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Date : 20010530

Dossier : IMM-5171-99

Référence neutre : 2001 CFPI 555

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

NASIMA KHATUN

PRATTASHA KHATUN

demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée suivant l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), d'une décision rendue le 22 septembre 1999 par la Section du statut de réfugié (SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La SSR a conclu que les demanderesses n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention.


[2]                 Les demanderesses sollicitent l'annulation de la décision précédemment mentionnée et le renvoi de l'affaire à un tribunal différemment constitué pour réexamen.

Les faits

[3]                 La demanderesse principale, Nasima Khatun, et sa fille mineure, Prattasha Khatun, sont des citoyennes du Bangladesh qui sont arrivées au Canada le 17 décembre 1997. Les demanderesses ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention le lendemain de leur arrivée au Canada. Au soutien de leurs revendications, elles affirment craindre avec raison d'être persécutées au Bangladesh du fait de leur appartenance à un groupe social, à savoir les veuves au Bangladesh quant à la demanderesse principale et la famille quant à sa fille.


[4]                 Le mari de la demanderesse possédait au Bangladesh une entreprise de transport comprenant un camion et trois autobus. La demanderesse principale et son mari vivaient avec les parents de ce dernier. La demanderesse principale allègue que son mari a disparu le 21 février 1997 et elle suppose qu'il est décédé. Pendant un certain temps à la suite de la disparition de son mari, la demanderesse a reçu directement les revenus de l'entreprise. Toutefois, la demanderesse principale allègue que son beau-père et son beau-frère ont par la suite commencé à toucher les revenus de l'entreprise. Des disputes entre elle et sa belle-famille survenaient chaque fois qu'elle s'informait quant aux revenus de l'entreprise. La demanderesse principale prétend qu'elle a été brûlée et soumise à de la violence physique de la part de sa belle-famille.

[5]                 La demanderesse principale s'est rendue une fois au poste de police pour identifier un corps qui aurait pu être celui de son mari mais qui ne l'était pas. La demanderesse principale allègue qu'en revenant du poste de police des gens l'ont menacée et ont jeté sa fille par terre. Elle avait le sentiment que sa belle-famille était responsable de cet incident. Elle prétend que son beau-frère a commencé à lui faire des avances et qu'il l'a demandée en mariage en octobre ou novembre 1997. Elle a alors déménagé chez son père. Elle a refusé les avances de son beau-frère et elle prétend qu'il l'a alors menacée de lui lancer de l'acide au visage. La demanderesse prétend qu'après qu'elle fut arrivée au Canada, son beau-frère a battu son père pour lui arracher des renseignements sur ses allées et venues. Elle prétend que les coups reçus par son père ont entraîné son décès quelques jours plus tard.


[6]                 L'audience des demanderesses a débuté le 7 avril 1999 et a alors été ajournée au 9 juin 1999. Le tribunal qui a entendu les revendications des demanderesses était composé de deux membres, à savoir Sotto et Prabhakara. Deux jours après l'audience, l'avocat des demanderesses a présenté une requête en vue d'obtenir une audience de novo. Les demanderesses allèguent avoir une crainte raisonnable de partialité de la part du membre Sotto parce que : (a) il a interrogé la demanderesse principale dans le style d'un contre-interrogatoire de la poursuite qui est incompatible avec le rôle de décideur impartial; (b) il a interrogé la demanderesse principale d'une manière injuste lorsqu'il a quitté sa place, s'est penché au-dessus d'elle et l'a interrogée. Par une décision datée du 22 septembre 1999, la requête en vue d'obtenir une audience de novo et les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention ont été rejetées.

[7]                 La Commission a conclu à un manque de crédibilité de la demanderesse principale pour trois motifs : (1) elle a déclaré que son mari avait disparu en 1997, mais le certificat de naissance de sa fille daté de 1995 indique comme père le « défunt Ataur Rahman » ; (2) l'enveloppe qui contenait, à ce qui a été prétendu, une lettre datée du 28 février 1999 que sa soeur lui avait envoyée et par laquelle elle affirmait que son beau-frère avait battu et harcelé leur père porte le cachet de la poste du 13 ou du 18 février 1999; (3) elle a déclaré qu'elle ne comprenait pas un inconnu rencontré à son arrivée au Canada parce qu'il parlait anglais, mais durant l'interrogatoire elle a dit qu'elle ne le comprenait pas parce qu'il parlait hindi.

