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Date : 20000721


Dossier : T-926-00


     Action réelle contre les navires « MERAK » et « GORNOSTAEVKA »


ENTRE :

     CAMPBELL'S MEAT MARKET LIMITED,

     demanderesse,


     - et -

     LE NAVIRE « MERAK » ,

     premier défendeur,

     - et -

     LE NAVIRE « GORNOSTAEVKA » ,

     deuxième défendeur,

     - et -

     ZAO BAZA FLOTA,

     troisième défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE





[1]          La demanderesse souhaite que la Cour prononce un jugement déclaratoire selon lequel :

[TRADUCTION]
A [...] La cargaison de crevettes congelées dans des boîtes chargées sur le M.V. « Merak » (la cargaison) n'avait pas été vendue ni n'appartenait à F. Uhrenholt Seafood au moment de la saisie des navires « Gornostaevka » et « Merak » et de la cargaison de ce dernier;
B Compte tenu du paragraphe précédent, la cargaison a, comme il se doit, fait l'objet d'une saisie. Par conséquent, tout produit découlant de la vente de cette cargaison doit être porté en diminution des réclamations de n'importe quel demandeur de bonne foi conformément aux priorités établies en droit maritime.

[2]      Lors de l'audition de la demande à St. John's (Terre-Neuve) le 6 juillet 2000, la Cour a également entendu une seconde requête présentée en vue d'obtenir l'autorisation d'intervenir dans l'instance, d'une part, ainsi qu'un jugement déclaratoire analogue à celui sollicité par la demanderesse, de l'autre. La requête visant l'intervention a été accueillie compte tenu du consentement de la demanderesse et de l'absence d'objection de la part des autres parties représentées à l'audience. La seconde requête touchant l'intervention et le jugement déclaratoire de même nature que celui demandé par la demanderesse a été présentée par Alexandr Petrenko et 20 autres personnes membres de l'équipage du M.V. « Merak » et parties demanderesses à une seconde action (T-1010-00). Un mandat de saisie fondé sur une réclamation pour gages impayés des marins a été décerné dans le cadre de cette seconde action relativement au M.V. « Gornostaevka » , au M.V. « Merak » et à la cargaison de celui-ci. Après l'introduction de cette poursuite par les membres de l'équipage en juin, les navires ont été saisis et il est allégué qu'on a tenté, sans succès, de signifier la déclaration relative à cette seconde action à l'égard du produit de la vente de la cargaison de crevettes congelées du « Merak » .

[3]      Lors de l'audition de la requête présentée par la demanderesse, les sociétés Electro Mechanical Services Ltd., Icedan (Canada) Inc. et O.W. Uthasfolia EHF/O.W. Bunker & Trading, demanderesses dans le cadre d'autres actions intentées contre les navires « Merak » et « Gornostaevka » (les dossiers T-1018-00, T-1019-00, T-1073-00 et T-1074-00 respectivement), étaient également représentées. Ces sociétés allèguent avoir fourni aux navires des biens et (ou) des services pour lesquels elles n'ont pas été payées. Enfin, O.K. Enterprises Ltd. était représentée en qualité d'intimée dans le cadre de la présente demande. Au début du mois de juin 2000, la demande déposée par cette société en vue d'obtenir une ordonnance portant mainlevée de la saisie de la cargaison de crevettes en litige a été accueillie à certaines conditions.

[4]      Il convient d'expliquer brièvement le contexte de l'instance. L'action de la demanderesse Campbell (T-926-00) a été introduite par voie d'une déclaration et d'un mandat de saisie décerné le 25 mai 2000 à l'égard des deux navires se trouvant alors à Holyrood (Terre-Neuve). Le mandat et la déclaration ayant été signifiés aux navires le 25 mai, la saisie de ces derniers remonte à cette date. La cargaison de crevettes congelées du « Merak » était en voie d'être déchargée lorsque les navires ont été saisis à environ 18 h ce jour-là. Le reste de la cargaison a ensuite été déchargé et le lendemain 26 mai, peu avant midi, cette cargaison, alors en entreposage sous froid dans un entrepôt appartenant à Seaxx Ltd. et situé à Holyrood, a également fait l'objet d'une saisie.

