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Date : 20060725

Dossier : IMM-4381-05

Référence : 2006 CF 913

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2006

en présence de monsieur le juge phelan

 

 

Entre :

LEONOR STELLA MERIZALDE BARRETO

LAURA CRISTINA BERMUDEZ MERIZALDE

demanderesses

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

motifs du jugement et jugement

 

I.          Introduction

[1]               La demande d’asile de la demanderesse et de sa fille mineure a été rejetée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Leur demande était fondée sur leur citoyenneté colombienne et leur peur présumée de la persécution des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), une organisation de guérilla terroriste. La présente est la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

II.         Faits

[2]               La demanderesse principale déclare qu’elle a été violée en août 1992 par les FARC. Face aux menaces présumées de l’organisation, elle a fait une dénonciation publique de l’événement. La demanderesse principale soutient qu’elle a été menacée par les FARC au moyen de lettres et d’appels téléphoniques à la suite de l’agression et de la dénonciation.

 

[3]               À la fin de 1992, les demanderesses se sont enfuies aux États-Unis où leur demande d’asile a été refusée. Elles sont restées aux États-Unis espérant obtenir une amnistie, mais elles se sont finalement enfuies au Canada en 2004 pour y demander l’asile.

 

[4]               La Commission n’a pas fait droit à la demande d’asile pour les motifs suivants, tous liés à la crédibilité :

●          la demanderesse principale a omis de faire dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) une allégation importante sur laquelle elle témoigne maintenant;

            ●          le récit de la demanderesse principale comportait d’importantes incohérences;

●          il y avait des contradictions importantes entre le témoignage de la demanderesse principale fourni aux autorités américaines et celui qu’elle a donné à la Commission.

 

[5]               La question qui se pose dans la présente demande de contrôle judiciaire concerne la décision de la Commission de ne pas accorder d’importance aux lettres qui proviendraient des FARC. Ce faisant, la Commission s’est fondée sur son expérience acquise dans d’autres causes pour conclure que les éléments présentés pouvaient ne pas provenir des FARC.

 

[6]        Les demanderesses ont contesté les conclusions défavorables de la Commission sur la crédibilité et de plus, elles ont allégué que le rejet par la Commission des lettres des FARC portait atteinte aux exigences de la justice naturelle.

 

III.       Analyse

[7]        L’argument principal des demanderesses en ce qui a trait aux conclusions relatives à la crédibilité est que la Commission aurait appliqué le mauvais critère juridique. Cet argument porte sur l’extrait suivant des motifs de la Commission :

 

[…] même si l’on applique le critère de probabilité assez peu élevé énoncé par la Cour dans l’affaire Adjei, la demandeure d’asile ne serait pas exposée à une possibilité sérieuse de préjudice 13 ans après avoir été victime d’un viol au hasard.

 

[8]        Les demanderesses se sont inspirées de l’expression « critère de probabilité […] peu élevé » pour soutenir que la Commission avait appliqué le mauvais critère juridique. Le critère juridique pour savoir s’il y a un fondement à la demande d’asile est la possibilité « raisonnable » ou « la possibilité sérieuse » de préjudice au cas où le demandeur serait renvoyé dans son pays d’origine.

 

[9]        L’argument des demanderesses n’est pas convaincant. Il ne tient pas compte de l’ensemble de la citation et plus particulièrement de la conclusion déterminante selon laquelle, elles « ne serai[en]t pas exposée[s] à une possibilité sérieuse de préjudice […] ». Il s’agit du critère clé de la décision Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 67 (QL), [1989] 2 C.F. 680.

 

[10]      En ce qui a trait à l’allégation selon laquelle la Commission a manqué aux principes de justice naturelle en n’accordant pas d’importance aux lettres présumées des FARC, les demanderesses soutiennent que la Commission n’a pas appliqué l’article 18 des Règles de la Section de la protection des réfugiés qui est rédigé comme suit :

18. Avant d’utiliser un renseignement ou une opinion qui est du ressort de sa spécialisation, la Section en avise le demandeur d’asile ou la personne protégée et le ministre -- si celui-ci est présent à l’audience -- et leur donne la possibilité de :

18. Before using any information or opinion that is within its specialized knowledge, the Division must notify the claimant or protected person, and the Minister if the Minister is present at the hearing, and give them a chance to

a) faire des observations sur la fiabilité et l’utilisation du renseignement ou de l’opinion;

(a) make representations on the reliability and use of the information or opinion; and

b) fournir des éléments de preuve à l’appui de leurs observations.

(b) give evidence in support of their representations.

 

[11]      Un examen de la transcription de l’audience (aux pages 262 et 263) révèle que la Commission a avisé les demanderesses qu’elle avait des doutes sur les lettres des FARC, que ces doutes reposaient sur ses connaissances spécialisées et qu’elle avait donné au conseil la possibilité de répondre (le conseil a reconnu qu’il [traduction« pouvait [choisir de] ne pas » répondre).

 

[12]      Il est difficile de savoir ce que la Commission aurait pu faire de plus, indépendamment de l’article 18 des Règles. La Commission a certainement respecté l’article 18 des Règles.

 

[13]      Il y a une question sur le point de savoir si la Commission « a [eu] recour[s] » à ses connaissances spécialisées puisqu’elle n’a pas accordé d’importance aux lettres (voir la décision Qu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 124 (QL), 2006 CF 107). Il est inutile que je tranche cette question ici car si la Commission a eu recours à ses connaissances spécialisées, elle l’a fait conformément à l’article 18 des Règles et aux principes de justice naturelle.

 

IV.       Conclusion

[14]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

JUGEMENT

            La cour ordonne : La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4381-05

 

INTITULÉ :                                                               LEONOR STELLA MERIZALDE BARRETO

                                                            LAURA CRISTINA BERMUDEZ MERIZALDE

                                                                                    c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 4 JUILLET 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :       LE JUGE Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                                               LE 25 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jack C. Martin

 

     POUR LES DEMANDERESSES

Asha Gafar

 

             POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jack C. Martin

Avocat

Toronto (Ontario)

 

   POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

             POUR LE DÉFENDEUR

 

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