[8]                 La Commission déclare alors à la page 13 de sa décision :

            [TRADUCTION]


En mettant de côté la question de la crédibilité pour un instant, le tribunal conclut que la crainte de persécution de la part de sa belle-famille, en particulier de son beau-frère, que la revendicatrice allègue n'entre pas dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Le témoignage de la revendicatrice est que la motivation de sa belle-famille provient du fait qu'elle est maintenant légalement propriétaire des biens et des comptes de banque de son mari à la suite du décès de ce dernier. Le tribunal conclut qu'il n'y a pas de preuve que la belle-famille de la revendicatrice voulait la priver de sa fortune à cause de l'un de cinq motifs énoncés à la Convention, mais que la belle-famille voulait simplement s'approprier les biens de la revendicatrice. Le tribunal conclut, d'autre part, que la belle-famille de la revendicatrice commettait un crime. Le tribunal remarque que, suivant plusieurs décisions rendues par la Cour fédérale du Canada, une activité criminelle, peu importe le degré de répugnance qui s'y rattache, n'est pas un motif de persécution suivant la définition de réfugié au sens de la Convention.

[9]    À la même page, la Commission déclare ce qui suit à l'égard de la protection de l'État :

            [TRADUCTION]

De façon subsidiaire, même si le tribunal admettait que le préjudice causé à la revendicatrice par sa belle-famille entrait dans la définition de réfugié au sens de la Convention, il aurait quand même conclu qu'il est objectivement raisonnable de s'attendre à ce que la revendicatrice ait demandé la protection de l'État. [...] En outre, le tribunal remarque que, selon le témoignage de la revendicatrice, le principal responsable de la persécution qu'elle aurait subie, à savoir son beau-frère, a plusieurs antécédents de criminalité que l'État a condamné. Il avait semble-t-il été arrêté, condamné et puni à plusieurs reprises. La revendicatrice a témoigné qu'elle savait qu'il existe un système judiciaire au Bangladesh qui condamne les malfaiteurs comme son beau-frère. Elle avait accès à ce qu'il semble être un important compte de banque qu'elle aurait pu utiliser facilement pour engager un avocat. Cependant, au lieu de ce faire, elle a décidé de venir au Canada pensant qu'elle pourrait trouver un emploi ici ou à défaut qu'elle pourrait obtenir facilement de l'assistance financière du gouvernement du Canada.

Les questions en litige

[10]                         1.         Le tribunal a-t-il enfreint les règles de justice naturelle et les actes et le comportement du président du tribunal, M. Sotto, ont-ils suscité une crainte raisonnable de partialité?


2.          La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur de droit en soumettant au même tribunal qui avait soi-disant enfreint les règles de justice naturelle et suscité une crainte raisonnable de partialité, la requête en vue d'obtenir une audience de novo?

3.          Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que la demanderesse, Nasima Khatun, n'était pas crédible?

4.          Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu qu'il n'y avait pas de lien entre la crainte de persécution de la demanderesse et les motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention?

5.          La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que les demanderesses pouvaient se prévaloir de la protection de l'État au Bangladesh?

Les prétentions des demanderesses

1.          La crainte raisonnable de partialité

[11]            Les demanderesses citent le passage qui suit de l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 850 :


Il a été décidé que le test relatif à la crainte raisonnable de partialité pouvait varier, comme d'autres éléments de l'équité procédurale, selon le contexte et le genre de fonction exercée par le décideur administratif concerné : Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; Vieux St-Boniface, précité, à la p. 1192.    Le contexte en l'espèce est que les agents d'immigration doivent régulièrement prendre des décisions qui ont une très grande importance pour les personnes visées, mais qui souvent ont aussi une incidence sur les intérêts du Canada comme pays.    Ce sont des décisions de nature individuelle plutôt que générale.    Elles exigent également une grande sensibilité.    Le Canada est une nation en grande partie composée de gens dont les familles ont émigré dans les siècles derniers.    Notre histoire démontre l'importance de l'immigration, et notre société est l'exemple des avantages de la diversité de gens originaires d'une multitude de pays.    Parce qu'elles visent nécessairement des personnes de provenances diverses, issues de cultures, de races et de continents différents, les décisions en matière d'immigration exigent de ceux qui les rendent sensibilité et compréhension.    Elles exigent qu'on reconnaisse la diversité ainsi qu'une compréhension des autres et une ouverture d'esprit à la différence.

Les demanderesses prétendent qu'une analyse semblable s'applique aux membres de la SSR. Elles soutiennent que lorsqu'une revendication est présentée par une femme pour des motifs fondés sur son sexe, les membres du tribunal doivent faire preuve d'une délicatesse accrue dans la procédure utilisée.