[5]      O.K. Enterprises Ltd. a par la suite présenté une demande afin d'obtenir une ordonnance portant mainlevée de la saisie [TRADUCTION] « d'une partie » des biens saisis consistant en 97 929 kg (97 929 tm) de crevettes congelées dans des boîtes chargées sur le M.V. « Merak » en vue de les livrer à l'acquéreur de la cargaison. Selon l'affidavit à l'appui signé par Nicholas Ogransky, de New York (États-Unis d'Amérique), administrateur de la société O.K. Enterprises Ltd., personne morale ayant son adresse à Nassau (Bahamas), cette dernière était l'affréteur du « Merak » et du « Gornostaevka » aux termes d'un affrètement coque nue consenti par « Zao Baza Flota (les propriétaires) » des deux navires. À l'appui de sa réclamation, O.K. Enterprises Ltd. fait valoir qu'elle était propriétaire de la cargaison produite par le navire de pêche « Merak » qu'elle a vendue à une société danoise le 24 mai 2000, avant la saisie du navire. O.K. Enterprises souhaitait donc obtenir une ordonnance portant mainlevée de la saisie de la cargaison de sorte qu'elle puisse livrer celle-ci à l'acquéreur danois.

[6]      À titre d'affaire urgente, la demande de mainlevée de la saisie visant la cargaison a été entendue le 2 juin 2000 au moyen d'une conférence téléphonique tenue par le juge Dubé qui présidait à Ottawa. Dans sa réponse écrite à la requête d'O.K. Enterprises Ltd., la demanderesse Campbell affirme que la détermination du moment de la vente de la cargaison de crevettes congelées soulève une question litigieuse qui, à son avis, nécessite une audience complète. Elle a toutefois consenti à ce que la cargaison soit remise aux acheteurs, à la condition que le produit de la vente de cette cargaison soit consigné au greffe de la Cour ou conformément aux directives de celle-ci, dans l'attente de la résolution du différend lié au moment de la vente.

[7]      Par conséquent, le juge Dubé a ordonné ce qui suit le 2 juin 2000 :

[TRADUCTION]
La requête pour mainlevée est accueillie, mais le produit de la vente sera consigné au greffe de la Cour fédérale en vue de sa remise à O.K. Enterprises Ltd. dans un délai de dix (10) jours, à moins que la demanderesse n'ait informé la Cour dans ce délai qu'elle a l'intention de contester la validité et le moment de la vente. Il est donc donné instruction au greffe d'immédiatement faire parvenir une copie des présents motifs et de la présente ordonnance à toutes les parties intéressées, y compris l'acquéreur F. Uhrenholt Seafood A/S de Middlefart (Danemark).

     Dans les motifs de l'ordonnance qu'il a prononcé le 2 juin en même temps que l'ordonnance, le juge Dubé fait notamment les remarques suivantes :


(3)      La requérante O.K. Enterprises Ltd. fait valoir que, peu de temps avant la saisie des navires, la cargaison de crevettes congelées a été déchargée et vendue à F. Uhrenholt Seafood A/S, de Middlefart, au Danemark. De toute évidence, si la vente a été conclue avant la saisie du navire, la cargaison devrait être libérée et j'ai l'intention d'ordonner une telle libération.
(4)      Toutefois, si la demanderesse, qui a maintenant entendu l'avocat de la requérante dans le cadre de la présente audience, soutient toujours que la vente est invalide, elle a le droit de poursuivre l'affaire devant le tribunal plutôt que par la voie de la présente et urgente conférence téléphonique. En conséquence, j'ordonnerai que la cargaison de crevettes soit immédiatement libérée et remise aux acheteurs au Danemark, mais que la totalité du produit de la vente soit consignée au greffe de la Cour dans l'attente de la résolution du différend relatif au moment et à la validité de la vente. Si la demanderesse souhaite poursuivre la présente affaire, elle devra en informer la Cour au plus tard dans dix (10) jours et demander des directives à cet égard. Dans l'éventualité où la demanderesse ne respecterait pas ces prescriptions dans le délai fixé, le produit de la vente sera remis à la requérante O. K. Enterprises Ltd.
(5)      Par conséquent, la requête en libération est accueillie aux conditions susmentionnées.

[8]      Lors de la conférence téléphonique du 2 juin 2000, et subséquemment par voie d'une ordonnance écrite, le juge Dubé a, avec le consentement de la demanderesse, accueilli une seconde requête présentée par O.K. Enterprises Ltd., l' « affréteur » , en vue d'obtenir l'autorisation de déplacer le « Gornostaevka » de Holyrood à Bay Roberts (Terre-Neuve) de sorte qu'on puisse effectuer les réparations mécaniques que nécessitait le navire.

