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Date : 20001130

Dossier : IMM-3137-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 NOVEMBRE 2000

DEVANT : MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

MAHMOUD MAGDI Abdel Moneim

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La décision du 25 mai 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un agent des visas autre que Mona Fahmy et George Sutherland.

                  Danièle Tremblay-Lamer                                                                                                                             Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


Date : 20001130

Dossier : IMM-3137-99

ENTRE :

MAHMOUD MAGDI Abdel Moneim

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle George Sutherland (l'agent des visas) a refusé, le 25 mai 1999, la demande de résidence permanente que M. Mahmoud Magdi Abdel Moneim (le demandeur) avait présentée au Caire, en Égypte.

[2]         Le 12 avril 1997, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants, à l'ambassade du Canada, au Caire, en Égypte, en vue d'immigrer au Canada avec sa famille.


[3]         Le 4 janvier 1998, l'agente des visas Mona Fahmy a refusé la demande.

[4]         Le 20 juillet 1998, le juge Teitelbaum a accueilli la demande de contrôle judiciaire que le demandeur avait présentée et a ordonné que la demande de résidence permanente soit appréciée par un nouvel agent des visas[1].

[5]         Le 21 septembre 1998, l'agent des visas George Sutherland, de l'ambassade du Canada, au Caire, en Égypte, a apprécié le demandeur afin de déterminer s'il pouvait immigrer au Canada à titre de « comptable » .

[6]         Par une lettre en date du 25 mai 1999, l'agent des visas a informé le demandeur que la demande était refusée parce qu'il n'avait pas obtenu le nombre minimum de 70 points d'appréciation nécessaire en vertu du Règlement sur l'immigration de 1978[2]. Le demandeur avait obtenu 66 points selon la CCDP et 63 points selon la CNP.

[7]         L'agent des visas a également refusé la demande parce que le demandeur n'avait pas répondu d'une façon franche à toutes les questions qui lui avaient été posées.


[8]         Le demandeur soutient en premier lieu que l'attitude et la conduite de l'agent des visas donnaient lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[9]         Le demandeur et sa conjointe ont tous les deux déposé un affidavit au sujet de l'attitude et de la conduite de l'agent des visas au cours de l'entrevue du 21 septembre 1998. Le demandeur allègue que l'agent des visas s'est adressé à lui en criant, qu'il était d'humeur querelleuse, qu'il a été agressif, qu'il était impatient et qu'il l'a accusé de mentir au sujet de son expérience de « second comptable » .

[10]       L'agent des visas a également déposé un affidavit dans lequel il nie les allégations du demandeur. L'agent des visas déclare qu'il se rappelle clairement ne pas s'être adressé au demandeur en criant, ne pas avoir eu une attitude agressive et impatiente à l'entrevue et ne pas avoir dit au demandeur qu'il mentait au sujet de son expérience à titre de « second comptable » .

[11]       Le critère qui s'applique à la crainte raisonnable de partialité a été énoncé dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » .[3]


[12]       En l'espèce, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que l'agent des visas avait été partial au cours de l'entrevue du 21 septembre 1998. La Cour a devant elle des éléments de preuve contradictoires qui lui rendent la tâche difficile lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui s'est réellement passé à l'entrevue. Même si l'agent des visas avait manifesté une certaine agressivité envers le demandeur, cela n'aurait pas donné lieu à une crainte raisonnable de partialité[4].

[13]       Il est clair qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que l'attitude et la conduite de l'agent des visas ne donnent pas lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[14]       En second lieu, le demandeur soutient que l'agent des visas a adopté une approche trop restrictive à l'égard de sa demande en se conformant strictement aux conditions d'accès à la profession de « comptable » énoncées dans la CCDP et dans la CNP.

[15]       L'agent des visas a tenu compte de l'expérience professionnelle et des fonctions du demandeur dans leur ensemble, comme le montrent les notes consignées dans le CAIPS et l'affidavit qu'il a établi, avant de conclure que le demandeur ne remplissait pas les conditions énoncées dans la CCDP et dans la CNP et il n'a donc pas attribué de points d'appréciation pour l'expérience.