[12]            Les demanderesses soumettent que les actes du membre du tribunal, compte tenu qu'il s'agissait d'une audience pour une revendication du statut de réfugiée fondée sur la persécution du fait du sexe de la revendicatrice, amèneraient une personne raisonnable à conclure que le membre du tribunal a agi d'une manière hostile et qu'il ne trancherait pas la question d'une manière impartiale. Lorsqu'il a quitté le podium pour s'approcher de la demanderesse principale qui a alors regardé son ami, le membre du tribunal lui a dit [TRADUCTION] : « S'il vous plaît, ne regardez pas votre ami » et [TRADUCTION] : « Si vous le faites de nouveau, je vais faire sortir votre ami de la salle d'audience » . La demanderesse principale affirme que sa réaction de regarder son ami démontre la crainte ressentie lorsque le membre du tribunal s'est approché d'elle.

[13]            Les demanderesses prétendent que le membre du tribunal Sotto pouvait présenter un élément de preuve documentaire en demandant à l'avocat ou à l'agent d'audience de montrer le document. Le membre du tribunal Prabhakara avait le document en main et la demanderesse en a pris acte avant que le membre du tribunal Sotto commence à l'interroger. Par conséquent, il y avait d'autres façons, selon ce que prétendent les demanderesses, pour le membre du tribunal Sotto de présenter le document. Les demanderesses invoquent Kumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1988] 2 C.F. 14 (C.A.F.) à l'appui de leur prétention qu'il y a un manquement à la justice naturelle lorsqu'un membre du tribunal manifeste un comportement gênant et intimidant au cours d'une audience.

[14]            La Loi permet à l'agent d'audience de « convoquer des témoins, y compris l'intéressé, et les interroger, produire des documents et présenter des observations. » Ainsi, les demanderesses prétendent qu'il aurait été plus approprié pour l'agent de présenter le document et de l'interroger. Leur avocat l'a en fait demandé 4 ou 5 minutes après que le membre du tribunal Sotto eut quitté sa place pour présenter le document. Les demanderesses prétendent que la demande de leur avocat peut être considérée comme une opposition soulevée dans un délai raisonnable aux actes du membre du tribunal.


[15]            Les demanderesses invoquent la décision Villalobos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 168 F.T.R. 201 (C.F. 1re inst.) dans laquelle la Cour a déclaré à la page 209 :

Une demande d'audition orale pour qu'une requête sollicitant qu'un décideur soit dessaisi d'une affaire ne doit pas être traitée à la légère.    À mon avis, il est très difficile pour la personne qui doit statuer sur la requête de comprendre pleinement les prétentions de l'avocat, peu importe le fondement des observations écrites, tant que la requête n'est pas entendue dans le contexte de ses fondements juridiques, et oralement si l'avocat en fait la demande.

2.          Requête en vue d'obtenir une audience de novo

[16]            On prétend que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle a décidé, sans l'avoir entendue oralement tel que les demanderesses le demandaient, de la requête d'une audience de novo à tenir devant un tribunal différemment constitué. En outre, les demanderesses prétendent que les actes du membre du tribunal Sotto, lorsqu'il a agi comme s'il était un enquêteur sur les actes qui lui sont reprochés, lorsqu'il a tiré des conclusions de fait à l'égard de ses propres actes et lorsqu'il a rejeté la requête et la revendication des demanderesses, ont suscité une crainte raisonnable de partialité. L'arrêt McBain c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1985] 1 C.F. 856 (C.A.F.), est cité à l'appui de cette prétention.


[17]            La Commission fait remarquer aux pages 13 et 14 de sa décision que, au lieu de rester au Bangladesh, la revendicatrice [TRADUCTION] « a décidé de venir au Canada pensant qu'elle pourrait trouver un emploi ici ou à défaut qu'elle pourrait obtenir facilement de l'assistance financière du gouvernement du Canada » . Une telle remarque suscite une crainte raisonnable de partialité selon la prétention des demanderesses. Les demanderesses prétendent que leur témoignage quant à la disponibilité de l'assistance financière du gouvernement a été fait dans le contexte d'explications selon lesquelles la demanderesse principale, ou toute autre femme, ne pouvait vivre au Bangladesh sans l'assistance de membres de sa famille. Selon la demanderesse, ce commentaire est aussi pertinent quant à la possibilité d'un refuge intérieur. Alors que la demanderesse principale répondait à la question [TRADUCTION] « de quelle façon un déménagement loin de votre famille rend-il les choses différentes du Bangladesh » , il est évident qu'elle essayait d'expliquer la différence existant entre la situation au Canada et celle au Bangladesh. La demanderesse principale prétend qu'elle a clairement affirmé que, avant son départ du Bangladesh, elle ne savait pas si le gouvernement du Canada offrait de l'assistance et qu'elle ne savait pas si elle pourrait travailler au Canada. La demanderesse principale prétend que le fait de lui prêter l'intention malhonnête de vouloir abuser des systèmes canadiens d'immigration et d'assistance financière lorsqu'elle a pris sa décision de s'enfuir du Bangladesh ferait conclure à une personne raisonnable, après avoir appliqué le critère adéquat, que la Commission ne trancherait pas la revendication d'une manière équitable.

