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Date : 20210729


Dossier : IMM‑794‑21

Référence : 2021 CF 803

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

DEQUAN LI

GUANGYU ZHENG

demandeurs

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La présente demande vise l’obtention d’une ordonnance de mandamus contraignant le ministre défendeur à terminer le traitement des demandes de cartes de résident permanent [RP] d’une durée d’un an des demandeurs, ainsi que d’une ordonnance enjoignant au défendeur d’envoyer les cartes de RP directement à une adresse résidentielle au Canada. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] n’a pas fourni de motifs écrits.

II. Contexte

[2] Les demandeurs, M. Dequan Li et Mme Guangyu Zheng, sont des citoyens chinois. Ils ne savent ni lire ni écrire l’anglais. Avec l’aide de leur fille, Hong Yan Li, ils ont demandé le renouvellement de leur carte de résident permanent [RP] canadienne le 29 mars 2019.

[3] Des mandats d’arrestation à l’échelle nationale ont été émis contre les demandeurs le 12 avril 2019 en raison de leur défaut de comparaître pour une enquête devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[4] Les représentants d’IRCC ont commencé à traiter les demandes le 25 avril 2019. Une entrée dans le dossier du Système mondial de gestion des cas [le SMGC] de Mme Zheng, datée du 19 juillet 2019, indique qu’elle est admissible à une carte de RP d’une durée d’un an et qu’elle fait également l’objet d’un mandat ouvert.

[5] En février 2020, l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a annulé les mandats.

[6] Le 16 mars 2020, les bureaux d’IRCC ont été fermés au public en raison de la pandémie de la COVID‑19. Trois jours plus tard, les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation et de mandamus afin d’enjoindre au ministre de traiter leurs demandes (IMM‑2009‑20).

[7] Le 2 septembre 2020, IRCC a envoyé une lettre aux demandeurs les informant de l’approbation de leurs demandes de renouvellement des cartes de RP. Les cartes de remplacement des demandeurs ont été traitées le 22 septembre et sont valides pendant un an à compter de la date d’émission. Les cartes ont été envoyées au bureau d’IRCC à Vancouver. La demande qu’IRCC envoie les cartes de RP à l’adresse résidentielle des demandeurs au Canada a été rejetée.

[8] J’ai rejeté la demande d’autorisation et de mandamus dans la décision IMM‑2009‑20 le 26 octobre 2020.

[9] Le 12 mars 2021, IRCC a envoyé une lettre aux demandeurs les invitant à récupérer leurs cartes de RP imprimées au bureau de Vancouver le 31 mars 2021. Les lettres indiquaient que leur présence en personne était requise, conformément au paragraphe 58(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS 2002/227 [le RIPR].

[10] Cela fait maintenant plus de deux ans qu’ils ont demandé de nouvelles cartes de RP. À ce jour, les demandeurs n’ont pas regagné le Canada depuis plus de deux ans en raison du retard dans le traitement de leurs cartes de RP. Ils n’ont pas été en mesure de voir leur fille ou leurs deux petits‑enfants (qui sont tous citoyens canadiens). S’ils devaient revenir, ils seraient soumis à quatorze jours de quarantaine en raison de la pandémie de la COVID‑19 en cours.

III. La question en litige

[11] Une ordonnance de type mandamus devrait‑elle être délivrée pour obliger le défendeur à envoyer les cartes de RP des demandeurs directement à leur adresse résidentielle canadienne?

IV. Dispositions pertinentes

[12] Parmi les dispositions pertinentes figure le paragraphe 53(1) du RIPR :

Carte de résident permanent

Permanent Resident Cards

Attestation de statut

Document indicating status

53 (1) Pour l’application du paragraphe 31(1) de la Loi, l’attestation de statut de résident permanent est une carte de résident permanent :

53 (1) For the purposes of subsection 31(1) of the Act, the document indicating the status of a permanent resident is a permanent resident card that is

a) soit remise par le ministère à la personne qui est devenue résident permanent sous le régime de la Loi;

(a) provided by the Department to a person who has become a permanent resident under the Act; or

b) soit délivrée par le ministère, sur demande, à la personne qui est devenue résident permanent sous le régime de la Loi ou à celle qui a acquis ce statut en vertu de la Loi sur l’immigration, chapitre I‑2 des Lois révisées du Canada (1985), dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 31 de la Loi.

(b) issued by the Department, on application, to a permanent resident who has become a permanent resident under the Act or a permanent resident who obtained that status under the Immigration Act, chapter I‑2 of the Revised Statutes of Canada, 1985, as it read immediately before the coming into force of section 31 of the Act.

