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Dossier : IMM‑3590‑21

Référence : 2021 CF 755

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

OSAMA EBID

demandeur

et

CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Osama Ebid [le demandeur] demande un sursis de l’ordonnance rendue par un Comité de discipline du Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada [le CRCIC] le 26 mai 2021 (2021 CRCIC 13) [ordonnance relative à la sanction], révoquant son adhésion au CRCIC et imposant d’autres sanctions. Cette ordonnance a été rendue à la suite de conclusions du Comité de discipline datées du 1er mars 2021, selon lesquelles le demandeur s’était livré à une conduite indigne d’un membre et à un manquement professionnel (2021 CRCIC 04) [l’ordonnance relative au manquement].

[2] Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il conteste l’ordonnance disciplinaire, puis a présenté la présente requête par écrit conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, afin d’obtenir un sursis de l’ordonnance jusqu’à l’issue de la demande de contrôle judiciaire. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, défendeur, n’a pas participé à cette instance.

[3] Dans la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente, le demandeur soutient que le processus disciplinaire a violé non seulement son droit à l’équité procédurale, mais aussi l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, soit l’article 7 de la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U) [la Charte], ainsi que les alinéas 1a) et 2e) de la Déclaration canadienne des droits, LC 1960, c 44 [la Déclaration canadienne des droits]. Il soutient également que le processus disciplinaire a violé la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC, 1985, c P‑21, car il entraîne des répercussions sur les intérêts de ses clients, qui sont des tierces parties à l’instance disciplinaire.

[4] La présente instance se situe dans le contexte de plusieurs instances disciplinaires visant le demandeur et Mme Qita. Bien que leur état matrimonial actuel soit incertain, Mme Qita était l’épouse du demandeur. L’instance disciplinaire visant le demandeur s’inscrit dans le contexte de leur rupture professionnelle et personnelle.

[5] Le demandeur est le directeur général de l’entreprise « Fast to Canada » depuis 2012. Durant la majeure partie de la période pertinente, Mme Qita était la seule consultante réglementée en immigration au sein de l’entreprise, tandis que le demandeur dirigeait l’entreprise. Il est devenu un consultant réglementé en immigration en 2018, à un moment où Mme Qita faisait l’objet d’une instance disciplinaire devant le CRCIC. L’audience disciplinaire de celle‑ci a eu lieu en novembre 2019 et son adhésion au CRCIC a été révoquée le 7 avril 2020.

[6] Le demandeur était visé par deux séries d’allégations. La première série était liée à ses communications avec un ancien client de Mme Qita, qui a témoigné à l’audience disciplinaire de celle‑ci. Il a été conclu que le demandeur s’était livré à une conduite indigne d’un consultant réglementé en immigration et avait manqué à son obligation d’agir de bonne foi lorsqu’il avait, entre autres, menacé et intimidé le témoin, fait de fausses promesses et offert une récompense financière en échange de la coopération du témoin à l’encontre du CRCIC, et tenté, devant le témoin, de jeter le discrédit sur le CRCIC et son personnel.

[7] La deuxième série d’allégations était liée à l’omission du demandeur de s’acquitter de ses obligations professionnelles quant au transfert, de façon responsable, des dossiers à Mme Qita après leur rupture. Il a été conclu que le demandeur s’était livré à une conduite indigne d’un consultant réglementé en immigration et contraire à l’éthique professionnelle, avait manqué à son obligation d’agir de bonne foi et avait entravé une enquête du CRCIC. Le Comité de discipline a tiré différentes conclusions au sujet du demandeur, dont les suivantes :

[8] Le Comité de discipline a ensuite demandé et examiné des observations sur la sanction. Le 26 mai 2021, il a rendu sa décision appuyée de l’ordonnance, dans laquelle il a ordonné les mesures suivantes : (i) révoquer le permis d’exercice du demandeur et lui interdire de présenter une nouvelle demande d’adhésion pour une période de deux ans; (ii) obliger le demandeur à rendre son certificat d’enregistrement original et ses pièces d’identité de membre; (iii) obliger le demandeur à informer tous ses clients actuels de la révocation de son adhésion; (iv) obliger le demandeur à verser un montant de 35 000 $ au CRCIC dans les 18 mois suivant la date de l’ordonnance.

