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Date : 20000517


Dossier : IMM-2868-99


Ottawa (Ontario), le 17 mai 2000

En présence de : monsieur le juge Pinard


Entre :


ALI AHMED, DELARA AHMED et

ALI RAHSAN RAJU

demandeurs


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION

défendeur



ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 5 mai 1999 dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention suivant la définition prévue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l"immigration est rejetée.

                                     YVON PINARD
                                 _____________________________
                                         JUGE

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.




Date : 20000517


Dossier : IMM-2868-99


Entre :


ALI AHMED, DELARA AHMED et

ALI RAHSAN RAJU

demandeurs


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION

défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE PINARD


[1]      Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d"une décision datée du 5 mai 1999 dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu"ils n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention suivant la définition prévue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

[2]      Ali Ahmed, le demandeur principal, son épouse Delara Ahmed et leur garçon mineur Ali Rahsan Raju sont des citoyens du Bangladesh. Ils prétendent avoir une crainte fondée de persécution du fait des opinions politiques du demandeur principal et de son appartenance à un groupe social.

[3]      La Commission a conclu que l"allégation des demandeurs n"était liée à aucun des motifs de persécution figurant dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Les paragraphes pertinents de sa décision sont rédigés comme suit :

     [TRADUCTION]     
         Nous ne voulons pas paraître insensibles et nous sommes conscients de la constance de la violence au Bangladesh. Toutefois, à notre avis, ce n"est pas parce que le demandeur principal en tant que substitut du procureur général fait l"objet d"actes de vengeance qu"il constitue un " réfugié au sens de la Convention ". Il a accompli le travail pour lequel il a été désigné et a fait condamner des criminels, qui ont, par la suite, exercé sur lui leur vengeance, comme cela peut se produire et se produit partout. Bien qu"il ait écrit dans son FRP que la plupart des personnes qu"il poursuivait avaient un mobile politique, il a changé sa déclaration et a affirmé dans son témoignage oral que certaines d"entre elles avaient un tel mobile. Il a poursuivi des criminels de droit commun et, après avoir perdu son poste, il est devenu la cible de ces derniers. Nous ne pouvons conclure que le demandeur principal était menacé du fait de ses opinions politiques.
         Nous ne pouvons pas conclure non plus que le demandeur principal serait persécuté du fait de son appartenance à un groupe social au sens de la définition énoncée dans l"arrêt Ward . [Note en bas de page omise.]

[4]      Dans la mesure où les arguments des demandeurs s"appuient sur l"appréciation des faits de la Commission, je ne suis pas convaincu, après avoir examiné la preuve, que la Commission a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait à l"audience (voir l"alinéa 18.1(4)d ) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et l"arrêt Aguebor c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1993), 160 N.R. 315).

[5]      Pour ce qui est de la loi, je ne suis pas d"accord avec l"argument des demandeurs selon lequel le refus des autorités de les aider du fait de leur appartenance au Parti national du Bangladesh (le PNB) satisfait au critère à deux volets de la partie a ) de la définition de réfugié au sens de la Convention prévue au paragraphe 2(1) de la Loi. Cet argument ne tient pas compte de la première partie du critère, selon laquelle un lien doit être établi entre la persécution dont font l"objet les demandeurs - en l"espèce, la persécution qui a hâté l"appel à la protection de la police - et les motifs de persécution énumérés dans la Loi. Une fois que ce lien est établi, le refus de la police de protéger les demandeurs peut être examiné au regard de la deuxième partie de la définition. En conséquence, la présente demande porte sur la question de savoir si un tel lien existe.

