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Date : 20210723


Dossier : IMM-4460-20

Référence : 2021 CF 784

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2021

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

DON OSANDA BUDDHIKA HIRIMUTHUGODA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, Don Osanda Buddhika Hirimuthugoda, est un citoyen sri-lankais. Il dit craindre d’être persécuté au Sri Lanka par la division des enquêtes sur le terrorisme, l’armée, la police et les extrémistes bouddhistes. Il affirme qu’en raison de son amitié avec deux personnes considérées comme des partisans des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (TLET), ces groupes pensent qu’il soutient les TLET.

[2] La Section de la protection des réfugiés [la SPR], après avoir constaté des omissions et des incohérences importantes dans le récit du demandeur, a conclu que ce dernier manquait de crédibilité de façon générale et a rejeté sa demande d’asile. Puis, la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté l’appel du demandeur au motif que l’allégation de persécution au Sri Lanka n’était pas crédible.

[3] Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAR au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. La demande soulève deux questions :

  1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur dans son appréciation de la crédibilité du demandeur, notamment de sa crainte subjective, en procédant à un examen microscopique et sélectif des éléments de preuve?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en ne faisant pas droit à la demande sur place du demandeur et en ne tenant pas compte du risque auquel il serait exposé en tant que rapatrié au Sri Lanka en raison de son association présumée avec les TLET?

[4] Après avoir examiné attentivement les observations écrites et orales des parties, je ne saurais conclure que l’intervention de la Cour est justifiée. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que les conclusions de la SAR en matière de crédibilité sont raisonnables et déterminantes. Je suis également d’avis que la SAR n’a pas commis d’erreur en s’appuyant sur ses conclusions en matière de crédibilité lorsqu’elle a examiné la demande sur place et que son appréciation de la demande sur place était raisonnable.

II. Norme de contrôle

[5] La cour de révision applique par présomption la norme de contrôle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 23 [Vavilov]). En l’espèce, aucune des raisons mentionnées dans l’arrêt Vavilov qui pourraient justifier de déroger à cette présomption ne s’applique (aux para 33, 53). Par conséquent, j’examinerai les conclusions de la SAR concernant la crédibilité et la demande sur place selon la norme de la décision raisonnable (Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1145 aux para 6-7; Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 907 au para 4).

[6] Il incombe à la partie qui conteste la décision assujettie à la norme du caractère raisonnable de démontrer qu’elle est déraisonnable. Pour s’acquitter de ce fardeau, il faut démontrer que les lacunes sont plus que superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Les lacunes doivent être telles qu’elles ne satisfont pas aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence du raisonnement du décideur et du résultat final, au regard des faits et du droit applicable (Vavilov aux para 100, 102, 105).

III. Analyse

A. La SAR n’a pas procédé à un examen microscopique et sélectif des éléments de preuve

[7] Le demandeur conteste une série de conclusions défavorables de la SAR en matière de crédibilité concernant des incidents essentiels détaillés dans l’exposé qu’il a présenté à l’appui de sa demande. Il soutient que les conclusions défavorables de la SAR en matière de crédibilité sont le résultat d’un examen microscopique et déraisonnable des détails de cet exposé. En outre, il fait valoir que la SAR l’a déraisonnablement obligé à fournir une preuve documentaire corroborante sous la forme d’un rapport de police et qu’elle a déraisonnablement écarté la preuve documentaire présentée. Enfin, il soutient que la SAR a déraisonnablement conclu qu’il s’était réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine.

[8] Contrairement à ce que soutient le demandeur, bon nombre des omissions et des incohérences relevées par la SAR ne sont ni mineures ni microscopiques. Elles portaient sur les incidents mêmes sur lesquels le demandeur s’appuyait pour faire valoir sa demande. Elles contenaient des détails importants, notamment la nature des blessures que le demandeur a subies à la suite de plusieurs volées de coups qu’il aurait reçues des différents agents de persécution. Les incohérences relevées et examinées par la SAR visaient notamment les éléments de preuve relatifs à la nature des blessures subies, au traitement médical demandé par la suite et à la personne qui a fourni les soins médicaux.