[13] De plus, l’article 55 du RIPR prévoit ce qui suit :

Délivrance

55 La remise ou la délivrance de la carte de résident permanent se fait au Canada.

Delivery

55 A permanent resident card shall only be provided or issued in Canada.

[14] Et de plus, l’article 58 prévoit ce qui suit :

Exigence de se présenter

(3) Le résident permanent qui fait une demande aux termes de l’article 56 doit, afin de se voir remettre la carte de résident permanent, se présenter aux date, heure et lieu mentionnés dans un avis envoyé par courrier par le ministère. Si le résident permanent ne se présente pas dans les cent quatre‑vingts jours suivant la première mise à la poste d’un avis, la carte est détruite et il doit, s’il veut qu’une autre carte lui soit délivrée, faire une nouvelle demande.

Attendance required

(3) A permanent resident who applies for a permanent resident card under section 56 must, in order to be provided with the card, attend at the time and place specified in a notice mailed by the Department. If the permanent resident fails to attend within 180 days after the Department first mails a notice, the card shall be destroyed and the applicant must make a new application in order to be issued a permanent resident card.

[15] Enfin, l’article 59 du RIPR prévoit ce qui suit :

Délivrance d’une nouvelle carte de résident permanent

Issuance of new permanent resident card

59 (1) L’agent délivre, sur demande, une nouvelle carte de résident permanent si les conditions suivantes sont réunies :

 

59 (1) An officer shall, on application, issue a new permanent resident card if

a) le demandeur n’a pas perdu son statut de résident permanent aux termes du paragraphe 46(1) de la Loi;

(a) the applicant has not lost permanent resident status under subsection 46(1) of the Act;

b) sauf réhabilitation — à l’exception des cas de révocation ou de nullité — en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, le demandeur n’a pas été condamné sous le régime des articles 123 ou 126 de la Loi pour une infraction liée à l’utilisation frauduleuse d’une carte de résident permanent;

(b) the applicant has not been convicted under section 123 or 126 of the Act for an offence related to the misuse of a permanent resident card, unless a pardon has been granted and has not ceased to have effect or been revoked under the Criminal Records Act;

c) le demandeur satisfait aux exigences prévues aux articles 56 et 57 et au paragraphe 58(4);

(c) the applicant complies with the requirements of sections 56 and 57 and subsection 58(4);

c.1) dans le cas d’un demandeur visé à l’alinéa 12.1m) qui est âgé de quatorze ans ou plus, celui‑ci a fourni ses renseignements biométriques à l’appui de sa demande;

(c.1) in the case of an applicant referred to in paragraph 12.1(m) who is 14 years of age or older, the applicant has provided their biometric information in support of their application; and

d) le demandeur rend sa dernière carte de résident permanent, à moins qu’il ne l’ait perdue ou qu’elle n’ait été volée ou détruite, auquel cas il doit donner tous éléments de preuve pertinents conformément au paragraphe 16(1) de la Loi.

(d) the applicant returns their last permanent resident card, unless the card has been lost, stolen or destroyed, in which case the applicant must produce all relevant evidence in accordance with subsection 16(1) of the Act.

Effet de la délivrance de la nouvelle carte

Issuance of new permanent resident card — effect

(2) Emporte révocation de la carte de résident permanent préalablement délivrée la délivrance d’une nouvelle carte.

(2) A previously issued permanent resident card is revoked on the issuance of a new permanent resident card.

 

V. Analyse

[16] Les parties conviennent que les critères pour obtenir une ordonnance de mandamus ont été établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742 (CAF) au paragraphe 45 :

i. Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public;

ii. L’obligation doit exister envers le requérant;

iii. Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment, le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation et il y a eu une demande d’exécution de l’obligation;

iv. Lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, il faut tenir compte de la nature et de la manière dont est exercé le pouvoir discrétionnaire;

v. Le requérant n’a aucun autre recours;

vi. L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

vii. Rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

viii. Compte tenu de la « balance des inconvénients », une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

[17] Les parties semblent convenir qu’il existe une obligation légale d’agir à caractère public. Le ministre a l’obligation de traiter les demandes de RP et, si elles sont approuvées, de délivrer des cartes de RP.

[18] Les demandeurs sont d’avis que le ministre a manqué à cette obligation parce que la « délivrance des cartes », selon eux, comprend l’obligation implicite de fournir physiquement les cartes aux résidents permanents. Ils concèdent qu’il n’y a pas d’obligation légale explicite de délivrer les cartes directement, mais soutiennent qu’il n’y a pas non plus d’empêchement légal à le faire. Ils font valoir que, pendant que les bureaux d’IRCC étaient fermés au public, le ministre aurait dû envoyer les cartes de RP par la poste à leur adresse résidentielle au Canada, puisque le fait de garder les cartes [traduction] « en suspens » va à l’encontre de l’objectif de leur délivrance.