3.          La crédibilité

[18]            Le certificat de naissance


La demanderesse principale a obtenu le certificat de naissance de sa fille après avoir quitté le Bangladesh et ne pouvait pas expliquer pourquoi le mot « défunt » précédait le nom de son mari sur ce document. Les demanderesses prétendent qu'il est vraisemblable que le mot ait été ajouté au document après sa préparation. La demanderesse principale prétend ensuite que la Commission n'avait pas de raison de conclure que la demanderesse [TRADUCTION] « avait induit intentionnellement en erreur » la Commission en n'ayant pas initialement indiqué au tribunal qu'elle avait demandé à sa soeur une explication quant à l'utilisation du mot « défunt » sur le document. Étant donné la façon dont le membre du tribunal Sotto était penché au-dessus d'elle au moment où elle témoignait et l'effet qu'il produisait sur elle, la demanderesse principale prétend qu'il était raisonnable dans les circonstances qu'elle ait répondu qu'elle ne savait pas quoi dire.

[19]            La date de la lettre                                               

Les demanderesses soumettent qu'il y a trois cachets de la poste superposés sur les timbres-poste de l'enveloppe et que les dates sont illisibles. Par conséquent, les demanderesses prétendent que la preuve n'appuie pas la conclusion tirée par la Commission. Quoi qu'il en soit, les demanderesses prétendent que la Commission adopte une vision microscopique de la preuve. Dans l'arrêt Attakora c. Canada (Ministre l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168, la Cour d'appel fédérale a déclaré à la page 169 :

Bien que la Commission ait une tâche difficile, elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions de personnes qui, comme le présent requérant, témoignent par l'intermédiaire d'un interprète et rapportent des horreurs dont il existe des raisons de croire qu'elles ont une réalité objective.


Dans le même ordre d'idées, les demanderesses allèguent que lorsque des éléments de preuve matérielle soumis au soutien d'une revendication sont contestés lors d'une audience, la Commission ne devrait pas manifester une vigilance excessive en tranchant la question. La demanderesse principale a témoigné avoir reçu d'autres lettres de sa soeur, et que par conséquent il est possible que les enveloppes aient été confondues. Ainsi, la demanderesse principale prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la preuve fournie quant au décès de son père avait été [TRADUCTION] « concoctée » pour [TRADUCTION] « renforcer une revendication très faible » .

4.          La rencontre avec un inconnu                              

[20]            La demanderesse principale prétend en outre que la transcription de l'audience montre qu'elle n'avait pas au départ compris l'homme rencontré à l'aéroport de Toronto parce qu'il avait d'abord parlé en anglais et qu'elle avait répondu en hindi. Le témoignage de la demanderesse principale était crédible. Les demanderesses prétendent que la Commission a l'obligation d'examiner tous les éléments de preuve pour tirer sa conclusion quant à la crédibilité, mais qu'elle a commis une erreur lorsqu'elle a choisi de s'en tenir à seulement certains éléments de preuve pour fonder sa décision. Les demanderesses soumettent l'arrêt Owusu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 33, A-1146-87 (31 janvier 1989) (C.A.F.), au soutien de leur prétention.


5.          Le lien

[21]            Les demanderesses prétendent que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle n'a pas tenu compte du motif invoqué pour leur revendication. La Commission a conclu qu'il n'y avait pas de lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention parce que la crainte de la demanderesse principale était que son beau-frère la dépossède de ses biens, ce qui constituait un acte criminel. En fait, tel que la demanderesse principale l'a exprimé à l'audience, et la preuve documentaire le corrobore, elle craignait que son beau-frère lui lance de l'acide au visage.