[9]      La saisie de la cargaison de crevettes congelées a été levée conformément aux modalités de l'ordonnance du 2 juin, mais on a par la suite omis de consigner le produit de la vente au greffe de la Cour. Après enquête du tribunal, le juge Dubé a, le 8 juin, formulé les directives suivantes à l'intention de toutes les parties intéressées par la présente action :

[TRADUCTION]
Mon ordonnance du 2 juin mentionne très clairement que la saisie de la cargaison de crevettes vendue avant la saisie du navire doit faire l'objet d'une mainlevée et que le produit de la vente doit être consigné au greffe de la Cour fédérale.
Cette ordonnance a été envoyée à toutes les parties, y compris l'acheteur de la cargaison en cause. Dans l'éventualité où la demanderesse a l'intention de contester la validité ou le moment de la vente, elle doit le faire dans les dix (10) jours de l'ordonnance, à défaut de quoi le produit de la vente sera remis à O.K. Enterprises Ltd.
Évidemment, les deux navires sont toujours visés par la saisie et ne pourront être libérés tant que l'ensemble des réclamations ne seront pas réglées.
Il est inutile de procéder par voie de téléconférence urgente pour préciser mon ordonnance.

[10]      Le 9 juin, la demanderesse a informé la Cour par écrit de son intention de contester le moment et la validité de la vente de la cargaison du « Merak » . Le 9 juin, le juge Blais a ordonné que la présente affaire soit présentée devant la Cour au moyen d'une requête. Lorsque les demanderesses ont déposé leur requête, l'audition de cette dernière a été fixée au 6 juillet 2000 et, comme il a déjà été précisé dans les présents motifs, une date a également été fixée pour l'audition de la requête déposée au nom des membres de l'équipage, parties demanderesses dans l'action T-1010-00, en vue d'intervenir dans la présente instance et d'obtenir un jugement déclaratoire analogue à celui sollicité par la demanderesse.

[11]      Le 6 juillet 2000, une autre requête -- déposée le 4 juillet 2000, mais non signifiée à cette date -- a été soumise à la Cour par la société Natco Seafood Trade Company Limited qui souhaitait obtenir l'autorisation d'intervenir dans la présente action eu égard à la saisie du M.V. « Gornostaevka » . On a en outre avisé la Cour que des requêtes analogues seraient déposées dans le cadre des autres actions visant ce navire. La requérante soutient être l'affréteur en coque nue du « Gornostaevka » en vertu d'une entente contractée avec l'affréteur Zao Baza Flota, qui est une personne morale. Zao Baza Flota a affrété le navire de son propriétaire qui, selon les allégations faites, serait PPP Yugrybpoisk, établi à Kerch en Crimée (Ukraine).

[12]      Je signale que cette requête est étayée par l'affidavit de Nicholas Ogransky, daté du 27 juin 2000, qui affirme être un administrateur de Natco. Il semble s'agir du même Nicholas Ogransky dont le premier affidavit, signé le 29 mai 2000, a été déposé à l'appui de la requête pour mainlevée de la saisie de la cargaison et qui a produit un affidavit supplémentaire, signé le 15 juin 2000, au soutien de la réponse d'O.K. Enterprises à la requête de la demanderesse voulant que la saisie de la cargaison soit nulle. Cet affidavit supplémentaire réitère toutes les allégations formulées dans l'affidavit antérieur. Dans ce dernier affidavit, l'auteur jure qu'il était un administrateur d'O.K. Enterprises Ltd., société ayant une adresse qui paraît identique à celle de Natco, et qu'aux termes des affrètements intervenus avec « Zao Baza Flota (les propriétaires) » des navires, O.K. Enterprises Ltd. était l'affréteur en coque nue des deux navires de pêche en cause, soit le « Merak » et le « Gornostaevka » .

[13]      Comme Natco n'a présenté sa requête qu'après un court préavis, ni la demanderesse, ni l'équipage du « Merak » à titre d'intervenant, ni l'avocat des autres parties demanderesses ayant déposé une requête contre les navires n'étaient prêts à y donner suite. Toute discussion relative à la requête de Natco a donc été ajournée afin d'être entendue en présence des parties ou par téléconférence, à une date devant être fixée par l'entremise du juge en chef adjoint.

[14]      Je passe maintenant aux questions touchant la présumée vente de la cargaison de crevettes congelées se trouvant à bord du « Merak » qui a été déchargée à Holyrood et placée en entreposage sous froid le 25 mai 2000, et dont la saisie a été levée en faveur de l'acheteur par l'ordonnance du juge Dubé datée du 2 juin.