[9] Il s’agit de l’ordonnance pour laquelle le demandeur veut obtenir un sursis jusqu’à l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.

[10] À l’appui de sa requête en sursis, le demandeur fait valoir que, rien ne prouve que son comportement a causé du tort au public ou à l’un de ses clients, et il soutient que le maintien de l’ordonnance du Comité de discipline portera préjudice à ses clients. En outre, il affirme que l’ordonnance le privera de son revenu et entachera sa réputation professionnelle, et qu’il contreviendra inévitablement à l’ordonnance, car il n’a pas les moyens de payer le montant que lui a imposé le Comité.

[11] Pour les motifs énoncés ci‑dessous, la requête en sursis sera rejetée. Dans l’ensemble, les considérations d’équité de la situation appuient fortement le maintien de l’ordonnance du Comité de discipline jusqu’à l’issue du contrôle judiciaire, en particulier en raison des conclusions d’inconduite précises et du fait que les instances disciplinaires du CRCIC sont d’intérêt public.

[12] La seule question consiste à savoir si le demandeur respecte le critère d’obtention d’un sursis de l’ordonnance. Pour satisfaire à ce critère, il doit prouver les points suivants : (i) la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente soulève une question sérieuse à juger; (ii) il subira un préjudice irréparable s’il n’obtient pas le sursis; (iii) la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l’octroi d’un sursis jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire soit tranchée (R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5 au para 12 [SRC]; Qita c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2020 CF 695 au para 7). Le demandeur doit satisfaire aux exigences de chaque volet du critère, mais la solidité d’un volet peut l’emporter sur la faiblesse d’un autre (Monsanto c Canada (Santé), 2020 CF 1053 au para 50).

[13] Il importe de se rappeler qu’une injonction interlocutoire est une réparation en equity et qu’il faut conserver une certaine souplesse afin que la mesure puisse être efficace lorsqu’elle est nécessaire pour prévenir un risque de préjudice imminent en attendant une décision sur le fond du litige. Cela a été confirmé de nouveau dans l’arrêt Google Inc c Equustek Solutions Inc, 2017 CSC 34 au para 1 [Google], où la Cour suprême du Canada a mentionné qu’« [e]n définitive, il s’agit de déterminer s’il serait juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire ».

I. Question sérieuse

[14] Dans la plupart des affaires d’injonction interlocutoire, le seuil de la « question sérieuse à juger » n’est pas très élevé; on le résume souvent en disant que le juge doit simplement procéder à un examen préliminaire de l’affaire pour s’assurer que la demande n’est « ni futile ni vexatoire » (RJR – MacDonald Inc c Canada (Procureur général), 1 RCS 311 à la p 337 [RJR – MacDonald]). Il y a des exceptions, mais aucune ne s’applique en l’espèce.

[15] Compte tenu de mes conclusions sur les autres questions, il n’est pas nécessaire d’examiner en détail le bien‑fondé des arguments invoqués à l’appui de la demande. Je souligne simplement que je ne trouve pas que la demande est futile ou vexatoire à un point tel qu’il convient de refuser le sursis pour ce motif.

II. Préjudice irréparable

[16] L’expression « préjudice irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue; ce préjudice est généralement décrit comme celui auquel il ne peut être remédié ou pour lequel un dédommagement adéquat ne peut être obtenu (RJR – MacDonald à la p 341).

[17] Ce préjudice ne peut être fondé sur une simple hypothèse, il doit être établi au moyen d’éléments de preuve suffisamment probants (voir Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 au para 31; Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126 aux para 15‑16; Newbould c Canada (Procureur général), 2017 CAF 106 aux para 28‑29 [Newbould]). De plus, les éléments de preuve doivent démontrer une forte probabilité qu’un préjudice irréparable sera causé, pas qu’il est simplement possible. Cela dépendra évidemment des circonstances de chaque affaire (voir l’analyse faite dans la décision Letnes c Canada (Procureur général), 2020 CF 636 aux para 49‑58).