[19] Les demandeurs semblent admettre que les bureaux d’IRCC sont maintenant ouverts et qu’ils ont été expressément invités à venir chercher leur carte de RP au bureau de Vancouver le 31 mars 2021. Cependant, les demandeurs n’ont pas retiré leur demande d’autorisation. Ils maintiennent que le ministre devrait tout de même envoyer les cartes de RP directement à leur adresse résidentielle, mais pour une raison différente : ils sont à l’extérieur du Canada et ne peuvent pas revenir au Canada sans leurs cartes. Je ne vois pas comment l’envoi des cartes à une adresse résidentielle canadienne permettrait aux demandeurs de les récupérer s’ils ne peuvent pas revenir au Canada sans ces cartes.

[20] À leur retour au Canada, les demandeurs seraient soumis à une quarantaine de quatorze jours en raison de la pandémie de la COVID‑19. Par conséquent, ils soutiennent que, même s’ils pouvaient revenir au Canada, il n’y avait pas suffisamment de temps entre la lettre datée du 12 mars 2021 et le rendez‑vous pour récupérer les cartes de RP du 31 mars 2021 pour qu’ils puissent arriver au Canada et aller chercher les cartes.

[21] Les demandeurs soutiennent qu’il y a eu un retard déraisonnable dans le traitement de leur demande de RP, et qu’il était déraisonnable pour le défendeur de refuser d’envoyer les cartes de RP directement à leur résidence canadienne, étant donné les fermetures de bureaux liées à la pandémie et les exigences de quarantaine. Il devrait y avoir une obligation implicite de délivrer les cartes de RP d’une manière pratique. Par conséquent, ils soutiennent que la Cour devrait ordonner au ministre de poster les cartes à leur adresse résidentielle au Canada.

[22] En revanche, le défendeur est d’avis que les critères d’obtention d’une ordonnance de mandamus n’ont pas été remplis. Le ministre n’a pas refusé de s’acquitter d’une obligation puisque les demandes de RP ont été traitées, les cartes ont été imprimées et les demandeurs ont été invités au bureau de Vancouver pour les récupérer. Le défendeur fait valoir que la Cour n’a pas compétence pour ordonner au ministre d’envoyer les cartes de RP à la résidence canadienne des demandeurs parce que l’envoi des cartes à une résidence ne fait pas partie des fonctions du ministre.

[23] Étant donné que l’ordonnance de mandamus exige d’un demandeur qu’il démontre que le défendeur a refusé d’accomplir une tâche exigée par le demandeur et, qu’en l’espèce, le ministre s’est acquitté activement de cette tâche en traitant la demande de RP des demandeurs, la position du défendeur est que la demande d’ordonnance de mandamus est désormais sans objet.

[24] Le ministre a rempli son obligation légale à caractère public. Il n’y a pas eu de refus de délivrer les cartes de RP. Il n’est pas contesté que les demandes de RP ont été traitées et approuvées, et que les cartes de RP sont prêtes à être récupérées. La demande d’autorisation a été accordée au motif que les bureaux d’IRCC étaient fermés et qu’il n’y avait aucun moyen pour les demandeurs d’obtenir leurs cartes de RP. Maintenant que les cartes de RP sont prêtes à être récupérées et que les bureaux sont ouverts, la demande est sans objet.

[25] L’argument des demandeurs selon lequel les cartes de RP doivent être envoyées par courrier au domicile des personnes est sans fondement. Au contraire, le paragraphe 58(3) du RIPR précise clairement que les personnes dont la demande de carte de RP a été acceptée doivent se présenter à l’heure et à l’endroit mentionnés par le ministre afin de recevoir leur nouvelle carte de RP. En l’espèce, le ministre a mentionné le 31 mars 2021 au bureau d’IRCC de Vancouver.

[26] Le fait que les voyageurs internationaux doivent rester en quarantaine pendant quatorze jours n’est pas pertinent puisque l’article 58 du RIPR précise également que les résidents permanents ont 180 jours après la date de délivrance pour récupérer leur carte en personne. De plus, la date de récupération des cartes de RP peut, et aurait pu, être reportée sur demande.

[27] Compte tenu de ce qui précède, la demande est sans objet, mais de toute façon, les demandeurs n’ont pas satisfait aux critères relatifs à une ordonnance de mandamus. La présente demande sera donc rejetée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑794‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑794‑21

 

INTITULÉ :

DEQUAN LI AND GUANGYU ZHENG c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE par Vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 27 juillet 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge MANSON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 29 juillet 2021

 

COMPARUTIONS :

Lawrence Wong

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Edward Burnet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lawrence Wong & Associates

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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