[15]      Lorsque le juge Dubé a entendu la demande de mainlevée de la saisie visant la cargaison, il ressortait du témoignage sous forme d'affidavit signé par Nicholas Ogransky et présenté à l'appui de cette requête qu'après l'arrivée des deux navires à Holyrood vers le 14 mai 2000, M. Ogransky avait, pour le compte d'O.K. Enterprises Ltd., l'affréteur, et des propriétaires des cargaisons des navires, pris des dispositions en vue de la vente, à F. Uhrenholt Seafood A/S du Danemark, de la cargaison de crevettes congelées chargée sur le « Gornostaevka » . Par la suite, à la demande du même acquéreur, il a pris les mesures nécessaires pour qu'une inspection d'échantillons de la cargaison se trouvant à bord du « Merak » ait lieu. Un inspecteur indépendant a procédé à l'inspection le 24 mai. Plus tard le même jour, on a informé M. Ogransky du fait que les crevettes congelées étaient acceptables, et une offre d'achat a été présentée par le même acquéreur, F. Uhrenholt Seafood A/S. M. Ogransky a ensuite autorisé la vente de l'entière cargaison du « Merak » et établi un prix unitaire ainsi qu'un prix total, les modalités ayant été conclues en son nom avec l'acquéreur par Harbour International Ltd., de Bay Roberts (Terre-Neuve). M. Ogransky soutient que, le 24 mai, suivant ses directives et avec son autorisation, la cargaison a été déchargée du « Merak » et placée en entreposage sous froid à Holyrood. Il semble que cette date soit erronée.

[16]      Le 2 juin, lors de l'audience tenue devant le juge Dubé, la thèse avancée par la demanderesse et étayée par l'affidavit d'un représentant de la société consistait à affirmer que le « Merak » n'avait été déchargé que le 25 mai, date à laquelle le navire a été saisi, en fin d'après-midi, et où les activités de déchargement ont été suspendues, puis terminées plus tard en soirée. La demanderesse a contesté le moment et la validité de la présumée vente, tant en raison de cette erreur factuelle que de la forme de certains des documents présentés à la Cour au moyen de l'affidavit signé par M. Ogransky pour le compte d'O.K. Enterprises.

[17]      À l'audience le 6 juillet, la requête de la demanderesse était étayée par l'affidavit de Paul Campbell, administrateur de cette dernière. Dans son témoignage, M. Campbell déclare que sa société a traité avec Nicholas Ogransky et l'associé de celui-ci, Leonid Kaminsky, -- qui avaient mentionné être les propriétaires des deux navires -- et qu'il croyait que ces deux personnes étaient également propriétaires des cargaisons. Ce n'est qu'après avoir appris l'existence de la requête visant à obtenir mainlevée de la saisie de la cargaison qu'il a entendu parler d'O.K. Enterprises Ltd. et du fait que les navires faisaient l'objet d'une quelconque entente d'affrètement. En outre, au moment de la saisie des navires le 25 mai 2000, il aurait eu une conversation avec M. Ogransky au cours de laquelle ce dernier lui aurait dit qu'il tentait d'obtenir des fonds pour payer le compte de la demanderesse et de trouver un acheteur pour la cargaison de crevettes du M.V. « Merak » . Dans son affidavit produit en réponse, M. Ogransky nie avoir dit à M. Campbell, le 25 mai, qu'il essayait de trouver un acheteur pour la cargaison et avoir discuté avec lui de la vente des crevettes.

[18]      Se fondant sur l'affidavit de M. Campbell, la demanderesse fait valoir que la Cour doit arriver à la conclusion qu'aucune vente n'a eu lieu avant le 26 mai et que la cargaison était donc visée par le mandat de saisie de la demanderesse. Elle appuie en outre sans réserve les arguments énoncés plus loin qui sont formulés pour le compte de l'équipage. Elle soutient également que les éléments de preuve censés provenir de l'acquéreur F. Uhrenholt Seafood A/S -- savoir une copie de l'offre d'achat de cette dernière visant les crevettes ainsi que d'une lettre du 13 juin 2000 adressée à [TRADUCTION] « Madame, Monsieur » (To whom it may concern), deux pièces qui étaient jointes à l'affidavit supplémentaire de Nicholas Ogransky daté du 15 juin 2000 -- constituent simplement du ouï-dire et ne sont pas étayés par l'affidavit du représentant de l'acquéreur. Bien que ce soit exact, ces documents ont été déposés devant la Cour à titre de pièces jointes à l'affidavit supplémentaire de M. Ogransky, et aucun élément de preuve n'incite à croire qu'il ne s'agit pas de documents authentiques, peu importe le poids devant leur être accordé.