[18] En outre, la jurisprudence indique clairement qu’il ne suffit pas de simplement alléguer des violations de la Charte pour établir l’existence d’un préjudice irréparable (International Longshore and Warehouse Union c Canada (Procureur général), 2008 CAF 3 au para 33). Dans la décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général), 2015 CF 1101, la juge Catherine Kane a confirmé, au paragraphe 154, que « l’existence d’un préjudice irréparable doit être établie indépendamment des arguments sur la constitutionnalité des procédures en cause – elle ne peut être inférée d’une violation possible de la Charte avant même qu’elle soit avérée » (voir aussi Right to Life Association of Toronto and Area c Canada (Emploi, Développement de la main‑d’œuvre et Travail), 2018 CF 102 aux para 59‑64). Ces principes s’appliquent tout autant aux simples allégations de violation des droits énoncés dans la Déclaration canadienne des droits.

[19] Le demandeur soutient que, s’il n’obtient pas de sursis, il subira plusieurs préjudices irréparables, qui peuvent être regroupés en trois catégories. Premièrement, il affirme que les demandes de parrainage de réfugiés sur lesquelles il travaille seront rejetées, et que les demandes d’autres clients pourraient également être rejetées. Deuxièmement, le demandeur fait valoir que sa réputation et son revenu professionnels seront compromis, et qu’il perdra sa seule source de revenu. Troisièmement, il signale que [traduction« sa famille et lui vivront une importante détresse psychologique » (dossier de requête du demandeur aux pp 7‑8).

[20] Aucune de ces affirmations ne satisfait au critère exigeant qu’il existe des éléments de preuve suffisamment probants démontrant que le préjudice sera causé (et non pourrait être causé). Quant aux inquiétudes du demandeur concernant ses clients, je souligne que seul le préjudice causé au demandeur, et non à un quelconque tiers, peut être pris en compte à l’heure actuelle (RJR – MacDonald à la p 341). En outre, comme ses clients peuvent être représentés par une autre personne, leurs demandes ne sont pas inévitablement vouées à l’échec.

[21] Quant à l’atteinte à la réputation professionnelle du demandeur, le CRCIC a tiré une conclusion d’inconduite le 1er mars 2021 et l’ordonnance relative à la sanction a été rendue le 26 mai 2021. Ces deux décisions ont été publiées en ligne sur CanLII, un répertoire de renseignements juridiques largement accessible. En outre, le demandeur a reçu la directive d’informer ses clients actuels que son permis avait été suspendu. De ce fait, il est possible de conclure que la réputation professionnelle du demandeur est déjà entachée. Une mesure interlocutoire vise à prévenir un préjudice futur, et non à redresser une situation qui s’est déjà produite. Le demandeur n’a pas établi qu’il sera encore porté atteinte à sa réputation d’ici l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.

[22] Je souligne également qu’une certaine atteinte à la réputation professionnelle est inhérente aux procédures du CRCIC relatives à une inconduite professionnelle (Newbould au para 31). Cette réalité peut incidemment pousser les membres de professions réglementées, comme les consultants en immigration, à appliquer des normes professionnelles élevées et à apporter leur entière collaboration aux enquêtes disciplinaires lancées par le CRCIC.

[23] Le demandeur soutient qu’il perdra sa seule source de revenu si l’ordonnance est maintenue, et il fait valoir que cela constitue un préjudice irréparable. Je ne suis pas d’accord. Premièrement, il s’agit d’un préjudice strictement financier, qui peut être redressé au moyen de dommages‑intérêts si le demandeur obtient gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire. En outre, le demandeur a fait preuve d’ingéniosité à titre d’entrepreneur par le passé, et rien n’indique qui ne sera pas en mesure de trouver un emploi rémunéré.

[24] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle le demandeur et sa famille vivront un stress psychologique important si le sursis est refusé, il n’existe simplement aucun élément de preuve au dossier étayant cette allégation. Il est raisonnable de déduire qu’une personne qui est visée par des procédures disciplinaires et qui se voit imposer une sanction par le Comité de discipline subira inévitablement une certaine détresse, mais cette détresse est aussi inhérente aux procédures disciplinaires régissant les professions réglementées. Mis à part ses propres affirmations, le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve étayant cet aspect de sa demande concernant la nature de la détresse ou l’incidence de celle‑ci sur sa famille ou sur lui‑même. La jurisprudence indique clairement que cela ne suffit pas.