[9] La SAR a également pris en compte les retours fréquents du demandeur au Sri Lanka et la durée de ces visites, concluant qu’ils démontraient une absence de crainte subjective, un facteur qui, selon la SAR, minait la crédibilité du demandeur. La SAR a examiné chaque période où le demandeur s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine et a détaillé ses préoccupations dans chaque cas. La SAR a analysé l’argument selon lequel le demandeur s’est réclamé à plusieurs reprises de la protection de son pays d’origine, car sa crainte ne s’est manifestée qu’après son retour définitif en 2017. Elle a souligné que cet argument était incompatible avec le témoignage qu’il a présenté devant la SPR, à savoir qu’il avait craint de retourner au Sri Lanka lors d’une période précédente, en 2016.

[10] Par conséquent, l’analyse sous‑jacente de la SAR et sa conclusion relative au fait que le demandeur s’est réclamé à nouveau de la protection de son pays d’origine sont justifiées, transparentes et intelligibles.

[11] Je conviens avec le demandeur que plusieurs incohérences soulignées par la SAR sont mineures et ne justifient pas, à elles seules, une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Toutefois, cela joue peu en sa faveur. La SAR n’était pas tenue d’examiner isolément les nombreuses incohérences et omissions. La SAR était en droit de prendre en compte l’accumulation d’incohérences, de contradictions et d’omissions et de s’y fier pour conclure à un manque de crédibilité (Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 au para 22 [Lawani]). De plus, la SAR était habilitée à examiner les retours fréquents du demandeur au Sri Lanka et les explications changeantes qu’il a données pour justifier le fait qu’il n’a pas demandé le statut de réfugié aux États‑Unis. Dans ses motifs, la SAR a examiné de manière exhaustive chacune des incohérences préoccupantes, a détaillé les raisons de ces préoccupations et a répondu aux explications du demandeur, le cas échéant. Les conclusions de la SAR en matière de crédibilité sont raisonnables.

[12] Ayant raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible, la SAR pouvait exiger une preuve documentaire corroborante et réduire le poids à accorder à celle‑ci. La Cour a déjà précisé qu’un « manque de crédibilité concernant les éléments centraux d’une demande d’asile peut s’étendre à d’autres éléments de la demande et les entacher […] et s’appliquer de façon généralisée aux éléments de preuve documentaire présentés pour corroborer une version des faits » (Lawani au para 24).

B. La SAR n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de la demande sur place

[13] Lors de son examen de la demande sur place, la SAR s’est penchée sur la preuve documentaire et a précisé le profil des personnes susceptibles d’être à risque. La SAR a souligné que le demandeur n’était pas Tamoul, qu’il n’avait jamais été membre des TLET, qu’il n’avait pas participé à des manifestations ou à des activités liées aux TLET et qu’il n’était pas associé de manière crédible avec qui que ce soit de la diaspora tamoule. La SAR a également souligné que le fait que le demandeur ait souvent voyagé au Sri Lanka sans difficulté indique qu’il ne figurait pas sur une liste d’arrestation ou de surveillance.

[14] La SAR a conclu que les autorités sri-lankaises ne ciblent pas tous les réfugiés déboutés qui rentrent au pays. Le ciblage des rapatriés dépend plutôt de leur profil et de la question de savoir si les activités passées ou présentes de la personne seraient perçues comme une menace pour l’État. La SAR a conclu que le demandeur ne correspondait pas à ce profil.

[15] La SAR pouvait s’appuyer sur ses conclusions défavorables en matière de crédibilité pour apprécier la demande sur place, y compris sur son appréciation du profil du demandeur (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 904 au para 25; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 765 au para 36; Sanaei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 402 au para 55; Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1067 au para 27).

[16] De même, ayant raisonnablement conclu que le demandeur n’était pas crédible, la SAR pouvait raisonnablement conclure qu’il n’était pas exposé à un risque sérieux de détention ou à d’autres abus dont sont victimes, selon la preuve documentaire, certains rapatriés et demandeurs d’asile déboutés au Sri Lanka.

IV. Conclusion

[17] La décision de la SAR est raisonnable. La demande sera rejetée.

[18] Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4460-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4460-20

 

INTITULÉ :

DON OSANDA BUDDHIKA HIRIMUTHUGODA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JUIN 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 23 JUILLET 2021

 

COMPARUTIONS :

Yelda Anwari

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ladan Shahrooz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Razak Law

Etobicoke (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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