[19]      Il est allégué, pour le compte de l'équipage du « Merak » , que la vente de la cargaison de crevettes congelées n'a eu lieu qu'après qu'un mandat de saisie eut été signifié à la cargaison en cause le 26 mai. Cet argument est étayé par l'affidavit de Gueorgi Skhirtladge, agent maritime d'Altamar Atlantic Ltd. de St. John's, qui avait entrepris des négociations au sujet de la cargaison. Dans son affidavit, M. Skhirtladge soutient que, dans une lettre qu'il a adressée à M. Erroll Peddle de Harbour International Ltd., reconnue par la signature de Nicholas Ogransky, et dans la réponse envoyée au nom de M. Peddle, les deux lettres étant datées du 25 mai 2000, on mentionne que le déchargement et l'entreposage de la cargaison doivent être payés après la vente de celle-ci, mais avant son expédition de l'entrepôt frigorifique. On demande donc à la Cour d'inférer qu'en date du 25 mai, aucun contrat de vente n'était intervenu relativement aux biens en question.

[20]      Le principal argument avancé au nom de l'équipage, et appuyé par la demanderesse, consiste à invoquer que la déclaration de déchargement établie par Harbour International est datée du 26 mai 2000. Cette déclaration fait état du déchargement de la cargaison du « Merak » , composée de crevettes de qualité industrielle congelées dans des boîtes, suivant la taille des crevettes, le nombre de boîtes et le poids. Or, les membres de l'équipage prétendent qu'un achat ne peut être définitif tant que ces renseignements ne sont pas connus. Ils demandent donc à la Cour d'inférer, parce qu'il s'agit d'une règle fondée sur les bonnes habitudes d'affaires, que les parties à la vente, et plus particulièrement l'acquéreur, auraient, avant de conclure un contrat définitif, exigé des garanties quant à la taille des crevettes et au poids total de manière à pouvoir connaître le prix total calculé selon le prix unitaire fixé dans l'offre présentée par l'acheteur. Ils font valoir que le contrat, qui est assujetti à la Sale of Goods Act de Terre-Neuve, vise des biens précis et que, suivant l'article 19 de ce texte législatif (R.S.N. 1990, ch. S-6), c'est en fonction de l'intention des parties au contrat qu'on établit le moment où la vente devient définitive, c.-à-d. le moment où la propriété des biens est transférée à l'acquéreur.

[21]      À mon avis, la vente est effectivement régie par les dispositions législatives de Terre-Neuve. Toutefois, il ressort de la preuve que c'est en date du 24 mai 2000 que ce contrat est devenu définitif et que le droit de propriété visant la cargaison a été transféré à l'acquéreur, soit avant la saisie du « Merak » et avant la signification du mandat de saisie aux navires ou à la cargaison. Cette preuve repose sur les affidavits de Nicholas Ogransky et d'Erroll Peddle. Dans son affidavit daté du 29 mai, M. Ogransky mentionne certaines dispositions prises en vue de vendre la cargaison de crevettes congelées chargée sur le « Merak » , notamment les mesures visant l'inspection de la cargaison le 24 mai, et que, le même jour, il s'est engagé à vendre l'entière cargaison et a fait en sorte que Harbour International s'entende avec l'acquéreur. Au moyen de son affidavit supplémentaire daté du 15 juin, M. Ogransky dépose en preuve un bon de commande non daté établi par F. Uhrenholt Seafood A/S du Danemark et adressé à O.K. Enterprises Ltd. Ce bon de commande commence par les termes [TRADUCTION] « [n]ous confirmons vous avoir acheté, le 24 mai 2000 » , puis il énonce le nombre de boîtes pour chacune des deux tailles de [TRADUCTION] « crevettes de qualité industrielle de l'Atlantique Nord » . Le nombre de boîtes correspond dans les deux cas à ceux mentionnés dans la déclaration de déchargement délivrée le 26 mai, tandis que les valeurs indiquées pour la quantité et le poids de chacune des tailles de crevettes de même que pour le poids total de la marchandise sont différentes.

[22]      M. Ogransky a lui aussi déposé en preuve, au moyen de son affidavit supplémentaire, une lettre de l'acheteur datée du 13 juin 2000 confirmant ce qui suit :

[TRADUCTION]
Nous, F. Uhrenholt Seafood A/S, confirmons par la présente que, le 24 mai 2000, nous nous sommes engagés à acheter l'entière cargaison de crevettes congelées du M.V. « Merak » au prix de 950/tm USA. Selon nous, les crevettes appartenaient à F. Uhrenholt Seafood A/S à compter de ce moment. [...]