[25] Dans l’ensemble, je conclus que les allégations de préjudice irréparable du demandeur sont loin de satisfaire aux exigences énoncées dans la jurisprudence résumée plus haut. Certaines allégations concernent des préjudices qui auraient été causés à de tierces parties, qui ne peuvent pas être pris en compte. Certaines autres concernent des préjudices déjà subis ou faisant simplement partie intégrante de l’exercice d’une profession réglementée, qui sont donc régis par les procédures disciplinaires d’un organisme de réglementation comme le CRCIC. D’autres aspects du préjudice allégué par le demandeur ne sont pas étayés par la preuve.

III. Prépondérance des inconvénients

[26] À la troisième étape, « il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée » (SRC au para 12). On utilise souvent l’expression « prépondérance des inconvénients » (RJR – MacDonald à la p 342). Il y a de nombreux facteurs à examiner dans l’appréciation de ce volet du critère et ils varient d’un cas à l’autre; c’est à cette étape que les considérations d’intérêt public peuvent entrer en jeu (RJR – MacDonald aux pp 342‑43).

[27] Bien que le demandeur n’ait pas traité précisément de ce volet du critère, il a mentionné certaines considérations générales entrant dans cette rubrique. En particulier, le demandeur souligne que, dans une procédure antérieure, le Comité de discipline a refusé d’ordonner une suspension provisoire de son permis. Il soutient que cela signifie qu’il n’y a aucune considération d’intérêt public découlant des allégations à son endroit, car autrement, le Comité de discipline aurait ordonné une suspension de son permis.

[28] Je ne suis pas convaincu par l’argument du demandeur selon lequel les procédures disciplinaires antérieures prouvent qu’il a été conclu qu’aucun préjudice n’avait été causé à l’intérêt public. Même s’il est vrai que le Comité de discipline a refusé d’ordonner une suspension provisoire de son permis, il est également vrai que le Comité de discipline lui a imposé des conditions à respecter pour continuer d’exercer sa profession. Entre autres, Mme Qita et lui doivent informer tous leurs clients actuels qu’ils ne travaillent plus ensemble à titre de consultants en immigration, et ils doivent tous deux s’abstenir de communiquer avec tout client ou toute personne pouvant témoigner dans le cadre de procédures disciplinaires dans l’intention de l’intimider ou de lui suggérer un témoignage (dossier de requête du demandeur à la p 112).

[29] Cela indique uniquement que le Comité de discipline n’était pas convaincu qu’une suspension provisoire du permis du demandeur et de Mme Qita était nécessaire à ce moment‑là. Le fait que le Comité de discipline a imposé au demandeur des conditions à respecter pour continuer d’exercer sa profession témoigne de l’importance que ce comité accorde à la protection de l’intérêt public. Ce fait, combiné avec la conclusion à l’encontre du demandeur dans l’ordonnance relative au manquement, selon laquelle il a violé ses normes professionnelles lorsqu’il s’est ingéré relativement à une enquête du CRCIC en communiquant avec un témoin de l’audience disciplinaire de Mme Qita, indique que les conditions imposées n’ont pas nécessairement permis d’atteindre l’objectif fixé. Cela ne fait pas pencher la prépondérance des inconvénients en faveur du demandeur.

[30] D’autre part, le CRCIC est un organisme de réglementation professionnel dont le mandat consiste à protéger l’intérêt public grâce à l’établissement et au maintien de normes de conduite professionnelles (Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada c Rahman, 2020 CF 832 au para 6). Il le fait de plusieurs façons, notamment en menant des enquêtes et en imposant, lorsque cela est justifié, des mesures disciplinaires aux membres qui ne répondent pas aux normes de conduite professionnelle applicables (Zaidi c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2018 CAF 116; Watto c Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada, 2019 CF 1024 au para 3).