[6]      Les demandeurs prétendent que les opinions politiques du demandeur principal et son appartenance à un groupe social constituent le lien entre la persécution et les motifs énumérés que requiert la définition de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur principal craint d"être persécuté du fait de son appartenance au groupe des substituts du procureur général qui est affilié au PNB. Toutefois, il a été menacé en raison de ce qu"il a fait en tant qu"individu, et non pas précisément en raison de son appartenance à ce groupe. D"après son témoignage, le demandeur principal était la cible de personnes qu"il avait lui-même poursuivies plutôt que de personnes que d"autres substituts du procureur général avaient poursuivies. En conséquence, la persécution était fondée sur ses actes, plutôt que sur ses opinions politiques ou sur son appartenance au groupe en question. En outre, il a été établi que " [l]a crainte d'une vengeance personnelle ne constitue pas la crainte de persécution. " (Marincas c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (23 août 1994), IMM-5737-93 (C.F. 1re inst.). Dans ce contexte, je ne crois pas que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur principal n"était pas persécuté en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social (voir Canada (Procureur général) c. Ward , [1993] 2 R.C.S 689, à la page 745).

[7]      Enfin, je conviens avec le défendeur que la Commission était dessaisie quand les demandeurs ont, le 17 mai 1999, faxé leurs éléments de preuve postérieurs à l"audience. Dans Tambwe-Lubemba c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (15 avril 1999), IMM-1979-98, le juge McKeown a conclu que la date de la notification de la décision est sans rapport avec la question de savoir quand la décision a effectivement été rendue. Il a écrit :

     [3] En ce qui concerne la question de savoir si la Commission était dessaisie, les faits pertinents sont les suivants. L'audience a eu lieu le 19 janvier 1998. La décision de la Commission est datée du 13 mars 1998. Peu après cette date, un employé de la Commission a induit l'avocat des demandeurs en erreur en lui disant que la décision n'avait pas encore été rendue; l'avocat des demandeurs a alors fait parvenir à la Commission, le 25 mars 1998, un document intitulé " Guidelines for Refugees and Asylum Seekers from the Democratic Republic of Congo ". Ce document contient des renseignements sur le " risque auquel étaient exposés d'ex-Zaïrois propriétaires d'entreprises prospères ", et le demandeur affirme qu'il appartient à cette catégorie. La notification de la décision a été signée et envoyée aux demandeurs le 3 avril 1998.
     [4] Je souscris aux motifs prononcés par le juge Nadon dans l'affaire Keita c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (IMM-343-93, 29 avril 1994), et je conclus que la Commission n'avait pas l'obligation d'examiner des éléments de preuve supplémentaires après avoir signé ses motifs écrits en date du 13 mars 1998. La Commission était dessaisie; aucune demande de réouverture de l'audience n'a été présentée. Il est regrettable que la décision de la Commission n'ait pas été communiquée aux demandeurs plus tôt, mais ce fait n'a aucune répercussion sur la décision qui a été rendue le 13 mars 1998. Selon moi, la date du 3 avril 1998 est sans rapport avec la question de savoir quand la décision a effectivement été rendue, moment auquel la Commission a été dessaisie. Le paragraphe 69.1(9) précise que la Section du statut de réfugié " rend sa décision sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le plus tôt possible après l'audience et la notifie à l'intéressé et au ministre par écrit ". Comme ce libellé l'indique, le prononcé de la décision et la notification de la décision sont deux choses distinctes.
     [5] L'arrêt Shairp c. MRN, [1989] 1 C.F. 562, est nettement différent parce que, dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale avait été saisie d'une déclaration orale faite par le juge avant le " [dépôt et l'inscription d']une décision écrite ". À mon avis, dans l'affaire dont je suis saisi, la Commission a été dessaisie dès qu'elle a signé les motifs le 13 mars 1998.

(Voir également la décision Stambouli c. Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (12 août 1999), IMM-4456-98).

[8]      Pour l"ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[9]      La demande de certification fondée sur le paragraphe 83(1) de la Loi qu"ont présentée les demandeurs est rejetée compte tenu des " Observations [écrites] du défendeur relativement aux questions que les demandeurs demandent à cette Cour de certifier " déposées en l"espèce le 25 avril 2000.

                                     YVON PINARD
                                 _________________________
                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 mai 2000



Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-2868-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ALI AHMED et autres
                     c.
                     MCI
LIEU DE L"AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 11 AVRIL 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :          LE 17 MAI 2000

ONT COMPARU :

MME PIA ZAMBELLI                      POUR LE DEMANDEUR
MME CAROLINE DOYON                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MME PIA ZAMBELLI                      POUR LE DEMANDEUR
M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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