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Date : 20210706


Dossier : IMM-5190-20

Référence : 2021 CF 711

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2021

En présence de l'honorable juge Shore

ENTRE :

ANGELO GILBERT MANZI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 28 août 2020 par la Section d’appel des réfugiés (SAR) dans laquelle la SAR a confirmé le rejet de la demande d’asile du demandeur puisqu’il n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, art 96-97(1) [LIPR].

[2] Le demandeur est citoyen du Rwanda et il demande le statut de réfugié pour crainte et pour menaces des autorités l’obligeant de se parjurer et de rendre un faux témoignage pour incriminer un couple, propriétaire d’un hôtel, dont le mari est déjà décédé. Le demandeur a quitté le pays en juin 2016 accompagné par un passeur, passant par l’Ouganda. Il est arrivé au Canada muni d’un passeport qui n’est pas le sien et avec un faux nom.

[3] La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile au motif que le demandeur n’a pas établi son identité et qu’il a manqué de crédibilité par rapport à sa demande, son témoignage contenant des incohérences et ses allégations étant invraisemblables. La SAR a confirmé cette décision en s’attardant à son identité.

[4] Le présent contrôle judiciaire porte sur l’analyse indépendante de la SAR et la raisonnabilité de ses conclusions. Une « décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 85).

[5] Le demandeur soumet que la nouvelle preuve, soit une lettre d’un officier de l’état civil, devait être admise puisqu’elle explique l’erreur dans l’acte de naissance. Il argue également que la SAR n’a pas procédé à une analyse indépendante de la preuve, a erré en déterminant que le demandeur n’a pas établi son identité et aurait dû poursuivre l’analyse sur sa crainte.

[6] Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 aux para 34-35 [Singh] est clair à l’effet que le paragraphe 110(4) permet l’admissibilité de la nouvelle preuve que dans des circonstances limitées, et ce, sans discrétion de la part de la SAR : soit l’élément de preuve est survenu depuis le rejet de la demande d’asile, n’était pas normalement accessible ou l’était, mais que la personne en cause ne l’aurait pas normalement présenté dans les circonstances au moment du rejet. Les critères énoncés par la jurisprudence en matière d’admissibilité trouvent également application (Singh, ci-dessus, au para 49).

[7] La preuve en question est une lettre datée du 25 janvier 2019 qui mentionne qu’une erreur aurait été commise par un officier de l’état civil lors de la signature de la copie conforme à l’original de l’acte de naissance du demandeur. La SAR a conclu que la lettre n’était pas admissible puisqu’elle n’a pas été présentée avec le dossier d’appel le 7 mars 2019 conformément aux exigences réglementaires. Elle n’avait de plus aucune valeur probante, n’étant pas suivie de la nouvelle version de l’acte de naissance. Enfin, la lettre ne visait à corriger qu’une erreur identifiée par la SPR.

[8] En effet, l’article 110(4) de la LIPR ne vise pas à donner la possibilité de compléter un dossier défectueux, mais plutôt à corriger des erreurs de fait, de droit ou mixtes de fait et de droit (Singh, ci-dessus, au para 54). Indépendamment de ce qui précède, la lettre n’est pas déterminante pour la demande.

[9] Il est bien établi que lorsque le tribunal est convaincu « qu’une ou plusieurs des pièces d’identité d’un demandeur d’asile ont été obtenues frauduleusement ou sont par ailleurs non authentiques, la présomption selon laquelle les autres pièces d’identité du demandeur d’asile sont valides ne s’applique plus, du fait que le fondement de cette présomption a été érodé » (Teweldebrhan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 418 au para 16).

[10] À l’évidence du dossier, la SAR a conclu que le demandeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, son identité. Ceci étant déterminant, elle n’a pas poursuivi l’analyse sur la crainte du demandeur.

[11] Alors que les motifs invoqués par la SAR sont brefs, ils sont intelligibles et raisonnables. L’identité d’un demandeur d’asile est primordiale et elle peut s’avérer déterminante pour la demande (voir LIPR, art 106; Bah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 373 au para 7; Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 773 au para 4). La Cour est également satisfaite que la SAR a procédé à une analyse indépendante du dossier, en appliquant la norme de la décision correcte, afin d’arriver à sa propre conclusion, notamment en lisant la transcription de l’audience devant la SPR, ainsi que la preuve documentaire.

[12] Pour tous ces motifs, la Cour rejette la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT au dossier IMM-5190-20

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5190-20

INTITULÉ :

ANGELO GILBERT MANZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 JUIN 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

Walid Ayadi

 

Pour LE DEMANDEUR

 

André Capretti

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Walid Ayadi

Montréal (Québec)

 

Pour LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour LE DÉFENDEUR

 

 

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