[16]       Le demandeur a admis qu'il n'exerçait pas toutes les fonctions énoncées, mais qu'il exerçait certaines de ces fonctions seulement. Je ne crois pas que la CNP et la CCDP puissent être interprétées d'une façon si stricte qu'elles excluent le demandeur qui n'exerce pas toutes les fonctions énoncées. La CNP dit qu'un comptable remplit une partie ou l'ensemble des fonctions spécifiées.

[17]       Je reconnais que le mandat de l'agent des visas permet à celui-ci d'accorder plus d'importance à certaines fonctions, mais à mon avis, il est déraisonnable de ne pas attribuer de points d'appréciation pour l'expérience à un comptable qui a exercé certaines des principales fonctions pendant au moins deux ans.

[18]       Ainsi, comme je l'ai fait remarquer dans la décision Patel[5], il est intéressant de tenir compte des fonctions précises d'un juge telles qu'elles sont énoncées dans la CNP pour comprendre qu'il faut faire preuve d'une certaine souplesse en appréciant les conditions d'accès à la profession. Ainsi, il est intéressant de lire les principales fonctions exercées par un juge, telles qu'elles sont énoncées dans la CNP :

Fonctions principales

Les juges remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

·                        présider les tribunaux, interpréter et établir des règles de procédure et rendre un jugement concernant la recevabilité de la preuve;

·                        informer les jurés sur les lois applicables à la cause en question;

·                        examiner et apprécier la preuve présentée et rendre un verdict de culpabilité ou d'innocence ou déterminer le degré de responsabilité de l'accusé ou du défendeur dans les causes qui ne sont pas entendues devant un jury;


·                        prononcer une peine à l'égard des coupables condamnés dans des causes criminelles et fixer le montant des dommages-intérêts ou déterminer le recours approprié en matière civile;

·                        prononcer les divorces et diviser les biens entre les époux;

·                        décider de la garde des enfants lorsque les parents ne s'entendent pas ou qu'il y a d'autres tuteurs;

·                        appliquer les décisions judiciaires concernant les droits de visite et de soutien;

·                        superviser, s'il y a lieu, d'autres juges et officiers de la cour.[6]

[19]       Il est évident qu'en ma qualité de juge de la Cour fédérale, je n'exerce pas de fonctions en matière de droit criminel ou de droit familial et je ne remplis donc pas un grand nombre de conditions.

[20]       J'estime en outre que l'agent des visas a commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve pertinents. L'Administration du port d'Alexandrie a attesté l'authenticité de la documentation confirmant que le demandeur avait été promu au poste de « second comptable » . Le résultat de la vérification était concluant et l'agent des visas ne pouvait pas omettre d'en tenir compte parce que cela contredisait certaines déclarations peu importantes qui avaient été faites dans l'affidavit du demandeur et à l'entrevue au sujet du moment où il avait été promu. De fait, la documentation confirme que le demandeur avait été promu au poste de « second comptable » au moins deux ans plus tôt.


[21]       Enfin, en ce qui concerne l'application du paragraphe 9(3) de la Loi, j'estime que quelques contradictions, en ce qui concerne le moment où le demandeur a été promu au poste de second comptable, lesquelles ont été expliquées dans l'affidavit du demandeur, ne sauraient servir de fondement suffisant pour permettre à l'agent des visas de conclure à l'inexactitude des réponses.

[22]       Pour ces motifs, la décision du 25 mai 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée pour réexamen par un agent des visas autre que Mona Fahmy et George Sutherland.

                  Danièle Tremblay-Lamer                                                                                                                             Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 novembre 2000

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE LA PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-3137-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         MAHMOUD MAGDI Abdel Moneim c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 21 NOVEMBRE 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER EN DATE DU 30 NOVEMBRE 2000.

ONT COMPARU :

Pascal Lescarbeau                                            POUR LE DEMANDEUR

Michel Pépin                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pascal Lescarbeau                                            POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] (20 juillet 1998), IMM-4355-96 (C.F. 1re inst.).

[2] DORS/78-172.

[3] Committee for Justice and Liberty et autres c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394.

[4] P. Garant, Droit administratif, 4e éd., vol. 2 (Cowansville : Éditions Yvon Blais, 1996) à la p. 393 et aux pages suivantes.

[5] Shailesh Babubhai Patel c. MCI (30 novembre 2000), IMM-1121-00 (C.F. 1re inst.).

[6] Classification nationale des professions, 1992, code 4111 juges.

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