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Date : 20210716


Dossier : IMM‑5665‑19

Référence : 2021 CF 754

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

HUSSEIN HAMUD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Hussein Hamud, de nationalité syrienne, est arrivé au Canada en 2014 comme travailleur étranger temporaire, accompagné de son épouse et de ses enfants. Dans une décision datée du 25 juillet 2019, sa demande de résidence permanente a été refusée. L’agent des visas [l’agent] a conclu qu’il était frappé d’interdiction de territoire pour grande criminalité, en application de l’alinéa 36(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. L’agent a estimé, suivant la prépondérance des probabilités, que le demandeur avait agressé son épouse (aujourd’hui ex‑épouse) à l’aide d’une arme, lui infligeant des lésions corporelles, quand le couple se trouvait en Syrie en 2016.

[2] Le demandeur sollicite maintenant, en vertu de l’article 72 de la LIPR, le contrôle judiciaire de la décision de l’agent du 25 juillet 2019. Sa contestation de la décision repose sur deux moyens :

  1. Selon lui, le processus suivi n’était pas équitable parce que (1) l’agent ne lui a pas dit qu’une interdiction de territoire aux termes de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR était envisagée; (2) l’avis qui lui a été signifié faisait l’impasse sur des détails essentiels, et aucune réponse n’a été donnée à sa demande de renseignements complémentaires; et (3) l’agent s’est à tort fondé sur une preuve extrinsèque qui n’avait pas été communiquée;

  2. Il soutient que la décision est déraisonnable parce que l’agent (1) n’a pas correctement examiné la preuve qu’il avait produite et qui contredisait les conclusions de l’agent; (2) s’est fondé indûment sur un verdict de culpabilité rendu dans une procédure criminelle distincte quand il a évalué la crédibilité de son prétendu comportement criminel en Syrie; et (3) n’a pas pris en compte une preuve disculpatoire crédible qui avait été portée à sa connaissance.

[3] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II. Contexte

[4] Le demandeur et son épouse sont retournés en Syrie en janvier 2016 pour se départir de biens qu’ils possédaient dans le pays. Durant ce voyage, le couple a décidé de divorcer.

[5] L’épouse déclare que, le soir du 20 janvier 2016, le demandeur a commis un acte de grande criminalité en la ligotant et en la battant en même temps qu’il brandissait un fusil, une cannette d’acide et un couteau. Elle a signalé l’incident à la police syrienne, qui a enquêté et pris des photos des lésions infligées. Selon le rapport de la police syrienne, le demandeur n’a pas été appréhendé, car il avait quitté la Syrie.

[6] Le demandeur nie toute implication dans la prétendue agression, affirmant qu’il ne se trouvait même pas en Syrie le soir du 20 janvier 2016, étant parti plus tôt ce jour‑là pour le Liban. Il affirme que, après son départ le 20 janvier 2016, il n’a plus eu aucun contact avec son épouse durant le reste du voyage et qu’il ignore comment elle a pu subir les lésions rapportées.

III. La décision faisant l’objet du contrôle

[7] Le 29 novembre 2018, l’agent a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale [la lettre d’équité] évoquant une possible interdiction de territoire consécutive à l’incident survenu en Syrie. La lettre contient ce qui suit :

[traduction]

[…] vous êtes passible d’interdiction de territoire pour criminalité, en application de l’article 36 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Selon l’alinéa 36(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité le fait suivant : commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation.

Je dispose d’une preuve qui me conduit à croire que, en janvier 2016, vous avez été, en Syrie, l’auteur du fait suivant, qui était une infraction à l’endroit où elle a été commise et qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins 10 ans : agression armée et agression entraînant des lésions corporelles [non souligné dans l’original].

[8] La lettre d’équité parle de l’alinéa 36(2)c) de la LIPR, interdiction de territoire pour criminalité, mais ne parle pas de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR, interdiction de territoire pour grande criminalité. Cependant, l’infraction citée dans la lettre d’équité et sur la base de laquelle l’agent a conclu à l’interdiction de territoire du demandeur — agression armée et agression causant des lésions corporelles — relève de l’alinéa 36(1)c) de la LIPR.

[9] Le demandeur a répondu à la lettre d’équité en priant l’agent de lui communiquer une copie de la preuve sur laquelle il se fondait. Il n’a pas obtenu de réponse.

[10] En avril 2019, le demandeur a présenté des observations en réponse à la lettre d’équité. Il a produit une copie du rapport de la police syrienne détaillant les allégations de son épouse, ainsi qu’un rapport de la police syrienne de 2019 indiquant qu’il n’était l’objet d’aucune condamnation en Syrie. Il joignait aussi à ses observations un affidavit de 2016 qu’il avait souscrit dans une instance distincte en Saskatchewan, et dans lequel, entre autres choses, il nie être l’auteur de la prétendue agression commise en Syrie.