[23]      Comme je l'ai signalé plus haut, rien dans la preuve ne permet de croire que les documents signés au nom de l'acheteur, c.-à-d. l'offre initiale, le bon de commande et la lettre du 13 juin, ne sont pas authentiques. Ils ont été présentés à l'appui de la déclaration de M. Ogransky voulant que le contrat de vente soit devenu définitif le 24 mai. C'est le seul élément de preuve portant sur la question et il provient des deux parties à la transaction.

[24]      À mon sens, le contrat de vente des crevettes congelées se trouvant à bord du « Merak » , contrat qui a été conclu à la suite de l'inspection, est devenu définitif le 24 mai. Il s'agissait d'un contrat relatif à la vente de l'entière cargaison du « Merak » consistant en deux tailles données de crevettes de qualité industrielle emballées dans des boîtes à un prix unitaire, selon le poids, pour les deux grosseurs de crevettes. Que le nombre de boîtes pour chacune des tailles de crevettes ou le poids total réel de la cargaison aient ou non figuré dans les registres de stocks du navire en date du 24 mai n'a pas été mis en preuve, mais j'estime que le caractère définitif du contrat ne dépendait pas du fait qu'il y ait eu confirmation de ces nombres au moment du déchargement de la cargaison.

[25]      Cette conclusion se fonde sur l'affidavit supplémentaire d'Erroll Peddle, directeur de l'exploitation de Harbour International Limited, de Bay Roberts. M. Peddle, agissant au nom de sa société et à la demande de Nicholas Ogransky d'O.K. Enterprises Ltd. qui l'avait chargé de vendre la cargaison, a pris des dispositions en vue de l'examen de la cargaison par un inspecteur indépendant les 23 et 24 mai. La société F. Uhrenholt Seafood Ltd. l'a ensuite avisé que l'inspection avait été concluante. Il a subséquemment pris des mesures pour le compte de l'acquéreur en vue de l'entreposage temporaire des crevettes congelées à Holyrood, puis de leur acheminement ultérieur vers une usine de transformation située en Nouvelle-Écosse. Outre le fait que les services rendus par sa société relèvent d'une pratique courante de ce secteur d'activité, M. Peddle précise dans ses affidavits que les modalités suivies en ce qui touche la vente des crevettes chargées sur le « Merak » à F. Uhrenholt Seafood A/S Ltd. ont entraîné la conclusion de l'achat par O.K. Enterprises et que l'acquéreur danois est devenu le propriétaire de la cargaison à compter de ce moment.

[26]      J'arrive à la conclusion que l'intention, conforme aux pratiques du secteur, des parties à la vente consistait à donner au contrat un caractère définitif et à transférer à l'acquéreur la propriété de la cargaison de crevettes en date du 24 mai 2000. Après cette date, la cargaison n'appartenait plus au propriétaire du navire ni à l'affréteur, quel qu'il soit, ni à O.K. Enterprises Ltd., peu importe la nature de ses liens avec le navire.

[27]      Pour ces motifs, je rejette la demande de la demanderesse visant à obtenir un jugement déclaratoire particulier de même que la demande analogue présentée par les membres de l'équipage du « Merak » à titre d'intervenants.

[28]      Je signale qu'au cours de l'audience portant sur ces questions, aucun argument n'a été présenté quant à la priorité dont bénéficient en l'espèce les réclamations de l'équipage à l'égard de la cargaison, celle-ci étant le produit du travail de l'équipage peu importe à qui appartiennent les crevettes. De même, aucun argument n'a été formulé quant au défaut d'O.K. Enterprises Ltd. de consigner le produit de la vente de la cargaison au greffe de la Cour comme le lui avait ordonné le juge Dubé. Bien que l'intimée, O.K. Enterprises Ltd., ait demandé à la Cour dans sa réponse écrite de déclarer nulle la saisie de la cargaison, cette question n'a pas été abordée directement à l'audience et je refuse donc de faire une telle déclaration sans avoir entendu de plaidoirie sur ce point. Ces questions demeurent litigieuses et pourront être soulevées à une autre occasion.