[22]            La demanderesse principale a déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels et à l'audience que son beau-frère la menaçait de lui lancer de l'acide au visage si elle ne l'épousait pas. Les demanderesses prétendent que la Commission n'a pas fait référence à cette déclaration lorsqu'elle a décidé de la question du lien de la revendication. Les demanderesses prétendent que la preuve documentaire montre clairement que les agressions à l'acide sont courantes au Bangladesh, notamment contre les femmes qui refusent des avances sexuelles ou des demandes en mariage. Les demanderesses citent divers rapports qui confirment ces prétentions. La demanderesse principale prétend que le lien entre sa crainte de persécution et l'un des motifs de la Convention est son « appartenance à un groupe social » , soit celui d'une femme au Bangladesh qui refuse une demande en mariage d'un homme qui l'a menacée de lui lancer de l'acide. Elle est aussi victime d'abus et de violence de la part de sa belle-famille. La demanderesse principale prétend que le fait qu'elle est de sexe féminin entraîne qu'elle répond de façon claire à la définition de « groupe social » et invoque l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au soutien de sa prétention.

[23]            La demanderesse principale prétend que le fait que sa belle-famille voulait s'approprier ses biens était en partie la raison sous-jacente des coups infligés et du désir de son beau-frère de l'épouser. Cependant, elle soumet que sa belle-famille la contrôlait avant la disparition de son mari parce qu'elle était une femme et que la raison sous-jacente des menaces de son beau-frère était son refus de l'épouser. La Cour a jugé que des femmes faisant l'objet de violence familiale dans leur pays d'origine appartenaient à un « groupe social » , notamment dans Narvaez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 2 C.F. 55 (C.F. 1re inst.); Diluna c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 29 Imm. L.R. (2d) 156 (C.F. 1re inst.) et Vidhani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] 3 C.F. 60 (C.F. 1re inst.). Par conséquent, les demanderesses prétendent que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle n'a pas traité de façon précise de la question de la persécution du fait de leur sexe dans ses motifs. Mohamed c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 73 F.T.R. 159 (C.F. 1re inst.) est invoqué au soutien de la prétention des demanderesses.

6.          La protection de l'État


[24]            Les demanderesses prétendent que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents lorsqu'elle a conclu qu'il n'existait aucune [TRADUCTION] « preuve claire et convaincante que l'État était incapable de la protéger du harcèlement et des mauvais traitements que sa belle-famille lui infligeait » . Les demanderesses prétendent que bien qu'il existe au Bangladesh un appareil d'État pour protéger les victimes de violence familiale et de menaces d'agressions à l'acide, la preuve est claire et convaincante que cette protection n'est pas disponible en pratique. Les demanderesses affirment avoir soumis à la Commission de nombreux éléments de preuve documentaire au soutien de leur prétention. L'assurance générale donnée par la Commission selon laquelle elle avait tenu compte de toute la preuve est insuffisante.

Les prétentions du défendeur

[25]            La norme de contrôle

Le défendeur prétend que la norme de contrôle appropriée en l'espèce est de savoir si la Commission a agi d'une manière manifestement déraisonnable. Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.); Jahan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 987, IMM-3434-99 (22 juin 2000) (C.F. 1re inst.); Cihal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 257 N.R. 62 (C.A.F.) sont invoqués au soutien de la prétention du défendeur.


[26]            La partialité

Le défendeur prétend qu'il n'existe pas de preuve que les demanderesses ont soulevé à l'audience devant la Commission leur crainte de partialité ou de manque d'indépendance ou d'impartialité. Par conséquent, les demanderesses ont renoncé à leur droit de subséquemment s'opposer en invoquant ces motifs. Le défendeur appuie sa prétention sur l'arrêt In Re Tribunal des droits de la personne c. Énergie atomique du Canada Ltée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.F.). Subsidiairement, le défendeur prétend que les demanderesses ont eu droit à une audience qui respectait les règles de justice naturelle.

[27]            Le défendeur allègue que la Loi permet la tenue, relativement à des revendications du statut de réfugié, d'audiences informelles lors desquelles les règles juridiques et techniques de la preuve ne sont pas obligatoires. Dans le cadre d'une audience, la Commission est habilitée à assigner toute personne à comparaître, à recevoir des serments, à interroger toute personne assermentée et à « prendre toutes autres mesures nécessaires à une instruction approfondie de l'affaire » . La Loi permet clairement aux membres de la Commission d'interroger le revendicateur afin de correctement prendre connaissance de sa preuve. Le défendeur cite quatre décisions au soutien de sa prétention. Les membres de la Commission, selon la prétention du défendeur, ont le droit d'interroger afin d'éclaircir les éléments de preuve et doivent avoir la latitude nécessaire à cet égard.