[11] En concluant à l’interdiction de territoire du demandeur, l’agent accorde un [traduction] « poids particulier » à la plainte de l’épouse devant la police syrienne, et aux photos des lésions subies par elle, et il relève que la crédibilité des allégations est renforcée par le fait que le demandeur avait déjà été déclaré coupable devant un tribunal de la Saskatchewan d’agression sur son épouse. L’agent examine les pièces présentées par le demandeur en réponse à la lettre d’équité, ainsi que son affirmation selon laquelle [traduction] « le 20 janvier 2016, j’étais à Beyrouth, au Liban. Mon passeport porte un tampon qui confirme ma présence physique ce jour‑là à Beyrouth ». L’agent relève qu’aucune copie du passeport sur laquelle se fonde le demandeur n’était annexée aux observations. Il conclut aussi que le rapport de la police syrienne de 2019 attestant une absence de condamnation en Syrie n’était pas persuasif étant donné que la police syrienne n’avait pas été en mesure d’appréhender le demandeur après l’agression alléguée de 2016.

IV. Norme de contrôle

[12] Lorsque se posent des questions d’équité procédurale, aucune norme de contrôle n’est appliquée, à proprement parler (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 para 54 [l’arrêt CP]). La Cour doit plutôt se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (arrêt CP, para 54). Bien que ce principe trouve davantage son expression lorsque la norme applicable est celle de la décision correcte, « la question fondamentale demeure celle de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et s’il a eu la possibilité complète et équitable d’y répondre » (arrêt CP, para 56).

[13] La norme de contrôle applicable à une décision d’interdiction de territoire est présumée être celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 para 23, 33 et 53 [Vavilov]; Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 141 para 5). Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et [être] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles » (Vavilov, para 85).

V. Analyse

[14] Je ne suis pas persuadé que le processus suivi était inéquitable ou que la décision de l’agent était déraisonnable.

A. Il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale

[15] L’obligation d’équité envers un demandeur de visa se situe en général à l’extrémité inférieure du registre de l’équité (Rani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1414 para 18). Le demandeur le reconnaît, mais, citant les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, il dit que, dans l’affaire qui le concerne, il avait droit à un niveau accru d’équité (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker]. Il cite les facteurs suivants, qui selon lui justifiaient dans son cas un niveau renforcé d’équité : (1) les lourdes conséquences d’une conclusion d’interdiction de territoire pour grande criminalité; (2) l’incidence d’une conclusion d’interdiction de territoire sur une personne, telle que lui‑même, qui est établie au Canada avec ses enfants; (3) son attente légitime d’être pleinement informé de la preuve à réfuter compte tenu des directives administratives du défendeur; (4) le choix de l’agent de recourir à une lettre d’équité.

[16] La teneur de l’obligation d’équité doit être définie à la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment le contexte légal, institutionnel et social dans lequel la décision est prise (Baker, para 21‑22).

[17] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha, 2006 CAF 126, une affaire qui concernait également une interdiction de territoire aux termes de l’article 36 de la LIPR, la Cour d’appel s’exprime ainsi :

[23] L’immigration est un privilège et non un droit. Les non‑citoyens ne disposent pas du droit absolu d’entrer au pays et d’y demeurer. Le législateur fédéral a le droit d’adopter des textes légaux prévoyant les conditions en vertu desquels les non‑citoyens pourront entrer et demeurer au Canada. La Loi et le Règlement traitent donc les citoyens différemment des résidents permanents, qui eux‑mêmes sont traités différemment des réfugiés au sens de la Convention, qui eux‑mêmes enfin sont traités différemment des autres étrangers; voir Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, au paragraphe 57; Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux pages 733 et 734; Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, au paragraphe 46. On peut dire à juste titre qu’en comparaison avec d’autres genres de non‑citoyens, la Loi n’accorde aux étrangers qui sont des résidents temporaires que peu de mesures de protection sur le plan de la forme ou du fond. [Non souligné dans l’original.]

[18] Une décision de refus d’un visa aura forcément des conséquences pour le demandeur de visa, mais ces conséquences surviennent dans un contexte où le demandeur n’a aucun droit à la résidence permanente et a la charge d’établir son admissibilité. Dans ce contexte, les tribunaux ont toujours estimé que l’obligation d’équité se situe à l’extrémité inférieure du registre (Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55 para 10; Dash c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1255 para 27; Kamchibekov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1411 para 23; Obeta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1542 para 15; Khowaja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 823 para 38; De Azeem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 1043 para 35).