[29]      Comme ni l'une ni l'autre des parties présentes n'a demandé de dépens, aucun n'est adjugé et chaque partie devra assumer ses propres frais. La Cour rend des ordonnances distinctes rejetant la demande de la demanderesse; accueillant la demande d'intervention présentée par les membres de l'équipage, mais rejetant leur demande visant à obtenir un jugement déclaratoire analogue à celui demandé par la demanderesse; et ajournant l'audition de la demande déposée. par Natco en vue d'obtenir, d'une part, l'autorisation d'intervenir dans l'instance et, de l'autre, une ordonnance annulant la saisie du M.V. « Gornostaevka » .


                         « W. Andrew MacKay »

                                 Juge



Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.





Date : 20000721


Dossier : T-926-00

Halifax (Nouvelle-Écosse), le vendredi 21 juillet 2000.


EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay


     Action réelle contre les navires « MERAK » et « GORNOSTAEVKA »


ENTRE :

     CAMPBELL'S MEAT MARKET LIMITED,

     demanderesse,


     - et -

     LE NAVIRE « MERAK » ,

     premier défendeur,

     - et -

     LE NAVIRE « GORNOSTAEVKA » ,

     deuxième défendeur,

     - et -

     ZAO BAZA FLOTA,

     troisième défendeur,

     Vu les requêtes soumises à la Cour afin qu'elle rende, d'une part, une ordonnance autorisant l'intervention dans la présente instance et, de l'autre, un jugement déclaratoire selon lequel :

A)      Conformément à la règle 109, Alexandr Petrenko, Mykola Ukrainsky, Anatoliy Panibratov, Hearhiy Zharinov, Ihor Chukhno, Serhiy Davydov, Oleh Kyrychenko, Volodimyr Bovin, Alexsandr Chumasov, Alexandr Likhikevich, Mykola Tertue, Yuriy Babiychuk, Alexandr Kornev, Vladimir Soldat, Valeriy Andreev, Yuriy Mamaev, Yuriy Tartaulov, Hearhiy Zhajnov, Albert Vdovenko, Mykola Troyan et Olakandr Yeromyeyev (l'équipage) soient autorisés à intervenir dans le cadre de la présente requête;
B)      La cargaison de crevettes congelées dans des boîtes chargées sur le M.V. « Merak » (la cargaison) n'avait pas été vendue ni n'appartenait à F. Uhrenholt Seafood A/S au moment de la saisie des navires « Gornostaevka » et « Merak » et de la cargaison de ce dernier;
C)      Compte tenu du paragraphe précédent, la cargaison a, comme il se doit, fait l'objet d'une saisie. Par conséquent, tout produit découlant de la vente de cette cargaison doit être porté en diminution des réclamations de n'importe quel demandeur de bonne foi conformément aux priorités établies en droit maritime.

     Après avoir entendu l'avocat de la demanderesse, l'avocat de l'équipage du M.V. « Merak » , l'avocat d'Electro Mechanical Services Ltd., d'Icedan (Canada) Inc. et d'O. W. Uthafsolia EHF/O.W. Bunker & Trading, ainsi que l'avocat d'O.K. Enterprises Ltd. à titre d'intimée, à St. John's le 6 juillet 2000, date à laquelle la Cour a décidé de surseoir au prononcé de sa décision, et après avoir examiné les arguments présentés à cette occasion;

     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. .          Vu le consentement des parties, la demande visant à obtenir l'autorisation d'intervenir dans la présente instance est accueillie.
  2. 2.          La demande de la demanderesse est rejetée.
  3. 3.          Chaque partie assume ses propres dépens.

                                     « W. Andrew MacKay »

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.





Date : 20000721


Dossier : T-926-00

Halifax (Nouvelle-Écosse), le vendredi 21 juillet 2000.

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay

     Action réelle contre les navires « MERAK » et « GORNOSTAEVKA »


ENTRE :

     CAMPBELL'S MEAT MARKET LIMITED,

     demanderesse,


     - et -

     LE NAVIRE « MERAK » ,

     premier défendeur,

     - et -

     LE NAVIRE « GORNOSTAEVKA » ,

     deuxième défendeur,

     - et -

     ZAO BAZA FLOTA,

     troisième défendeur.

     Vu la requête présentée par la demanderesse en vue d'obtenir une ordonnance déclarant ce qui suit :

A)      La cargaison de crevettes congelées dans des boîtes chargées sur le M.V. « Merak » (la cargaison) n'avait pas été vendue ni n'appartenait à F. Uhrenholt Seafood A/S au moment de la saisie des navires « Gornostaevka » et « Merak » et de la cargaison de ce dernier;
B)      Compte tenu du paragraphe précédent, la cargaison a, comme il se doit, fait l'objet d'une saisie. Par conséquent, tout produit découlant de la vente de cette cargaison doit être porté en diminution des réclamations de n'importe quel demandeur de bonne foi conformément aux priorités établies en droit maritime.