[28]            Le défendeur prétend que le membre du tribunal n'a pas agi d'une manière déraisonnable lorsqu'il a demandé à la demanderesse principale de ne plus regarder son ami avant de répondre à la question. Il essayait de faire en sorte qu'elle réponde par elle-même sans l'assistance de son ami. Le fait de s'approcher de la demanderesse principale afin qu'ils examinent ensemble le certificat de naissance de sa fille et le fait de rester près d'elle pendant qu'il la questionnait quant à ce certificat ne sont pas des motifs suffisants pour faire craindre raisonnablement la partialité, notamment parce que l'avocat des demanderesses ne s'est pas immédiatement opposé à ce que le membre du tribunal, qui est retourné à sa place lorsque l'avocat lui a demandé de le faire, agisse ainsi.

[29]            La déclaration [TRADUCTION] « a décidé de venir au Canada en pensant qu'elle pourrait trouver un emploi ici ou à défaut qu'elle pourrait obtenir facilement de l'assistance financière du gouvernement du Canada » n'est qu'une énumération de faits évidents. Cette déclaration a été faite en rapport avec le choix que la demanderesse principale avait fait de venir au Canada au lieu d'utiliser ses ressources financières pour poursuivre en justice son beau-frère. Par conséquent, cette déclaration ne signifie pas qu'il existait de la partialité. Le défendeur prétend en outre qu'il était correct pour le premier tribunal de décider si une crainte raisonnable de partialité existait, notamment parce que la décision peut par la suite faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour.


[30]            Le défendeur prétend que la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a conclu que la demanderesse principale n'était pas crédible quant aux aspects les plus importants de sa revendication pas plus qu'elle n'a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée d'une manière abusive ou arbitraire ou sans avoir pris en compte la preuve dont elle disposait. Les demanderesses contestent essentiellement, selon le défendeur, le poids que la Commission a accordé au témoignage de la demanderesse principale par rapport à la preuve documentaire soumise. Les questions de crédibilité et d'appréciation de la preuve sont des questions qui relèvent de la compétence de la Commission en tant que juge des faits. Le défendeur invoque la déclaration faite par M. le juge Thurlow dans l'arrêt Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 346, A-987-84 (29 mai 1986) (C.A.F.) :

Nous estimons que la plaidoirie de l'avocat du requérant ne soulève que des questions ayant trait à la crédibilité et au poids des éléments de preuve et ne fournit aucun fondement légal permettant à cette cour de modifier la décision de la Commission d'appel de l'immigration.

[31]            Quant à la soi-disant menace de lui lancer de l'acide que le beau-frère de la demanderesse principale lui avait faite, le défendeur prétend que le fait que les motifs écrits ne résument pas tous les éléments de preuve soumis n'entraîne pas qu'il y ait eu une erreur de droit susceptible de contrôle judiciaire. Tel que le fait remarquer la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 à la page 318, « Le fait que la Commission n'a pas mentionné dans ses motifs une partie quelconque de la preuve documentaire n'entache pas sa décision de nullité. »


[32]            Le défendeur prétend que la Commission pouvait arriver à la conclusion que des explications raisonnables n'avaient pas été données quant à la rencontre de la demanderesse principale avec un inconnu à l'aéroport et de son témoignage quant à savoir s'il parlait hindi ou anglais. Même si la Commission a mal interprété la demanderesse sur cette question, ce qui est réfuté, le défendeur prétend que de toute façon cette question n'était pas déterminante dans la conclusion défavorable du tribunal quant à la crédibilité.

[33]            Le critère de réfugié au sens de la Convention

Les motifs de la Commission mentionnent qu'elle a pris en compte l'élément subjectif de la crainte de persécution alléguée et qu'elle a analysé si la crainte subjective était objectivement une crainte fondée et avait un lien avec la définition. Le défaut des demanderesses d'établir un lien donnait à la Commission un motif raisonnable de conclure que les demanderesses n'avaient pas satisfait au critère. Bien qu'une crainte subjective puisse exister, si elle n'a pas un lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention et s'il est décidé qu'il n'existe pas de possibilité raisonnable que les demanderesses soient persécutées du fait de l'un des motifs énoncés dans la Convention si elles retournent dans leur pays, ces dernières ne satisferont pas au critère. L'arrêt Ward, précité, est soumis au soutien de cette prétention.