[19] L’obligation d’équité envers le demandeur dans le cas présent se situait à l’extrémité inférieure du registre. Cependant, le demandeur avait le droit de connaître la preuve à réfuter et de se voir offrir la possibilité complète et équitable d’y répondre. Je suis persuadé qu’il a obtenu ce droit.

[20] S’agissant des questions précises d’équité que soulève le demandeur, il est clair que la lettre d’équité indiquait erronément l’alinéa 36(2)c) de la LIPR comme base d’une possible conclusion d’interdiction de territoire. Cette erreur n’a entraîné aucun manquement à l’équité envers le demandeur.

[21] Le demandeur cite la décision AB c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 134, où la Cour a jugé que la non‑indication d’une disposition précise de l’article 34 de la LIPR constituait un manquement à l’équité eu égard aux divers scénarios sérieux traités dans les différents paragraphes de l’article 34. Je ne conteste pas la décision AB, mais la question examinée dans cette décision ne se pose pas ici. Les alinéas 36(1)c) et 36(2)c) de la LIPR portent sur la criminalité à l’extérieur du Canada. Les deux alinéas ne visent pas divers scénarios; ils portent sur le même — une infraction commise à l’extérieur du Canada qui constituerait une infraction au Canada. En outre, la lettre d’équité indique les infractions spécifiques qui, selon l’agent, avaient été commises, et elle précise que lesdites infractions ont été commises en Syrie en janvier 2016. Cette information suffisait pour que soit offerte une possibilité complète et équitable d’y répondre.

[22] Le demandeur soutient aussi que, puisque l’agent avait en sa possession une information plus détaillée, il était tenu de la lui communiquer. Cela comprend, selon le demandeur, les détails sous‑jacents à l’analyse d’équivalence effectuée entre le droit syrien et le droit canadien. Je suis en désaccord. Il eût sans doute mieux valu que l’agent accède à sa requête et lui communique les renseignements additionnels, mais la lettre d’équité renfermait des détails suffisants qui donnaient au demandeur une possibilité complète et équitable d’y répondre, ce qu’il a fait.

[23] Finalement, le demandeur affirme que l’agent avait l’obligation de lui faire savoir en quoi l’existence d’un plaidoyer antérieur de culpabilité pour l’agression de son ex‑épouse au Canada pouvait servir dans l’évaluation de sa demande de résidence permanente. L’agent n’était soumis à aucune obligation du genre.

[24] Le demandeur a remis son casier judiciaire à l’agent. Il savait parfaitement que ce document était entre les mains de l’agent. Il n’était pas fondé à recevoir avis d’une preuve qu’il avait lui‑même fournie (Akanniolu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 311 para 46‑47). Pareillement, l’agent n’avait aucune obligation de conserver et de présenter une « fiche de pointage » recensant les faiblesses de la demande (Rahim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1252 para 14; César Nguesso c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 880 para 68; Tiben c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 965 para 30; Premaratne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 30 para 8).

B. La décision de l’agent est raisonnable

[25] Le demandeur affirme que l’agent n’a pas tenu compte de son affidavit qui contredisait l’allégation selon laquelle il avait commis une agression grave en Syrie. Plus précisément, il dit que, selon la preuve, il n’était pas en Syrie à la date de l’agression alléguée et que le fait pour l’agent d’avoir laissé de côté cette preuve contradictoire rend sa décision déraisonnable. Il ajoute que son affidavit bénéficiait de la présomption de véracité et que, en s’abstenant de s’exprimer clairement sur la crédibilité et le poids à lui accorder, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle.

[26] L’agent n’a ni négligé ni ignoré l’affidavit du demandeur. Il donne, dans ses notes consignées dans le SMGC, le détail de l’information qu’il a passée en revue au moment d’examiner la demande. Ces notes évoquent explicitement l’affidavit, tout comme l’argument du demandeur selon lequel il ne se trouvait pas en Syrie à la date indiquée de l’agression :

[traduction]

Dans une copie de l’affidavit du demandeur qui a été présentée à un tribunal à Saskatoon, le demandeur […] affirmait que la dernière fois qu’il a vu son ex‑épouse durant [leur voyage en Syrie] était le 19 janvier 2016 et qu’il a quitté la Syrie pour le Liban le 20 janvier 2016. Il affirmait que, le 19 janvier 2016, il avait parlé à son ex‑épouse à propos d’un divorce. Le représentant écrit dans le mémoire qu’une copie du timbre d’entrée libanais portant la date du 20 janvier 2016 dans le passeport du demandeur a été incluse dans le mémoire, mais, après examen de l’intégralité des documents fournis, je ne puis trouver trace de cette copie dans le mémoire.