     Après avoir entendu l'avocat de la demanderesse, l'avocat de l'équipage du M.V. « Merak » , l'avocat d'Electro Mechanical Services Ltd., d'Icedan (Canada) Inc. et d'O. W. Uthafsolia EHF/O.W. Bunker & Trading, ainsi que l'avocat d'O.K. Enterprises Ltd. à titre d'intimée, à St. John's le 6 juillet 2000, date à laquelle la Cour a décidé de surseoir au prononcé de sa décision, et après avoir examiné les arguments présentés à cette occasion :

     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. .          La demande de la demanderesse est rejetée.
  2. 2.          Chaque partie assume ses propres dépens.


                             « W. Andrew MacKay »                                          Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.





Date : 20000721


Dossier : T-926-00

Halifax (Nouvelle-Écosse), le vendredi 21 juillet 2000.

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge MacKay

     Action réelle contre les navires « MERAK » et « GORNOSTAEVKA »


ENTRE :

     CAMPBELL'S MEAT MARKET LIMITED,

     demanderesse,


     - et -

     LE NAVIRE « MERAK » ,

     premier défendeur,

     - et -

     LE NAVIRE « GORNOSTAEVKA » ,

     deuxième défendeur,

     - et -

     ZAO BAZA FLOTA,

     troisième défendeur.

     Vu la requête datée du 4 juillet 2000 présentée pour le compte de la société Natco Seafood Trade Company Ltd. en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à intervenir en qualité de partie dans la présente instance relativement à la saisie du M.V. « Gornostaevka » , et une ordonnance annulant la saisie de ce navire au motif que la demanderesse ne jouissait d'aucun droit réel la fondant à procéder à cette saisie;

     Comme la présente affaire a été présentée pour audition à St. John's (Terre-Neuve) le 6 juillet 2000, après un court préavis -- ou en l'absence d'avis -- aux demanderesses dans la présente action et dans d'autres actions ayant donné lieu à la saisie du M.V. « Gornostaevka » , et comme ces demanderesses représentées en l'instance n'ont pas consenti à ce que l'affaire soit examinée à cette occasion;

     Comme l'audition de la requête présentée pour le compte de Natco Seafood Trade Company Limited a été ajournée par voie d'une ordonnance prononcée de vive voix;

     ORDONNANCE

LA COUR CONFIRME ET ORDONNE CE QUI SUIT :

L'audition de la demande est ajournée et cette dernière sera entendue en présence des parties ou par téléconférence à l'heure et à la date qui seront fixées par l'entremise du juge en chef adjoint.



                             « W. Andrew MacKay »                                          Juge



Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                  T-926-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      CAMPBELL'S MEAT MARKET LTD.
                     c. LE NAVIRE « MERAK » ET AL.
LIEU DE L'AUDIENCE :          ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)
DATE DE L'AUDIENCE :          LE 6 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MacKAY LE 21 JUILLET 2000.


ONT COMPARU :

KIMBERLEY McLENNAN          REPRÉSENTANT LA DEMANDERESSE
DOUGLAS MOORES, C.R.          REPRÉSENTANT O.K. ENTERPRISES LTD.
RANDELL EARLE, C.R.          REPRÉSENTANT LES INTERVENANTS, L'ÉQUIPAGE DU NAVIRE, DANS LE DOSSIER T-1010-00
CECILY STICKLAND          REPRÉSENTANT LES PARTIES INTÉRESSÉES VISÉES PAR LES DOSSIERS T-1018-00, T-1019-00, T-1073-00 ET T-1074-00

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CHALKER & COMPANY          POUR LA DEMANDERESSE

KELLIGREWS (TERRE-NEUVE)

MOORES, ANDREWS          POUR O.K. ENTERPRISES LTD.

BAY ROBERTS (TERRE-NEUVE)

O'DEA, EARLE              POUR LES INTERVENANTS, L'ÉQUIPAGE DU
ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)      NAVIRE, DANS LE DOSSIER T-1010-00
STEWART, McKELVEY          POUR LES PARTIES INTÉRESSÉES VISÉES PAR LES
STIRLING, SCALES          DOSSIERS T-1018-00, T-1019-00, T-1073-00 ET
ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)      T-1074-00
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