[34]            Le défendeur prétend que généralement, sauf s'il y a un effondrement complet de l'appareil étatique, on suppose que l'État est capable de protéger ses citoyens. Un revendicateur doit fournir une confirmation claire et convaincante de l'incapacité de l'État à le protéger. Selon le défendeur, le dossier mentionne que la Commission était tout à fait au courant de la crainte que la demanderesse principale avait de son beau-frère, mais qu'elle a raisonnablement conclu que l'État aurait été disposé à la protéger contre lui si elle avait demandé d'être protégée. De plus, le dossier mentionne que le Bangladesh n'a pas par le passé hésité à condamner le beau-frère de la demanderesse de divers crimes, et une menace de blesser quelqu'un fait sans aucun doute partie de ces crimes.

Les dispositions pertinentes de la Loi

[35]            La définition de « réfugié au sens de la Convention » contenue dans la Loi sur l'immigration est rédigée comme suit :



« réfugié au sens de la Convention » Toute personne_:

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques_:

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

2(1) "Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),


[36]            Première question en litige

Le tribunal a-t-il enfreint les règles de justice naturelle et les actes et le comportement du président du tribunal, M. Sotto, ont-ils suscité une crainte raisonnable de partialité?

                                                         

Les demanderesses prétendent que le membre du tribunal, lorsqu'il a quitté sa place pour s'approcher de la demanderesse à la barre des témoins afin de la questionner quant au certificat de naissance de sa fille qu'il avait en main et lorsqu'il a dit à la demanderesse de ne pas regarder son ami sans quoi il ferait quitter la salle d'audience à cet ami, a enfreint les règles de justice naturelle étant donné que son comportement a créé une crainte de partialité.

[37]            Le critère de crainte raisonnable de partialité a été énoncé par M. le juge de Granpré, en dissidence, dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

Le critère a été réaffirmé à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada.


[38]            J'ai examiné les transcriptions de l'audience et il ne m'a pas été possible de conclure que le comportement du membre du tribunal Sotto a entraîné une crainte de partialité. Ma compréhension de la transcription est que M. Sotto était des plus polis envers la demanderesse. En fait, à un moment donné, la demanderesse principale, après que M. Sotto eut expliqué plus en détail sa question, a mentionné qu'elle comprenait alors la question. De plus, lorsque l'avocat a demandé à M. Sotto de retourner à sa place, ce dernier s'est exécuté. Ce comportement ne m'indique pas que le membre du tribunal ne déciderait d'une manière juste de la revendication de la demanderesse principale telle qu'énoncée dans Committee for Justice and Liberty, précité. Je dois ajouter cependant qu'en pratique, il serait préférable dans le cas où le membre du tribunal souhaite interroger un revendicateur ou un témoin, qu'il le fasse de sa place ou, par exemple, qu'il demande la permission de l'avocat du demandeur pour s'approcher du témoin. Dans ces affaires d'immigration, il faut se rappeler que l'alinéa 67(2)b) de la Loi donne à un membre de la Section du statut de réfugié le pouvoir d'interroger toute personne sous serment.

[39]            Quant à la consigne à la demanderesse principale de ne pas regarder son ami sans quoi l'ami devrait quitter la salle, elle ne soulève pas une crainte raisonnable de partialité. Le membre de la Commission peut avoir donné cette consigne pour de nombreuses raisons. La Commission est de façon certaine responsable de sa propre procédure sous réserve évidemment des règles de justice naturelle. Le dossier ne révèle pas le motif pour lequel cette consigne a été donnée et je ne devrais pas faire d'hypothèse étant donné que je ne fais qu'examiner le dossier pour la demande de contrôle judiciaire.


[40]            Deuxième question en litige

La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur de droit en soumettant au même tribunal qui avait soi-disant enfreint les règles de justice naturelle et suscité une crainte raisonnable de partialité, la requête en vue d'obtenir une audience de novo?

Les demanderesses ont présenté à la CISR le 11 juin 1999 une requête pour une audience de novo. La requête alléguait qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part du président du tribunal et demandait à la CISR de [TRADUCTION] « corriger sa propre atteinte aux règles de justice naturelle » . L'audience de la revendication des demanderesses s'était terminée le 9 juin 1999 et la décision avait été reportée. Je suis d'avis que, dans la mesure où la requête n'était pas tardive, la personne appropriée pour décider s'il existe ou non une crainte de partialité est la personne contre qui cette partialité est invoquée. La décision d'une telle personne, ou la décision de la Commission, dont cette personne fait partie, par rapport à la question de savoir s'il existe ou non une crainte de partialité peut être correcte ou incorrecte, mais elle devrait d'abord être rendue, et puis faire l'objet de tout contrôle qui est par la suite disponible. À mon avis, l'allégation de la crainte de partialité doit d'abord être soumise à la personne contre laquelle l'allégation est faite. Je dois de plus ajouter qu'une allégation de crainte de partialité doit être faite au moment où la personne constate pour la première fois les faits au soutien de son allégation. En l'espèce, ce moment aurait été lors de l'audience elle-même. Je n'ai pas à décider si dans la présente affaire le retard à présenter la requête entraînait une renonciation à ce droit.