[31] En l’espèce, il a été conclu que le demandeur s’était livré à une conduite indigne d’un membre lorsqu’il avait communiqué avec un témoin de l’audience disciplinaire de Mme Qita. Il a été conclu qu’il avait interféré avec le processus disciplinaire du CRCIC lorsqu’il avait communiqué avec ce témoin. En outre, il a été conclu qu’il s’était livré à un manquement professionnel du fait qu’il n’avait pas respecté les directives et les ordonnances du CRCIC relativement à la rupture de sa relation personnelle et professionnelle avec Mme Qita. Cela comprend différentes actions qui n’ont pas favorisé le transfert ordonné des dossiers entre eux, des communications trompeuses, menaçantes ou autrement inappropriées avec des clients, ainsi que de fausses déclarations à l’enquêteuse responsable d’examiner les plaintes disciplinaires portées contre lui.

[32] L’impression générale qui se dégage de la décision disciplinaire c’est que le demandeur et Mme Qita ont perdu de vue leurs obligations envers leurs clients au cours de la rupture de leur relation personnelle, à un point tel que le CRCIC a décidé de prendre des mesures disciplinaires contre eux, y compris en demandant la suspension provisoire de leurs permis. Le Comité de discipline a résumé la situation de la façon suivante (2021 CRCIC 13) :

25. Or, le jury a constaté que M. Ebid avait communiqué de manière non professionnelle avec SH en mars et en novembre 2019. Il y avait un comportement évident d’intimidation et de menace dans les deux communications. De même, à l’été 2019, les communications de M. Ebid avec les clients de FTC qui avaient choisi de conserver Mme Qita comme représentante autorisée manifestaient un comportement semblable de mépris à l’égard des intérêts de clients et une préférence pour ses intérêts personnels par rapport aux leurs.

26. Enfin, le jury a conclu que les questions examinées lors de l’audience faisaient signe vers un type de comportement et que le manquement de M. Ebid ne constituait pas un acte isolé ou unique, mais s’inscrivait plutôt dans un type de comportement qui consiste à poursuivre ses intérêts personnels au détriment de ses obligations professionnelles.

[33] Ces constatations appuient la conclusion selon laquelle les considérations d’intérêt public en l’espèce font pencher la prépondérance des inconvénients en faveur d’un refus du sursis de l’ordonnance du Comité de discipline. La décision d’imposer ces sanctions au demandeur a été prise à la suite d’une longue audience ayant mené à plusieurs constats de manquement professionnel de la part du demandeur et de l’examen d’observations distinctes sur la sanction qu’il convient d’imposer pour ces manquements. La responsabilité du CRCIC consistant à protéger l’intégrité du système d’immigration en appliquant des normes de conduite professionnelles, qui ont mené à l’imposition de sanctions en l’espèce, est un facteur à prendre en compte dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients.

[34] Je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise fortement le refus du sursis de l’ordonnance du Comité de discipline.

IV. Évaluation globale du caractère équitable de l’affaire

[35] Si je prends du recul par rapport aux éléments particuliers du critère, la question globale consiste à déterminer s’il est juste et équitable d’accorder le sursis eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire (Google au para 1).

[36] Je conclus que le sursis devrait être refusé eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire. La nature des constats de manquement professionnel de la part du demandeur est un facteur particulièrement important, car elle indique qu’il ne respecte pas les normes professionnelles de manière significative; on ne lui reproche pas d’avoir commis un manquement de nature technique à une quelconque règle obscure ou d’avoir omis de déposer des documents à temps. Il a plutôt été conclu que le demandeur avait interféré avec l’enquête du CRCIC portant sur les plaintes de manquement professionnel visant Mme Qita et lui‑même, et il a manqué à ses obligations professionnelles envers ses clients au cours de sa rupture avec Mme Qita.

[37] Il s’agit de constats extrêmement graves qui donnent à penser que l’octroi d’un sursis pourrait permettre au demandeur d’adopter un comportement semblable jusqu’à l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.

[38] Pour tous les motifs qui précèdent, je rejette la requête du demandeur visant à obtenir un sursis de l’ordonnance du Comité de discipline d’ici l’issue de sa demande de contrôle judiciaire.

[39] Le défendeur a réclamé ses dépens et je ne vois aucune raison de m’écarter de la règle habituelle. Le demandeur paiera les dépens du défendeur, qui sont fixés à 500 $ conformément aux articles 400 et 401 des Règles.




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