[27] Il n’est pas contesté que la page du passeport invoquée par le demandeur ne figurait pas dans le dossier. La question soumise à l’agent n’était pas une question de crédibilité comme le prétend le demandeur. Elle portait plutôt sur le caractère suffisant de la preuve. Un décideur peut fort bien conclure que la preuve est lacunaire quand elle ne présente pas le niveau de détail nécessaire pour le convaincre de la réalité d’un fait (Azzam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CF 549 para 33). Devant l’absence de la page du passeport, il était raisonnable pour l’agent de conclure que l’affidavit du demandeur ne permettait pas d’expliquer l’incohérence concernant les dates en question.

[28] Citant la décision Downer c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 45 para 63‑64 [Downer], le demandeur soutient aussi que, l’agent s’étant rendu compte de l’absence de la page du passeport, il était déraisonnable de sa part de ne pas avoir communiqué avec lui pour en savoir davantage. La décision Downer ne vient pas à la rescousse du demandeur. Ce précédent traitait de questions se rapportant à la crédibilité d’une preuve documentaire et d’une lettre qui invitait le lecteur à communiquer avec l’auteur pour obtenir d’autres détails. La décision Downer ne dit pas qu’un agent des visas agit déraisonnablement s’il ne cherche pas à combler les lacunes et les failles d’une demande. Sur ce point, les arguments du défendeur me convainquent — l’agent des visas n’a aucune obligation de se lancer à la recherche d’une preuve manquante ni de s’enquérir de l’existence d’une preuve non fournie par un demandeur.

[29] Le demandeur fait aussi valoir que l’agent s’est à tort fondé sur la déclaration de culpabilité pour agression au Canada afin d’asseoir la crédibilité des allégations de son épouse, en particulier compte tenu du contexte, à savoir la réfutation par le demandeur des faits de violence qui lui sont imputés, et l’information dont disposait l’agent selon laquelle, au cours du litige relevant du droit de la famille, les enfants avaient reçu l’ordre de résider avec le demandeur.

[30] La manière dont l’agent a traité le plaidoyer de culpabilité du demandeur est intelligible et transparente :

[traduction]

[…] le fait qu’un tribunal au Canada a déclaré le demandeur coupable d’agression contre son épouse au Canada accroît la crédibilité de la preuve dont je dispose et qui semble montrer que, en janvier 2016, M. Hamud a commis les actes décrits dans le rapport de police établi par le service de police de Jarmana, en Syrie.

[31] Il était raisonnable pour l’agent de faire le lien entre l’agression alléguée en Syrie et l’agression avérée au Canada quand il s’est interrogé sur l’infraction reprochée en Syrie. Sa conclusion est également justifiée au vu du dossier dont il disposait. Le dossier ne renfermait aucun élément expliquant le verdict de culpabilité lui‑même. Le fait que la question de la garde soit passée sous silence ne rend pas la conclusion de l’agent déraisonnable. Le décideur n’est pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés (Vavilov, para 128).

[32] Selon le demandeur, des informations complémentaires auraient pu être fournies pour expliquer le verdict de culpabilité au Canada s’il avait eu connaissance de l’intention de l’agent de faire fond sur ce verdict. J’ai abordé plus haut les arguments liés à l’équité et suis arrivé à la conclusion que le demandeur a été suffisamment averti d’une possible interdiction de territoire à son encontre. Il a compris les doutes de l’agent et lui a donné une réponse détaillée qui concerne, parmi maintes autres questions, le plaidoyer de culpabilité au Canada. Une décision ne cessera pas d’être raisonnable parce que l’agent n’a pas tenu compte d’une preuve qui n’a pas été fournie par le demandeur ou dont le demandeur voudrait aujourd’hui qu’elle ait été fournie de manière plus détaillée ou qu’elle ait bénéficié d’une plus grande attention.

[33] Les arguments avancés par le demandeur rendent compte pour l’essentiel de son désaccord avec la manière dont la preuve a été appréciée et interprétée. Ce désaccord ne rend pas déraisonnable la décision de l’agent.

VI. Conclusion

[34] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas proposé que soit certifiée une question grave de portée générale, et aucune question de cette nature ne se pose.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5665‑19

LA COUR statue :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5665‑19

 

INTITULÉ :

HUSSEIN HAMUD c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 JUIN 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

Rylee Raeburn‑Gibson

 

POUR LE demandeur

 

Alison Engel‑Yan

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk et Kingwell

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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