[41]            Troisième question en litige

Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que la demanderesse, Nasima Khatun, n'était pas crédible?

Les principales questions soulevées par rapport à la crédibilité des demanderesses avaient trait au certificat de naissance de la fille de la demanderesse principale, aux dates sur une enveloppe contenant une lettre envoyée à la demanderesse par sa soeur et à la rencontre avec un inconnu à l'Aéroport international Pearson à son arrivée au Canada. Le certificat de naissance de la fille de la demanderesse principale mentionnait que le mari de la demanderesse était le « défunt » Ataur Rahman. Cette mention, selon la conclusion de la Commission, signifierait que le mari de la demanderesse était décédé lorsque les renseignements pour la délivrance du certificat ont été obtenus au cours de 1995. Le propre témoignage de la demanderesse principale mentionnait que son mari avait disparu en 1997. Quant à la rencontre avec un inconnu à l'Aéroport international Pearson, il y avait incohérence sur le point de la langue dans laquelle l'inconnu s'était adressé à elle, en anglais ou en hindi.

[42]            La Cour d'appel fédérale a statué que les questions de crédibilité et d'appréciation de la preuve sont de la compétence de la Section du statut de réfugié en tant que juge des faits. Le juge Thurlow dans l'arrêt Brar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] A.C.F. no 346, A-987-84 (29 mai 1986) (C.A.F.), a déclaré :


Nous estimons que la plaidoirie de l'avocat du requérant ne soulève que des questions ayant trait à la crédibilité et au poids des éléments de preuve et ne fournit aucun fondement légal permettant à cette cour de modifier la décision de la Commission d'appel de l'immigration.

J'ai examiné les motifs des conclusions tirées par la Commission quant à la crédibilité. Je ne vois aucun motif pour intervenir quant aux conclusions tirées par la Commission à cet égard.

[43]                         Quatrième question en litige

Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu qu'il n'y avait pas de lien entre la crainte de persécution de la demanderesse et les motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention?


Si je comprends bien la décision de la Commission, elle a tiré une conclusion selon laquelle la belle-famille de la demanderesse principale cherchait à la déposséder des biens et des comptes de banque qu'elle avait reçus de son mari, non pas pour l'un des cinq motifs énoncés à la Convention, mais pour que les membres de la belle-famille puissent s'approprier ces biens. La belle-famille de la demanderesse principale commettait un crime, mais cela ne constitue pas en soi un motif de persécution selon la définition de réfugié au sens de la Convention. La référence à la menace proférée par le beau-frère de la demanderesse de lui lancer de l'acide au visage, bien que la Commission n'en ait pas traité précisément, est incluse dans l'analyse relative à la perpétration d'un crime. Il n'est pas essentiel que la Commission mentionne expressément chaque élément de preuve. Je conclus que la décision de la Commission était raisonnable quant à la question du lien entre la crainte de persécution de la demanderesse et les motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

[44]            Cinquième question en litige

La Section du statut de réfugié a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a conclu que les demanderesses pouvaient se prévaloir de la protection de l'État au Bangladesh?

La Commission a de plus conclu que même si elle avait reconnu que le tort causé à la demanderesse principale par sa belle-famille entrait dans la définition de réfugié au sens de la Convention, elle aurait conclu qu'il était [TRADUCTION] « objectivement raisonnable de s'attendre à ce que la revendicatrice ait demandé la protection de l'État » . À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a tiré sa conclusion. La preuve montre que le beau-frère de la demanderesse principale avait été accusé et emprisonné et qu'il existait au Bangladesh un système judiciaire pour s'occuper des individus tels que le beau-frère de la demanderesse.

[45]            Je suis d'accord aussi avec la conclusion de la Commission quant à la demanderesse mineure.

[46]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


[47]            Aucune des deux parties n'a demandé la certification d'une question grave de portée générale.

ORDONNANCE

[48]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 30 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-5171-99

INTITULÉ :                                                        Nasima Khatun et autre c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 24 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      Monsieur le juge O'Keefe

DATE DES MOTIFS :                                     Le 30 mai 2001

COMPARUTIONS :

Preevanda K. Sapru                                             pour les demanderesses

Amina Riaz                                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Preevanda K. Sapru                                            

Toronto (Ontario)                                                 pour les demanderesses

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     pour le défendeur

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