe monarchiste. Bubrin n"a pas accepté cette explication, car il a estimé qu"il n"était pas raisonnable qu"au point d"entrée, le demandeur n"aurait pas exposé les raisons qui le poussaient, lui, à s"enfuir de l"Iran. Troisièmement, Bubrin n"a pas estimé que le demandeur ait jamais défendu la cause monarchiste vu qu"il n"avait pas de lien avec l"une ou l"autre des organisations monarchistes qui se trouvaient au Canada.

[9]      Pour ce qui est des conclusions qui ont été tirées en matière de crédibilité, il est bien établi qu"il s"agit là d"une question de fait qui relève exclusivement de la compétence de la SSR en tant que juge des faits. La formation est libre de conclure qu"un demandeur n"est pas digne de foi sur la base d"invraisemblances que contient son témoignage, pourvu que ses conclusions ne soient pas déraisonnables (Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et que ses motifs soient exposés " en termes clairs et explicites " (Hilo c. M.E.I. , 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.)). Une cour de révision ne peut donc pas infirmer les conclusions de fait de la SSR à moins que la formation ait pris une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. En outre, le fardeau qui incombe au demandeur de réfuter la conclusion de la SSR selon laquelle il manque de crédibilité est très lourd.

[10]      Après avoir examiné la preuve, je ne suis pas convaincu, malgré l"habile plaidoirie de l"avocat du demandeur, que la SSR, qui est un tribunal spécialisé, a commis une quelconque erreur grave et qu"elle ne pouvait raisonnablement pas tirer la conclusion à laquelle elle est parvenue.

[11]      Plus particulièrement, avec égards pour ce qui est de la prétention du demandeur selon laquelle la SSR a commis une erreur de droit lorsqu"elle a omis de lui faire part des incohérences que contiendrait la preuve, je constate qu"il ressort de la jurisprudence à ce sujet qu"une telle obligation n"incombe pas au tribunal :

     ... le fait, pour le tribunal, de ne pas avoir interrogé le demandeur sur sa préoccupation concernant une réponse directe à une question précise n'est pas une erreur donnant ouverture à un contrôle judiciaire. Les parties savaient que la bonne foi était en jeu. En évaluant le caractère plausible des affirmations du requérant, le tribunal pouvait tenir compte de son défaut de se rappeler des noms des intimés dans les deux procédures d'habeas corpus qu'il avait prétendument engagées au Sri Lanka, sans souligner davantage la question durant l'audience. Il s'agissait des mêmes procédures judiciaires qui avaient prétendument entraîné sa persécution et sa décision de fuir le Sri Lanka. En tenant compte des faits dans la présente affaire, j'adopte l'énoncé de mon collègue le juge Gibson dans l'arrêt Ayodele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1833 (QL) (C.F. 1re inst.) à l'alinéa 17, dans son interprétation de la portée de l'arrêt Gracielome :
... annuler la décision de la SSR en raison de son omission de signaler ses contradictions à un requérant représenté par un avocat irait bien au-delà de ce que j'estime être la position énoncée dans l'arrêt Gracielome et placerait, selon moi, un fardeau injustifié sur les épaules des membres de la SSR2.

[12]      Dans la même veine, le juge MacKay a dit, dans Sarker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1998), 45 Imm. L.R. (2d) 209, que " le tribunal n'est nullement tenu de signaler ses conclusions sur l'invraisemblance ni sur la crédibilité générale du témoignage avant de rendre sa décision. Il incombe plutôt au demandeur d'établir, par des éléments de preuve dignes de foi, sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention ".

[13]      En outre, compte tenu de la preuve, je ne suis pas convaincu que la SSR a omis de faire part au demandeur des incohérences que contiendrait son témoignage. À l"audition, le 17 mai 1995, le demandeur a eu l"occasion d"expliquer deux incohérences entre ce qu"il a dit, d"une part, à l"entrevue au point d"entrée et, d"autre part, dans le témoignage qu"il a fait plus tard. Premièrement, le demandeur a été invité à dire pourquoi il avait déclaré, au point d"entrée, qu"il ne s"était pas impliqué au sein du groupe monarchiste après que son père et son frère ont été emprisonnés. Il a rétorqué qu"en répondant à cette question, il faisait référence à une époque pendant laquelle il ne prenait pas part aux activités des monarchistes. Le demandeur a également été invité à expliquer pourquoi il avait dit, au point d"entrée, qu"il avait été libéré en 1991 parce que l"équipe nationale d"arts martiaux avait besoin de ses services en tant qu"entraîneur. Il a répondu qu"il était tendu au point d"entrée et qu"il s"était contenté de dire ce qui lui était venu à l"esprit. Le demandeur a également dit que sa déclaration selon laquelle son père avait dit quelque chose aux autorités n"était qu"une supposition. Enfin, il a reconnu qu"il ne connaissait pas vraiment la raison pour laquelle il avait été libéré.

[14]      De la même façon, le demandeur a été invité, à l"audition du 17 mai 1995, à expliquer pourquoi il n"avait pas conservé de photocopie de son passeport iranien, bien qu"il eût des photocopies du certificat attestant qu"il avait fait son service militaire. Le demandeur a expliqué qu"il conservait des photocopies des seuls documents dont il avait besoin, tel son certificat, qu"il devait présenter partout en Iran.

[15]      De plus, le demandeur a été invité à expliquer comment il avait pu devenir entraîneur de l"équipe nationale alors que son idéologie religieuse différait de celle de l"État. Il a répondu qu"il avait obtenu ce poste parce que l"équipe avait besoin de son expertise.

[16]      Enfin, le demandeur a été invité à expliquer pourquoi il ne faisait pas partie d"un groupe monarchiste au Canada. Il a expliqué que, ne disposant pas de renseignements précis sur les membres de sa famille, il n"avait pas pensé de s"adonner à ce type d"activités.

[17]      En conséquence, même si la SSR avait eu l"obligation de faire part au demandeur des incohérences qu"aurait contenues la preuve, obligation qui ne lui incombait pas, les membres de la formation paraissent avoir rempli cette obligation dans la présente affaire.

[18]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

YVON PINARD

                                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 novembre 1999.



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-2742-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Masoud Kahandani c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :              le 14 octobre 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU :                  17 novembre 1999



ONT COMPARU :

M. Peter J. Krochak                          POUR LE DEMANDEUR

Mme Neeta Logsetty                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ABRAMS & KROCHAK                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureuer général du Canada

__________________

1      F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:      (a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;
     F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser:      a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

2      Matarage c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (9 avril 1998), IMM-1987-97, juge Lutfy.

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